jeudi 31 octobre 2013

Halloween sous la grisaille...




Quand nous sommes déménagés dans le quartier de Gatineau où nous habitons présentement, à l'automne 1988, nous avions trois jeunes enfants. Les familles qui faisaient construire des maisons autour de nous étaient généralement jeunes. Quand arrivait le soir de l'Halloween, fin années 80 début années 90, notre rue se remplissait de parents et d'enfants costumés en quête de bonbons et de sous pour l'UNICEF. Je me souviens d'un 31 octobre où la foule était si dense, d'un côté à l'autre de la rue, que les véhicules ne pouvaient plus y circuler...

À cette époque, on pouvait accueillir plus de 350 jeunes en quelques heures... des bébés en poussettes aux grands adolescents qui fermaient la marche vers les 20 heures... La majorité des maisons étaient décorées, certaines de façon fort imaginative avec montages, son et lumière. Tel voisin se déguisait en épouvantail, assis sur une chaise, et s'agitait quand les enfants s'approchaient avec leurs sacs à bonbons. Chez un autre, le garage ouvert devenait un labyrinthe de décors, de monstres et de lumières d'où s'échappaient des rires sinistres... Tous, toutes s'amusaient, peu importe la météo. Car parfois il neigeait... mais l'enthousiasme restait entier.

C'était il y a 20 ou 25 ans... Cet après-midi, avec la pluie incessante, je doutais de voir plus d'une centaine de jeunes avec parents et parapluies (il y en a eu, de fait, une soixantaine). Par beau temps, on en aurait accueilli autour de 200. C'est tout de même presque la moitié de ce que c'était jadis... et alors que sept ou huit maisons dans notre coin de la rue arboraient citrouilles allumées, décors illuminés et autres manifestations halloweeniennes, cette année, nous ne sommes que deux... Un signe des temps...

L'autre jour, après la cueillette des vidanges, j'ai remarqué que cinq ou six voisins étaient sortis en même temps pour entrer les bacs... Les têtes étaient grises ou blanches (y compris la mienne), des retraités pour la plupart ou sur le point de l'être...

Les enfants qui habitaient nos maisons ont quitté, fondé leur propre foyer et vivent dans des quartiers où l'animation est sans doute à l'image de leur génération... Dans quelques années, les couples vieillissants du quartier auront presque tous trouvé domicile ailleurs... et ceux et celles qui les remplacent semblent avoir, le plus souvent, moins d'enfants que les générations qui les ont précédées...

Tout ça pour dire que mon engouement pour la soirée de l'Halloween, qui demeure intact depuis mon enfance, semble nettement moins partagé par le voisinage depuis quelques années... Mon décor était fait, et brillamment illuminé. Mes sacs de bonbons étaient prêts, même s'il a continué de « mouiller à siaux » jusqu'en soirée. Il y a de ces traditions qui marquent une continuité avec nos années de jeunesse et l'Halloween, pour moi, en est une.



mercredi 30 octobre 2013

Mourir en souffrant, dans la « dignité »...

Je ne suis pas contre l'aide médicale à mourir, et je me suis depuis longtemps rallié à l'idée que le moment est propice à l'adoption d'un train de mesures (comme le projet de loi 52 à Québec) visant à encadrer la légalité et la légitimité d'une certaine forme d'assistance médicale au suicide quand la mort apparaît inévitable et que la souffrance dépasse les capacités d'endurance.

Ce qui me trouble, cependant, c'est la suggestion constante qu'il existe une incompatibilité entre la souffrance, même extrême, et la dignité humaine. C'est comme si le dépérissement et la douleur qui précède la mort était indigne, comme si cela n'avait aucune valeur, que c'était, au fond, inutile. Je suis dans l'incapacité totale de partager ce point de vue, même si je dois concéder que confronté à l'issue fatale dans les pires circonstances, je ne sais pas quelle décision je prendrais...

Pour moi, la vie est sacrée. Lutter pour la maintenir sans acharnement thérapeutique me semble un choix noble et digne. Je ne sais pas ce qui nous attend après la mort, mais cela m'apparaît secondaire en réfléchissant à la fin de vie. Ce qui au fond de nous, par amour de soi, de ses proches et de son prochain (et de Dieu pour ceux et celles qui ont des convictions religieuses), nous pousse à lutter pour rester en vie dans notre jeunesse et à l'âge adulte, cela reste intact jusqu'à la fin.

J'ai vu mon père mourir et j'ai eu l'occasion d'échanger avec quelques autres, proches et amis, qui étaient à l'article de la mort. Ils étaient souffrants, mais encore des nôtres. Leurs paroles, l'occasionnel sourire, même leurs silences, laissent une profonde empreinte sur les survivants. Mon père, dans la dernière longue conversation que j'ai eue seul à seul avec lui, quelques semaines avant son décès, s'était excusé de sembler absent autour des siens, précisant que son regard était désormais tourné vers l'intérieur, vers le dernier droit qu'il savait sans doute amorcé.

Je persiste à croire que notre rôle, ainsi que celui du personnel médical, était de l'aimer, de le soulager dans la mesure du possible et de l'accompagner dans son ultime cheminement. S'il avait demandé qu'on mette fin à ses souffrances, j'aurais sans doute respecté ce voeu. Mais de ne pas avoir voulu qu'on l'aide à mourir reste un choix aussi digne et aussi estimable. Dans ses dernières minutes, même quand j'ai eu la conviction que son esprit était déjà ailleurs, son corps a poursuivi le combat jusqu'à l'épuisement final, avec quelques ultimes battements et un dernier soupir.

Que penser de cette autre membre de la famille qui, se sachant condamnée, continue avec tous les moyens disponibles à vivre à domicile et à poursuivre, aussi longtemps que possible, sans espoir, malgré le déclin, malgré la souffrance, son petit train-train quotidien pour encore quelques mois, quelques semaines, quelques jours, quelques heures de plus... jusqu'à l'avant-veille de sa mort. J'en suis toujours inspiré. Et les personnes qui l'ont aidée et accompagnée à la fin, n'ont-elles pas aussi participé à une noble et digne entreprise?

Et que penser de cet ex-collègue, cloué à son lit dans un centre de soins palliatifs, avec quelques jours à vivre, encore soucieux de s'informer des anciens amis, de se rappeler de bons souvenirs, et même d'échanger sur le présent et l'avenir... Personne ne lui aurait reproché d'avoir voulu mettre fin à ses souffrances prématurément. Sa mort était-elle moins digne parce qu'il a accepté de continuer de souffrir? La directrice de la Maison Mathieu-Froment-Savoie, un centre de soins palliatifs en Outaouais, disait récemment : « Lorsque les soins de fin de vie sont bien administrés, qu'ils soulagent la souffrance autant physique que psychologique, les personnes ne demandent pas à mourir. »

Et même en l'absence de soins de fin de vie, il peut y avoir la dignité. Dans l'histoire humaine, des milliers de personnes ont accepté de mourir dans les pires circonstances pour défendre leurs opinions, leur foi, leurs proches et leurs concitoyens. Je reviens d'un voyage en France et j'ai longuement médité devant le palais de justice de Rouen, encore troué de balles et d'obus de la 2e Guerre mondiale. Les membres de la résistance qui y ont été incarcérés et qui ont été livrés aux Nazis pour être torturés et exécutés sont des héros. La dignité était le lot des torturés et non des tortionnaires.

Je ne suis pas contre le suicide assisté. Je respecte ceux et celles qui estiment que c'est là la seule décision possible et suis d'accord avec sa légalisation. Mais mourir dans la dignité n'est pas réservé à ceux et celles qui choisissent cette voie. La plus douloureuse des morts peut aussi être auréolée de dignité.





lundi 28 octobre 2013

À la fois ébloui et scandalisé par Versailles !

À la fin de mai 2011, j'ai visité Versailles. Je n'avais jamais foulé le sol de mes ancêtres (arrivés de Normandie au 17e siècle) auparavant et comme je suis amateur d'histoire, je tenais à voir de mes propres yeux, toucher de mes propres mains des lieux et monuments historiques qui n'avaient existé pour moi que dans des livres et à l'écran. Séjournant pour une semaine dans la capitale française, Versailles me paraissait un incontournable ! Et avec raison !

