jeudi 29 mai 2014

Les années 50, la fin d'une époque?

Je n'ai rencontré Séraphin Marion* (http://bit.ly/1nGaHnB) qu'une fois dans ma vie. J'avais 17 ans, le patriarche franco-ontarien en avait 67. Eh, que je le trouvais vieux… Aujourd'hui c'est moi qui en ai 67 et je me dis que les jeunes de 17 ans doivent eux aussi me trouver bien fripé. Enfin, tout dépend du point de vue… Ma mère de 89 ans m'estime encore jeune et trouve ça un peu comique, parfois, que je lui parle des activités de mon club d'âge d'or...

Quoiqu'il en soit, retour à 1963… Le vénérable M. Marion était alors conférencier invité à l'un des déjeuners-causeries du cercle Saint-François d'Assise de l'Association de la jeunesse franco-ontarienne, auquel j'assistais. (Il faudra un jour que j'écrive sur ces déjeuners du dimanche matin où des dizaines de jeunes allaient ensemble à la grand-messe dans notre petit quartier jadis francophone d'Ottawa et se retrouvaient ensuite au sous-sol de l'église autour d'un déjeuner pour une causerie sur un thème lié à la francophonie. Une activité impensable en 2014…)

Je conserve un souvenir doux-amer de cette conférence, sans doute à l'image douce-amère de la situation que Séraphin Marion a dépeinte à son jeune auditoire. Dans un texte qu'il avait signé en 1951 sur la francophonie à Ottawa, il débordait d'énergie et d'optimisme pour l'avenir (je reviendrai sur ce texte ci-dessous). Or, à peine une douzaine d'années plus tard, le ton avait changé. Il restait en mode combat, mais un peu avec l'attitude de l'instructeur dont l'équipe encaisse un déficit de trois matches dans une série quatre de sept…

Que s'était-il passé depuis le début des années 50? L'arrivée de la télévision. La révolution musicale américaine depuis Elvis. L'ébullition au Québec depuis 1960. Vatican II, avec un début de laïcisation accélérée du Canada français. L'intensification de l'assimilation, particulièrement en milieu urbain (et notamment à Ottawa, ville natale de M. Marion). Le passage de la décennie des années 1950 à celle des années 1960 avait sans doute marqué la fin d'un certain monde…

En 1963, donc, Séraphin Marion était venu nous préparer à un rude combat linguistique dont l'issue n'avait rien de réjouissant. Les chances de succès lui apparaissaient désormais minces, ce qui ne devait pas cependant inciter les Franco-Ontariens à abandonner la lutte. Il nous avait lancé, à cet égard, une vieille citation de Guillaume d'Orange: «Point n'est besoin d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer.» Les vieux enracinés comme lui, disait-il, poursuivraient le combat - même perdant - jusqu'à la fin. Quant aux jeunes, eux, cependant, ils avaient un choix: rester en Ontario et s'engager aux côtés de leurs aînés, ou traverser la rivière et pousser de nouvelles racines au Québec…

Quel contraste avec son texte de 1951 dans la revue Vie française, intitulé Ottawa et la culture française en 1950. Notons au départ qu'il évoque ici Ottawa la ville, et non le gouvernement fédéral, pour lequel il semble avoir assez peu d'égards. À cette époque, selon un autre article de la même revue, Ottawa compte près de 50 000 francophones, soit 31% de la population (chiffres du recensement précédent, sans doute celui de 1941). Aujourd'hui, le nombre de francophones est plus élevé mais ne représente que 10% de la population totale de la capitale.

En 1950, le climat était fort différent. La mémoire de Séraphin Marion a déjà à cette époque emmagasiné un demi-siècle de souvenirs et d'expériences. «En 1900, écrit-il, bien rares étaient ceux qui, à Ottawa, cultivaient contre vents et marées de rares et pâles fleurs de la pensée française; en 1950, c'est toute une armée de manoeuvres, d'artisans, de techniciens, de spécialistes, de gens de lettres qui s'adonnent à ce travail er préparent pour leurs descendants un somptueux jardin qui rappellera, à certains égards, ceux de la France elle-même.» Ainsi, poursuit-il, «l'Ottawa français de 1950 est au diapason du Canada français de 1950 et du Canada français d'autrefois.»

Son évocation de la piètre situation des francophones de la capitale en 1900 est fort colorée. L'aire de leur influence ne dépassait guère à cette époque la Basse-Ville et la Côte-de-Sable au centre-ville. «Nos pères tout frais émoulus de villes québécoises où bourdonnait une activité bien française» se retrouvaient désormais dans «un petit désert où ils étaient menacés de s'enliser dans les sables mouvants  du fonctionnarisme, sables toujours monotones même quand ils conduisent , par des détours plus ou moins tortueux, aux arcanes de la politique et aux châteaux forts de l'arrivisme et du snobisme.»

Pour lui, la reconnaissance du fait français à Ottawa est liée à la venue d'un grand artiste de France (de Haute-Bretagne), Théodore Botrel, qui, après avoir été acclamé à Montréal et Québec, avait ajouté Ottawa à sa tournée, peu après 1900. Une grande première, faut-il comprendre. Cela, dit M. Marion, «remua profondément toutes les âmes françaises de la capitale». Cet événement ferait d'ailleurs «époque dans les annales françaises» d'Ottawa. Je n'avais jamais entendu parler de Théodore Botrel avant de lire ce texte de Séraphin Marion, mais voici un lien à sa chanson la plus célèbre de l'époque, La Paimpolaise, d'ailleurs mentionnée dans l'article de Vie française (http://bit.ly/1iv4QMp).

