À la suite de l'intervention d'Ottawa dans la contestation de la Loi 99, l'Assemblée nationale a réaffirmé aujourd'hui avec force, à l'unanimité, le droit du Québec de s'autodéterminer. La question de principe est importante, bien sûr, dans la mesure où Ottawa s'arroge, en particulier depuis l'ère Trudeau, un statut de supérieur hiérarchique face au Québec et aux autres provinces. Avec le rapatriement de 1982, imposé au Québec, le fédéral a notamment ajouté deux armes puissantes à son arsenal déjà lourd: la Charte canadienne des droits et libertés et le rôle constitutionnel (qui en découle) des tribunaux supérieurs, qu'Ottawa contrôle (le premier ministre fédéral nomme en effet tous les juges de ces cours).
Aussi ne faut-il pas se surprendre que les ingérences fédérales (exécutives, législatives et judiciaires) dans les compétences provinciales se soient multipliées au cours des dernières décennies. La plus récente manoeuvre, cet appui à la contestation de la Loi 99, s'inscrit dans la continuité du Renvoi sur la sécession de la Cour suprême (1998) et de la Loi sur la clarté (2000) de Stéphane Dion. Ottawa veut pouvoir décider des règles du jeu, advenant une nouvelle tentative de sécession du Québec, par voie référendaire ou autre. D'où ce rappel unanime de l'Assemblée nationale qui énonce une fois de plus la règle du 50% +1, en plus de déclarer :
« L'Assemblée nationale réaffirme que seule l'Assemblée nationale du Québec a le pouvoir et la capacité de fixer les conditions et modalités entourant la tenue d'un référendum conformément à la loi sur les consultations populaires, y compris le libellé de la question référendaire. L'Assemblée nationale réaffirme qu'aucun parlement ou gouvernement ne peut réduire les pouvoirs, l'autorité et la légitimité de l'Assemblée nationale ni contraindre la volonté démocratique du peuple québécois à disposer de son avenir.»
Ce type de motion a son utilité, si ce n'est que pour dire la volonté claire des élus qui représentent la nation québécoise. Mais elle a aussi ses limites, dans la mesure où la volonté d'Ottawa pèse lourd et où les tribunaux, y compris la Cour suprême, ne se privent pas d'exercer les pouvoirs que la Charte leur a conférés. Son utilité est davantage réduite par le fait qu'il n'existe présentement aucune tentative sérieuse de sécession ni de perspective à court terme de référendum. Le PQ est minoritaire et l'opinion publique ne semble pas portée plus qu'il ne faut sur la chose constitutionnelle...
Voilà pourquoi le gouvernement Marois, si possible avec l'appui des autres partis, aurait avantage à ne pas se limiter au traditionnel « nous avons le droit de décider seuls de notre avenir » et à poser des gestes concrets d'autodétermination. Bien sûr, on ne peut penser ici - du moins pas immédiatement - à une renégociation des pouvoirs au sein de la fédération mais des gestes concrets pourraient être posés sans remettre en question, pour le moment du moins, la structure fédérale telle qu'elle existe présentement.
Le grand débat actuel au Québec porte sur le projet de charte des valeurs et dans tout le brouhaha, il se dégage tout de même un consensus sur la neutralité et la laïcité de l'État. La chicane est encore poignée sur les signes religieux ostentatoires, mais un large compromis pourrait surgir de la pagaille actuelle. Cet accord très majoritaire sur la neutralité et la laïcité de l'État et de ses institutions pourrait être transformé en loi constitutionnelle ou quasi constitutionnelle.
Pourquoi ne profiterait-on pas du grand échange sur le projet de charte des valeurs pour transformer le Québec en république? Pas une république indépendante (il n'y aurait pas consensus là-dessus), mais une république provinciale, sans toucher pour le moment à la répartition des pouvoirs entre le Québec et le fédéral. Daniel Johnson en avait déjà fait la proposition à Ottawa en 1968. Si Québec décidait par exemple de rejeter la monarchie, de se défaire du lieutenant-gouverneur (du moins comme représentant d'un monarque qui est présentement gouverneur de l'Église anglicane, ce qui est tout à fait contraire à la neutralité et la laïcité), et d'affirmer dans sa propre constitution des valeurs à tendance républicaine, il y a de bonne chances que cela puisse rallier une majorité claire des Québécois.
Québec pourrait en profiter pour affirmer dans sa charte la suprématie du peuple, valeur républicaine, alors que la Charte canadienne affirme la suprématie de Dieu (pas très neutre) et, par extension, celle de la souveraine, la reine anglicane-en-chef Élizabeth II.
Une province républicaine? Pourquoi pas? Le projet trouverait sans doute bien des partisans ailleurs au Canada où l'engouement pour la monarchie est moins ardent qu'autrefois. On me dira que ce ne serait pas une très grande victoire pour le Québec. Je répondrai que les victoires se sont faites très rares depuis 50 ans, et que même une toute petite donnerait le goût d'aller en chercher d'autres. Jusqu'à ce qu'on ait un pays à notre image.
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