Mais ce que j'y ai vu m'a à la fois ébloui et scandalisé. L'éblouissement allait de soi devant la beauté et la grandeur des lieux... de la magnificence des jardins et fontaines à la splendeur des appartements et salles des bâtiments, dont la galerie des Glaces du Château de Versailles (ci-dessous). Le scandale tenait au luxe excessif de l'oeuvre, que les Capétiens ont étalé à la face du monde... En sortant de Versailles, je pouvais comprendre la colère des citoyens qui ont envahi la propriété royale en 1789 pour y ramener de force à Paris Louis XVI, Marie Antoinette et leur famille.



Mais je pense que ce qui m'a mis le plus en colère, c'est ce que je n'ai pas vu. Peut-être ai-je cherché « avec mes yeux d'homme », comme dirait mon épouse, mais je n'ai pas trouvé, après une visite assez exhaustive, d'hommage substantiel aux dizaines de milliers d'ouvriers français qui ont réalisé, avec leurs mains, leurs jambes, leur dos et leur intelligence, les plans grandioses de Louis XIV et de ses architectes, seuls à trouver place dans les manuels d'histoire.

Dans les années 1680, plus de 22 000 hommes de métier travaillaient sur les chantiers de Versailles. Juste pour l'aménagement des aqueducs et fontaines (photo ci-dessous), il a fallu mettre à l'oeuvre 30 000 ouvriers, dont 6 000 sont morts pendant les travaux. Ce sont eux, les véritables héros de Versailles. Peut-être ne l'étaient-ils pas à l'époque de la France monarchiste, mais ils devraient l'être dans la France républicaine d'aujourd'hui. Aussi me semble-t-il que Versailles, tel qu'on le présente aux visiteurs, trahit l'idéal républicain (qui est aussi le mien) s'il ne met pas en vitrine un bâtiment ou une galerie à la mémoire des artisans de Versailles et du personnel de soutien qui en assura par la suite le fonctionnement.




Quand on a une devise comme « Liberté, égalité, fraternité » et un hymne national comme « La Marseillaise », il y a des limites à glorifier les excès des rois. Il ne s'agit pas de diminuer la valeur de l'oeuvre, ni sa beauté, mais de rendre aux ouvriers français la juste part du mérite qui leur revient. Louis XIV n'aurait rien accompli à Versailles sans le dur labeur de ses « sujets ». Ce monument à la gloire du roi soleil doit aussi honorer la sueur et le sang du peuple qui l'a construit de ses mains.

Vivement, républicains de Versailles, faites en sorte que votre plus célèbre attraction soit aussi un monument à la gloire de ceux et celles dont les petits-enfants et arrière-petits-enfants devaient, quelques générations après Louis XIV, propulser à l'avant-plan mondial l'idéal républicain. Qu'on y montre dans un bâtiment réservé à cette fin, les outils de l'époque, les costumes des ouvriers et serviteurs, qu'on y parle des métiers, du mode de vie des gens, du traitement qu'on leur infligeait. Ne laissez pas partir vos visiteurs sans leur rappeler à quel prix Versailles a été érigé.

Si telle présentation existe sur place, je ne l'ai pas vue et je m'en excuse. Quelqu'un se chargera sûrement de me le faire savoir sans délai. Espérant que ce texte sera vu par des gens progressistes qui ont à la fois à coeur Versailles et l'idéal de la république.



J'ai attendu plus de deux ans avant d'exprimer cette opinion par écrit, mais j'y ai souvent pensé en regardant mes photos de voyage. Et voilà ! Maintenant, c'est dit !

Vive la France ! Vive la république !

Coup de maître de l'emmerdeur-en-chef...




Certains jours, je me plais à imaginer qu'il existe, quelque part dans un sombre bureau à Ottawa, un emmerdeur-en-chef dont le rôle principal est d'écoeurer les automobilistes de Gatineau qui tentent de passer par le centre-ville de la capitale fédérale pour aller emprunter l'autoroute 417 en direction est... le plus souvent vers Montréal mais aussi pour se rendre dans les banlieues de l'est comme Orléans et Rockland...

Évidemment pour atteindre la région montréalaise, nous avons maintenant notre petite autoroute-de-poche, la « 50-à-deux-voies » qui nous propose depuis l'an dernier une solution de rechange mais comme on a mis plus de 40 ans à la construire, les vieilles habitudes de filer par Ottawa sont tenaces. Et de toute façon, il faut encore le faire si notre destination est ontarienne et plus ou moins locale.

Alors hier (dimanche 27 octobre 2013), je quitte Gatineau au beau milieu de l'après-midi - vers 14 h 30 - pour aller dans le secteur Orléans d'Ottawa chercher ma mère qui doit venir souper chez nous. Il faut préciser au départ que le pont principal vers Ottawa (le pont Macdonald-Cartier) est une artère à six voies qui est l'aboutissement de l'autoroute 5 du Québec et que dès qu'on passe la frontière ontarienne, au beau milieu de la rivière des Outaouais, la vitesse maximale tombe à 50 km/h... Dire ici ce que je pense de ça m'obligerait à employer un langage non parlementaire...

Mais c'est pire... À la sortie du pont, la ville d'Ottawa ou je ne sais qui ont réduit davantage la limite à 40 km/h, puis à 30 km/h (sans justification aucune...) dans la courbe vers la rue King Edward à 6 voies également... C'est un véritable piège à contraventions dont les principales victimes sont nécessairement québécoises... Et on n'a pas vraiment le choix de passer par là, étant donné qu'il n'existe aucun pont plus à l'est et qu'à Ottawa, personne ne veut d'un pont de plus pour accommoder les conducteurs québécois...

Alors revenons à King Edward, qui mène normalement à la 417. Ce n'est jamais facile parce que dans le secteur du campus de l'Université d'Ottawa, cette rue est rétrécie à deux voies... Un véritable entonnoir qui peut, à la moindre affluence et au moindre accident, provoquer des embouteillages monstres... Or, cette voie est inaccessible pour cinq ans !!! (jusqu'à 2018) parce que l'accès de la 417 au bout du campus est fermée...

Travaux d'élargissement de la 417 qu'ils disent... Je veux bien les croire, mais cinq ans...

Enfin, cela « nous » (les Québécois de Gatineau) oblige à quitter King Edward avant le goulot pour nous rendre à la promenade Vanier (dans le secteur du même nom), qui mène à la rampe d'accès la plus rapprochée de l'autoroute 417 vers l'est... Inutile de dire que le trafic routier additionnel cause continuellement des bouchons sur les voies de virage à gauche (vers l'est) de King Edward et que cette situation déjà frustrante est aggravée par le lot continu de tricheurs qui tentent de couper dans la file juste avant le dernier feu de circulation...

Mais voilà... tant bien que mal, je sors du pont, attends patiemment mon tour avec des centaines d'autres concitoyens, et finit par arriver à la hauteur de la 417 sur la promenade Vanier... où il y a aussi des travaux... Horreur... La bretelle d'accès à la 417 vers l'est est là aussi fermée ! Les équipes de construction mettent les bouchées doubles et arrangez-vous, les Québécois (ainsi que beaucoup d'Ontariens rendus là)... Allez ailleurs...

Imaginez des centaines, voire des milliers de voitures qui découvrent sans préavis que leur seule solution de rechange vient de s'évaporer... À moins de connaître la ville, vous êtes cuits... Aucun GPS ne peut vous être de secours ici car ils sont programmés pour vous faire prendre des accès qui sont présentement fermés... Vous allez tourner en rond pendant des heures... Alors je fais quoi, je suis complètement à droite du boulevard et pour rectifier, il faudrait que je coupe à travers trois voies de circulation solide en quelques mètres...

