lundi 13 janvier 2014

Avant le « spectacle », une réflexion...

Alors que ne commence demain le spectacle des audiences publiques sur le projet de charte des valeurs, je crois important de soulever un point largement négligé du débat entourant le port de signes religieux ostentatoires par le personnel de l'État, seule réelle pomme de discorde du projet de loi 60.

Précision au départ: je suis favorable aux principes exprimés dans le projet de charte, pour des motifs que j'ai déjà clairement exprimés (voir mon blogue d'août 2013*). Dans une société pluriculturelle, seul un État réellement neutre et laïc peut assurer l'ouverture sur la diversité citoyenne dans le respect du droit fondamental de l'égalité homme-femme. Au cours de l'histoire humaine, et encore aujourd'hui, le couple religion-politique a fomenté parmi les pires horreurs.

Alors revenons au sujet du départ. Depuis le début, les adversaires de la Charte affirment que l'interdiction des signes religieux « ostentatoires » (ciel, que je hais ce mot...) piétine le droit de liberté de religion de ceux et celles qui tiennent, en vertu de leur adhésion religieuse, à porter une croix, un kippa, un turban, un foulard ou autre signe dans l'exercice de leurs fonctions au sein de l'État. Ce débat n'est pas clos. J'estime pour ma part qu'il s'agit d'une limite raisonnable, permise par la Constitution, à leur liberté d'expression religieuse.

Mais ce n'est pas de cela dont je peux parler. Dans notre société où les valeurs n'ont plus vraiment de repères solides, nous sommes toujours plus prompts à affirmer des « droits » et des « libertés » qu'à reconnaître nos devoirs et responsabilités comme citoyens et citoyennes. J'aimerais donc poser la question autrement: il existe un large consensus sur la neutralité et la laïcité de l'État. Le diable est dans les détails, dans la manière de l'appliquer. Alors pourquoi ne pas davantage s'interroger sur la façon de respecter cette neutralité, au lieu d'insister sur le « droit » d'y contrevenir à titre personnel...

Est-ce trop demander à un citoyen - de quelque confession - de respecter dans son apparence vestimentaire un code conforme aux principes défendus l'État qui l'emploie, un code qui permette à tout citoyen de rencontrer ou d'obtenir des services d'un fonctionnaire ou d'un membre d'un service public sans que ce fonctionnaire ou ce membre d'un service public lui braque un signe religieux (ou anti-religieux) quelconque dans la face?

Autant que je sache, le port de signes religieux relève essentiellement du choix individuel dans toutes les grandes religions. Le grand rabbin de France a affirmé récemment qu'il ne voyait aucun problème pour un Juif d'enlever son kippa au service de l'État. La majorité des Musulmanes d'ici ne portent pas de foulard et s'il est vrai que des imams le leur reprochent, il y en a d'autres qui affirment le libre choix. Quant aux croix chrétiennes, plus personne aujourd'hui n'y verra une obligation de la porter dans l'exercice de fonctions publiques.

Alors on se retrouve dans le domaine flou des choix individuels. Sauf peut-être dans le cas du foulard islamique, vu avec justesse par plusieurs comme une manifestation de l'infériorisation des femmes. L'islam n'est pas seule: le catholicisme impose aussi des limites injustifiables aux femmes, mais cela ne se manifeste plus dans les accessoires vestimentaires. Sur ce point, aucun compromis n'est possible. L'égalité homme-femme, ce qui revient à dire l'égalité de tous les humains, n'est JAMAIS négociable dans les lieux publics.

Quant aux choix individuels, la question est autre. Alors je repose la question. Quelle est, pour le personnel de l'État, l'importance d'adhérer aux principes d'égalité homme-femmes, ainsi que de neutralité et de laïcité ? Est-ce trop demander que de se présenter simplement comme « fonctionnaire », comme « membre du personnel », plutôt que comme fonctionnaire catholique, juif ou musulman? Qu'ont à voir des signes religieux avec l'exercice de fonctions publiques? Rien du tout !

Alors qui défendent-ils, ces pourfendeurs du projet de charte des valeurs? Défendent-ils le peuple québécois dans toute sa diversité - hommes et femmes à égalité - ayant le droit de compter sur les services d'un État rigoureusement neutre, ou finissent-ils par protéger les privilèges d'une minorité d'individus tellement rigides en matière religieuse qu'ils ne savent plus comment « rendre à César ce qui va à César et à Dieu ce qui est à Dieu »?

Je reste convaincu qu'une charte ferme sur cette question ne suscitera pas de débats à long terme. La quasi totalité du personnel de l'État s'y conformera et dans quelques années, on n'en parlera à peu près plus...



* Assez, c'est assez, sur mon blogue, 28 août 2013. http://bit.ly/17lMWqT





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