samedi 30 novembre 2013
Des doutes ? Attachez vos ceintures !
S'il existait encore des doutes, ils ont disparu à La Cité collégiale, aujourd'hui, à Ottawa, quand quelque 150 francophones de tous âges - étudiants du secondaire, collégial et universitaire, enseignants, représentants de conseils scolaires, collèges et universités, figures connues d'associations et organisations franco-ontariennes, et de simples citoyens intéressés - se sont réunis toute la journée pour parler d'accès et de gouvernance des programmes postsecondaires de langue française dans l'Est ontarien et dans l'ensemble de la province.
Des doutes sur quoi? D'abord sur le sérieux du projet de consultation lancé par le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO), qui représente les quelque 22 000 étudiants francophones collégiaux et universitaires inscrits dans des programmes postsecondaires de langue française en Ontario. Non seulement l'organisme a-t-il réussi à relancer un débat vieux de plus de 40 ans qui a toujours piétiné, mais le RÉFO a recruté sur son parcours deux importants partenaires, l'Assemblée de la Francophonie de l'Ontario (AFO), représentant attitré de l'ensemble de l'Ontario français, et la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO), qui représente les élèves du secondaire francophone en Ontario.
Toute la journée, en ce froid samedi de fin de novembre, il était clair que le RÉFO menait la barque. Ses représentants, désormais aguerris par une tournée de consultations qui les a menés du nord au sud, de l'est à l'ouest de cette province grande comme un pays, ont animé de main de maître des plénières et ateliers fort chargés. Des vieux routiers des causes franco-ontariennes aux jeunes militants fraîchement issus de l'adolescence, des cadres d'importantes organisations aux professeurs d'université, personne ne contestait l'ascendant du RÉFO dans le débat en cours sur le postsecondaire.
Des doutes sur quoi? Sur le sérieux de la volonté de faire aboutir le projet d'université de langue française. L'idée a été lancée à diverses reprises depuis les années 1940, mais ses promoteurs ont toujours manqué de souffle ou de soutien. Cette fois, sans doute conscient que le temps presse et que c'est peut-être la dernière chance qui se présente, le RÉFO a bien planté son hameçon dans la proie et n'entend pas la laisser s'échapper. Plus question de se satisfaire de demi-mesures ou de programmes ajoutés à la pièce. Le gros morceau, cette fois, c'est la gouvernance.
La tradition des gouvernements successifs en Ontario depuis la disparition du Règlement 17 dans la brume, c'est d'accorder des miettes. On ne lâche des concessions importantes que sous une très forte pression. Le climat explosif des années 60 a obligé John Robarts à autoriser des écoles primaires et secondaires de langue française. Les tribunaux ont constitutionnalisé des droits de gestion qui ont forcé Queen's Park à céder aux Franco-Ontariens la gestion de leurs réseaux scolaires et secondaires à la fin des années 80. Les collèges francophones ont été arrachés dans les années 90. Seul l'universitaire reste hors de portée.
Le bilinguisme institutionnel, chassé à tous les autres niveaux, n'a plus de crédibilité à l'universitaire où les institutions bilingues sont la règle pour la francophonie ontarienne. Dans ces institutions où les anglophones sont partout majoritaires, les Franco-Ontariens sont toujours à la merci de la bonne volonté des « autres »... et en paient le prix. Pour le RÉFO, et désormais pour une majorité croissante des intervenants aux consultations, cette époque est révolue. Le mot « gouvernance » est devenu incontournable. Il est martelé sans répit et s'enfonce dans la conscience collective.
Il y a diversité quand vient le temps de privilégier un modèle d'institution « par et pour » les francophones ontariens, mais la gouvernance - l'autogestion - est désormais exigée. Le sommet des États généraux sur le postsecondaire en Ontario français, qui aura lieu en 2014, exigera un engagement du gouvernement ontarien. S'il ne vient pas, le RÉFO devra mobiliser tous les appuis disponibles.
Les discussions de ce 30 novembre à La Cité collégiale me laissent croire que cette fois, le projet d'université de langue française ne manquera pas de souffle et que Queen's Park aura vraiment du fil à retordre. Les Anglo-Québécois, qui ont trois universités bien à eux, seront sans doute des spectateurs inquiets pendant que le gouvernement québécois prendra des notes en voyant de quelle façon dont Toronto traitera sa collectivité francophone...
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