mardi 27 décembre 2011

De l'emploi des mots « national » et « local » dans le Renvoi sur les valeurs mobilières de la Cour suprême du Canada

On a beaucoup écrit sur l'importance, pour tous les juges de la Cour suprême du Canada, de pouvoir comprendre le français sans l'aide d'un interprète ou d'outils de traduction. Le jugement récent dans le dossier de la réglementation du commerce des valeurs mobilières illustre bien les risques d'un emploi imprécis, voire fautif, de mots et de concepts dont l'application peut être différente en français. Je pense notamment à l'utilisation abusive et à mon avis, erronée, des mots « national » et « local ».

Le mot « national » et son pluriel « nationaux », est employé à plus de 75 reprises dans l'arrêt qui estimait inconstitutionnel la création d'un organisme fédéral exclusif de réglementation du commerce des valeurs mobilières. Ses opposés, les mots « local » et « locaux », reviennent une quarantaine de fois dans ce jugement d'une trentaine de pages. C'est dire qu'on voit ces mots dans la majorité des pages du jugement. Pour la Cour suprême, « national » et « fédéral » et « canadien » et « pancanadien » sont des synonymes. Le sens du mot « local » apparaît moins clair, mais est le plus souvent associé à « provincial », parfois à une « localité ».

Dans un contexte où l'une des entités de la fédération canadienne, le Québec, constitue une nation - reconnue comme tel par la Chambre des communes - avec ses institutions nationales, son Assemblée nationale, sa capitale nationale, sa fête nationale, l'utilisation du mot « national » comme synonyme du Canada tout entier apparaît inapproprié, voire erroné. De la part de la plus haute cour du pays, où chaque mot peut être pesé, interprété, et devenir jurisprudence, une telle imprécision dans le maniement des concepts est plus qu'inacceptable. Même en anglais (le jugement a été rédigé dans cette langue et traduit en français), une plus grande précision s'imposait pour tenir compte de la réalité nationale québécoise.

Voici des exemples typiques tirés du Renvoi sur la Loi sur les valeurs mobilières, du 22 décembre 2011 :

1. Dans le deuxième paragraphe du sommaire, au tout début du texte, on écrit : « dans l'espoir de créer, dans les faits, un régime de réglementation nationale des valeurs mobilières ». Ailleurs dans le texte, on verra à différentes reprises « régime national », « organisme national », commission nationale », « régulateur national » ou même « gestion nationale ». Ici comme là, il s'agit de fait d'une réglementation fédérale des valeurs mobilières ou d'un régime fédéral de réglementation des valeurs mobilières, d'un organisme fédéral, d'une commission fédérale, d'un régulateur fédéral ou d'une gestion fédérale. Le mot « fédéral » est précis, correct et tout à fait indiqué.

2. Dans le sixième paragraphe du sommaire (et à plusieurs endroits dans le jugement), on évoque les questions ou matières « d'importance et de portée nationales » ou des enjeux nationaux. Voilà un second sens. Il ne s'agit pas ici de questions nécessairement fédérales, mais de questions qui intéressent l'ensemble du pays. Les juges auraient pu utiliser d'autres termes, comme « pancanadien » ou « canadien », ou encore des expressions ayant le même sens. L'Autorité des marchés financiers du Québec est un organisme national et son mandat est d'intérêt national pour la nation québécoise, mais pas pour la Cour suprême.

3. Au paragraphe (7) du jugement, on évoque la « dimension nationale » de certains aspects du système des valeurs mobilières. Ailleurs, comme au paragraphe 33 et autres, on utilisera l'expression « à l'échelle nationale ». Ce sont des termes et expressions imprécis. L'expression « à l'échelle du pays » serait plus appropriée.

4. Il arrive qu'on évoque parfois « l'intérêt national » ou « un intérêt national » (p. ex. le para. 46). Cette expression est classique mais dans le contexte canadien, et notamment dans un texte juridique, il serait approprié de préciser de quel intérêt national il s'agit. Certainement pas celui du Québec en tout cas...

5. L'emploi du mot « local » est tout aussi imprécis, voire erroné, quand il est présenté en opposition au mot national. Une affaire qui concerne l'ensemble du Québec est en soi nationale et non locale. Une affaire qui concerne tout l'Ontario n'est pas en soi nationale mais elle n'est pas locale non plus. Tout dépend du contexte. Par rapport au pays, une affaire qui ne concerne que Sherbrooke, Windsor ou Saskatoon est sans doute locale. Par rapport à la planète entière, une affaire qui ne concerne que le Canada peut être considérée comme locale. Le mot est en soi imprécis et devrait être évité, à moins d'être clairement défini, dans un texte juridique comme celui du Renvoi sur les valeurs mobilières.

6. On voit un peu partout dans le texte de la Cour suprême des expressions comme « questions locales », « caractère local », « lois locales », « à l'échelle locale », « de nature locale », « réglementations locales », « politique locale », « matières locales », « intérêt local », « économies locales », toutes aussi imprécises les unes que les autres. Une question d'intérêt provincial ou interprovincial n'est pas en soi locale. De la part de juristes, une telle imprécision est inacceptable. Au Canada anglais, ces notions ne semblent poser aucun problème, mais les juges francophones, ceux du Québec particulièrement, auraient dû mettre les points sur les « i ».

Je ne suis pas juriste et peut-être me répondra-t-on que l'emploi des mots national et local sont devenus usuels dans la langage judiciaire canadien. Si tel est le cas, il est temps que cela change. Dans le contexte de l'affirmation et de la reconnaissance du Québec comme nation, le langage juridique doit s'adapter. Cela risque de poser des problèmes de traduction, étant donné que la majorité des jugements sont rédigés en anglais et que deux des neuf juges sont unilingues anglais. Mais ça, c'est une toute autre question...


Pierre Allard






samedi 17 décembre 2011

«Mon âme fait maintenant partie du cyber espace»

Un extrait des pages de nécrologie du quotidien Le Droit du samedi 17 décembre. Pour ceux qui étudieront plus tard l'effet des nouvelles technologies sur les modes de vie... et d'annonce de décès. J'ai vu au fil des ans de nombreux avis de décès originaux, souvent écrits à la première personne du singulier, mais jamais un comme celui-ci.