Oublions ça, je continue, et connaissant Ottawa pour y être né et y avoir vécu pendant près de 30 ans, je me faufile jusqu'au boulevard Industriel, dans le secteur de la gare ferroviaire de la capitale, qui est parallèle à la 417 et qui aboutit au boulevard Saint-Laurent (encore plus à l'est) où se situe la prochaine bretelle d'accès à la 417-vers-l'est... Je ne suis pas seul à avoir imaginé ce scénario, semble-t-il. (Une parenthèse en passant, il n'y a aucune indication de chemin de rechange ou de détour pour les automobilistes...)

Arrivée lente au boulevard Saint-Laurent, une des artères les plus achalandées d'Ottawa... mais ça file assez bien... trop bien à mon goût de fait... J'arrive à l'entrée de la 417 vers l'est... ELLE EST FERMÉE!!! TROIS DE SUITE (série de sacres et de gros mots...) Les échangeurs Nicholas, promenade Vanier, et Saint-Laurent sont interdits aux automobilistes en direction est en même temps ! 

L'emmerdeur-en-chef régional a réussi cette fois un coup de maître... il doit être installé devant un mur rempli d'écrans de surveillance, en train de siroter je ne sais quoi et souriant de satisfaction pendant que des milliers de conducteurs se grattent la tête... et zigzaguent dans toutes les directions sauf la bonne...

Pendant tout ce temps, je dois quand même aller chercher ma mère... Nouvelle route alternative... Chemin Cyrville vers le grand boulevard Innes qui mène aussi à Orléans et qui passe tout près du domicile de ma mère... C'est un autre détour mais cette fois je finis par y arriver... et un trajet qui aurait dû me prendre une demi-heure a duré près d'un heure... Si j'avais été un touriste armé d'un GPS, j'aurais sans doute abandonné...

Inutile de dire que j'ai évité le centre-ville d'Ottawa au retour à Gatineau (de fait, si je le pouvais, j'éviterais Ottawa pour les 5 prochaines années...). J'ai filé vers l'est sur la route 174 (l'ancienne 17 vers Montréal) pour aller prendre le traversier (à 9$) qui traverse l'Outaouais à la hauteur du secteur Masson-Angers de Gatineau où je peux rattraper l'autoroute 50 vers l'ouest...

Il n'y a probablement pas de complot contre les automobilistes québécois de l'Outaouais (quoique, à certains moments...), mais s'il y en avait un, si l'emmerdeur-en-chef existait vraiment, il ne s'y prendrait pas autrement...

vendredi 25 octobre 2013

Le Rapibus porte mal son nom...

Ce matin, en allant conduire mon épouse à son travail, j'ai été frappé par la foule matinale à l'arrêt d'autobus, angle Paquette et La Vérendrye (secteur Gatineau, entre Paiement et Main). Au lieu d'attendre en direction ouest, vers le centre-ville, comme avant, elle s'était déplacée de l'autre côté du boulevard La Vérendrye, direction est, s'éloignant du centre-ville...

Pourquoi diable voudraient-ils s'éloigner de leur travail, me suis-je demandé pendant une milliseconde, me souvenant des affiches inversées de la semaine dernière. Puis, dans la deuxième milliseconde, je me suis rappelé que les autobus express de jadis avaient été abandonnés depuis lundi au profit du Rapibus... cette voie flambant neuve réservée aux autobus, allant du secteur Gatineau vers le centre-ville du secteur Hull (un genre de métro en plein air sur asphalte).

Et la station Rapibus la plus commode étant située sur le boulevard Labrosse, à 1 ou 2 km à l'est (la mauvaise direction), les passagers de mon quartier fort peuplé devaient rebrousser chemin avant de pouvoir embarquer sur une de ces nouvelles « torpilles » vers le coeur du secteur Hull et d'Ottawa.

Pour ces gens, le détour doit sûrement signifier non seulement un trajet plus long, mais un certain retard. À moins que ces express du nouveau Rapibus roulent à 100 km/h, il ne me semblait y avoir aucun gain en rapidité, et peut-être même un léger ralentissement... Cette question avait été abordée par des journalistes et éditorialistes avant la mise en oeuvre du Rapibus, mais personne ne savait trop à quoi s'attendre...

Puis j'ai lu, dans Le Droit de ce matin, les protestations d'une usagère du secteur Buckingham qui se plaignait de passer une heure de plus tous les jours en déplacement aller-retour du centre-ville. Une de mes belles-soeurs du secteur Limbour est obligée maintenant de prendre deux autobus au lieu d'un, de faire une dizaine d'arrêts additionnels, et met donc une heure de plus qu'auparavant pour se rendre au travail dans des express bondés où elles doit rester debout pendant la durée du trajet... Inutile de dire qu'elle est plutôt exaspérée... avec raison !

N'étant pas un usager régulier du transport en commun (étant en semi-retraite et ayant mon bureau à la maison), mon expérience des express du matin remonte à l'an dernier quand je suivais un cours le matin à l'Université d'Ottawa. Le service était rapide. Pas autant qu'en voiture, mais presque. J'ai remarqué que dans la publicité de la Société de transport de l'Outaouais (STO) pour le Rapibus, on mettait de l'avant quatre qualités : fréquence, fiabilité, flexibilité, facilité. Le mot rapidité n'y était pas... sans doute pour de bonnes raisons.

D'ailleurs, encore dans Le Droit, on a publié quatre exemples de durées de trajet de différents points de départ, entre les secteurs Buckingham et Gatineau. Au mieux, selon les scénarios de la STO, deux des trajets duraient 5 et 4 minutes de moins, tandis que les deux autres s'allongeaient respectivement de 4 et 8 minutes... J'ai peine à comprendre comment on peut justifier une dépense de 250 millions de dollars avec si peu de résultats en terme de temps pour les usagers. On aurait pu économiser ce 250 millions $ et les usagers n'auraient pas vu une grosse différence. Certains s'en porteraient même beaucoup mieux...

Pendant les années qu'ont duré la construction du réseau Rapibus, on a bloqué des routes, fait des détours, causé un immense fil à retordre à des commerces isolés de leurs clients, ainsi qu'à des automobilistes pris sans arrêt dans l'enchevêtrement de travaux aux heures de pointe. Les coûts aux commerçants touchés par les travaux sont-ils comptabilisés dans le 250 millions $ ? Je ne crois pas... Et tout ça pour un réseau de transport pas-si-rapide-que-ça qui n'a peu ou pas d'effet sur la durée des aller-retour au travail dans le centre-ville ?

Je veux bien croire que c'est un beau et prestigieux réseau, que ça paraît bien, qu'il y a certainement des avantages sur le plan de la sécurité mais 250 millions $... À première vue, je ne suis pas sûr qu'on en ait eu suffisamment pour notre argent... On verra comment la STO s'ajustera pour nous démontrer qu'en fin de compte, il n'y a pas eu là un énorme gaspillage de fonds publics... En tout cas, l'appeler « Rapibus » semble pour le moment de la fausse publicité...



jeudi 24 octobre 2013

Le 50% plus un, légitime ou pas?

Le « 50% + 1 » référendaire fait couler beaucoup d'encre quant à sa légalité, et surtout quant à sa légitimité dans le contexte québécois et canadien. Les groupes et gouvernements qui auraient clamé haut et fort que 50% moins un constituait une défaite en 1995 sont moins chauds à accepter que 50% plus un puisse constituer une victoire au prochain référendum, si jamais il avait lieu....

La Cour suprême, en 1998, a laissé entendre qu'il fallait « une majorité claire » en faveur de l'indépendance pour que le reste du pays soit dans l'obligation de négocier. L'interprétation de cet avis judiciaire, tant par les libéraux que par les conservateurs, était et reste encore aujourd'hui qu'une majorité claire se situe quelque part au-dessus du seuil de 50% +1. Trudeau le jeune a même brandi le chiffre de 66% comme seuil de clarté...

Ce matin, dans Le Devoir, le juriste Patrice Garant, de l'Université Laval, discourait savamment sur le pourcentage de « oui » qui constituerait une majorité suffisante. Les exemples qu'il évoque en comparaison, le Montenegro (Balkans), la Transnistrie et le Nagorno-Karabakh (ces deux derniers de l'ex-URSS), sont-ils vraiment les meilleurs? De toute façon, ce que j'en retiens, c'est que même avec des majorités de plus de 97% dans les deux États de l'ex-URSS, la reconnaissance internationale de la souveraineté n'a pas suivi...