Entre 1900 et 1950, il semble que la vie française se soit intensifiée à Ottawa, comme en témoigne la prolifération de nombreuses organisations - l'Institut canadien (depuis 1852), l'Association canadienne-française d'éducation de l'Ontario (ACFEO) (depuis 1910 et, par la suite, fer de lance du combat contre le règlement 17), le journal Le Droit (depuis 1913, voir page Facebook LeDroit2013+ pour un autre extrait de cet article, à http://on.fb.me/1rjTxjt), la section outaouaise de l'Alliance française, l'Association technologique de langue française d'Ottawa (hauts fonctionnaires et traducteurs fédéraux, depuis 1920), la Société des conférences de l'Université d'Ottawa, le Comité France-Amérique d'Ottawa, la Société d'étude et de conférence (association féminine), une succursale de la Société des écrivains canadiens, ainsi que le Collège Dominicain et l'Université d'Ottawa.

Séraphin Marion cite d'ailleurs dans son texte un mémoire d'une de ces organisations, l'Association technologique de langue française d'Ottawa. Les fonctionnaires fédéraux auteurs du mémoire affirment notamment : «La langue compte parmi les premiers biens de l'héritage d'une civilisation. Elle est par excellence le moyen d'expression de la culture. Les deux sont si intimement liées qu'on les confond volontiers. Instrument de la pensée humaine, la langue vaut par sa correction, sa clarté, son éloquence. Préserver son intégrité et sa beauté, c'est préserver la culture elle-même.» Ce sont des propos qu'on entend guère au 21e siècle, même au Québec…

Une chose est sûre. Il reste sans doute peu d'exemplaires de la revue Vie française, dont les articles demeurent les témoins d'une autre époque. Ceux qui restent doivent être précieusement conservés, si ce n'est que pour pouvoir consulter, à l'occasion, des textes comme celui de Séraphin Marion*.

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* «Grand défenseur des droits des Franco-Ontariens, conférencier en grande demande, Séraphin Marion était jadis reconnu comme chef spirituel des Franco-Ontariens. Comblé d’honneurs, le maître à penser de l’Ontario français reste en mémoire par ses écrits et ses discours.»



dimanche 25 mai 2014

La rupture des années 1960: question de solidarité ou d'identité?

L'opinion généralement répandue, c'est qu'à partir des années 1960, et plus précisément après 1967, année des États généraux du Canada français, une rupture identitaire s'était opérée entre Québécois francophones et les minorités franco-canadiennes des autres provinces. Que les Québécois avaient en quelque sorte largué la composante « hors-Québec » de l'identité nationale « canadienne-française », pour se replier sur le territoire du Québec. L'appellation « nation québécoise » serait ainsi, en partie, selon cette thèse, un rejet de la vision pan-canadienne de la francophonie. On pourrait, je crois, argumenter que le nationalisme traditionnel a toujours été territorial au Québec, et que les liens avec les Acadiens et les Canadiens français des autres provinces relevaient davantage de la solidarité et de l'origine ethnique que d'une identité politique commune. C'est ce que j'ai tenté de présenter, il y a deux ans, dans le texte ci-dessous (que je reproduis aujourd'hui en partie seulement sur mon blogue). 

Après l’affirmation, dans le préambule de la Charte canadienne des droits et libertés de 1982, que le Canada reconnaît la suprématie de Dieu, un être auquel 23% des Canadiens ne croient pas[1] et dont le plus fin juriste ne réussirait pas à prouver l’existence, après avoir reconnu les « peuples autochtones » (article 35), et les « communautés linguistiques » française et anglaise du Nouveau-Brunswick (article 16.1), après avoir fait allusion aux minorités linguistiques francophones et anglophones dans toutes les provinces (article 23), la Charte fait totalement abstraction de la nation ou du peuple québécois, ou de son rôle et de son statut particuliers comme foyer d’un des deux peuples fondateurs du pays, investi d’une mission de protection et de promotion de la langue et de la culture françaises qui sont minoritaires au Canada et très, très minoritaires en Amérique du Nord.

« Il y a de la place dans la Charte pour le patrimoine multiculturel des Canadiens et pour les droits collectifs des peuples autochtones. Toutefois, il n’y en a pas pour l’idée de la différence québécoise et pour le principe que devraient en découler des conséquences juridiques »[2], observait  Guy Laforest dans un texte sur le 25e anniversaire de la Charte.

Faisant fi d’une dualité qui avait paru évidente aux Pères de la Confédération au moment de rédiger l’Acte de l’Amérique du Nord britannique en 1867, la spécificité du Québec est donc disparue, à toutes fins utiles, dans une Charte qui crée un pays plus ou moins symétrique, plus ou moins bilingue, plus ou moins multiculturel, au sein duquel cohabitent, plus ou moins, des Canadiens individuels d’expression anglaise et d’expression française. Cette œuvre de fiction politique est pourtant devenue loi constitutionnelle. Sous le couvert d’une liste de droits et libertés qui font consensus, elle réécrit l’histoire et tait une réalité collective que même la Chambre des communes a accepté de reconnaître – l’existence d’une nation québécoise – en 2006.