Garneau, Jeannette
Parution: 2011-12-17 au 2011-12-17 dans Le Droit - 2777212
AVIS D’ABSENCE PROLONGÉE JEANNETTE GARNEAU (née Croteau) Mon disque dur, après avoir tourné pendant 80 ans, s’est éteint le 11 décembre 2011 à 11 h 00 p.m. Mon âme fait maintenant partie du cyber espace… Voici mon dernier courriel : Je salue mes enfants : Francine (Denis), feu Daniel (Mado), Luc (Ginette), Sylvie (Marc) et Marc (France). Je salue également mes petits-enfants : Sophie, Véronik, Annick, Valérie, Marilyn et Samuel ainsi que mon arrière-petit-fils Cédrik. Enfin, je salue ma soeur Raymonde (feu Georges)ainsi que mon frère feu Michel et tous les membres des familles Garneau et Croteau ainsi que tous les amis que j’ai côtoyés en personne et en ligne. Je suis partie rejoindre mon Pit (Laurier l’amour de ma vie) et mon fils Daniel. Salutations particulières à la communauté EBAY et Archambault musique LOL. Je vous remercie tous de votre amour et on se reverra un jour. À la prochaine…Hors ligne…Click !!!!! Jeannette P.S. Vous pouvez m’envoyer vos messages de condoléances à mon courriel : jgarn@vl.videotron.ca Il n’y aura aucune cérémonie religieuse ou autre, tel que je le désirais.

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mercredi 7 décembre 2011

Le début de la fin?

Apprentissage intensif de l'anglais en 6e année dans les écoles françaises du Québec

L'indifférence du Québec - et particulièrement des médias de langue française - face au projet d'écoles bilingues en 6e année pour les jeunes francophones est incompréhensible. Peut-être faut-il avoir grandi dans un régime d'écoles bilingues (ce fut mon cas, autrefois, à Ottawa) pour voir à quel point l'enseignement bilingue constitue une menace pour notre langue, notre culture et notre identité. Voici quelques observations en vrac qui me semblent pertinentes et qui offrent des avenues pour éclairer un débat qui ne semble pas vouloir s'amorcer...

1. Les élèves du Saguenay, du Bas du Fleuve, de la Mauricie et de la plupart des régions du Québec n'ont pas besoin d'un apprentissage intensif de l'anglais; pour ceux de certains quartiers de Montréal et de Gatineau, où l'assimilation est déjà en marche, c'est carrément une menace. Regardez du côté des Franco-Ontariens : eux, ils ont besoin de l'anglais quotidiennement, tout le temps! Alors pourquoi évitent-ils les écoles et les classes bilingues comme la peste? Parce que ce sont des instruments d'assimilation et de destruction identitaire. Ils l'ont appris à la dure.

2. Parlons d'ailleurs d'identité. Dans un sondage Léger à Ottawa en 1995, la section locale de l'ACFO (Association canadienne-française de l'Ontario) a découvert que chez les 18-24 ans, l'identité la plus souvent citée était « bilingue », devançant francophone, canadien-français ou franco-ontarien. « Bilingue », c'est une double identité et devinez laquelle des deux dominera. Le bilinguisme individuel est un atout, le bilinguisme collectif est synonyme d'assimilation.

3. Le principal problème, au Québec, n'est pas l'apprentissage de l'anglais. Le Québec est déjà l'État avec la population la plus bilingue du pays. Le grand drame, c'est l'état affreux du français. Regardez Facebook, Twitter, parlez aux profs des écoles primaires, secondaires, des universités. Quantité de jeunes (et d'adultes) sont des analphabètes fonctionnels.

4. Il faut viser l'excellence dans la langue maternelle d'abord : se donner une solide base identitaire, savoir bien lire et écrire en français, continuer de créer dans sa langue. Une oeuvre exceptionnelle en français, qu'elle soit culturelle, politique, économique ou scientifique, aura une valeur universelle et se fera remarquer des autres nations, qui la traduiront dans leurs langues.

5. La connaissance de l'anglais -- et d'autres langues -- est certes souhaitable, mais l'omniprésence de l'anglais, son effet de rouleau compresseur, ici et ailleurs, constitue une menace pour la survie et à l'épanouissement de la plupart des autres langues et cultures de la planète, y compris la nôtre.

6. Alors, pourquoi « bilinguiser » la 6e année des écoles françaises, au moment où les jeunes sont en plein apprentissage de leur propre langue? On brise le rythme d'apprentissage déjà cahoteux à l'aube du secondaire et on leur livre un message pernicieux dont ils ne comprendront que trop bien le sens profond : l'anglais est essentiel, plus encore que le français.

7. Ce message sera, d'ailleurs, tout aussi bien compris à l'extérieur du Québec où le français est déjà, dans la plupart des provinces, à l'agonie. Si vous comprenez tous l'anglais, diront un nombre croissant d'Anglo-Canadiens, pourquoi devrions-nous fournir des services en français ou apprendre votre langue?

8. Le gouvernement Charest est devenu un fossoyeur du français et l'apprentissage intensif de l'anglais en 6e année sera un gros clou dans notre cercueil. J'ai de plus en plus l'impression que nous approchons du début de la fin comme peuple. Quelques recensements de plus et le français sera en bonne voie de marginalisation au Canada, et en mode survie au Québec.

9. Notre ultime combat pour l'avenir du français est commencé et si la tendance se maintient, comme dirait l'autre, nous irons bientôt rejoindre les espèces en péril. Nous avons peut-être une dernière chance de prendre notre avenir en main. Il faudra vite la saisir.

Pierre Allard

mardi 29 novembre 2011

Désormais : sans le Bloc québécois, qui nous représentera à Ottawa?

Si j’ai appuyé le Bloc québécois le 2 mai dernier, ce n’est certainement pas parce qu’il a mené une bonne campagne. Au contraire, le parti avait trop tenu pour acquis son 40% d’électorat et sa cinquantaine de sièges. La poussée inattendue du Nouveau Parti démocratique a pris les ténors du Bloc par surprise et les a obligés à une remise en question en pleine campagne. La dernière publicité vidéo du Bloc québécois avant l'élection, fort belle, témoignait de cette prise de conscience tardive, de cette perte de contact avec sa raison d’être et avec sa base (http://bit.ly/1krsoBP).

Presque rayé de la carte, le Bloc broie du noir. L’avenir est sombre. Disparaîtra-t-il? Peut-être. Peut-être pas. Mais quoiqu’il advienne, ce ne sera pas uniquement à cause d’une seule campagne électorale mal avisée. Si le Bloc québécois existait depuis 20 ans, c’est qu’il était nécessaire. Depuis 1867, les francophones de ce pays, regroupés très majoritairement au Québec, se considèrent à juste titre comme une nation. Or, dans le cadre du régime politique fédéral, et ce, depuis 1867, les aspirations collectives des Canadiens français n’avaient jamais été représentées au Parlement canadien.