Les comparaisons sont souvent douteuses. Les sociétés des Balkans et de l'ex-URSS n'ont pas de grande tradition démocratique et ont vécu au cours du dernier siècle de grands bouleversements politiques, des guerres et de graves confrontations ethniques. Ici, au Québec et au Canada, les régimes ont été nettement plus stables et, à l'exception de violences sporadiques (rébellion de 1837, crise de la conscription de la Première Guerre mondiale), les grandes décisions se prennent le plus souvent de façon pacifique aux bureaux de scrutin.

À Québec comme à Ottawa et ailleurs au Canada, l'information circule librement, les débats se font ouvertement, sur la place publique, les régimes électoraux sont crédibles, et personne ne questionne vraiment la valeur des résultats. Un 99% dans un régime autoritaire fait sourire de scepticisme, mais un 50% plus un ici est reconnu comme expression légitime de la volonté majoritaire.

Revenons à la question de la souveraineté du Québec. Personne n'en parle vraiment, mais tout le monde sait ce que représente comme défi pour le « oui » un seuil de 50% +1. Cela veut dire aller chercher l'appui de plus de 60% des francophones et allophones francisés parce que le groupe des anglophones et allophones anglicisés voteront massivement, presque en bloc, pour le « non » sans poser de questions. Sur le plan démocratique, en cette matière, la discussion et le débat n'ont lieu, à toutes fins utiles, que chez les francophones et allophones francisés.

Ainsi, les souverainistes devront toujours « spotter » (comme disent les parieurs) une vingtaine de points au camp du « non », 20 points qui sont acquis, presque coulés dans le ciment. Au sein de la minorité anglo-québécoise et de la majorité anglo-canadienne, la fermeture d'esprit aux projets d'autonomie de la majorité francophone du Québec y est incrustée et encouragée par des médias qui ont depuis longtemps diabolisé tous ce qui peut ressembler à un « séparatiste ». Et « nous » sommes tous plus ou moins suspects pour eux... peu importe notre option.

Donc, pour gagner un référendum sur la souveraineté à 50% plus un, le « oui » doit aller chercher près des deux tiers des francophones et allophones francisés, faute de pouvoir espérer le miracle d'un réel débat ou d'une véritable ouverture au sein de la minorité anglophone et anglicisée. Le Québec étant profondément démocratique, ceux qui font de l'obstruction systématique conserveront toujours leur droit de parole et leur droit de vote. Donc, il faut d'ores et déjà compter un 20% assuré dans le camp du non, dès le départ, et accepter que le véritable débat ne concernera que 80% de la population.

Les chances d'aller chercher pour un « oui » près de 65% des francophones (presque atteint en 1995) sont minces, pour dire le moins, dans le contexte actuel. Pour atteindre le seuil de 66% évoqué par Justin Trudeau, il faudrait que plus de 80% des francophones votent « oui » à un référendum sur l'indépendance ou que des anglophones francophiles (oui, il y en a passablement) puissent secouer les préjuger anti-francophones et anti-québécois. Aussi bien dire mission impossible !

De toute façon, toute cette discussion est bien hypothétique. Le régime fédéral canadien est devenu tellement inflexible qu'en matière de changement, personne ne voit de lumière au bout du tunnel...

mercredi 23 octobre 2013

Une province républicaine? Pourquoi pas?

À la suite de l'intervention d'Ottawa dans la contestation de la Loi 99, l'Assemblée nationale a réaffirmé aujourd'hui avec force, à l'unanimité, le droit du Québec de s'autodéterminer. La question de principe est importante, bien sûr, dans la mesure où Ottawa s'arroge, en particulier depuis l'ère Trudeau, un statut de supérieur hiérarchique face au Québec et aux autres provinces. Avec le rapatriement de 1982, imposé au Québec, le fédéral a notamment ajouté deux armes puissantes à son arsenal déjà lourd: la Charte canadienne des droits et libertés et le rôle constitutionnel (qui en découle) des tribunaux supérieurs, qu'Ottawa contrôle (le premier ministre fédéral nomme en effet tous les juges de ces cours).

Aussi ne faut-il pas se surprendre que les ingérences fédérales (exécutives, législatives et judiciaires) dans les compétences provinciales se soient multipliées au cours des dernières décennies. La plus récente manoeuvre, cet appui à la contestation de la Loi 99, s'inscrit dans la continuité du Renvoi sur la sécession de la Cour suprême (1998) et de la Loi sur la clarté (2000) de Stéphane Dion. Ottawa veut pouvoir décider des règles du jeu, advenant une nouvelle tentative de sécession du Québec, par voie référendaire ou autre. D'où ce rappel unanime de l'Assemblée nationale qui énonce une fois de plus la règle du 50% +1, en plus de déclarer :

« L'Assemblée nationale réaffirme que seule l'Assemblée nationale du Québec a le pouvoir et la capacité de fixer les conditions et modalités entourant la tenue d'un référendum conformément à la loi sur les consultations populaires, y compris le libellé de la question référendaire. L'Assemblée nationale réaffirme qu'aucun parlement ou gouvernement ne peut réduire les pouvoirs, l'autorité et la légitimité de l'Assemblée nationale ni contraindre la volonté démocratique du peuple québécois à disposer de son avenir.»

Ce type de motion a son utilité, si ce n'est que pour dire la volonté claire des élus qui représentent la nation québécoise. Mais elle a aussi ses limites, dans la mesure où la volonté d'Ottawa pèse lourd et où les tribunaux, y compris la Cour suprême, ne se privent pas d'exercer les pouvoirs que la Charte leur a conférés. Son utilité est davantage réduite par le fait qu'il n'existe présentement aucune tentative sérieuse de sécession ni de perspective à court terme de référendum. Le PQ est minoritaire et l'opinion publique ne semble pas portée plus qu'il ne faut sur la chose constitutionnelle...

Voilà pourquoi le gouvernement Marois, si possible avec l'appui des autres partis, aurait avantage à ne pas se limiter au traditionnel « nous avons le droit de décider seuls de notre avenir » et à poser des gestes concrets d'autodétermination. Bien sûr, on ne peut penser ici - du moins pas immédiatement - à une renégociation des pouvoirs au sein de la fédération mais des gestes concrets pourraient être posés sans remettre en question, pour le moment du moins, la structure fédérale telle qu'elle existe présentement.

Le grand débat actuel au Québec porte sur le projet de charte des valeurs et dans tout le brouhaha, il se dégage tout de même un consensus sur la neutralité et la laïcité de l'État. La chicane est encore poignée sur les signes religieux ostentatoires, mais un large compromis pourrait surgir de la pagaille actuelle. Cet accord très majoritaire sur la neutralité et la laïcité de l'État et de ses institutions pourrait être transformé en loi constitutionnelle ou quasi constitutionnelle.

Pourquoi ne profiterait-on pas du grand échange sur le projet de charte des valeurs pour transformer le Québec en république? Pas une république indépendante (il n'y aurait pas consensus là-dessus), mais une république provinciale, sans toucher pour le moment à la répartition des pouvoirs entre le Québec et le fédéral. Daniel Johnson en avait déjà fait la proposition à Ottawa en 1968. Si Québec décidait par exemple de rejeter la monarchie, de se défaire du lieutenant-gouverneur (du moins comme représentant d'un monarque qui est présentement gouverneur de l'Église anglicane, ce qui est tout à fait contraire à la neutralité et la laïcité), et d'affirmer dans sa propre constitution des valeurs à tendance républicaine, il y a de bonne chances que cela puisse rallier une majorité claire des Québécois.

Québec pourrait en profiter pour affirmer dans sa charte la suprématie du peuple, valeur républicaine, alors que la Charte canadienne affirme la suprématie de Dieu (pas très neutre) et, par extension, celle de la souveraine, la reine anglicane-en-chef Élizabeth II.