Le problème, c’est qu’il s’agit justement d’une œuvre de fiction. Les Québécois savent qu’ils constituent un peuple depuis la fin du Régime français. Et en dépit d’une greffe de nationalisme ethnoculturel pancanadien à partir des conflits scolaires acadien (1871) et manitobain (1890) et de la pendaison de Louis Riel (1885) dans le dernier tiers du 19e siècle, les Québécois francophones ont toujours conservé un sens territorial de la nationalité. S’il y avait eu une conscience élargie de cette nationalité, les Pères québécois de la Confédération auraient exercé davantage de pressions pour étendre les droits de la langue française au-delà des frontières québécoises. On peut toujours alléguer que les Maritimes étaient jusque là des États étrangers et que le sort des Acadiens n’avait jamais été au premier plan des luttes au Bas-Canada/Canada-Est, mais tous étaient conscients d’une présence de petites communautés francophones dans ce qui deviendrait l’Ontario en 1867 et auquel le futur Québec était lié juridiquement depuis l’Acte d’Union en 1840.

Dès le départ, l’AANB, par l’article 133, consacrait le statut particulier du Québec qui, seul parmi les provinces, devait avoir des institutions bilingues. L’obligation de protéger la minorité anglophone du Canada-Est dans la nouvelle Constitution est en soi une reconnaissance constitutionnelle de l’existence d’une société nationale distincte et majoritaire dans le territoire qui devait devenir le Québec. La faible protection offerte par l’article 93 aux écoles confessionnelles (dont certaines étaient françaises en Ontario et dans les Maritimes) et le pouvoir fédéral de désaveu n’ont été d’aucun secours aux francophones de ces provinces. Les délégués québécois aux conférences d’avant 1867 semblent, de fait, s’être contentés d’espérer naïvement que le traitement accordé aux francophones ailleurs serait aussi généreux[3] que celui consenti aux anglophones du Québec, ainsi qu’en témoigne la correspondance de Hector Langevin en 1866. Au fond, il n’y avait pas de lien politique avec ces communautés essaimées ailleurs en Amérique du Nord. Les liens étaient ethniques, religieux, linguistiques et culturels.

Dans un texte paru l'an dernier, le professeur François Rocher[4], de l'Université d'Ottawa, note également que « les Pères de la Confédération, bien que préoccupés par le sort des communautés franco-catholiques ailleurs au Canada, n’en ont pas fait un élément structurant du projet confédéral puisque le concept sous-jacent au projet n’était pas l’établissement d’un pays bilingue, mais bien la création d’une province franco-catholique, moyennant certaines protections pour sa minorité anglo-protestante, au sein d’une union essentiellement anglo-protestante ».

Le journaliste ultramontain Jules-Paul Tardivel, analyste parfois astucieux, écrivait dans son journal La Vérité en 1899, après les crises linguistiques scolaires (N.-B., I.-P.-E., Manitoba) et l’affaire Riel : « Pour les Canadiens français, la vraie patrie c’est toujours la province de Québec. Si nous sommes attachés aux groupes français des autres provinces, c’est par les vieux liens du sang, de la langue et des traditions; non point par le lien politique créé en 1867. Nous nous intéressons à nos frères de l’Est et de l’Ouest parce qu’ils sont nos frères; non parce qu’ils sont nos concitoyens. »[5] Je n'ai pas à ma disposition de sondages d’opinion publique pour mesurer l’exactitude de ses propos, mais mes propres souvenirs d’enfance en Ontario et mes premiers contacts avec des étudiants universitaires québécois au début des années soixante me laissent croire que ces propos méritent d'être pris en compte.

On a peut-être mal interprété au niveau identitaire la solidarité naturelle entre le Québec et les minorités canadiennes-françaises. Jadis, les Québécois francophones se disaient Canadiens et voyaient les « autres » comme des Anglais. Ils avaient vécu au Canada, au Bas-Canada, au Canada-Est jusqu’en 1867. Sauf pour les années suivant l'Acte de Québec en 1774, le Québec comme symbole étatique est apparu avec la Confédération. Et les tentatives des élites des milieux canadiens-français hors-Québec[6] et de politiciens québécois en vue, comme Henri Bourassa et d’autres, de redéfinir l’identité territoriale à l’ensemble du Canada auront en définitive échoué. Les gouvernements successifs à Québec, reflétant sans doute l’humeur populaire, ont continué, de Mercier à Duplessis et après, à défendre une version du fédéralisme axée sur l’autonomie provinciale – lire ici l’autonomie du Québec à majorité francophone.

Ainsi, avec l’arrivée de la Révolution tranquille des années 1960 et la montée d’un nouveau nationalisme souverainiste, la rupture consommée avec fracas en 1967 aux États généraux du Canada français, entre les délégués hors Québec et ceux du Québec, aura été davantage une rupture de solidarité que d’identité. D’ailleurs, Marcel Gingras[7], participant au colloque Les États généraux du Canada, trente ans après, en 1997, rappela les propos de son collègue de L’Évangéline, Bernard Poirier, qui s’était plaint qu’« un nombre imposant de délégués du Québec (aux États généraux) conçoivent (…) la nation canadienne-française comme étant ‘le Québec’ ». J’y étais comme délégué franco-ontarien et j’ai constaté le même phénomène.