À la base, depuis l’instauration du suffrage universel, chaque électeur vote en faveur d’un candidat qui représente, peu importe son parti, tous les citoyens de sa circonscription. Comme la majorité des citoyens du Canada sont anglophones, la majorité des députés le sont aussi. Rien de plus normal. Ainsi, dans tous les partis pancanadiens, sauf exception (le NPD actuel par exemple), les députés francophones sont minoritaires. Rien de plus normal. Il en résulte cependant que nos revendications collectives, au palier fédéral, seront toujours soumises à l’approbation de la majorité anglophone du Parlement et du pays.

Au Parlement canadien, nous ne contrôlons pas notre sort collectif. On peut demander, négocier, menacer… mais pas décider. Cette prérogative appartient à la majorité. Rien de plus normal. Quand francophones et anglophones sont d’accord, tant mieux. Quand ils le ne sont pas, les Anglo-Canadiens décident. Rien de plus normal. C’est ainsi que fonctionne la démocratie. Le Québec, seul gouvernement à majorité francophone, peut incarner les aspirations collectives dans sa juridiction (et encore…) mais à la table fédérale-provinciale, il n’est qu’un sur onze. Sur la scène internationale, presque rien.

Depuis 1867, la discrimination, voire la persécution, dont les francophones ont été victimes dans les provinces à majorité anglophone a fait son œuvre. Érodée, la vieille nation canadienne-française est devenue aujourd’hui, par la force des choses, québécoise. Le Québec est devenu un État national, reconnu récemment par les Communes, et peut réclamer à ce titre le droit d’exprimer les aspirations nationales des Québécois (et un peu aussi des francophones limitrophes). Les partis fédéralistes à Québec incarnent ces aspirations tout autant que les partis souverainistes, les premiers dans le cadre du régime canadien, les seconds dans le cadre d’une éventuelle souveraineté-association.

Si le Québec réalise son indépendance, le grand enjeu national est plus ou moins réglé. Mais tant que les Québécois accepteront de vivre dans le régime fédéral, la question de la représentation « nationale » des Québécois – et des francophones des autres provinces – au Parlement canadien continue de se poser. À titre de nation, nous pouvons revendiquer l’égalité, nous sommes « une de deux », même si nous restons minoritaires sur le plan démographique. Mais cette égalité binationale, les formations politiques traditionnelles ne l’ont jamais reconnue et ne la reconnaîtront jamais à moins d’une menace de rupture imminente du pays.

Le Bloc québécois a incarné, à l’instar des autres partis, les attentes et les besoins de tous les électeurs des circonscriptions qu’il représente. Ses députés ont participé comme tous les autres au processus parlementaire. Ils ont défendu leurs dossiers dans tous les secteurs de juridiction fédérale : économie, environnement, fiscalité, relations internationales, etc. Mais ils l’ont fait en français, et ils ont fait valoir la position qu’auraient prise les Québécois, eussent-ils été en mesure de décider. Ils acceptent, à Ottawa, d’œuvrer loyalement dans l’Opposition tant que le régime ne changera pas. C’est une position tout à fait réaliste.

L’illusion, c’est de croire que la présence de trente, cinquante ou même soixante députés québécois au sein du Parti conservateur, du Parti libéral ou du NPD donnera aux Québécois et aux francophones un droit de décision additionnel. L’expérience du passé démontre le contraire. Jusqu’aux années soixante, jusqu’à la menace « séparatiste », les députés et ministres québécois jouaient largement des rôles subalternes. Ils n’occupaient pas les leviers du pouvoir. Ceux qui émergé depuis – Trudeau, Chrétien, Mulroney, etc. – n’ont fondamentalement rien changé au régime.

Le choix du 2 mai, pour moi, était le suivant : élire des députés fédéralistes obligés de composer avec une majorité anglo-canadienne ou élire des députés du Bloc qui seraient libres de nous défendre, individuellement et collectivement, et de faire la promotion de points de vue qui émanent de notre collectivité. Nous sommes différents et avons pleinement le droit d’exprimer cette différence au Parlement canadien. Si cela peut sembler irritant et un peu dysfonctionnel, tant pis. Nous concédons aux autres le pouvoir auquel ils auraient droit de toute façon, étant majoritaires, et nous contentons pour l’instant de participer avec honneur et dignité à un régime qui finira par se transformer… ou que nous quitterons.

Si tout cela semble bien abstrait, je vous convie au prochain débat important qui opposera le Québec au reste du pays, ou opposant les francophones à la majorité anglo-canadienne. Quand le gouvernement en place – qu’il soit conservateur, libéral ou néo-démocrate – nous opposera une fin de non-recevoir, il dira au Québec : voyez, nous avons sur nos bancs des dizaines de députés que vous avez élus sous notre bannière. Ils ont la même légitimité que les députés de l’Assemblée nationale du Québec. Trudeau, Chrétien et les autres ont fait ça souvent depuis les années soixante.

Avec une majorité de députés du Bloc québécois aux Communes, ils n’avaient plus ce luxe. De plus, le gouvernement avait devant lui un groupe québécois qui s’exprimait librement au lieu de servir d’écho ou d’estampille aux décisions ministérielles. Et le Bloc s’exprimait en français. Pour la première fois peut-être, la Chambre des Communes est devenue véritablement bilingue... et biculturelle. Elle l’est moins depuis le 2 mai. Qu’on le veuille ou pas, le débat sur l’avenir du français et sur le statut du Québec au sein de la Confédération restera fondamental mais il traîne en longueur et personne ne semble voir la lumière au bout du tunnel. L’usure qu’il engendre est celle qui a miné le Bloc… et qui menace le PQ.

La vague orange a semblé un moment entrouvrir des portes qui étaient fermées. Un espoir de changement, avec le fédéralisme asymétrique proposé par Jack Layton. Mais les bonnes intentions du regretté Jack seront sans doute très vite rappelées à l’ordre par une majorité anglo-canadienne pour qui la moindre concession au Québec est toujours une concession de trop. Il n’y aura même pas de lune de miel.

Avec le gouvernement actuel, c’est le retour en force de l’unilinguisme anglais, la résurrection des traditions royalistes britanniques et l’affirmation de valeurs sociales et économiques qui nous sont étrangères. Le Bloc a beau être au purgatoire depuis le 2 mai, il reste plus que jamais pertinent. Les problèmes qui ont suscité sa création demeurent, et les élus qui ont remplacé les députés bloquistes occupent une position affaiblie. Le malheur, c’est qu’il nous faudra peut-être quelques années pour nous en rendre pleinement compte.