Une province républicaine? Pourquoi pas? Le projet trouverait sans doute bien des partisans ailleurs au Canada où l'engouement pour la monarchie est moins ardent qu'autrefois. On me dira que ce ne serait pas une très grande victoire pour le Québec. Je répondrai que les victoires se sont faites très rares depuis 50 ans, et que même une toute petite donnerait le goût d'aller en chercher d'autres. Jusqu'à ce qu'on ait un pays à notre image.

mardi 22 octobre 2013

Les signes religieux : une réflexion...

Quand j'étais petit, à l'école catholique, les signes religieux étaient omniprésents. Le crucifix sur le mur. Les JMJ (Jésus-Marie-Joseph) dans nos cahiers. Prêtres, religieux et religieuses en costumes d'Église dans nos classes. La messe, la confession, la communion. Un véritable lavage de cerveau qui se poursuivait à la maison avec des parents formés à la même école.

Je n'en veux pas à mon père et à ma mère, ou à mes grands-parents. Au contraire. Ils ont fait ce qu'ils ont fait par conviction et par amour. Et je me réconcilie aujourd'hui, peut-être parce que je vieillis, avec certaines de leurs pratiques. Je reste chrétien, parce que je crois au message d'amour des Évangiles. Je vais même parfois à la messe. Mais ces convictions restent du domaine personnel et privé. Je ne tente pas de faire des convertis. Et en ce qui a trait à la sphère publique, à l'État et ses dérivés, je suis partisan d'une neutralité/laïcité sans trop de compromis.

Sans doute marqué par les écoles de mon enfance, je me suis, comme bien d'autres adolescents, rebellé contre les carcans du passé. C'étaient les années 1960. C'est tout dire. Révoltes étudiantes, contestation de la guerre du Vietnam, découverte (pour moi qui était alors Franco-Ontarien) d'un Québec en ébullition. Devenu à mon tour parent, avec ce bagage bariolé, j'ai juré que mes enfants ne subiraient pas ce que nous avions subi. Qu'ils seraient libres d'apprendre et de former eux-mêmes leurs opinions, sans pression indue des parents, de l'État ou de la société.

Avons-nous réussi? Les écoles du Québec avaient changé dans les années 1980 (nous avions élu domicile à Gatineau) et s'étaient largement laïcisées. Ce qui était heureux parce qu'un parent s'aperçoit vite, quand l'enfant est très jeune, que l'enseignant a souvent plus d'autorité que le père ou la mère dans l'esprit de l'écolier ou de l'écolière. Au primaire en particulier, si « la maîtresse » l'a dit, ce doit être vrai... Au secondaire, les jeunes sont mieux équipés pour se rebeller au besoin.

Quant à moi, j'ai fait mon possible pour ne pas leur imposer mes points de vue sociaux ou politique, sans toutefois faire de compromis sur les valeurs importantes.

À regarder mes enfants aujourd'hui, je suis plutôt fier des résultats. Trois filles indépendantes, éprises de liberté et d'égalité, qui ont fondé une famille et qui doivent parcourir les mêmes sentiers que nous, à leur tour. Mais le monde a changé. La société est plus complexe, et le plus souvent, les deux parents doivent travailler pour arrondir les fins de mois. Les enfants fréquentent aujourd'hui des garderies (phénomène plutôt inconnu dans mon enfance) et commencent l'école plus tôt dans la vie. Ces institutions exercent l'autorité parentale bien plus qu'autrefois...

Dans un contexte de laïcisation généralisée, cela m'inquiète assez peu, la neutralité étant porteuse d'universalité et de tolérance, généralement. Mais voilà que se pointent, tant chez les chrétiens que chez les musulmans et les juifs, des courants intégristes qui risquent, à la longue, de menacer l'équilibre vers lequel les sociétés occidentales (y compris au Québec) tendaient depuis un demi-siècle ou plus. Les intégristes chrétiens des États-Unis et les islamistes d'un peu partout me semblent particulièrement agressifs dans leurs revendications.

Non seulement certains de ces courants sont-ils menaçants pour la société et l'État laïc, mais ils ont tendance à faire sortir des placards tous les éléments xénophobes et racistes qui n'attendent que ça pour vitupérer contre les immigrants et les valeurs qui leur sont étrangères. Voilà la pire des situations qui devient possible : une polarisation accrue mettant en cause, d'un côté de l'extrême, le prosélytisme des intégristes intransigeants et de l'autre, les ripostes vigoureuses des franges xénophobes. Avec, au milieu, pris entre deux feux, les authentiques partisans de la neutralité, de la laïcité et de la tolérance.

Si j'ai, par conviction laïque, par ouverture sur les autres cultures et religions, accepté de bon gré qu'on retire des institutions de notre État, de nos écoles, de nos hôpitaux tous les signes religieux chrétiens et/ou catholiques auxquels je crois toujours, ce n'est certainement pas pour accepter aujourd'hui qu'on les remplace par d'autres auxquels je crois moins et qui me paraissent, trop souvent à mon goût, porteurs de valeurs intégristes et intolérantes.

Voilà une des raisons pour lesquels j'appuie le projet de charte des valeurs du gouvernement Marois.



lundi 21 octobre 2013

Réveille! Réveille!

Je suis un Québécois né à Ottawa. Mon présent et mon avenir sont au Québec, sur la rive gatinoise de l'Outaouais. Mon passé, toutefois, ma jeunesse surtout, restera franco-ontarien. On n'oublie pas ses racines. Elles nourrissent notre force, ancrent notre identité. Étudiant, j'ai milité dans des organisations franco-ontariennes. Devenu journaliste en 1969, j'ai continué depuis à m'intéresser, personnellement et professionnellement, aux dossiers des francophones hors Québec.

Je persiste à croire que le sort de la francophonie hors Québec, et la compréhension de sa dynamique, doivent jouer un rôle essentiel dans les choix d'avenir que les Québécois continuent à façonner, de génération en génération : pas pour limiter ces choix, loin de là, mais pour les informer. Par ailleurs, les décisions identitaires des Québécois auront sans aucun doute des répercussions sur le vécu des Acadiens et des Canadiens français ailleurs au Canada.

Mais quel que soit le statut ultime du Québec, qu'il devienne une république souveraine ou qu'il se contente d'une autonomie accrue au sein de la fédération, les liens entre la francophonie québécoise et les collectivités francophones acadiennes et canadiennes-françaises conserveront toute leur importance.

J'ai déploré à maintes reprises l'indifférence des médias de langue française à l'endroit des grands dossiers d'actualité des francophones hors-Québec. Au-delà de la presse communautaire de ces collectivités, de quelques quotidiens (Le Droit, l'Acadie Nouvelle, parfois Le Devoir) et du réseau régional de Radio-Canada, qui assurent une couverture ponctuelle mais souvent inégale, la réalité franco-canadienne se caractérise par un silence médiatique assourdissant...

En fin de semaine, samedi 19 octobre, avait lieu la première d'une série de consultations régionales sur l'éducation postsecondaire en français en Ontario. Le grand projet : créer enfin une université franco-ontarienne, ou du moins assurer une gouvernance franco-ontarienne du palier collégial et universitaire. Au Québec, les anglophones ont trois universités. Les Franco-Ontariens aucune, à moins de compter la petite mais dynamique Université de Hearst, dans le Grand Nord ontarien.

Une soixantaine d'intervenants se sont présentés à Timmins, dans le nord de la province, pour lancer la réflexion et le débat sur un éventuel projet à proposer au gouvernement ontarien. C'est la première fois que la population francophone de l'Ontario est conviée de cette façon à s'exprimer sur l'avenir du postsecondaire en français. Un événement historique ! J'ai fait le tour des médias ce matin (lundi 21 octobre). À peu près rien en ligne !

J'avais rédigé un éditorial paru vendredi dans Le Droit, et un texte de nouvelles a été publié (en ligne seulement) samedi. Aujourd'hui, Le Droit a un compte rendu dans la version imprimée et en ligne du journal. J'aurais espéré plus, mais c'est déjà bien, très bien même quand on se compare aux autres où c'est le silence total. Rien à Radio-Canada. Rien, à ma connaissance, dans les autres quotidiens de Gesca et dans ceux de Québécor...