Si l’on postule une continuité d’identité, ponctuée d’un changement d’appellation, chez les Québécois, il s’ensuit que la véritable crise identitaire s’est davantage produite au sein des minorités franco-canadiennes elles-mêmes, qui ont dû par la force des choses entreprendre une redéfinition en fonction d’une identité réduite (franco-ontarienne, p. ex.), ou parfois plus générale (francophone – et même bilingue – dans un contexte canadien ou, occasionnellement, internationale dans le contexte d’une francophonie mondiale).

Cette transformation identitaire au sein de la minorité franco-ontarienne a été constatée dans un sondage Léger et Léger de 1993, dans la région d’Ottawa. Les Franco-Ontariens de plus de 65 ans s’identifiaient toujours majoritairement (60,8%) comme Canadiens français, les plus jeunes (18-24 ans) se voyant surtout comme bilingues (38,6%) ou franco-ontariens (27,3%).[8] Chez les Québécois, qui s’étaient toujours identifiés en fonction du territoire où ils étaient majoritaires, l’adoption de l’appellation québécoise (plutôt que canadienne-française) à partir des années 1960 pourrait avoir été davantage une adaptation du nom à une réalité politique en mouvance qu’une modification substantielle de leur identité nationale.





[1] Sondage de la Presse canadienne-Harris Decima en 2008, cité dans Wikipédia sous la rubrique Analyse statistique de l’athéisme
[2] Guy Laforest, « L’exil intérieur des Québécois dans le Canada de la Charte », Constiutional Forum, 16, 2, 2007, p. 65
[3] Voir Marcel Martel, Le deuil d’un pays imaginé, Rêves, luttes et déroute du Canada français, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 1997, pp. 25-26
[4] François Rocher, La construction du Canada en perspective historique : de la méfiance comme élément consubstantiel des débats constitutionnels, 2013
[5] Texte éditorial du journal La Vérité (Québec), édition du 8 juillet 1899, évoquant la tiédeur des célébrations entourant Dominion Day (1er juillet) lors du 32e anniversaire de la Confédération.
[6] Marcel Martel, op. cit., p. 29
[7] ancien rédacteur en chef du quotidien Le Droit, d’Ottawa, cité dans Marcel Martel et Robert Choquette (dirs.), Les États généraux du Canada français, trente ans après, Centre de recherche en civilisation canadienne-française de l’université d’Ottawa, 1997, p. 78
[8] ACFO régionale Ottawa-Carleton et Le Groupe Léger & Léger, Le pouvoir de savoir,  mai 1993, p. 95

mercredi 21 mai 2014

Le Musée fédéral de l'histoire et le 150e anniversaire du Canada. Garde à vous!

La semaine dernière, l'ancien chef libéral Stéphane Dion, un politicien avec lequel je suis rarement d'accord mais que je persiste à trouver sympathique, a révélé que le nouveau musée fédéral de l'histoire (l'ancien Musée canadien des civilisations, situé à Gatineau) avait prévu une trentaine d'activités pour commémorer le 150e anniversaire de la Confédération, en 2017, et que 26 de ces activités «vont célébrer des guerres».

La programmation du musée liée au cent-cinquantenaire tournerait autour d'anniversaires liés à la Guerre de 1812, la Première et la Deuxième Guerre mondiale, et comprendrait des expositions sur les médailles militaires. «La liste n'en finit plus sur les diverses expositions créées en lien avec la Première Guerre mondiale dont ou souligne le centenaire, déclarait M. Dion. Il y a plein de choses que l'on peut célébrer et tout est orienté vers le militaire.»

Parmi les activités non militaires du Musée fédéral, on note la commémoration du 400e anniversaire de la première visite de Samuel de Champlain en Outaouais, de la Proclamation royale de 1763, et de l'année 1967 qui sera l'objet d'une grande exposition-phare. M. Dion aurait voulu qu'on y inclue des repères comme la Charte des droits et libertés et le centenaire du droit de vote des femmes. L'ancien chef libéral devra se résigner à l'inévitable. À moins d'une défaite du gouvernement Harper à l'automne 2015, l'idéologie militaro-royaliste-conservatrice suintera de toutes les pores du Musée en 2017…

Remarquez que la question reste d'un intérêt relatif pour les francophones du Québec et du reste du pays. À moins d'ignorer tout de l'histoire du Canada, «nous» n'aurons pas grand-chose à célébrer à l'occasion du 150e anniversaire de la Confédération. Je dis bien «célébrer». Nous pourrions cependant en profiter pour commémorer toutes les injustices commises à notre endroit - contre la langue française, contre le Québec (parce qu'il abrite une nation à majorité francophone) - depuis la mise en oeuvre du pacte fédéral de 1867, et toutes les luttes que nous avons dû mener pour les corriger.

Ça, il y a fort à parier que le Musée fédéral de l'histoire en parlera peu, voire pas du tout. Ce sont pourtant, pour la francophonie canadienne et québécoise, des événements et des dates qui ont servi à définir l'essence de nos relations avec les gouvernements provinciaux, avec le gouvernement fédéral et avec la nation anglo-canadienne depuis le 19e siècle. Certains de ces événements ont même des composantes militaires, mais pas du genre à plaire aux hostorio-propagandistes d'Ottawa.

