Le « 50% + 1 » référendaire fait couler beaucoup d'encre quant à sa légalité, et surtout quant à sa légitimité dans le contexte québécois et canadien. Les groupes et gouvernements qui auraient clamé haut et fort que 50% moins un constituait une défaite en 1995 sont moins chauds à accepter que 50% plus un puisse constituer une victoire au prochain référendum, si jamais il avait lieu....
La Cour suprême, en 1998, a laissé entendre qu'il fallait « une majorité claire » en faveur de l'indépendance pour que le reste du pays soit dans l'obligation de négocier. L'interprétation de cet avis judiciaire, tant par les libéraux que par les conservateurs, était et reste encore aujourd'hui qu'une majorité claire se situe quelque part au-dessus du seuil de 50% +1. Trudeau le jeune a même brandi le chiffre de 66% comme seuil de clarté...
Ce matin, dans Le Devoir, le juriste Patrice Garant, de l'Université Laval, discourait savamment sur le pourcentage de « oui » qui constituerait une majorité suffisante. Les exemples qu'il évoque en comparaison, le Montenegro (Balkans), la Transnistrie et le Nagorno-Karabakh (ces deux derniers de l'ex-URSS), sont-ils vraiment les meilleurs? De toute façon, ce que j'en retiens, c'est que même avec des majorités de plus de 97% dans les deux États de l'ex-URSS, la reconnaissance internationale de la souveraineté n'a pas suivi...
Les comparaisons sont souvent douteuses. Les sociétés des Balkans et de l'ex-URSS n'ont pas de grande tradition démocratique et ont vécu au cours du dernier siècle de grands bouleversements politiques, des guerres et de graves confrontations ethniques. Ici, au Québec et au Canada, les régimes ont été nettement plus stables et, à l'exception de violences sporadiques (rébellion de 1837, crise de la conscription de la Première Guerre mondiale), les grandes décisions se prennent le plus souvent de façon pacifique aux bureaux de scrutin.
À Québec comme à Ottawa et ailleurs au Canada, l'information circule librement, les débats se font ouvertement, sur la place publique, les régimes électoraux sont crédibles, et personne ne questionne vraiment la valeur des résultats. Un 99% dans un régime autoritaire fait sourire de scepticisme, mais un 50% plus un ici est reconnu comme expression légitime de la volonté majoritaire.
Revenons à la question de la souveraineté du Québec. Personne n'en parle vraiment, mais tout le monde sait ce que représente comme défi pour le « oui » un seuil de 50% +1. Cela veut dire aller chercher l'appui de plus de 60% des francophones et allophones francisés parce que le groupe des anglophones et allophones anglicisés voteront massivement, presque en bloc, pour le « non » sans poser de questions. Sur le plan démocratique, en cette matière, la discussion et le débat n'ont lieu, à toutes fins utiles, que chez les francophones et allophones francisés.
Ainsi, les souverainistes devront toujours « spotter » (comme disent les parieurs) une vingtaine de points au camp du « non », 20 points qui sont acquis, presque coulés dans le ciment. Au sein de la minorité anglo-québécoise et de la majorité anglo-canadienne, la fermeture d'esprit aux projets d'autonomie de la majorité francophone du Québec y est incrustée et encouragée par des médias qui ont depuis longtemps diabolisé tous ce qui peut ressembler à un « séparatiste ». Et « nous » sommes tous plus ou moins suspects pour eux... peu importe notre option.
Donc, pour gagner un référendum sur la souveraineté à 50% plus un, le « oui » doit aller chercher près des deux tiers des francophones et allophones francisés, faute de pouvoir espérer le miracle d'un réel débat ou d'une véritable ouverture au sein de la minorité anglophone et anglicisée. Le Québec étant profondément démocratique, ceux qui font de l'obstruction systématique conserveront toujours leur droit de parole et leur droit de vote. Donc, il faut d'ores et déjà compter un 20% assuré dans le camp du non, dès le départ, et accepter que le véritable débat ne concernera que 80% de la population.
Les chances d'aller chercher pour un « oui » près de 65% des francophones (presque atteint en 1995) sont minces, pour dire le moins, dans le contexte actuel. Pour atteindre le seuil de 66% évoqué par Justin Trudeau, il faudrait que plus de 80% des francophones votent « oui » à un référendum sur l'indépendance ou que des anglophones francophiles (oui, il y en a passablement) puissent secouer les préjuger anti-francophones et anti-québécois. Aussi bien dire mission impossible !
De toute façon, toute cette discussion est bien hypothétique. Le régime fédéral canadien est devenu tellement inflexible qu'en matière de changement, personne ne voit de lumière au bout du tunnel...
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