Disons tout haut ce que certains pensent sans doute déjà tout bas... L'essentiel des matières premières nécessaires à la création d'une université de langue française en Ontario existe déjà ! Ces matières premières sont d'ailleurs bien en évidence, sous la forme de professeurs, d'étudiants et de programmes, principalement à l'Université d'Ottawa, mais aussi à l'Université Laurentienne et dans d'autres institutions universitaires, telles le Collège Glendon (Université York) et le Collège d'Alfred (Université de Guelph). Il faudra bonifier, certes, mais la base est là !
Le problème, c'est que ces professeurs, étudiants et programmes vivent dans des encadrements bilingues sous la tutelle, parfois récente mais désormais permanente, de majorités anglophones et de dynamiques anglicisantes. Il n'y a pas beaucoup de manières de s'en sortir. Ou on veut une université de langue française ou on continuera de se satisfaire de demi-mesures éventuellement fatales... Il n'y a, selon ma perception, qu'un moyen efficace de créer cette université : c'est de décréter sans délai, par loi, son existence et d'ordonner que tous les programmes francophones actuels dans des institutions bilingues en fassent partie. Et que le tout passe sous gouvernance franco-ontarienne !
Toute autre solution - et je peux en imaginer des dizaines - aura pour conséquence d'étirer la solution sur des décennies et de multiplier les négociations et tiraillements dans un climat qui ne manquera pas de pourrir au fil des ans... La collectivité franco-ontarienne a besoin de cette université et ne peut plus se permettre le luxe d'attendre une conjoncture politique plus favorable. Cette conjoncture, elle est ici, maintenant. Dans l'état actuel de l'opinion publique anglophone, les successeurs du gouvernement Wynne ont toutes les chances d'être moins bien disposés envers la minorité franco-ontarienne.
Elle est finie, non, cette époque où l'on doive se fier à la « bonne volonté » de la majorité pour assurer la protection et la promotion des institutions de langue française? L'Université d'Ottawa peut jurer avec solennité son dévouement à la cause francophone mais la réalité de quelques-uns de ses comportements, jumelée à la minorisation des effectifs francophones depuis un demi-siècle, peint un portrait plus nuancé. Comment faire confiance à une administration qui a reculé devant la simple installation d'un drapeau franco-ontarien géant au coeur du campus, près de son Monument de la francophonie, par crainte d'offusquer les anglos?
Il existe une dynamique d'engagement francophone à l'Université, mais elle semble émaner bien plus du personnel et des étudiants que d'une volonté concertée de francisation des autorités. Le foisonnement de projets issus du Centre de recherche en civilisation canadienne-française de l'Université d'Ottawa et de certaines chaires de recherche témoigne de l'engagement de leurs titulaires et du dévouement d'individus occupant des postes clés. Les Linda Cardinal, François Charbonneau, Michel Bock, France Martineau et bien d'autres ont fait de l'U. d'Ottawa un carrefour incontournable pour la francophonie nord-américaine.
J'imagine déjà les hauts cris à l'idée de démanteler les universités bilingues et d'en extirper les professeurs et étudiants francophones de toutes les facultés... Les scénarios les plus catastrophiques seront brandis. Quant à moi, je fais confiance à nos cohortes de fonctionnaires et gestionnaires pour trouver une solution à ce joli casse-tête. Créer une université franco-ontarienne sans bouleverser le trajet éducatif des étudiants et professeurs dans quatre ou cinq institutions est certainement une opération à la portée de nos armées d'experts en gestion de crise, qui en ont vu bien d'autres... Posons leur la question. En un clin d'oeil, du choc des idées jailliraient des éléments de solution...
Le Regroupement étudiant franco-ontarien (REFO), flanqué de ses partenaires (l'AFO et la FESFO), a terminé ses consultations et tiendra en 2014 son sommet provincial des États généraux sur le postsecondaire en Ontario français. J'ai assisté à la consultation d'Ottawa et noté la volonté très ferme, quasi unanime, quant à la nécessité d'une gestion francophone du postsecondaire en français. Quand vient le temps de proposer des modèles, cependant, les divisions surgissent - c'est normal - et je n'ai pas entendu beaucoup de jeunes et de moins jeunes proposer une attaque frontale contre les institutions existantes. Or, je crains, à moins d'un coup de masse dans l'échafaudage actuel, qu'on découvre à l'usure que la stratégie « bilingue » est merveilleusement équipée pour résister très longtemps aux projets de francisation du postsecondaire...
Mon point de vue, je le crains, ne ralliera pas beaucoup d'adeptes... Or, il existe présentement un mouvement en marche, un mouvement qui a su rassembler des centaines de personnes, et qui a su jeter des ponts entre les organismes francophones et les générations. C'est déjà un exploit. Tout ce que je peux souhaiter, c'est que cette fois, les promoteurs d'un projet d'université franco-ontarienne ne se contentent pas de demi-solutions et que, contre toute attente, les grandes universités bilingues se rangent elles aussi derrière le projet.
En 2014... Envoyons d'l'avant, nos gens...
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