samedi 8 octobre 2011

Encore Don Cherry!

Éditorial publié dans LeDroit, samedi 8 octobre 2011.

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La culture médiatique, particulièrement quand il s’agit de hockey, a eu tendance à conférer un statut spécial à certains commentateurs et rédacteurs sportifs, à qui on laisse plus de latitude pour dépasser le cadre traditionnel de l’analyse. Cela donne des textes et des interventions plus colorés, plus mordants, susceptibles de favoriser un dialogue et un débat avec lecteurs et auditeurs. Mais il y a des limites que certains transgressent.

On aura deviné que Don Cherry a de nouveau fait des frasques. Lors du premier match de la saison, durant sa prestation à Hockey Night in Canada, il a carrément abusé de sa liberté d’expression avec des attaques de bas étage contre ceux qui s’opposent aux combats dans la Ligue nationale de hockey, et à notamment à quelques anciens durs à cuire qui se sont joints au mouvement contre la violence sur glace. Loin de nous de vouloir réduire au silence ce controversé personnage, mais le temps est venu pour CBC de lui rappeler les principes d’un savoir-vivre élémentaire.


Pierre Allard

mercredi 5 octobre 2011

La « vague » nationale des années 1960-1970 : continuités, transformations et ruptures

Je vous prie de trouver ci-joint et ci-dessous un appel à communication pour un atelier que Yann Fournis, Tudi Kernalegenn et Joel Belliveau proposent à l'occasion du Congrès annuel de la Société québécoise de science politique, qui se tiendra à l'Université d'Ottawa du 23 au 25 mai prochain. N'hésitez pas à le diffuser dans vos réseaux:

La « vague » nationale des années 1960-1970 : continuités, transformations et ruptures

Les revendications nationalistes sont largement cycliques, et semblent fonctionner par « vagues » : la naissance des premiers États-nations modernes à la fin du XVIIIème siècle, l’indépendance des États d’Amérique du Sud au début du XIXème siècle, le « printemps des peuples » autour de 1848, les mouvements de décolonisation autour des années 1950, l’indépendance des anciens pays communistes dans les années 1990, etc. Une « vague » toutefois semble largement négligée par la littérature, peut-être parce qu’elle n’a débouché sur aucun nouvel État : le réveil des nations sans État des années 1960-1970.


Les études monographiques ne manquent certes pas, mais il n’existe que peu de réflexions globales permettant de comprendre pourquoi, au même moment, on assiste à l’émergence d’un nouveau dynamisme des revendications nationalitaires en Amérique du Nord (Québec, Acadiens, Franco-Ontariens, Chicanos, Amérindiens) et en Europe occidentale (Bretagne, Catalogne, Pays de Galles, etc.), ainsi qu’à l’arrivée une revendication autochtone maorie et aborigène en Nouvelle-Zélande et en Australie, la création de l’Organisation de Libération de la Palestine, etc.


Il s’agira donc dans cet atelier de réfléchir, de manière monographique ou comparative, sur l’existence de cette « vague » nationale des années 1960-1970, ses causes, ses caractéristiques et ses conséquences.


Organisateurs:

Joel Belliveau (Université Laurentienne, Ontario), jbelliveau@laurentian.ca

Yann Fournis, (Université du Québec à Rimouski), yann_fournis@uqar.qc.ca

Tudi Kernalegenn, (CRAPE, IEP de Rennes), tudi.kernalegenn@gmail.com



Les propositions de communication peuvent être monographiques ou comparatives, étayer ou infirmer les prémices de cet atelier (l'existence d'une "vague" nationale au cours des années 1960-1970), avoir une perspective sociologique/science politique ou historique. Nous attendons néanmoins une réflexion qui permette d'entamer un "dialogue" comparatiste sur une période, en interroger les éléments de continuité, de transformation et de rupture par rapport à la question nationale.


La date limite pour les propositions de communication est le 31 octobre 2011, mais nous vous serions reconnaissant d'essayer de nous envoyer vos propositions pour le 20 octobre, à nos trois adresses. La proposition doit inclure le nom du ou des auteurs et leurs affiliations, le titre de la communication et une description d'au plus 200 mots.
Nous sommes à votre disposition pour toute demande de précision, tout besoin de renseignement.

