vendredi 17 janvier 2014

Entre la Cour suprême et le Gainsbourg...

Vous connaissez les « 5 à 7 » ? Moi, pas beaucoup... Étant à la demi-retraite, j'entends surtout parler de ceux des autres, d'amis ou de collègues qui se rencontrent dans une salle ou un resto, y prenant un verre (ou plus) et grignotant des canapés pour souligner un anniversaire ou une retraite, marquer une activité ou un événement, ou pour toute autre occasion spéciale...

Si j'en parle, c'est qu'hier (jeudi 16 janvier), moi qui n'ai jamais fréquenté ces fins d'après-midi arrosées, j'en avais deux à l'ordre du jour... en même temps... La première : le lancement de la troisième édition de l'oeuvre monumentale Les droits linguistiques au Canada, dans le lobby de la Cour suprême du Canada, à Ottawa, en présence des auteurs, du Commissaire aux langues officielles et des juges du plus haut tribunal du pays... La seconde, d'un tout autre ordre : le 5 à 7 inaugural de 2014 de la section outaouaise de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), au bistro Gainsbourg, sur la rue Aubry, dans le Vieux Hull.

Étant rarement invité dans l'univers juridique de la Cour suprême, il était déjà tentant, curiosité oblige, d'y mettre le nez, ne fut-ce que pour un lancement d'ouvrage érudit. Mais il ne s'agissait pas de n'importe quel ouvrage érudit : en tant qu'ancien militant franco-ontarien, en tant que journaliste-éditorialiste passionné par le sort des minorités linguistiques et inquiet de l'avenir du français, même au Québec, ce volume d'un collectif d'auteurs dirigé par de brillants juristes comme Michel Bastarache et Michel Doucet constituait pour moi un appât irrésistible.

Alors hop ! En voiture à l'heure de pointe, pour découvrir à l'arrivée sur le terrain de la Cour suprême, rue Wellington, à quelques pas du Parlement, qu'il n'existe AUCUN espace de stationnement pour les visiteurs... Après avoir tourné en rond autour de l'édifice de la Cour, j'aperçois un agent de la GRC et lui explique que je suis invité par l'un des auteurs (Michel Doucet) d'un livre dont le lancement officiel doit avoir lieu dans le foyer de la Cour suprême... À l'heure qu'il est (près de 17 h), je peux garer la voiture dans une des aires réservées où, dit-il, je ne devrais pas avoir de problème...

Premier obstacle franchi... Et me voilà à l'entrée de la Cour, devant d'autres agents de la GRC qui contrôlent l'accès. Qui êtes-vous, me demande-t-on? Je m'identifie verbalement, et ayant constaté que mon nom figure sur la liste, sans autre preuve d'identité, on me laisse passer avec le sourire. Ils doivent penser que je suis un juriste ou un juge... et non un scribe des médias (j'étais d'ailleurs le seul) qui a établi des rapports avec l'un des auteurs sur Twitter... Une chance pour nous d'associer un visage aux textes que nous échangeons de temps à autre sur les questions concernant les minorités francophones hors-Québec.

Je suis ici un poisson hors de l'eau... D'abord je ne porte pas de cravate... un accessoire qui semble obligatoire pour tous les avocats et juges, du moins dans cette solennelle enceinte... De toute façon, je ne connais personne, à l'exception du Commissaire aux langues officielles Graham Fraser. C'est heureusement le premier individu que je croise... Quelques échanges avec lui me permettent de rencontrer le registraire de la Cour suprême, Roger Bilodeau (un Franco-Manitobain), et celui qui m'avait permis d'être présent, Michel Doucet, un éminent juriste acadien et ancien doyen de la faculté de droit de l'Université de Moncton.