En matière de francophonie hors-Québec, n'y a-t-il plus, dans les médias d'ici, autant de cadres, d'éditorialistes, de chroniqueurs et de reporters qui savent s'élever au-dessus de l'immédiat et intégrer à leurs choix une vision géographique et historique élargie? Les Franco-Ontariens crient dans le désert depuis trop longtemps et je crains, au train où vont les choses, que leur érosion se poursuive dans un climat d'indifférence au Québec et dans un climat d'hostilité croissante des majorités anglophones chez eux.

Encore en fin de semaine, les Acadiens de la Nouvelle-Écosse étaient réunis en assemblée générale annuelle à Dartmouth, en banlieue d'Halifax. Sous l'égide de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE), quelque 135 délégués de tous les coins de la province ont échangé sur l'état actuel du français parlé en Acadie néo-écossaise, en plus de s'acharner à essayer de trouver des solutions « à la question préoccupante de l'assimilation et de la baisse du nombre de francophones en Nouvelle-Écosse ». C'est important, non?

J'ai suivi tant bien que mal la rencontre sur Twitter, samedi et dimanche, espérant colmater les brèches en lisant aujourd'hui des textes de Radio-Canada ou de l'Acadie Nouvelle. Encore là, rien, du moins en ligne. Le silence. Les Acadiens de la Nouvelle-Écosse crient-ils eux aussi dans le désert ? Il faut croire que si. C'est désespérant !

À mes concitoyens québécois, et notamment à ceux de l'univers médiatique, je dis : regardez ce qui se passe chez les francophones hors Québec ! Ce qui leur arrive vous arrivera un jour si vous ne tentez pas de le comprendre et d'assurer immédiatement un Québec fort et français. Et ces francophones d'ailleurs au pays pourraient faire bon usage de votre solidarité. Au Québec, je crierais comme Zachary Richard, jusqu'à en perdre la voix : Réveille ! Réveille !

dimanche 20 octobre 2013

Autoroute 5... le mystère du retard d'un an...

Ceux et celles qui empruntent l'autoroute 5 et la route 105 pour aller à La Pêche (Masham, Wakefield) ou plus au nord dans la vallée de la Gatineau observent sans doute avec beaucoup d'intérêt l'évolution des travaux de prolongement de l'autoroute 5 depuis quelques années. C'est un immense chantier qui entraîne ralentissements, arrêts, déviations routières. Et tout le monde attend bien sûr que les travaux soient terminés pour arrêter de rouler à 70 km/h sur la 105 et enfoncer un peu plus l'accélérateur sur la belle « 5 » flambant neuve à quatre voies...




Jusqu'à récemment, les affiches indiquaient - et ce, depuis le début - que la construction serait achevée en août 2013. Évidemment,  à voir l'état des travaux dans le secteur Masham-Wakefield, il devenait évident cette année qu'il y aurait des retards. Mais l'affiche ne changeait pas et les médias n'avaient annoncé aucun retard substantiel. On pouvait donc supposer que tout tomberait en place d'ici la fin de l'année. Comment a-t-on pu oublier si vite la saga de l'autoroute 50, qu'on a mis plus de 40 ans à « compléter » et qui n'a même pas quatre voies...

Or, ce matin, en me rendant à La Pêche, secteur Masham, je suis arrivé dans le secteur sud des travaux, où l'on peut voir depuis plusieurs mois un bon bout d'autoroute complété, avec les lignes tracées et tout et tout... et qu'une barricade et quelques mètres de champ non pavé rendent inaccessible. Mais voilà que mon attention se porte sur l'affiche... Il y a quelques chose de changé. Fin des travaux : automne 2014 ! C'est nouveau, ça... Ai-je mal lu les journaux, ou manqué ça aux bulletins de nouvelles ? C'est possible...

Alors vite sur Internet. Recherche sur le prolongement de l'autoroute 5, avec accent particulier sur l'échéancier et des retards. Rien vu dans les médias... Coup d'oeil sur les bulletins de Transports Québec, qui ne semblent pas être beaucoup suivis par le grand public (y compris moi) et tout est là : le bulletin original de 2011 annonçant que tout sera fini en 2013, et un bulletin corrigé en 2012 pour dire que le bout d'autoroute ne sera ouvert qu'en 2014... Les voici d'ailleurs :

Mars 2011
«Les travaux relatifs au deuxième tronçon, qui ont débuté le 14 février dernier, consistent à poursuivre le prolongement de l’autoroute, à la suite du premier tronçon, jusqu’au secteur de Wakefield sur environ 6,5 km. Ce segment permettra de rejoindre la portion existante de l’autoroute au nord en contournant le secteur de Wakefield. Il comprend deux échangeurs (chemin Cross Loop, chemin Valley Drive), un pont d’étagement (chemin Carman) et deux nouvelles structures enjambant la rivière La Pêche.

«Les coûts des travaux s’élèvent à 115 millions de dollars et sont financés à parts égales par les gouvernements du Canada et du Québec, dans le cadre de l’entente Canada-Québec. Le projet s’échelonnera sur 2 ans, de sorte que l’ouverture complète du deuxième tronçon aura lieu en 2013. Ces travaux créeront 1 418 emplois directs et indirects.»

Bulletin de mars 2011 de Transports Québec

Février 2012

«Les travaux dans la municipalité de Chelsea, amorcés en février 2011, vont bon train et devraient prendre fin en 2013.
Quant aux travaux dans la municipalité de La Pêche, l’échéancier de réalisation a dû être révisé, principalement en raison de contraintes géotechniques nécessitant des méthodes de construction particulières qui sont plus longues. La fin des travaux est donc maintenant prévue en 2014.»
Bulletin de février 2012 de Transports Québec

Avoir vu ça en février 2012, j'aurais posé des questions. Il me semble que « des contraintes géotechniques nécessitant des méthodes de construction particulières qui sont plus longues », ça mérite des explications. Quelles contraintes? N'avaient-ils pas étudié en profondeur ce terrain dans les années qui avaient précédé la préparation du premier échéancier? Et quelles sont ces méthodes de construction particulières qui sont plus longues? Pour le commun des mortels (c'est-à-dire moi), tout cela est incompréhensible.


J'ai vu l'état des travaux ce matin... On creuse par ci, on ajoute par là, on fait des ponts, on nivelle. des activités qui me semblent toutes très normales pour un chantier routier. Je ne doute pas de la véracité du bulletin de Transports Québec, mais le ministère est plutôt avare de renseignements. Pour dire le moins... Et les médias, à prime abord, ne semblent pas avoir trop fouillé l'affaire...

Cette section d'autoroute comporte une enveloppe budgétaire de 125 millions de dollars (devra-t-on modifier ce chiffre?), et on vient d'ajouter une année complète à des travaux qui devaient durer deux ans. C'est 50% de plus ! Ça mérite plus qu'une mention dans un bulletin...

Si je me trompe, je suis certain qu'on me le dira vite et je ferai un humble mea culpa...

jeudi 17 octobre 2013

Un commentaire intéressant, mais...

La Commission québécoise des droits de la personne et des droits de la jeunesse n'est pas le genre d'organisme qu'on peut aisément qualifier de partisan. Elle est, en principe, au-dessus de la mêlée politique. Elle l'a prouvée, à l'été 2012, dans sa tirade contre la Loi 78 du gouvernement Charest. Alors, quand elle attaque le projet de charte des valeurs, je dois croire que ses objections sont motivées par un réel souci de remplir son mandat et de protéger les droits et libertés des citoyens.

Or, comme je suis partisan des mesures proposées par le gouvernement Marois, y compris l'interdiction des signes religieux ostentatoires pour le personnel de l'État, je suis interpellé par cette dénonciation sans équivoque de mesures que je juge fondées et raisonnables. J'ai donc lu et annoté le document d'une vingtaine de pages dans lequel la Commission étaye ses analyses et jugements. Et j'en viens à la conclusion qu'il existe des failles dans le raisonnement qu'elle nous présente.