N'hésitez pas à diffuser cet appel à communication dans vos réseaux.
Bien cordialement,


Joel Belliveau

Département d’histoire et Institut franco-ontarien

Université Laurentienne

jbelliveau@laurentienne.ca

Joel Belliveau, Ph.D.
Professeur adjoint
Département d'histoire
Université Laurentienne
935 Chemin du lac Ramsey,
Sudbury (Ontario)
P3E 2C6
Canada

(705) 675-1151, poste 4208

http://www.laurentian.ca/Laurentian/Home/Departments/History/Belliveau.htm?Laurentian_Lang=fr-CA

'Moteur de la créativité, de l'innovation et de la prospérité depuis 1960'
www.celebrez50.laurentienne.ca

mardi 4 octobre 2011

La mémoire collective d'une société est appauvrie par la perte de chaque mémoire individuelle.

À mon âge (65 ans), les pages de nécrologie sont incontournables. On risque toujours d'y voir une connaissance ou, pire, un proche. Mais comme journaliste, je me dis toujours que derrière chaque décès, il y aurait sans doute un bon reportage. Des réalisations. Des actes de bravoure. Des aventures. De la générosité, de l'amour. Des difficultés. Des erreurs. Toute une vie qui se poursuivra pour un temps dans la mémoire des survivants, dans des albums de photos, puis qui disparaîtra sans laisser de traces parce que personne ne l'a consignée par écrit. La mémoire collective d'une société est appauvrie par la perte de chaque mémoire individuelle.


Encore aujourd'hui, je vois cette nécrologie presque anodine. Celle de Louis Vincent. «La famille Côté a le regret de vous annoncer le décès de Louis Vincent 28 juin 1931 – 28 septembre 2011 Est décédé paisiblement au Soins continus Bruyère le 28 septembre 2011, à l'âge de 80 ans. Il était le fils de feu Gaston Vincent et de feu Robertine Gauthier. Il laisse dans le deuil sa conjointe Monique Côté, les enfants de Monique : Anne et Pierre (Marianne), les petits-enfants de Monique : Jean-Sébastien, Gabrielle et Marie-Laure. Il laisse également ses enfants Julien, Danielle, Carl, Renée et Luc-André, ses petits-enfants Marianne, Sacha, Loïc et Jules ainsi que plusieurs neveux, nièces et ami(e)s. Une messe commémorative sera célébrée le jeudi 6 octobre à 10h00 à l'église Cathédrale Basilique Notre-Dame (coin de Sussex et de St-Patrick), Ottawa. »

Le nom me dit quelque chose. Je me souviens vaguement qu'il était avocat et, me semble-t-il, un type assez connu dans les milieux franco-ontariens. Aucun journaliste, que je sache, n'a fait de papier ou de topo sur sa mort. S'il y en a, je n'en ai pas eu connaissance. Alors je fais une recherche sur Internet, sûr de trouver des tas d'infos qui raviveront mes vagues souvenirs. Mais non. Je trouve le site de son cabinet juridique, Vincent Dagenais Gibson, à Ottawa. C'est un vieux cabinet, fondé en 1897, situé dans l'édifice canadien français par excellence de la capitale, l'Union du Canada, dans la Basse-Ville autrefois francophone. M. Vincent exerce le droit depuis 1955 et on y indique que « sa carrière chevronnée et son excellence dans la prestation des services juridiques lui ont mérité le titre honorifique de membre à vie décerné par le Barreau du Haut-Canada (le Barreau de l'Ontario).»

Mais M. Vincent a vécu l'essentiel de sa vie active avant l'Internet. Sur le site du Centre de recherche en civilisation canadienne-française de l'Université d'Ottawa, je trouve une vieille photo des animateurs du 18e congrès de l'Association canadienne-française d'éducation de l'Ontario (organisme qui représentait à l'époque les Franco-Ontariens), en 1966. On le voit assis aux côté de dirigeants franco-ontariens de l'époque y compris l'homme d'affaires Conrad Lavigne, Omer Deslauriers, et l'ancienne journaliste Solange Plourde-Gagnon. Il côtoyait donc les milieux les plus influents de l'Ontario français. Mais sauf pour cette photo, l'Internet a conservé peu de souvenirs du personnage.

Je ressors donc mes vieilles archives franco-ontariennes (je suis originaire d'Ottawa mais vis maintenant à Gatineau, au Québec). Je retombe sur des vieux documents du milieu des années 1960 et ça me revient. Louis Vincent avait aussi été président de l'Association de la jeunesse franco-ontarienne jusqu'à 1964. Ayant milité moi aussi au sein de l'AJFO et l'ancienne ACFEO/ACFO jusqu'à ce que j'entreprenne une carrière journalistique, je sais qu'il a sans doute été mêlé intimement à une foule de dossiers qui ont bouleversé le Canada français et le Québec pendant et après la Révolution tranquille. Mais comme je suis arrivé au moment de son départ, je l'ai peu connu. Il a fallu cette nécrologie pour que fouille un peu à l'écran et dans mes boîtes de paperasse.