J'en profite pour acheter le livre Les droits linguistiques au Canada qui, à 125 $ l'exemplaire, ne figurera sans doute jamais sur la liste des best-sellers, malgré un excellent rapport qualité-prix. Pour qui s'intéresse aux questions juridiques liées aux droits linguistiques, c'est ni plus ni moins une bible de plus de 1200 pages. Une vaste compilation, sous l'angle du droit, des interminables souffrances infligées aux francophones de ce pays depuis 1867. Le fait que le volume épaississe d'édition en édition constitue une preuve évidente que les injustices linguistiques restent florissantes et que les remèdes juridiques constituent souvent la seule voie ouverte pour faire valoir les droits bafoués.

Tant de brillants cerveaux ayant consacré des pans de vie et des carrières à plaider, recenser ou codifier, défendre et promouvoir des droits linguistiques, essentiellement ceux des francophones, alors qu'ils auraient pu faire oeuvre utile autrement. Les anglophones n'ont pas besoin, eux, d'une armée de juristes, de politiciens, d'animateurs et de citoyens militants pour assurer la survivance et la promotion de leur langue et de leur culture dans un environnement trop souvent hostile. L'oeuvre magistrale dirigée par Michel Doucet et par l'ancien juge de la Cour suprême Michel Bastarache ne pouvait qu'être écrite en français. Les droits violés sont presque toujours les nôtres.

L'événement d'hier m'a fortement impressionné... et je suis fort reconnaissant au professeur Doucet de m'avoir permis d'entrer un moment dans les hautes sphères de la communauté juridique canadienne. Il me reste maintenant à lire, avec grand plaisir, et annoter cette « bible » des droits linguistiques...

La FPJQ-Outaouais

Les discours étant terminés, quelques autographes d'auteurs obtenus, il me restait suffisamment de temps pour arriver avant la fin du 5 à 7 des journalistes de la FPJQ-Outaouais. Heureusement, entre la Cour suprême à Ottawa et le bistro Gainsbourg, rue Aubry, à Gatineau, le trajet en voiture ne prend qu'un peu plus de cinq minutes... Quel contraste... À l'entrée du resto, à gauche, à travers un panneau vitré, on brasse de la bière... à droite et devant, des clients attablés dans un décor rustique... Là-bas j'étais le seul homme sans cravate, ici je suis le seul avec un veston...

Je ne reconnais personne, jusqu'à ce qu'une serveuse me dirige à l'étage où un groupe a réservé la salle... C'est bien là et heureusement que s'y trouve Guy Badeaux, le caricaturiste du Droit, qui a dépassé la soixantaine, parce que tous les autres semblent être nés à une époque où ma propre carrière journalistique était déjà bien entamée... Des jeunes dans la vingtaine et la trentaine. Encore une fois, un poisson hors de l'eau...

À leur âge, nous allions au resto La Paloma, à l'hôtel Chez Lucien, au Bocage, au Matador, aux tavernes du Vieux Hull... Toutes ces places ont disparu. Il n'en reste aucune... Et les salles des nouvelles étaient plus nombreuses... Les entreprises de presse ont toutes subi des cures radicales d'amaigrissement... Enfin, il semble y avoir toujours une relève dynamique dans les effectifs qui restent, et c'est ce que je comptais découvrir en renouant avec la FPJQ.

De toute évidence, ce n'est pas lors d'un 5 à 7 au Gainsbourg que j'irai beaucoup plus loin que des présentations... Mais c'est quand même une occasion d'associer des visages à des boîtes autres que Le Droit... Il y avait là aussi des journalistes de Radio-Canada, de Transcontinental, de la radio 104,7 FM, et même de la Presse canadienne. En espérant qu'il y ait dans le groupe quelques graines de militantisme, parce qu'à regarder le travail actuel des médias dans certains dossiers chauds - la charte des valeurs entre autres - il est temps de porter à l'avant-plan les grands enjeux d'éthique professionnelle...

Mais ça, ce sera pour un autre jour... Pour l'instant, je me contente d'une petite heure en excellente compagnie. En prime, la bière, le poisson et les frites étaient délicieux!













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