À la fin de mai 2011, j'ai visité Versailles. Je n'avais jamais foulé le sol de mes ancêtres (arrivés de Normandie au 17e siècle) auparavant et comme je suis amateur d'histoire, je tenais à voir de mes propres yeux, toucher de mes propres mains des lieux et monuments historiques qui n'avaient existé pour moi que dans des livres et à l'écran. Séjournant pour une semaine dans la capitale française, Versailles me paraissait un incontournable ! Et avec raison !
Mais ce que j'y ai vu m'a à la fois ébloui et scandalisé. L'éblouissement allait de soi devant la beauté et la grandeur des lieux... de la magnificence des jardins et fontaines à la splendeur des appartements et salles des bâtiments, dont la galerie des Glaces du Château de Versailles (ci-dessous). Le scandale tenait au luxe excessif de l'oeuvre, que les Capétiens ont étalé à la face du monde... En sortant de Versailles, je pouvais comprendre la colère des citoyens qui ont envahi la propriété royale en 1789 pour y ramener de force à Paris Louis XVI, Marie Antoinette et leur famille.
Mais je pense que ce qui m'a mis le plus en colère, c'est ce que je n'ai pas vu. Peut-être ai-je cherché « avec mes yeux d'homme », comme dirait mon épouse, mais je n'ai pas trouvé, après une visite assez exhaustive, d'hommage substantiel aux dizaines de milliers d'ouvriers français qui ont réalisé, avec leurs mains, leurs jambes, leur dos et leur intelligence, les plans grandioses de Louis XIV et de ses architectes, seuls à trouver place dans les manuels d'histoire.
Dans les années 1680, plus de 22 000 hommes de métier travaillaient sur les chantiers de Versailles. Juste pour l'aménagement des aqueducs et fontaines (photo ci-dessous), il a fallu mettre à l'oeuvre 30 000 ouvriers, dont 6 000 sont morts pendant les travaux. Ce sont eux, les véritables héros de Versailles. Peut-être ne l'étaient-ils pas à l'époque de la France monarchiste, mais ils devraient l'être dans la France républicaine d'aujourd'hui. Aussi me semble-t-il que Versailles, tel qu'on le présente aux visiteurs, trahit l'idéal républicain (qui est aussi le mien) s'il ne met pas en vitrine un bâtiment ou une galerie à la mémoire des artisans de Versailles et du personnel de soutien qui en assura par la suite le fonctionnement.
Quand on a une devise comme « Liberté, égalité, fraternité » et un hymne national comme « La Marseillaise », il y a des limites à glorifier les excès des rois. Il ne s'agit pas de diminuer la valeur de l'oeuvre, ni sa beauté, mais de rendre aux ouvriers français la juste part du mérite qui leur revient. Louis XIV n'aurait rien accompli à Versailles sans le dur labeur de ses « sujets ». Ce monument à la gloire du roi soleil doit aussi honorer la sueur et le sang du peuple qui l'a construit de ses mains.
Vivement, républicains de Versailles, faites en sorte que votre plus célèbre attraction soit aussi un monument à la gloire de ceux et celles dont les petits-enfants et arrière-petits-enfants devaient, quelques générations après Louis XIV, propulser à l'avant-plan mondial l'idéal républicain. Qu'on y montre dans un bâtiment réservé à cette fin, les outils de l'époque, les costumes des ouvriers et serviteurs, qu'on y parle des métiers, du mode de vie des gens, du traitement qu'on leur infligeait. Ne laissez pas partir vos visiteurs sans leur rappeler à quel prix Versailles a été érigé.
Si telle présentation existe sur place, je ne l'ai pas vue et je m'en excuse. Quelqu'un se chargera sûrement de me le faire savoir sans délai. Espérant que ce texte sera vu par des gens progressistes qui ont à la fois à coeur Versailles et l'idéal de la république.
J'ai attendu plus de deux ans avant d'exprimer cette opinion par écrit, mais j'y ai souvent pensé en regardant mes photos de voyage. Et voilà ! Maintenant, c'est dit !
Vive la France ! Vive la république !
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