samedi 2 novembre 2013

Cour suprême: crédibilité menacée, légitimité en péril...

La Cour suprême du Canada est en train de perdre plus que sa crédibilité. Désormais, sa légitimité est en cause. Le premier ministre Stephen Harper, abusant des pouvoirs déjà excessifs qui lui sont conférés de nommer les juges du plus haut tribunal du pays, n'hésite même plus à charcuter la Loi de la Cour suprême pour arriver aux nébuleux objectifs qu'il semble s'être fixés.

Depuis qu'il est au pouvoir, il a désigné deux juges unilingues anglais, Marshall Rothstein (2006) et Michael Moldaver (2012), consacrant ainsi une discrimination systématique contre les juristes et justiciables francophones qui ne peuvent se faire comprendre - contrairement aux anglophones - de l'ensemble des neuf juges, à moins d'utiliser les services d'un interprète. Que cela soit une injustice évidente ne semble aucunement déranger le gouvernement actuel...

Assiste-t-on à un virage de la Cour suprême dans son attitude envers les droits des francophones depuis la nomination de ces deux juges unilingues? La décision récente (juillet 2013) de refuser la mise en preuve de documents en français dans les causes civiles de Colombie-Britannique constitue une mise en garde pour tous les francophones du pays, y compris ceux du Québec. Vous n'êtes plus nécessairement les bienvenus devant cette cour...

Et voilà que, faisant fi de l'article 6 de la Loi sur la Cour suprême qui stipule qu'au moins trois juges doivent provenir de la Cour d'appel ou de la Cour supérieure du Québec (des juges également choisis par Ottawa), le premier ministre Harper nomme un juge de la Cour fédérale et de la Cour d'appel fédérale, Marc Nadon, un résident de l'Ontario par surcroit ! Pour sauver les meubles, s'il est encore temps de les sauver, les juges de la Cour suprême doivent indiquer sans hésitation à M. Harper que sa démarche est illégale et que la présence de M. Nadon entachera encore davantage la réputation de la Cour...

Je n'aurais pas voulu que le dossier de l'hôpital Montfort aboutisse devant la Cour suprême telle qu'elle est présentement constituée... Les Franco-Ontariens n'auraient peut-être plus d'hôpital bien à eux dans la capitale canadienne... Je crains que les paroles de Maurice Duplessis, qui comparait la Cour suprême à la Tour de Pise (elle penche toujours du même côté...), puissent s'avérer prophétiques. Les dossiers concernant la Loi 101 et la future charte québécoise des valeurs frapperont désormais un mur de béton si on ne permet même pas aux Franco-Colombiens de présenter des preuves dans leur langue...

Le fait, pour une fédération, de confier la nomination du plus haut tribunal constitutionnel au seul premier ministre fédéral constitue déjà un vice de fond. Un véritable respect du fédéralisme exigerait un partage des responsabilités entre l'autorité centrale et les États fédérés quand vient le temps de choisir les juristes qui serviront d'arbitre entre les deux niveaux de juridiction. Ici, les dés sont pipés et la présence prolongée d'un premier ministre sans scrupule scelle le sort des provinces... et notamment celui du Québec.

Faute de pouvoir espérer un changement de cap des conservateurs, Québec (peu importe le parti au pouvoir) doit remettre en question la légitimité actuelle de la Cour suprême et exiger pour les provinces un droit de participation au processus de nomination des juges. Québec doit aussi rappeler que le rôle constitutionnel actuel de la Cour suprême résulte de l'adoption de la Charte canadienne des droits et libertés en 1982 et que cette charte, ainsi que le rapatriement dont elle fait partie, ont été adoptés sans l'accord du Québec.

Le Québec n'est pas une province comme les autres. C'est aussi une nation, et l'État qui représente l'immense majorité des francophones du pays. Cette constitution qui permet à la Cour suprême de nous encarcaner, c'est essentiellement l'oeuvre de la nation anglo-canadienne et si elle n'a pas été dirigée immédiatement contre nous, c'est que les juges des années 1980 et 1990 ont - par leurs décisions - valorisé les demandes de francophones et redonné à la notion d'une société distincte québécoise quelques lettres de noblesse...

Cette époque est maintenant terminée et la cour de Stephen Harper risque d'être aussi inflexible envers les francophones et le Québec que celle que Pierre Elliott Trudeau aurait sans doute souhaitée il y a une trentaine d'années... Il ne restera guère plus que la clause « nonobsant » pour nous protéger... à moins que dans un mouvement de solidarité salutaire, les Québécois se dressent une fois pour toutes devant un système constitutionnel où tous les atouts sont trop souvent détenus par le pouvoir central...












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