J’ai appuyé le Bloc parce qu’il est essentiel. Parce que comme Québécois francophone originaire de la capitale canadienne, comme ancien militant des causes franco-ontariennes, je m’y reconnais. Parce que sur la scène fédérale, le Bloc correspond le mieux aux aspirations pacifiques et social-démocrates de notre petite nation en devenir et en péril. Sans lui, qui «nous» représentera à Ottawa en attendant, comme peuple, de pouvoir faire mieux? Il ne faut surtout pas retourner une fois de plus à la case départ! Au rythme actuel de l’érosion de nos effectifs et de notre culture, le temps commencera très bientôt à manquer.

mercredi 23 novembre 2011

Pierre Vadeboncoeur : «Nous avançons presque sans armes depuis deux siècles»

Caricature de moi, barbu, cheveux longs, au Conseil confédéral de la CSN, aux alentours de 1971 ou 1972, par Pierre Vadeboncoeur. Il n'était pas toujours sérieux...
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Dans le tumulte du monde syndical, au début des années 1970, Pierre Vadeboncoeur fut pour plusieurs un repère, un phare dans la tempête. Ses réflexions sur la société, la religion et sur l'avenir du Québec conservent aujourd'hui tout leur intérêt. Le texte ci-dessous a été écrit dans le sillage de la crise d'octobre, sous Bourassa et Trudeau, avant la révolution technologique de l'Internet, mais permet de jeter un regard critique sur le Québec d'aujourd'hui.


« Il est admirable que nous soyons, par habitude historique, ainsi que des Français bavards et bons vivants devant l'occupant martial, odieux et impudent, d'incorrigibles provinciaux. Peuple instable et politiquement peu conséquent, auquel le premier ministre ne ressemble pas plus qu'un dieu apporté d'outre-mer à des aborigènes. Ce peuple ne ressemble guère à d'autres, si ce n'est pas emprunt. Je crois que s'il vient à réussir, il restera d'abord une sorte de témoin de l'inassimilation et persistera d'une certaine façon à ne pas faire les choses comme les autres, à les faire plus mal ou mieux que d'autres. On le verra longtemps plus ignorant, moins sérieux, plus humain, plus sensible, moins habile, moins présomptueux, moins volontaire, plus rieur, plus artiste, plus vrai, plus ordinaire, plus rare que d'autres, et dépassant par un côté simplement humain la hauteur avantageuse et risquée d'autres peuples.

À moins que nous ne nous corrompions beaucoup et à la condition de nous maintenir dans l'histoire, nous aborderons d'une manière profondément particulière, avec l'insoupçonné que gardent toujours en eux les peuples pauvres, des temps trompeurs. Nous avancerons vers l'époque qui commence, porteurs de certains des secrets d'un avenir plus lointain qu'elle. Chose probable en tout cas, nous nous y trouverons circonscrits en nous-mêmes, voués à la différence, comme aucune population d'Amérique du Nord, par des lois organiques d'une croissance nécessairement autonome, réduits en effet à la nécessité d'être, donc d'être différemment, dans un cadre spécial, pour une autre entreprise.

Nous garderons, il me semble, ce sens qui dans l'histoire nous ramena toujours au centre de nous-mêmes, cette direction vers l'intérieur. Ce sera très étrange, notre identité.

Comme des humiliés, comme des simples, devant des peuples forts, nous avançons presque sans armes depuis deux siècles, inhabitués aux armes, habitués à la paix, réfractaires à la contrainte, convaincus d'un droit, imperméables aux raisons, négateurs du privilège du prince, aussi réfugiés que libres, aussi placides que différents, dans un éloignement psychologique aussi grand que l'éloignement géographique et historique dans lequel nous vécûmes.

Nous sommes encore en nous-mêmes un peuple du bout du monde. Nous sommes entre nous, comme dans le dernier des villages. Les courroies de transmission qui nous articuleraient à un monde étranger et bien organisé par d'autres ne trouvent pas en nous les rouages pour lesquelles elles sont faites. Nous sommes ce qu'il y a de plus contraire à l'étranger et il n'existe peut-être pas de peuple au monde qui ait, au point où nous l'avons, le sentiment que tout ce qui n'est pas lui-même est étranger.

L'échec du Canada comme pays tient à ce que cette identité ne peut guère se marier à d'autres et qu'on ne trouve pas en nous cet homme abstrait et universel sur lequel l'école fonctionnaliste, par exemple, fonde sa politique. Il n'y a pas encore eu moyen de nous placer quelque part dans une organisation harmonieuse et féconde avec d'autres, soit dans le pays politique, soit dans des associations privées, soit dans le monde des lettres, et nous avons, comme aucun peuple, un monde de conscience étrangement démarqué par notre univers particulier, étrangement distinct et suffisant, un univers moral, un univers social, avec lequel s'établissent mal les communications originant d'ailleurs.

Nous ne sommes pas facilement assimilables et d'autre part nous assimilons généralement mal le produit de l'étranger. La légende du Canadien errant explique la réalité du Québécois fixé chez lui. Même la France ne s'est jamais reconnue chez nous et nous ne retrouvons pas notre image au milieu des Français. La France est une nation à un plus haut degré qu'elle n'est un peuple, mais nous, nous sommes un peuple avant tout.

Ce sentiment d'identité nous perdra s'il ne nous sauve; et dans un monde où nous n'aurions pas réussi à établir notre souveraineté politique, notre identité nous tirera comme un boulet. »

Pierre Vadeboncoeur, extrait du livre Indépendances, 1972.

mardi 22 novembre 2011

Dernière édition du 22 novembre 1963

Tout le monde qui a mon âge (65 ans) se souvient de ses allées et venues en ce vendredi 22 novembre 1963. J'assistais à un cours de classiques grecs, à la fac. des sciences sociales de l'Université d'Ottawa, vers 13 h ou 13 h 30, quand la nouvelle de l'attentat contre Kennedy s'est propagée comme une traînée de poudre.

La salle de classe s'est vidée malgré les protestations du prof et tous se sont dirigés vers la bibliothèque, où il y avait une télé. En arrivant à la maison (je demeurais à Ottawa à l'époque), à l'heure du souper, j'ai vite jeté un coup d'oeil à la dernière édition du journal, comme la majorité des citoyens de la région. Parce qu'à cette époque - je ne sais pas comment c'était ailleurs - nous recevions notre journal quotidien en fin d'après-midi. Il était livré par des enfants, après l'école, et contenait les actualités du jour, jusqu'en début d'après-midi.