Voici donc une liste très sommaire d'événements structurants, essentiels, que le 150e anniversaire du Canada pourrait commémorer. De vieilles chicanes, sans doute, mais de vraies affaires. Toutes ont profondément marqué leur époque et les collectivités francophones du pays, d'un océan à l'autre, et leurs effets se font toujours sentir au 21e siècle.

1867 - début de la Confédération. Dans l'acte fondateur, l'AANB, la langue française ne jouit d'une protection constitutionnelle qu'au Québec et au gouvernement fédéral (et c'est très relatif à Ottawa). La langue anglaise est protégée même au Québec, tandis que les minorités canadiennes-françaises et acadiennes sont laissées à la merci de leurs majorités anglophones.

1869 - première rébellion Métis, sous Louis Riel, qui aboutira en 1870 à la création d'un Manitoba où le français et l'anglais ont un statut égal. La majorité anglophone supprimera le statut officiel du français en 1890 et abolira les écoles françaises en 1916.

1871 et 1877 - abolition des écoles franco-catholiques au Nouveau-Brunswick et à l'Île-du-Prince-Édouard (elles étaient déjà abolies en Nouvelle-Écosse). L'objectif clair est d'angliciser les Acadiens. Il y a même eu une émeute à Caraquet en 1875, avec l'intervention de l'armée…

1885 - deuxième rébellion Métis, en Saskatchewan cette fois, qui aboutit à la pendaison de Louis Riel. Une crise militaire et politique majeure dans tout le pays, et notamment au Québec.

1905 - création de l'Alberta et de la Saskatchewan où aucun droit n'est reconnu aux minorités canadiennes-françaises.

1912 - adoption du règlement 17 par le gouvernement ontarien, rendant les écoles françaises hors-la-loi. La répression qui s'ensuit contre la minorité franco-ontarienne aura été l'une des causes principales de l'opposition des Québécois francophones à la participation à la Première Guerre mondiale.

1917 - crise de la conscription. Intervention de l'armée canadienne au Québec en 1918, manifestations et citoyens innocents tués par l'armée. Les Québécois en voudront aux conservateurs pendant des décennies…

1942 - crise de la conscription. Référendum pancanadien. Le Canada anglais vote pour, le Québec contre. Qui l'emporte? Quelle question… 

1960-1969 - le Canada français en ébullition; la Révolution tranquille, montée du mouvement indépendantiste et affirmation du caractère français du Québec; revendications hors-Québec pour rétablir les droits linguistiques supprimés. Une décennie riche en événements.

1970 - crise d'octobre. Contre le FLQ, groupuscule terroriste et meurtrier, Ottawa déploie l'armée et suspend les droits et libertés de tous les Canadiens. Emprisonnement de centaines d'innocents au Québec.

1982 - Coup d'État à Ottawa. Rapatriement de la Constitution sans l'accord du Québec et imposition de la Charte des droits et libertés qui nie la spécificité de la nation québécoise.

1987-1990 - la saga Meech. Nouveau refus de reconnaître le caractère distinct du Québec. Création du Bloc québécois qui, à compter des élections de 1993 et ce jusqu'à 2011, donnera au Parlement canadien une plus grande visibilité à la nation québécoise.

1990 - arrêt Mahé de la Cour suprême, qui impose à toutes les provinces anglophones de remettre aux francophones la gestion de leurs réseaux scolaires. Sans les tribunaux, la lutte se poursuivrait toujours.

1992 - référendum de Charlottetown. Nouvel échec de déblocage du bourbier constitutionnel.

1995 - Intervention d'Ottawa (pas toujours éthique) dans le processus référendaire québécois, comme en 1980. Avec les conséquences que l'on connaît.

1997-2001 - La sage de l'hôpital Montfort à Ottawa, où les Franco-Ontariens ont dû avoir recours aux tribunaux pour sauver leur seul hôpital. Cette lutte a mobilisé l'ensemble de la francophonie canadienne.

Pour les amateurs d'histoire militaire, notons que plusieurs de ces événements mettent en scène l'armée et les milices, utilisées contre les francophones de ce pays en 1869, en 1875, en 1885, en 1917 et en 1970… Cela constitue un thème commun qui pourrait être richement illustré au musée fédéral de l'histoire… Mais n'y comptez pas! 










lundi 19 mai 2014

Le silence assourdissant des salles de rédaction

La semaine dernière, les grands patrons de Power Corporation, conglomérat propriétaire de la chaîne de journaux Gesca, dont fait partie le quotidien auquel je suis associé depuis 45 ans, Le Droit, ont annoncé froidement la disparition de mon journal. Pas demain, ni après-demain, mais bientôt… Dans les plans à long terme de Gesca, il ne semble plus y avoir de place pour les journaux imprimés. On les mettra littéralement sur une tablette… Et comme toujours, dans Gesca, l'effort principal est mis sur le quotidien amiral, La Presse. Les autres? Bof…

Quoiqu'il en soit, voici la citation d'André Desmarais, coprésident et co-chef de la direction de Power Corporation, telle que rapportée le 15 mai. La question posée à M. Desmarais portait sur l'avenir des quotidiens régionaux de Gesca, Le Soleil (Québec), Le Droit (Gatineau-Ottawa), La Tribune (Sherbrooke), Le Nouvelliste (Trois-Rivières), Le Quotidien du Saguenay et La Voix de l'Est (Granby). Le patron de Power Corp a répondu : «Que va-t-il arriver à ces quotidiens-là? Eh bien, ils vont disparaître. Il n'y a pas de question. Il faudra qu'ils aient des discussions sérieuses en espérant trouver une façon d'intégration, peut-être à la tablette.»