Le premier problème que je perçois est celui de la soi-disant « non-hiérarchisation » des droits et libertés de la personne. Selon la Commission « tous les droits ont la même valeur juridique ». « Aucun droit, dit-elle, n'est plus important que les autres ». Or, le texte de la Commission reconnaît du même souffle qu'il peut y avoir conflit entre ces droits, qu'on peut opposer un droit à un autre droit et que dans ces cas, les tribunaux doivent juger en prenant en considération les « circonstances concrètes » de chaque situation. Les tribunaux établissent donc une hiérarchie ponctuelle des droits et libertés. Les législateurs aussi, dans la préparation et l'adoption de lois.

Il existe, selon moi, une hiérarchie « de facto » des droits et libertés. La liberté de religion, par exemple, n'est jamais absolue. Même dans la vie privée, elle est réglementée par d'autres lois: un exemple facile, l'interdiction de la polygamie. Dans la sphère publique, dans les lieux citoyens, au sein de l'État, elle peut l'être davantage. Un exemple connu : l'interdiction du voile intégral (niqab) pour aller voter. L'article 9.1 de la Charte québécoise prévoit notamment que « les libertés et droits fondamentaux s'exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec. La loi peut, à cet égard, en fixer la portée et en aménager l'exercice. »

Je continue de prétendre que l'égalité reste le droit le plus fondamental, celui qui conditionne tous les autres. Les autres droits et libertés, y compris la liberté de religion, liberté d'expression, d'association, etc., n'existent réellement que dans la mesure où tous et toutes peuvent les exercer - dans les limites de lois qui s'appliquent également à tous et à toutes. Or, dans une démocratie, il appartient à l'État et à ses représentants, élus ou nommés, de déterminer la portée et d'assurer le respect de ces droits et libertés. Voilà pourquoi l'État se doit d'être neutre dans sa réalité ainsi que dans son apparence, y compris en matière de religion. L'État et ses représentants doivent être extérieurs aux factions.

D'autre part, la Commission des droits de la personne affirme que la liberté de religion inclut le droit de professer ouvertement des croyances religieuses, et que cela comprend le port de signes religieux ostentatoires au service de l'État. Si une personne est astreinte par l'État à une conduite que, sans cela, elle n'aurait pas choisi, « on ne peut pas dire qu'elle est vraiment libre ». Je trouve cela étonnant, puisque tous les jours, la quasi-totalité de la population est astreinte à adopter des comportements de respect de règlements et lois que, sans cela, elle n'aurait peut-être pas observés... Et pourtant elle reste libre, parce que ces lois et règlements ont été adoptés par ses représentants élus dans un cadre juridique constitutionnel.

Par ailleurs, la Commission présente le port de signes religieux comme s'il était évident qu'il s'agissait de pratiques religieuses légitimes et librement exercées. Cette question est débattue et non résolue, et la Commission ne semble pas tenir compte du fait que le port de signes religieux ostentatoires a été délaissé ici par une majorité de citoyens des religions les plus communément évoquées. De toute évidence, il ne s'agit pas ici de dogmes. L'État neutre, et donc laïc, a le droit d'exiger la même neutralité de ses représentants. Et le citoyen usager des services de l'État a le droit de ne pas se voir imposer des croyances religieuses, au moyen de signes ostentatoires, par des représentants de son État neutre. Ce droit, on en parle trop peu...

Je continue de croire que la neutralité de l'État et l'interdiction de signes religieux ostentatoires pour le personnel de l'État autorisent des limitations légitimes d'autres droits et libertés, y compris la liberté de religion, justifiables en vertu de l'article 9.1 de la Charte québécoise et de l'article 1 de la Charte canadienne. Je ne veux pas minimiser les problèmes que cela pourrait causer et les compromis, y compris une période de transition, qu'il faudra accepter en attendant d'en arriver à une situation stable. Mais n'oublions pas que cela concerne essentiellement l'État, et que les religions peuvent poursuivre dans la vie privée l'essentiel de leurs pratiques millénaires qui réduisent le plus souvent la femme à un état d'infériorité.

Je crois toujours, en dépit de cet intéressant commentaire de la Commission des droits de la personne, qu'un engagement ferme et immédiat en faveur des principes contenus dans ce projet de charte constitue la meilleure garantie d'ouverture et d'égalité pour l'ensemble des citoyens et citoyennes. Je me demande cependant, comme la Commission, si la Charte des droits et libertés de la personne est le bon véhicule pour un texte qui parle essentiellement de valeurs... que j'appellerais par ailleurs « démocratiques » plutôt que « québécoises »...







lundi 7 octobre 2013

Dix jours au pays des ancêtres !

Retour, ce jeudi 3 octobre, d'un trajet d'une semaine et demie en voiture sur les routes de France (Bretagne, Normandie, La Rochelle/Île de Ré) avec mon épouse. Ce voyage, impossible quand les enfants étaient petits, reporté plus tard par la maladie, je l'espérais depuis longtemps. Comme d'autres sans doute, je voulais explorer un peu le pays de mes ancêtres - la France; la région de mes ancêtres - la Normandie; la ville de mes ancêtres - Rouen.

Il y avait toujours eu, au fond de moi, cette vague notion d'un lien profond entre les générations contemporaines et les anciens du vieux pays, et qu'il suffirait d'y retourner, de fouler le sol normand, d'aller à la rencontre de ces lointains « cousins » pour en ressentir toute la force.

J'ai encore la conviction de la réalité et de l'importance de cette connexion, mais la « révélation » anticipée ne s'est pas produite. Au-delà d'être les touristes dont les Français reconnaissent le plus aisément l'accent, et d'une certaine histoire commune qu'ils n'ont guère mieux apprise que nous, le « lien » m'a semblé un peu ténu à prime abord. Il est là, cependant, à condition de rester attentif. Les indices nous effleurent ça et là, s'additionnant au fil des jours.

Jacques Cartier et St-Malo

« À St-Malo beau port de mer », (comme dans la chanson de mon enfance), on trouve vite la trace de Jacques Cartier, hardi marinier malouin qui a « découvert » le Canada pour le roi François 1er en 1534, et qui y a navigué trois fois jusqu'en 1542. Le « Manoir de Limoëlou » qu'il a possédé et habité entre 1541 et 1557, année de sa mort, a été transformé en musée à la mémoire de Cartier et restauré aux frais d'un homme d'affaires montréalais, David Macdonald Stewart. La maison appartient maintenant à la municipalité de St-Malo.

               La maison de Jacques Cartier, à St-Malo

Ses voyages, racontés en film ainsi que par un guide fort bien renseigné, marquent le début de notre histoire, et de nos liens avec la Bretagne du 16e siècle, alors fraîchement unie à la France. J'en ai rapporté le livre Voyages au Canada, écrit par Jacques Cartier lui-même et publié (en français de l'époque) aux Éditions Lux, dans la collection « Mémoire des Amériques », en l'an 2000. Ses récits sont fascinants et ouvrent sur les premiers balbutiements de l'Amérique française un chapitre trop peu connu.

Poutine québécoise




De retour à l'intérieur des remparts de St-Malo, en cet après-midi du 25 septembre, surgit devant nous un imposant drapeau du Québec et une affiche proclamant qu'on sert au restaurant La buvette des bains de la « poutine québécoise traditionnelle », « plat de frites parsemé de fromage arrosé de sauce brune ». Se développent donc ici, tourisme aidant, des liens « culinaires » entre casse-croûte du bassin du St-Laurent et ceux de Bretagne...

Les plages du débarquement

Le surlendemain, durant notre séjour aux environs de Caen, nous complétons le tour des plages du débarquement du 6 juin 1944, amorcé la veille à Utah Beach et Sainte-Mère-Église. Nous gardons pour la fin la plage Juno, le lieu d'abordage des unités canadiennes, parce qu'elle ne fait pas partie des visites guidées offertes par le Mémorial de Caen. J'ai toujours considéré la Deuxième Guerre mondiale comme l'une des rares guerres justes de l'histoire et toujours vu en Hitler l'incarnation ultime du mal. J'ai donc une grande admiration pour ces militaires qui ont payé de leur vie le combat contre l'horreur nazie.