Quand j'ai été embauché comme journaliste au Droit en juin 1969, le directeur de l'information m'attendait avec impatience. Personne ne m'avait dit d'entrer à 8 heures, et je me suis présenté au poste à 9 h... Le photographe, un type bourru, ancien policier de la PP à Duplessis, m'attendait avec une égale mauvaise humeur parce que mon affectation était à 9 h 30 en banlieue. J'ai appris en chemin qu'on couvrirait la première pelletée de terre de l'autoroute 417, qui ferait dans quelques années la jonction avec la 40 vers Montréal.

En revenant vers 10 h 30, même branle-bas de combat dans la salle des nouvelles. Bruit infernal de dizaines de machines à écrire. Vite, Allard, on attend ton texte pour 11 h 30. Deux feuillets et que ça saute! À quelques minutes de la tombée, il arrivait qu'un chef des nouvelles arrache le feuillet complété de la machine à écrire pour l'apporter au « pupitre » où se faisait le montage des pages pour la dernière édition. L'ambiance fébrile durait quelques heures, puis la salle des nouvelles reprenait son cheminement routinier vers la première édition du lendemain.

Le matin, dans la salle de rédaction, c'était toujours une course contre la montre. Les jeunes journalistes apprenaient non seulement à couvrir l'actualité, mais aussi à travailler très vite, sous pression, devant parfois improviser des textes qu'un collègue prenait en dictée au téléphone. Cela fait maintenant partie du folklore au Québec. Les journaux de l'après-midi n'existent plus. Les lecteurs du Droit avaient lu sur l'assassinat de Kennedy, l'attentat contre Jean-Paul II, l'explosion de la navette Challenger, le jour même de l'événement.

Quand Le Droit a publié sa dernière « dernière édition » le vendredi 15 mai 1987 et s'est transformé complètement en journal du matin le lundi 5 octobre de la même année (j'étais alors rédacteur en chef), notre presse écrite a perdu une partie de son âme. Nous étions le dernier... tous les autres publiaient déjà le matin.

Pierre Allard

vendredi 18 novembre 2011

De l'église St-François d'Assise à la Loi 101...

L'église St-François d'Assise, que vous voyez ci-contre, fut l'église paroissiale de mon enfance à Ottawa. La structure actuelle célébrera d'ailleurs dans quelques années son centenaire. Ses deux clochers sont visibles à des kilomètres de distance et rappellent encore aujourd'hui une époque où, autour d'eux, résidait une vibrante communauté franco-ontarienne de quelques milliers d'âmes. Un grand village francophone dans l'ouest d'une capitale unilingue anglaise.

Quand j'étais petit, dans les années 1950, on nous disait que la langue française était gardienne de la foi catholique. En rétrospective, je crois qu'il serait plus juste de dire que la religion, et notamment l'église paroissiale, était la gardienne de la langue française. Du moins chez nous. Sans doute ailleurs aussi. Notre petite Loi 101 bien à nous, en quelque sorte.

Il faut comprendre qu'à Ottawa tout ce qui avait un caractère officiel se déroulait essentiellement ou uniquement en anglais. Il n'y avait pas d'écoles françaises publiques, seulement des écoles bilingues, et encore seulement à l'élémentaire. L'hôtel de ville d'Ottawa était un bastion de francophobie. Les services publics en français? La police, les tribunaux? N'y pensez pas. À Ottawa, il n'était pas rare de se faire traiter de frog ou de se faire dire Speak white. Mais il y avait notre petit quartier - St-François d'Assise-Mechanicsville - où à peu près tout le monde parlait français et où l'église paroissiale constituait le seul lieu public qui soit nôtre.

Parce que l'église, ce n'était pas seulement la messe du dimanche. Le sous-sol de l'église et le centre communautaire adjacent étaient des lieux de rassemblement pour la communauté et pour les nombreuses organisations paroissiales... y compris la St-Jean-Baptiste et l'ancien Ordre de Jacques-Cartier (la Patente). Bien sûr, tout s'y passait en français. C'était notre espace public francophone, le reflet institutionnel de notre existence comme petite société francophone. J'ai retrouvé dernièrement une liste d'adresses postales des paroissiens de St-François d'Assise du début des années 1960 : entre la rue Wellington au sud (où est située l'église) et la rivière des Outaouais au nord, on aurait pu se croire dans une petite municipalité québécoise.

Aujourd'hui, un demi-siècle plus tard, la communauté est disparue. Il ne reste que quelques familles et des souvenirs éparpillés. Depuis les années 1960, l'église s'est vidée pour des motifs que tous connaissent. Le gouvernement fédéral a construit à la même époque un complexe massif d'édifices gouvernementaux dans l'ancien pré de M. Tunney, adjacent à Mechanicsville, modifiant à jamais le tissu social et le parc résidentiel des environs. Les blocs d'appartements ont remplacé les maisonnettes anciennes et plusieurs de celles qui ont survécu sont des taudis. Quelques rues subsistent en ayant gardé l'air de l'époque. Il y a encore des francophones, mais entre l'assimilation et les départs, il n'y a plus de collectivité francophone. Seule reste l'église, un monument à ce qui fut et ne sera plus.

En 1975, j'ai plié bagages et élu domicile au Québec, refusant que mes enfants (qui n'étaient pas encore nés) aient à lutter quotidiennement pour conserver leur langue dans un milieu largement hostile. Aujourd'hui, après plus de 35 ans à Gatineau, je commence à ressentir ce que je pressentais dans les années 1960 et 1970 à Ottawa. Le français est maintenant menacé au Québec, particulièrement ici en Outaouais et dans la métropole. Même le spectre des écoles bilingues, que les Franco-Ontariens ont mis aux poubelles depuis longtemps, a resurgi au Québec (!!!) avec l'intention annoncée par Jean Charest de soumettre les enfants à un apprentissage intensif de l'anglais en 6e année. Dans plusieurs commerces, on peine à se faire servir en français.

La Loi 101, comme mon ancienne église, a été créée par une société francophone en plein essor qui avait la volonté de s'affirmer et de faire respecter sa langue et sa culture chez soi. Les clochers de St-François d'Assise sont plus qu'un symbole de ce qui fut. Ils servent à nous avertir de ce qui pourrait arriver ailleurs. Il ne faudrait pas qu'un jour, la Loi 101 soit elle aussi le clocher d'une église vide.