Pourquoi? C'est essentiellement une question d'argent. Une chute «énorme» des revenus publicitaires, dit M. Desmarais. Le second motif, sur lequel il a moins insisté : les journaux imprimés, «c'est un médium et les gens en veulent moins.» Il y aurait donc perte de revenus et perte de lectorat. Le cocktail parfait pour des fermetures annoncées à moyen terme. Et la solution, si solution il y a, doit être rentable. Pour le moment, on mise sur la tablette… La Presse+, offerte gratuitement… et une possible extension, peu définie pour le moment, de cette tablette à ce que les Montréalais appellent «les régions».

Quand tout cela se produira-t-il? «Le marché déterminera», conclut André Desmarais…

Vous me permettrez de ne pas être très heureux, et ce, pour plusieurs motifs que je risque de présenter pèle-mêle, faute de pouvoir m'engager froidement, avec un recul suffisant, dans ce débat entourant l'avenir des quotidiens imprimés, et notamment de celui qui me tient le plus à coeur, Le Droit. Mais je crois qu'en matière d'information du public, des valeurs autres que les pertes et les profits ont droit de cité. Le droit du public à l'information, y compris l'information régionale, constitue la pierre d'assise de notre démocratie.

1. Je suis quelque peu outré du silence assourdissant qui émane des salles de rédaction des quotidiens de Gesca, y compris La Presse. J'ai toujours cru que le milieu journalistique en était un de remises en question constantes, de contestation, de reddition de compte, du second regard, de réflexion et, par conséquent, de diversité et de choc d'idées. S'il reste quelque chose de ce bouillonnement que j'ai connu, ça ne paraît pas. Trop de journalistes ont la bouche cousue…

2. Compte tenu que l'ère Internet n'a que vingt ans et que personne ne sait trop jusqu'où mènera sa croissance exponentielle et erratique, j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi on se comporte comme si le numérique allait - sans appel et de toute évidence - remplacer le papier comme support quotidien de l'information au public. Il y a d'excellents motifs de ne pas mettre tous ses oeufs dans le panier numérique (http://bit.ly/1mDsOZV). Des valeurs de civilisation sont ici en cause.

3. J'aimerais qu'on aborde plusieurs questions de fond. Pourquoi lit-on moins les journaux? Pourquoi lit-on moins, tout court? Il faudra parler d'éducation, de culture, de tout. La proportion d'analphabètes fonctionnels est effarante. Il faudra aussi parler de la qualité du produit offert. J'ai toujours cru, peut-être naïvement, peut-être pas, qu'un bon journal trouvera des lecteurs. Quand le nombre de pages diminue, quand on sabre dans les salles de rédaction, il ne faut pas se surprendre que le lectorat en souffre. Et ceux qui ne lisent pas sur papier à cause d'une incapacité de lecture, ou parce qu'ils n'y trouvent plus ce qu'ils devraient y trouver, vont éventuellement délaisser les nouveaux gadgets électroniques… pour les mêmes raisons.

4. Je refuse - catégoriquement - d'envisager que «le marché» décide si je serai informé ou pas demain. Je comprends les soucis des gens d'affaires comme M. Desmarais qui veulent maintenir et augmenter leurs marges de profit, mais l'information - et le droit du public à cette information - sont des valeurs fondamentales inscrites dans les constitutions. Que de puissants barons d'entreprise puissent s'arroger le droit de placer leur bilan financier devant un droit constitutionnel me bouleverse. Des solutions? Hé, je ne suis qu'un scribe à la quasi-retraite, qui tentera de vivoter avec ses REER le plus longtemps possible… Ce qui me désole, cependant, c'est que personne ne semble vouloir prendre cet enjeu par les cornes… Il doit y exister des solutions de rechange.

5. En 1913, Le Droit a été fondé par des Franco-Ontariens qui luttaient contre l'interdiction de leurs écoles par un gouvernement raciste à Toronto. Son lectorat est devenu graduellement plus québécois qu'ontarien, mais le journal continue à chevaucher les deux rives de l'Outaouais. Des milliers, des dizaines de milliers de personnes y ont travaillé ou ont contribué à le diffuser au cours de son premier siècle. Le Droit est enraciné même s'il est amoché par l'époque. Le labeur centenaire de ses artisans, et le public qu'ils ont desservi et continuent de desservir, méritent une reconnaissance et un attachement qui dépassent la froide lecture d'un bilan financier et l'interprétation de l'évolution technologique. Pour moi, l'humain sera toujours plus important que la marge de profit.