Je ne suis pas comme certains de mes amis qui ont une mémoire prodigieuse. Je me souviens, à l'époque où je militais à la CSN, de l'incroyable capacité de mémoriser de Marcel Pepin. Moi, je dois l'écrire pour m'en rappeler... et encore. Une chose est sûre... la mémoire la plus prodigieuse ne dure qu'une vie, à moins d'être captée sur vidéo ou sur papier. Sur le plan médiatique, Louis Vincent est mort dans l'anonymat, comme la quasi totalité de ses concitoyens. Il y aurait sans doute eu un bon papier à écrire sur sa vie. Sans doute plus intéressant que la 160e déclaration de Jean Charest sur la non-tenue d'une commission d'enquête ou la "n"ième savante analyse sur les déboires des Canadiens ou des Sénateurs au hockey. L'histoire, individuelle ou collective, est malheureusement devenue persona non grata de nos jours dans les médias.

Pierre Allard


samedi 1 octobre 2011

Une attaque sans précédent contre la magistrature

Lettre publiée dans le quotidien LeDroit, le vendredi 30 septembre


par Sébastien Grammond

L’auteur est doyen de la Section de droit civil à l’Université d’Ottawa

Les députés conservateurs du comité sur l’accès à l’information et l’éthique viennent de poser un geste qui fait preuve d’un mépris total pour le principe de l’indépendance de la magistrature. Ce comité a lancé une enquête sur le fait que la Société Radio-Canada emploie des fonds publics pour contester les pouvoirs de la Commissaire à l’information d’exiger que la SRC lui communique les informations de nature journalistique qu’elle détient. Dans le cadre de ces audiences, les députés ont convoqué le juge de la Cour fédérale qui a rendu jugement dans cette affaire, afin qu’il témoigne en comité parlementaire au sujet de sa décision.

Une telle convocation est sans précédent et menace les principes de base de notre régime démocratique. Le principe de l’indépendance de la magistrature assure les citoyens qu’il y aura toujours un juge impartial pour statuer sur leur cas, même si le gouvernement est leur adversaire et même si leur cause n’est pas populaire. Bref, lorsqu’une cause est soumise aux tribunaux, elle est tranchée en fonction du droit et non de sensibilités politiques. C’est l’un des principes les plus fermement protégés dans notre droit constitutionnel.

Or, pour garantir cette indépendance, il faut assurer aux juges qu’ils ne seront jamais appelés à s’expliquer publiquement au sujet de leurs décisions. Les juges rendent des motifs de jugement, habituellement par écrit, et tout citoyen peut discuter ou critiquer publiquement de tels motifs. C’est donc par leurs jugements que les juges « rendent des comptes ». Cependant, une fois le jugement rendu, le juge est assujetti à un devoir de réserve, étroitement lié à son indépendance, qui lui interdit de participer à un débat public au sujet de l’affaire qu’il a tranchée. S’il en était autrement et que les juges pouvaient être forcés de s’expliquer publiquement, les justiciables pourraient craindre que les décisions rendues par les tribunaux soient indûment influencées par l’opinion publique ou par les politiques du gouvernement. Comment un citoyen pourrait-il croire que justice sera rendue dans sa cause s’il sait que le juge pourra être convoqué à témoigner devant un comité parlementaire? Comme le soulignait l’actuelle juge en chef de la Cour suprême dans une décision de 1989, « Donner suite à l’exigence qu’un juge témoigne devant un organisme civil, émanant du pouvoir législatif ou du pouvoir exécutif, quant à savoir comment et pourquoi il a rendu sa décision, serait attaquer l’élément le plus sacro-saint de l’indépendance judiciaire. » Le juge convoqué par un comité parlementaire a donc le droit et le devoir de refuser de témoigner.

De plus, la participation de juges à des débats hautement médiatisés mine la séparation des pouvoirs en confondant l’administration de la justice et la politique partisane. Un principe de base de déontologie judiciaire est que les juges doivent s’abstenir d’activités politiques. Or, aux yeux du public – et c’est la perception du public qui compte ici – le témoignage d’un juge en comité parlementaire associe la magistrature à la politique partisane et risque de diminuer la confiance du public envers l’indépendance de la magistrature.

Il faut donc condamner fermement cette convocation d’un juge en comité parlementaire comme une atteinte grossière à l’indépendance de la magistrature.