Pierre Allard


mercredi 16 novembre 2011

Raymond Lemery, 1957-2011

Avis de décès

Raymond Lemery


Les familles Lemery et Fleury ont eu le regret d'annoncer le décès de M. Raymond Lemery décédé le 9 novembre 2011, à l’âge de 54 ans. Époux de Lise Fleury, il était le fils de feu Armand Lemery et de feu Thérèse Gaudreau. Outre son épouse, il laisse dans le deuil ses filles: Marie-Josée (Ante Laurijssen) et Janie (Patrick Mongeon); son frère André (Suzanne Lapointe) et ses soeurs: Micheline (feu Michel Massé), Claire (Denis Quinn), Louise (Raymond Lemieux), Ginette (Pierre Allard), Marthe (Guy Nantel) et Claude-Sylvie (Claude Beauregard). Il laisse également ses beaux-parents Telmon Fleury et Pauline Bertrand; ses beaux-frères: Yvon (Joane Desfossés), Denis (Ginette Crête) et Jean (Lise St-Laurent) ainsi que plusieurs neveux, nièces, cousin(e)s, parents et ami(e)s. Il reposait le mardi 15 novembre 2011 de 14 h à 17 h et de 19 h à 21 h au salon de la COOPÉRATIVE FUNÉRAIRE DE L’OUTAOUAIS située au 95, boul. Cité-des-Jeunes à Gatineau (secteur Hull). Le service religieux a eu lieu le lendemain mercredi 16 novembre 2011 à 11 h en l'église St-Joseph sise au 245, boul. St-Joseph à Gatineau. Raymond a fait carrière au sein de Wallack's Art Supplies à titre de vice-président à Ottawa et en tant que copropriétaire à Gatineau ainsi qu'à Hull pendant plus de vingt-cinq ans; il laisse donc également dans le deuil plusieurs collègues et confrères de travail. Vos marques de sympathie peuvent se traduire par un don à la Fondation des maladies du coeur.


mercredi 9 novembre 2011

Extrait des débats de la Chambre des communes du vendredi 4 novembre 2011

Échange entre Denis Coderre et le ministre John Baird. Intéressant.


Le vérificateur général + -

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Monsieur le Président, il est de plus en plus clair que les conservateurs, en tripotant le processus pour proposer un vérificateur général anglais, viennent de bafouer une des valeurs fondamentales de notre pays. Lorsqu'on dit qu'il est essentiel comme condition d'embauche pour le poste de vérificateur général de parler l'anglais et le français, on ne parle pas d'un atout, on parle d'une condition sine qua non. Cela fait partie des compétences. Si on n'est pas bilingue, on n'a pas l'emploi.

Le premier ministre va-t-il reconnaître que le gouvernement a erré dans son processus vicié et que, ce qu'il lui reste à faire, c'est recommencer à zéro pour avoir un vérificateur général bilingue?

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Monsieur le Président, on a choisi le meilleur candidat qui s'est présenté pour l'emploi de vérificateur général. Ce candidat avait de bonnes qualifications. Il va faire un bon travail.

[Traduction]

Ce qui est de plus en plus clair, c'est que le Parti libéral veut se servir de cette question pour diviser les Canadiens. Cette personne s'est engagée à apprendre notre deuxième langue officielle, et nous devrions en être très fiers.

[Français]

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Monsieur le Président, ce processus vicié a maintenant des répercussions dans le bureau même du vérificateur général du Canada. J'apprends à l'instant que M. Michel Dorais, un des membres externes du comité de vérification et haut fonctionnaire pendant de plus de 30 ans, vient de déposer sa démission en disant: « Je ne peux continuer à siéger [...] en acceptant que le prochain vérificateur général ne rencontrera pas dès son entrée en fonction l'une des compétences jugées essentielles pour ce poste ». Michel Dorais s'est battu toute sa vie professionnelle pour que la fonction publique soit bilingue.

Qu'est-ce que les conservateurs attendent pour respecter l'ensemble des Canadiens et Michel Dorais en tant que personne bilingue?

+ -(1125)

[Traduction]

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Monsieur le Président, le gouvernement appuie sans réserve le principe des deux langues officielles en vigueur dans notre grand pays. Nous sommes heureux de constater que le meilleur candidat retenu pour le poste a accepté d'apprendre le français.

Ce qui est intéressant, c'est la mentalité de deux poids, deux mesures du Parti libéral. Lorsque le dernier premier ministre libéral, Paul Martin, a nommé un anglophone unilingue au poste de ministre des Finances, le député s'est-il insurgé contre cette décision? Non. Il s'est totalement rallié à lui. S'il est acceptable qu'un ministre des Finances soit un anglophone unilingue, pourquoi est-ce inacceptable dans le cas du meilleur candidat retenu pour occuper le poste de vérificateur général et qui s'est engagé à apprendre le français?

[Français]

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Monsieur le Président, on ne veut pas un vérificateur général du gouvernement, on veut un vérificateur général pour le Parlement et pour l'ensemble des Canadiens.

[Traduction]

Nous apprenons maintenant qu'un des deux membres indépendants du comité de vérification interne du BVG, Michel Dorais, un ancien sous-ministre et distingué fonctionnaire comptant plus de 30 années d'ancienneté, a remis sa démission ce matin. Pourquoi? Parce que, pour lui, le bilinguisme n'était plus une question de convenance ou de communication, mais plutôt une question de compétence.

J'ai sa lettre en main. Fini les excuses. Il faut que le premier ministre se ressaisisse et qu'il lance un nouveau processus de sélection. C'est ce que veulent les Canadiens. Va-t-il les écouter?

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Monsieur le Président, nous pouvons compter sur un nouveau vérificateur général. Il connaît la valeur de nos deux langues officielles et s'est engagé à apprendre le français, ce qui est extrêmement important.

Quatre-vingts pour cent des Canadiens ne sont pas bilingues. Ils ont tout de même un rôle à jouer dans notre société. Cette personne s'est engagée à apprendre le français, mais, encore une fois, il existe une règle pour la fonction publique et une autre pour le Parti libéral. Les libéraux étaient bien contents de pouvoir compter sur un anglophone unilingue qui, malgré ses 30 années d'ancienneté au Parlement, n'avait jamais appris le français. Pourtant, le Parti libéral préconise une règle pour ses membres et une autre pour les Canadiens.

mardi 8 novembre 2011

L'assimilation à l'Université d'Ottawa, vue par le journal étudiant La rotonde en 1968.

J'ai conservé ce numéro de La rotonde, publié le 24 octobre 1968, à une époque où une mince majorité des étudiants était francophone (aujourd'hui c'est autour de 30%)...

Le message est clair, et reste d'actualité.




samedi 8 octobre 2011

Encore Don Cherry!

Éditorial publié dans LeDroit, samedi 8 octobre 2011.