Bon, c'est sans doute un peu décousu, mais voilà au moins quelques salves qui, j'espère, inciteront les collègues journalistes du Droit et de Gesca à se lancer dans l'arène, à questionner, à débattre le pour et le contre… pas seulement autour d'un café, mais sur la place publique. Même les syndicats de journalistes n'ont pas fait de vagues. Seule la FPJQ est intervenue, sans que cela ne cause trop de remous. J'ose espérer qu'il existe encore une capacité de rébellion dans les empires médiatiques d'aujourd'hui. Parfois, une rébellion est salutaire… même pour les bilans financiers des entreprises.

dimanche 18 mai 2014

L'école Saint-François d'Assise… celle de la rue Stirling!

                           Vue de l'école, sur la rue Stirling

1.
Récemment, fin avril, en roulant sur la rue Scott, à Ottawa, je regardais du coin de l'oeil ce qui avait été jadis l'école Saint-François d'Assise, sur la rue Stirling (angle Scott). J'ai remarqué que le terrain était clôturé et que des travaux de démolition avaient été entrepris. J'ai cru un moment que l'édifice de trois étages n'en avait plus pour longtemps mais après vérification, il semble devoir s'intégrer à un projet de condos qui comprend entre autres une tour controversée de près de 20 étages…

Il est bon de rappeler, au moment où l'édifice est sur le point d'être radicalement transformé, que cette ancienne école a desservi la communauté franco-catholique de Hintonburg et Mechanicsville pendant 50 ans, de 1933 à 1983, avant de devenir un centre autochtone (1983-2013) et d'accueillir, d'ici peu, les copropriétaires des condos qui arpenteront ses couloirs… J'ai fréquenté cette école de  la 1ère à la 3e année, de 1952 à 1954, jusqu'à l'ouverture d'une école primaire «bilingue» dans le quartier voisin de Mechanicsville (l'école Notre-Dame des Anges).

Mes souvenirs sont vagues de cette grande structure de briques. On en avait entendu parler par mon père et quelques-uns de nos oncles, qui l'avaient fréquentée avant nous dans les années 1930 et 1940. Ce qu'ils nous en disaient n'était pas de nature à nous rassurer. Les Frères du Sacré-Coeur, du moins certains d'entre eux, imposaient une discipline physique et brutale, avec la «strappe» et même, à l'occasion, avec leurs poings. Il faut dire que c'était une école de gars et que plusieurs de ces jeunes, rendus à la fin du primaire, étaient presque de taille à se battre avec les frères.

Le quartier avait sa bonne part de durs à cuire, et les batailles n'étaient pas rares entre les gars de «Mechanics», le quartier plus pauvre, et les gars de St-François (Hintonburg), qui vivaient du côté un peu plus à l'aise de la voie ferrée. Mon père avait évoqué des combats au couteau entre gars quand il était jeune… Et tout ce monde, les doux comme les durs, se retrouvaient dans le creuset de l'école Saint-François. J'ai entendu à plusieurs reprises (des gens de la génération de mes parents) l'histoire d'un combat épique en classe, où un adolescent costaud avait assommé à coups de poings le frère enseignant qui lui avait asséné une taloche de trop…

Nous (mon frère et moi) n'avons jamais connu ce genre de discipline. Nous étions, de toute façon, obéissants à un si jeune âge, ayant été bien dressés (et sans doute avertis des conséquences) par nos parents. Il faut dire, par ailleurs, que mon père avait informé le frère directeur de ce qui lui arriverait si jamais on sortait le martinet contre ses fils… enfin vous pouvez deviner le reste… Nous avions des enseignantes laïques de toute façon, et mes souvenirs de l'école sont généralement bons, surtout que c'est là que nous pouvions voir tous nos amis ensemble…

Je n'avais que six ou sept ans… Je revois vaguement la marche quotidienne, aller-retour, de la rue Hinchey dans Mechanicsville, jusqu'à l'école de la rue Stirling. Les arrêts occasionnels, à l'automne par exemple, pour ramasser des cerises noires (chokecherries) qui nous laissaient la bouche pâteuse et qu'on mangeait avec du sel… L'hésitation avant de traverser la voie ferrée quand on entendait le sifflet des vieilles locomotives à vapeur qui quittaient ou arrivaient à la gare du Canadien Pacifique, tout près… Le coup d'oeil dans les deux directions avant de traverser la rue Scott, où les voitures étaient plus nombreuses et où des conducteurs avaient parfois le pied pesant… Le bruit animé de la cour d'école, en attendant la cloche et l'entrée en classes…

D'autres qui y sont allés plus longtemps que moi, et à un âge plus avancé de leur enfance, pourraient certainement aligner des tonnes de souvenirs de l'école Saint-François d'Assise… Je souhaite que certains prennent la plume et le fassent… c'est une invitation que je leur transmets… J'ai retrouvé sur le site Web de la commission scolaire actuelle un texte fort intéressant (signé par le collègue du Droit Denis Gratton - http://bit.ly/1gdwSAE) sur l'école actuelle de la rue Melrose. Il serait intéressant de rédiger une histoire d'anecdotes des époques antérieures, quand l'école était réservée aux garçons et que le quartier avait une tout autre allure qu'aujourd'hui…

Cela ferait une lecture savoureuse !

                        On voit toujours la date « 1933 » sur la façade

2.
Extrait du livre du centenaire de la paroisse Saint-François d'Assise, 1890-1990

«En 1933, la paroisse comptait quatre écoles, celle de Saint-François d'Assise de la rue Irving (angle Laurel) et celle du Sacré-Coeur, fréquentées par les garçons, l'école Saint-Conrad, fréquentée par les filles, celle de Saint-Antoine de Mechanicsville, fréquentée par les garçons et les filles des premières années.

