Tous les chefs de parti fédéraux doivent se gratter le front aujourd'hui en cherchant à interpréter les résultats des quatre partielles d'hier soir. Officiellement, rien n'a bougé aux Communes, les libéraux ayant conservé Toronto-Centre et Bourassa, les conservateurs ayant résisté avec succès dans les deux circonscriptions manitobaines de Provencher et Brandon-Souris. Mais en regardant les résultats de plus près, bien des choses semblent avoir changé depuis l'élection générale de 2011...
Il me semble, à regarder l'évolution depuis les élections de 2008, qu'aucun chef de parti n'a vraiment de quoi se réjouir aujourd'hui. Et surtout pas Justin Trudeau...
À tout seigneur, tout honneur, commençons par le premier ministre Stephen Harper, celui qui, selon moi, devait être le plus soulagé ce matin en dépit des pertes de soutien populaire enregistrées hier. Mais il aurait tort de célébrer. Si hier avait été jour d'élection générale, son parti aurait été battu. Mais ce ne l'était pas, et le Parti conservateur a près de deux ans pour colmater les brèches.
Il devra cependant tenir compte des sévères avertissements reçus hier. Entaché par les scandales du Sénat, il savait que son chien était mort dans Toronto Centre, l'ancienne circonscription de Bob Rae, et Bourassa, l'ancien fief du nouveau maire de Montréal, Denis Coderre. Mais peut-il vraiment, sans pointe de panique, encaisser le fait que ses candidats aient été relégués à la marginalité dans les deux circonscriptions ontarienne et québécoise? S'il perd l'Ontario en 2015, fini le pouvoir...
En 2011, le candidat du PC dans Toronto-Centre avait amassé 22% des suffrages. Cette fois, un maigre 8,7%... Dans Bourassa, c'est bien pire... Loin d'amorcer un redressement dans l'opinion publique québécoise, la situation de Stephen Harper empire. Le candidat conservateur avait à peine recueilli 9% des suffrages en 2011. La candidate du parti ministériel a fait pire à la partielle d'hier, obtenant la faveur de moins de 5% des votants... On est proche du néant à ce niveau...
Au Manitoba, le PC a à peine réussi à conserver Brandon-Souris avec 44% du vote. Dans Provencher, le score de 58% est solide, mais bien en-deça du 70,6% enregistré par Vic Toews en 2011. Face à la possibilité de marges conservatrices réduites dans les châteaux-forts de l'ouest et de défaites au centre du pays, des grognements vont vite commencer à se faire entendre chez les députés d'arrière-ban.
Les libéraux
Justin Trudeau devrait être le plus inquiet des chefs de parti aujourd'hui. Il sait qu'il aurait probablement gagné une élection générale, mais elle ne l'était pas, justement. Les libéraux l'ont élu sans programme, sans vision, pour la simple raison qu'ils le croient capable de les mener à la victoire. Les résultats d'hier démontrent que la lune de miel est déjà terminée et que le public commence à déchanter. Face à un premier ministre en déclin rapide, il avait besoin d'au moins une victoire au Manitoba... Ses candidats ont fait beaucoup mieux qu'en 2011 (au Manitoba) mais pas assez pour gagner...
C'est cependant en Ontario et au Québec que le jeune Trudeau doit analyser avec la plus grande attention les résultats. Dans Toronto-Centre, sa candidate vedette a obtenu 49% des suffrages, mieux que le score de 41% de Bob Rae dans la débandade libérale sous Ignatieff en 2011 mais moins bien que la performance de 53,5% de M. Rae en 2008 sous un chef bien moins charismatique, Stéphane Dion.
Et dans Bourassa, le candidat libéral Emmanuel Dubourg a amassé 48% des suffrages exprimés, une amélioration sur le scrutin de 2011 avec sa vague orange au Québec mais en-deça du score de 49,8% obtenu par M. Coderre en 2008 sous Stéphane Dion. Il y a fort à parier qu'on s'aperçoit déjà que la marque Trudeau n'est pas une garantie de succès au Québec en 2013, et risque de ne pas l'être en 2015.
Le NPD
Thomas Mulcair peut à la fois se réjouir et s'inquiéter après les partielles d'hier. S'inquiéter parce que dans les deux circonscriptions de l'ouest, son parti a été anéanti. Il n'était déjà pas très fort en 2008 et 2011, mais le vote néo-démocrate dans Provencher et Brandon-Souris oscillait entre 15 et 25%. Cette fois, le Nouveau Parti démocratique récolte à peine 8,2% des votes exprimés dans Provencher, et 7,4% dans Brandon-Souris... Aussi bien dire qu'il n'y reste plus grand-chose...
Par contre, les nouvelles sont meilleures dans les partielles de Toronto-Centre et de Bourassa. Dans Toronto-Centre, la proportion des votes néo-démcrates augmente depuis depuis 2008, étant passée de 15% (2008) à 30% (2011), puis hier à 36%. À un certain moment, en début de soirée, la candidate néo-démocrate menait dans Toronto-Centre...
Dans Bourassa, l'époque de la vague orange est révolue, les libéraux ont un jeune chef que l'on croit très populaire et les conservateurs sont à terre. La table était mise pour un raz-de-marée libéral et pourtant, le candidat du NPD, Stéphane Moraille, a accaparé 31,4% des suffrages, égalant presque la part de 32,3% obtenue aux générales de 2011. Le libéral semble avoir augmenté sa part en grignotant les votes du PC et du Bloc, mais pas vraiment ceux du parti de Thomas Mulcair.
Pour le Bloc québécois, Bourassa n'était pas un comté prenable... mais le parti doit être déçu de ne pas avoir au moins pu égaler, voire dépasser, sa performance de 2011... C'est peut-être à la prochaine fois... comme aurait dit l'autre...
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