Du sang d'ici, versé en Normandie



                     Le cimetière canadien à Reviers, près de la plage Juno

En dépit de la crise de la conscription, de nombreux soldats québécois ont pris part à la campagne de Normandie et ceux qui y sont morts sont enterrés dans le joli cimetière canadien près du village de Reviers. Que ce cimetière soit si difficile à trouver constitue une honte ! Je me suis arrêté devant la tombe du soldat Letarte, du Régiment de la Chaudière, mort à 24 ans. Puis du soldat L. Pelletier, même régiment, alors âgé de 25 ans. Il y avait aussi des membres des Fusiliers Mont-Royal, et d'autres unités. Tués dans leur jeunesse pour libérer la France de l'occupant allemand.




Sur la plage Juno et au centre Juno Beach, mais surtout dans ce joli cimetière perdu où s'alignent parfaitement 4 000 tombes fleuries, j'ai ressenti ce puissant lien tout récent, cimenté par le sang de jeunes et valeureux combattants, dont quelques-uns, n'eut été l'abomination nazie, seraient peut-être encore vivants en 2013. Les jeunes générations auraient avantage à visiter ces lieux de recueillement et à en tirer les leçons qui s'imposent, alors qu'aujourd'hui encore, se dresse le spectre des extrême-droites de tout acabit, des néo-nazis aux intégristes religieux.

Le hockey...

Alors que nous revenions à Caen, fourbus après cette visite des plages Omaha, Gold et Juno, et toujours émus par ce que nous y avions vu, mon épouse et moi avons décidé de ne pas chercher ce soir-là de table du guide Michelin, et de nous rabattre sur une petite crêperie, La Fromenterie, située à côté de l'hôtel Les Quatrans, en plein coeur de la ville. On y a vite reconnu nos origines à l'accent, et le jeune serveur ne pouvait rater pareille occasion de nous parler de son sport préféré, le hockey sur glace, qu'il pratique d'ailleurs, et de son rêve d'aller voir jouer les Canadiens de Montréal... Décidément, il n'y a pas que Jacques Cartier et le débarquement qui nous lie à nos cousins français, le hockey s'en mêle aussi...

Honfleur et Samuel de Champlain




Le matin suivant, nous sommes à Honfleur. N'ayant pas vraiment fait tous mes devoirs, je suis un peu surpris d'arriver devant une immense plaque à la mémoire de Samuel de Champlain, dans le vieux port de cette ville médiévale. On y a inscrit : « Avec des navires et des équipages du port de Honfleur, il (Samuel de Champlain) explora l'Acadie et le Canada de 1603 à 1607. Parti du même port en 1608, il fonda la ville de Québec. » Cette plaque a été érigée en 2008 (400e anniversaire de Québec) près d'une autre plaque, plus ancienne, qui remonte au 19e siècle. Nous voilà donc de retour aux origines de la colonie, et j'essaie d'imaginer les départs des bateaux de Champlain en 1608, 1613 et 1617. Un nouvel ancrage identitaire...

Rouen, l'incontournable

À notre prochain arrêt, Rouen, le lien est encore plus direct pour moi. Mon ancêtre Allard a quitté cette ville au 17e siècle pour s'installer près de la ville de Québec. Et voilà que ma fille Catherine est désormais fiancée à un Rouennais. Double association à la capitale de Haute-Normandie. Nous y rencontrons la soeur de notre futur gendre, Coralie, qui travaille à quelques pas de la grande cathédrale Notre-Dame de Rouen. Cela servira à nous rappeler que des Français n'ont pas émigré à la seule époque d'avant 1760, et que certains continuent à s'installer chez nous au 21e siècle. Et que cela élargit nos familles ! Et qu'ils sont toujours les bienvenus !




Par ailleurs, à l'église Saint-Maclou de Rouen, quelques plaques ornent les murs pour souligner l'origine normande des ancêtres des familles Perron, Boivin et Poulin d'Amérique. D'autres que moi effectuent peut-être à l'occasion des pèlerinages en Normandie...

Au hasard des rencontres

De Rouen, nous redescendons vers La Rochelle en passant par Chartres et en s'arrêtant pour la nuit à Angers, capitale de l'Anjou. Attablés au restaurant « Le Théâtre », Place du Ralliement à Angers, une dame à la table voisine, encore une fois reconnaissant l'accent nord-américain, amorce la conversation pour nous expliquer les liens touristiques et commerciaux (par le sel de mer) entre le Québec et sa ville portuaire de Guérande, en Bretagne, au nord-ouest de Nantes.

La dame, Mme Virginie Rubat, qui est accompagnée de sa mère, est directrice de l'office de tourisme de Guérande; une experte sur sa région dont elle nous parle abondamment. Si on avait le temps, on ferait sans doute le détour. Après une heure trop vite passée, elle nous laisse des brochures et des échantillons du sel de Guérande. J'en retiens qu'une visite en France ne sert pas seulement à approfondir les liens existants, mais aussi à en créer de nouveaux. Il en existe plusieurs de ces connexions dont on ne soupçonne pas l'existence et que seule une présence en terre française nous permet de découvrir...

La Rochelle, port vers l'Amérique française

Enfin s'ouvre devant nous la région de La Rochelle et de l'Île de Ré, où il fait une température estivale en ce début d'octobre. C'est la région d'origine de l'ancêtre Gaudreau de la mère de mon épouse, originaire du village de « La Flotte » sur l'Île de Ré. Pour ma conjointe, c'est la suite d'un pèlerinage amorcé par sa défunte mère il y a une vingtaine d'années.



                   Le fleurdelisé près de la Tour de la chaîne, à La Rochelle


Une balade à pied dans le vieux port de La Rochelle s'impose. C'était le principal port vers l'Amérique française au 17e siècle. D'ailleurs, entre les deux tours qui gardent l'entrée du port, la Tour Saint-Nicolas et la Tour de la chaîne, on voit un drapeau qui n'est pas celui de France. En effet, c'est le fleurdelisé québécois, signe que la Tour de la chaîne est maintenant le domicile de l'exposition « La Rochelle-Québec: embarquements pour la Nouvelle-France ». Une exposition intéressante qui permet à mon épouse, Ginette, de retracer le départ d'un ancêtre Gaudreau arrivé à Québec en 1667.

Il s'ennuie du Plateau Mont-Royal...

À l'excellent resto « Le Saveur-Vivre » de La Rochelle, en soirée, le propriétaire saisit l'occasion d'un accent qu'il reconnaît pour nous parler d'un séjour qu'il a déjà fait dans le Plateau Mont-Royal, à Montréal, et de son intention, à l'époque, d'y ouvrir un restaurant... Finalement, il a opté pour La Rochelle, mais il a conservé beaucoup d'affection pour les Québécois et pour la ville de Montréal. On commence à mieux comprendre, de localité en localité, de rencontre en rencontre, à quel point la découverte semble devenir, de nos jours, de plus en plus bidirectionnelle entre la France et le Québec.

Ma « terre sacrée », c'est ici !

Nous voilà revenus à Gatineau. Après dix jours en France que j'aurai toujours précieusement en mémoire, je n'ai pas de réponse précise à ma quête identitaire. Il y a au moins une dizaine d'années, alors que j'écoutais une entrevue sur les ondes de la radio de CBC, l'ancien animateur Peter Gzowski avait parlé de ses racines polonaises et de sa première visite au patelin de ses parents en Pologne, l'ancienne mère-patrie. Ce fut pour lui une révélation, de sentir spontanément que c'était là sa « terre sacrée » même s'il n'y avait jamais mis les pieds auparavant. Chacun, disait-il, a sa « terre sacrée » quelque part...

Cette notion m'avait frappée. Peut-être croyais-je que j'aurais la même révélation en mettant les pieds en Normandie. Ce ne fut pas le cas. Les racines anciennes ont toujours leur importance identitaire. De cela je suis plus que jamais convaincu. Il y a toujours en nous un héritage de la vieille France, dont l'élément le plus important est sans doute cette langue que nous persistons, tant bien que mal, à défendre dans un océan anglo-américain. Mais ma « terre sacrée », j'en ai désormais la certitude, se trouve ici, dans le prolongement du Saint-Laurent, sur les rives de l'Outaouais...