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La culture médiatique, particulièrement quand il s’agit de hockey, a eu tendance à conférer un statut spécial à certains commentateurs et rédacteurs sportifs, à qui on laisse plus de latitude pour dépasser le cadre traditionnel de l’analyse. Cela donne des textes et des interventions plus colorés, plus mordants, susceptibles de favoriser un dialogue et un débat avec lecteurs et auditeurs. Mais il y a des limites que certains transgressent.

On aura deviné que Don Cherry a de nouveau fait des frasques. Lors du premier match de la saison, durant sa prestation à Hockey Night in Canada, il a carrément abusé de sa liberté d’expression avec des attaques de bas étage contre ceux qui s’opposent aux combats dans la Ligue nationale de hockey, et à notamment à quelques anciens durs à cuire qui se sont joints au mouvement contre la violence sur glace. Loin de nous de vouloir réduire au silence ce controversé personnage, mais le temps est venu pour CBC de lui rappeler les principes d’un savoir-vivre élémentaire.


Pierre Allard

mercredi 5 octobre 2011

La « vague » nationale des années 1960-1970 : continuités, transformations et ruptures

Je vous prie de trouver ci-joint et ci-dessous un appel à communication pour un atelier que Yann Fournis, Tudi Kernalegenn et Joel Belliveau proposent à l'occasion du Congrès annuel de la Société québécoise de science politique, qui se tiendra à l'Université d'Ottawa du 23 au 25 mai prochain. N'hésitez pas à le diffuser dans vos réseaux:

La « vague » nationale des années 1960-1970 : continuités, transformations et ruptures

Les revendications nationalistes sont largement cycliques, et semblent fonctionner par « vagues » : la naissance des premiers États-nations modernes à la fin du XVIIIème siècle, l’indépendance des États d’Amérique du Sud au début du XIXème siècle, le « printemps des peuples » autour de 1848, les mouvements de décolonisation autour des années 1950, l’indépendance des anciens pays communistes dans les années 1990, etc. Une « vague » toutefois semble largement négligée par la littérature, peut-être parce qu’elle n’a débouché sur aucun nouvel État : le réveil des nations sans État des années 1960-1970.


Les études monographiques ne manquent certes pas, mais il n’existe que peu de réflexions globales permettant de comprendre pourquoi, au même moment, on assiste à l’émergence d’un nouveau dynamisme des revendications nationalitaires en Amérique du Nord (Québec, Acadiens, Franco-Ontariens, Chicanos, Amérindiens) et en Europe occidentale (Bretagne, Catalogne, Pays de Galles, etc.), ainsi qu’à l’arrivée une revendication autochtone maorie et aborigène en Nouvelle-Zélande et en Australie, la création de l’Organisation de Libération de la Palestine, etc.


Il s’agira donc dans cet atelier de réfléchir, de manière monographique ou comparative, sur l’existence de cette « vague » nationale des années 1960-1970, ses causes, ses caractéristiques et ses conséquences.


Organisateurs:

Joel Belliveau (Université Laurentienne, Ontario), jbelliveau@laurentian.ca

Yann Fournis, (Université du Québec à Rimouski), yann_fournis@uqar.qc.ca

Tudi Kernalegenn, (CRAPE, IEP de Rennes), tudi.kernalegenn@gmail.com



Les propositions de communication peuvent être monographiques ou comparatives, étayer ou infirmer les prémices de cet atelier (l'existence d'une "vague" nationale au cours des années 1960-1970), avoir une perspective sociologique/science politique ou historique. Nous attendons néanmoins une réflexion qui permette d'entamer un "dialogue" comparatiste sur une période, en interroger les éléments de continuité, de transformation et de rupture par rapport à la question nationale.


La date limite pour les propositions de communication est le 31 octobre 2011, mais nous vous serions reconnaissant d'essayer de nous envoyer vos propositions pour le 20 octobre, à nos trois adresses. La proposition doit inclure le nom du ou des auteurs et leurs affiliations, le titre de la communication et une description d'au plus 200 mots.
Nous sommes à votre disposition pour toute demande de précision, tout besoin de renseignement.

N'hésitez pas à diffuser cet appel à communication dans vos réseaux.
Bien cordialement,


Joel Belliveau

Département d’histoire et Institut franco-ontarien

Université Laurentienne

jbelliveau@laurentienne.ca

Joel Belliveau, Ph.D.
Professeur adjoint
Département d'histoire
Université Laurentienne
935 Chemin du lac Ramsey,
Sudbury (Ontario)
P3E 2C6
Canada

(705) 675-1151, poste 4208

http://www.laurentian.ca/Laurentian/Home/Departments/History/Belliveau.htm?Laurentian_Lang=fr-CA

'Moteur de la créativité, de l'innovation et de la prospérité depuis 1960'
www.celebrez50.laurentienne.ca

mardi 4 octobre 2011

La mémoire collective d'une société est appauvrie par la perte de chaque mémoire individuelle.

À mon âge (65 ans), les pages de nécrologie sont incontournables. On risque toujours d'y voir une connaissance ou, pire, un proche. Mais comme journaliste, je me dis toujours que derrière chaque décès, il y aurait sans doute un bon reportage. Des réalisations. Des actes de bravoure. Des aventures. De la générosité, de l'amour. Des difficultés. Des erreurs. Toute une vie qui se poursuivra pour un temps dans la mémoire des survivants, dans des albums de photos, puis qui disparaîtra sans laisser de traces parce que personne ne l'a consignée par écrit. La mémoire collective d'une société est appauvrie par la perte de chaque mémoire individuelle.


Encore aujourd'hui, je vois cette nécrologie presque anodine. Celle de Louis Vincent. «La famille Côté a le regret de vous annoncer le décès de Louis Vincent 28 juin 1931 – 28 septembre 2011 Est décédé paisiblement au Soins continus Bruyère le 28 septembre 2011, à l'âge de 80 ans. Il était le fils de feu Gaston Vincent et de feu Robertine Gauthier. Il laisse dans le deuil sa conjointe Monique Côté, les enfants de Monique : Anne et Pierre (Marianne), les petits-enfants de Monique : Jean-Sébastien, Gabrielle et Marie-Laure. Il laisse également ses enfants Julien, Danielle, Carl, Renée et Luc-André, ses petits-enfants Marianne, Sacha, Loïc et Jules ainsi que plusieurs neveux, nièces et ami(e)s. Une messe commémorative sera célébrée le jeudi 6 octobre à 10h00 à l'église Cathédrale Basilique Notre-Dame (coin de Sussex et de St-Patrick), Ottawa. »

Le nom me dit quelque chose. Je me souviens vaguement qu'il était avocat et, me semble-t-il, un type assez connu dans les milieux franco-ontariens. Aucun journaliste, que je sache, n'a fait de papier ou de topo sur sa mort. S'il y en a, je n'en ai pas eu connaissance. Alors je fais une recherche sur Internet, sûr de trouver des tas d'infos qui raviveront mes vagues souvenirs. Mais non. Je trouve le site de son cabinet juridique, Vincent Dagenais Gibson, à Ottawa. C'est un vieux cabinet, fondé en 1897, situé dans l'édifice canadien français par excellence de la capitale, l'Union du Canada, dans la Basse-Ville autrefois francophone. M. Vincent exerce le droit depuis 1955 et on y indique que « sa carrière chevronnée et son excellence dans la prestation des services juridiques lui ont mérité le titre honorifique de membre à vie décerné par le Barreau du Haut-Canada (le Barreau de l'Ontario).»

