jeudi 23 janvier 2014

Guerre de 1812: propagande sculptée...

Le croquis du monument à la Guerre de 1812, publié dans le quotidien Le Droit. Voir http://bit.ly/1egVdy0 

En regardant de près l'image de la sculpture sur la Guerre de 1812 qui doit être érigée d'ici septembre sur la Colline parlementaire, à Ottawa, on peut conclure que le gouvernement conservateur a opté pour une oeuvre de désinformation et de propagande. L'auteure de la sculpture, la torontoise Adrienne Allison, déclarait justement, en juin 2013, que les Canadiens « ne connaissent pas leur propre histoire ». Elle a tout à fait raison, et son oeuvre en sera une preuve de plus !

Cette création de 2 millions $ sera intitulée, selon un article du quotidien Le Droit, « Triomphe grâce à la diversité ». Elle consistera en un cercle sur lequel figureront sept personnages, dont un marin et un fantassin britanniques, un milicien Métis, un guerrier autochtone, un fermier armé, et au moins un Voltigeur du Bas-Canada (Québec). Le gouvernement Harper veut, comme dans ses autres initiatives visant à commémorer la Guerre de 1812, présenter le conflit comme une des assises de « l'unité nationale » canadienne telle que conçue par les Anglo-Canadiens.

Que cela relève largement de la fiction ne semble pas soulever beaucoup de vagues. Que la Guerre de 1812-1814 entre la Grande-Bretagne et les États-Unis ait été importante pour la suite des événements au Canada ne fait pas de doute. Qu'elle ait été un ciment d'unité nationale entre Britanniques, Anglo-Canadiens, Bas-Canadiens (Québécois), Métis et Autochtones constitue un mensonge grossier. C'est une réécriture de l'histoire par un gouvernement qui veut utiliser le passé pour justifier ses orientations monarchiques et militaristes.

Mais comme les Québécois et les Canadiens connaissent mal ou peu leurs histoires nationales (vivement un retour (?) à l'enseignement chronologique et approfondi de cette matière!), on peut leur passer à peu près n'importe quel sapin... Que la Guerre de 1812 ait influencé l'éclosion d'une identité nationale chez les francophones de la vallée du Saint-Laurent me semble une thèse défendable. Qu'elle ait rallié les loyalistes anglophones à la défense de la mère-patrie me paraît évident. Mais les faits contredisent un quelconque rapprochement identitaire des deux groupes linguistiques...

D'abord les Bas-Canadiens ont résisté à la conscription, un grand nombre refusant de se présenter, d'autres désertant. Les arrestations de conscrits récalcitrants ont engendré des affrontements armés entre francophones et l'armée britannique. Quant aux exploits très réels du colonel de Salaberry, on néglige de rappeler que les Britanniques avaient limité à quelques centaines le nombre de « Voltigeurs » qu'il aurait le droit de recruter, et que les miliciens francophones formaient plus de 90% des troupes qui ont repoussé des milliers de soldats américains à Châteauguay. Et que le gouverneur britannique a par la suite tenté de diminuer la gloire de Salaberry...

La contribution des Bas-Canadiens au conflit contre les États-Unis a été majeure, mais cela ne leur a rien donné. Ils luttaient déjà, avant la Guerre de 1812, pour la reconnaissance de leur langue et pour un gouvernement démocratique et responsable. La répression britannique au Bas-Canada s'est poursuivie en dépit des services rendus au combat, et cela n'a servi qu'à aviver l'esprit combatif d'un des vaillants capitaines de la milice canadienne durant la Guerre de 1812, un certain Louis-Joseph Papineau, qui devait être élu président de la Chambre des députés en janvier 1815 et éventuellement mener le Parti patriote vers l'insurrection de 1837 contre la Grande-Bretagne.

Ces événements, on n'en a pas parlé pas dans les campagnes fédérales de propagande. Dieu sait ce qui nous attend au cours des quatre prochaines années, alors que s'amorce la commémoration de la Première Guerre mondiale (1914-1918). Il y a fort à parier que la crise de la conscription (la deuxième après celle de 1812) ne figurera pas à l'avant-plan du programme conservateur... 






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