L'école Saint-François de la rue Irving avait été bâtie en 1896 et montrait des signes de vieillesse. Elle ne suffisait plus aux besoins de la gent scolaire masculine.

Vu que la paroisse s'était montrée généreuse envers la Commission scolaire aux prises avec le Règlement 17, il lui fut peut-être plus facile d'obtenir la construction d'une nouvelle école en 1933, celle de Saint-François d'Assise de la rue Stirling.

Cette école fut construite en briques, à l'épreuve du feu, par la maison Parley et Grant, selon les plans de l'architecte Lucien LeBlanc. Elle comptait 17 classes et, au sous-sol, un magnifique auditorium.

L'inauguration solennelle eut lieu le dimanche 8 avril 1934. La cérémonie, sous la présidence du paroissien Ernest Desormeaux, fut solennelle. Le délégué de l'archevêché n'ayant pu venir, le Père Euchariste (curé de la paroisse) procéda à la bénédiction de l'école. Il y eut de nombreux discours, dont celui de Domitien Robichaud (président de l'Association des commissaires des écoles séparées de la province d'Ontario), qui se terminait ainsi:

"Paroissiens de Saint-François d'Assise, si vous avez l'honneur et le privilège d'avoir la plus belle école d'Ottawa, vous le devez d'abord aux efforts persistants de votre curé."

Les Frères du Sacré-Coeur prirent la direction de cette magnifique école consacrée aux garçons, qui reçut 432 élèves dès son ouverture. À partir de cette date, l'école du Sacré-Coeur servit aux filles en plus de celle de Saint-Conrad; et la vieille école Saint-François de la rue Irving fut abandonnée.

Le curé sollicita de la commission scolaire l'autorisation d'utiliser la cour de cette vieille école de la rue Irving pour les jeux de tennis en faveur des jeunes de la paroisse. La permission fut accordée en 1935, et nos jeunes y ont joué au tennis pendant plusieurs années.

Les Frères quitteront l'école Saint-François de la rue Stirling en 1966, parce que la Commission scolaire n'y laissait que les élèves de l'école primaire et envoyait les grands du secondaire à l'école régionale Mgr-Lemieux. L'école elle-même fermera ses portes en 1983, après 50 ans de bons services, et les élèves seront dirigés vers l'école Holy Rosary de la rue Melrose, rebaptisée école Saint-François. 


                        Vue de la cour d'école, de la rue Carruthers

3.
On ne le saurait pas aujourd'hui, mais de la fin du 19e siècle jusqu'aux années 1960, l'école Saint-François d'Assise était située au coeur d'un quartier authentiquement francophone. Entre Parkdale et Bayview, de la rue Wellington à la rivière des Outaouais, la langue de la rue était le français. La rue Scott marquait la frontière entre Saint-François et Mechanicsville. Jusqu'à l'ouverture de l'école Notre-Dame des Anges en 1954, dans Mechanicsville, l'école Saint-François desservait «les deux côtés de la track»…

J'ai retrouvé dans les dossiers du cercle Saint-François d'Assise de l'AJFO (Association de la jeunesse-franco-ontarienne), qui a existé de 1957 à 1967, une liste des paroissiens de Saint-François d'Assise, par adresse civique, compilée à la fin de 1963. Avec la croissance du complexe fédéral de Tunney's Pasture, le quartier avait déjà commencé à se transformer, des édifices à appartements grignotant les propriétés traditionnelles. De vieilles familles déménageaient déjà ailleurs. Une dizaine d'années plus tard, les changements seraient dramatiques.

Mais fin 1963, l'école trônait toujours sur une communauté canadienne-française enracinée. Voici une liste des paroissiens (les femmes mariées sont habituellement exclues, habitudes de l'époque…) vivant autour de l'école Saint-François d'Assise, sur les rues Stirling (à côté et en face de l'école), ainsi que sur la rue Carruthers, derrière l'école, faisant face ou à côté de la cour d'école.

Rue Stirling (adresse de l'école - 12 Stirling)

9 - Gérard, Napoléon, Ronald, Léo et Roger St-Louis
15 - Joséphine Lorrain
17 - Bernard Van Ness
21 - Edgar Rolland
23 - Émilien Chartrand
27 - Roger Chartrand
28 - Rodolphe Poirier
28 1/2 - Jean-Louis Cantin
29 - Dame Royal Brazeau
29 - Alphonsine Prud'homme
30 - Claude, Martin et Donald Villeneuve
32 - Rosaire Boudreau

Rue Carruthers (au sud de Scott)

164 - Roméo Guilbeault
164 - Régina Laberge
164 1/2 Raynald Leduc
166 - Jean-Louis Boissonneault
166 - Dame Charles Guigues
168 - Joseph et Ronald Levac
172 - Jean-Louis Dumais
174 - Henri Séguin
174 1/2 - Bernard Séguin
178 - Georges Charbonneau
178 - Ernest Lalonde
185 - Claude Laflamme
188 - Dame Lucia, Jeannine et Gérard Trempe
188 - Roland Auger
189 - Achille Mallette
189 - Gérard Cantin