Mais M. Vincent a vécu l'essentiel de sa vie active avant l'Internet. Sur le site du Centre de recherche en civilisation canadienne-française de l'Université d'Ottawa, je trouve une vieille photo des animateurs du 18e congrès de l'Association canadienne-française d'éducation de l'Ontario (organisme qui représentait à l'époque les Franco-Ontariens), en 1966. On le voit assis aux côté de dirigeants franco-ontariens de l'époque y compris l'homme d'affaires Conrad Lavigne, Omer Deslauriers, et l'ancienne journaliste Solange Plourde-Gagnon. Il côtoyait donc les milieux les plus influents de l'Ontario français. Mais sauf pour cette photo, l'Internet a conservé peu de souvenirs du personnage.

Je ressors donc mes vieilles archives franco-ontariennes (je suis originaire d'Ottawa mais vis maintenant à Gatineau, au Québec). Je retombe sur des vieux documents du milieu des années 1960 et ça me revient. Louis Vincent avait aussi été président de l'Association de la jeunesse franco-ontarienne jusqu'à 1964. Ayant milité moi aussi au sein de l'AJFO et l'ancienne ACFEO/ACFO jusqu'à ce que j'entreprenne une carrière journalistique, je sais qu'il a sans doute été mêlé intimement à une foule de dossiers qui ont bouleversé le Canada français et le Québec pendant et après la Révolution tranquille. Mais comme je suis arrivé au moment de son départ, je l'ai peu connu. Il a fallu cette nécrologie pour que fouille un peu à l'écran et dans mes boîtes de paperasse.

Je ne suis pas comme certains de mes amis qui ont une mémoire prodigieuse. Je me souviens, à l'époque où je militais à la CSN, de l'incroyable capacité de mémoriser de Marcel Pepin. Moi, je dois l'écrire pour m'en rappeler... et encore. Une chose est sûre... la mémoire la plus prodigieuse ne dure qu'une vie, à moins d'être captée sur vidéo ou sur papier. Sur le plan médiatique, Louis Vincent est mort dans l'anonymat, comme la quasi totalité de ses concitoyens. Il y aurait sans doute eu un bon papier à écrire sur sa vie. Sans doute plus intéressant que la 160e déclaration de Jean Charest sur la non-tenue d'une commission d'enquête ou la "n"ième savante analyse sur les déboires des Canadiens ou des Sénateurs au hockey. L'histoire, individuelle ou collective, est malheureusement devenue persona non grata de nos jours dans les médias.

Pierre Allard


samedi 1 octobre 2011

Une attaque sans précédent contre la magistrature

Lettre publiée dans le quotidien LeDroit, le vendredi 30 septembre


par Sébastien Grammond

L’auteur est doyen de la Section de droit civil à l’Université d’Ottawa

Les députés conservateurs du comité sur l’accès à l’information et l’éthique viennent de poser un geste qui fait preuve d’un mépris total pour le principe de l’indépendance de la magistrature. Ce comité a lancé une enquête sur le fait que la Société Radio-Canada emploie des fonds publics pour contester les pouvoirs de la Commissaire à l’information d’exiger que la SRC lui communique les informations de nature journalistique qu’elle détient. Dans le cadre de ces audiences, les députés ont convoqué le juge de la Cour fédérale qui a rendu jugement dans cette affaire, afin qu’il témoigne en comité parlementaire au sujet de sa décision.

Une telle convocation est sans précédent et menace les principes de base de notre régime démocratique. Le principe de l’indépendance de la magistrature assure les citoyens qu’il y aura toujours un juge impartial pour statuer sur leur cas, même si le gouvernement est leur adversaire et même si leur cause n’est pas populaire. Bref, lorsqu’une cause est soumise aux tribunaux, elle est tranchée en fonction du droit et non de sensibilités politiques. C’est l’un des principes les plus fermement protégés dans notre droit constitutionnel.

Or, pour garantir cette indépendance, il faut assurer aux juges qu’ils ne seront jamais appelés à s’expliquer publiquement au sujet de leurs décisions. Les juges rendent des motifs de jugement, habituellement par écrit, et tout citoyen peut discuter ou critiquer publiquement de tels motifs. C’est donc par leurs jugements que les juges « rendent des comptes ». Cependant, une fois le jugement rendu, le juge est assujetti à un devoir de réserve, étroitement lié à son indépendance, qui lui interdit de participer à un débat public au sujet de l’affaire qu’il a tranchée. S’il en était autrement et que les juges pouvaient être forcés de s’expliquer publiquement, les justiciables pourraient craindre que les décisions rendues par les tribunaux soient indûment influencées par l’opinion publique ou par les politiques du gouvernement. Comment un citoyen pourrait-il croire que justice sera rendue dans sa cause s’il sait que le juge pourra être convoqué à témoigner devant un comité parlementaire? Comme le soulignait l’actuelle juge en chef de la Cour suprême dans une décision de 1989, « Donner suite à l’exigence qu’un juge témoigne devant un organisme civil, émanant du pouvoir législatif ou du pouvoir exécutif, quant à savoir comment et pourquoi il a rendu sa décision, serait attaquer l’élément le plus sacro-saint de l’indépendance judiciaire. » Le juge convoqué par un comité parlementaire a donc le droit et le devoir de refuser de témoigner.

De plus, la participation de juges à des débats hautement médiatisés mine la séparation des pouvoirs en confondant l’administration de la justice et la politique partisane. Un principe de base de déontologie judiciaire est que les juges doivent s’abstenir d’activités politiques. Or, aux yeux du public – et c’est la perception du public qui compte ici – le témoignage d’un juge en comité parlementaire associe la magistrature à la politique partisane et risque de diminuer la confiance du public envers l’indépendance de la magistrature.

Il faut donc condamner fermement cette convocation d’un juge en comité parlementaire comme une atteinte grossière à l’indépendance de la magistrature.