Le rôle d'un organisme comme l'ACFO, c'est de défendre les Franco-Ontariens et de faire la promotion de la langue française. Faire campagne pour le bilinguisme dans l'affichage commercial, c'est lutter pour la présence du français bien sûr, mais c'est aussi militer en faveur d'une présence égale de l'anglais, langue dominante qui n'a nullement besoin de l'aide des francophones pour s'imposer, même dans les rares régions ontariennes (dont Prescott-Russell) où les francophones forment une nette majorité.
Au cours du dernier siècle, le bilinguisme a été un véritable fléau pour les Franco-Ontariens. Il a fallu de longues années de revendications pour finalement pouvoir se débarrasser des écoles bilingues au primaire et au secondaire, véritables foyers d'assimilation, à la fin des années 1960. Les Franco-Ontariens ont dû attendre quelques autres décennies de plus pour obtenir des collèges de langue française et luttent toujours, en 2014, pour la création d'une université bien à eux. Pendant ce temps, les Anglo-Québécois ont bénéficié d'un réseau complet de langue anglaise depuis la Confédération!
Dans une province déjà massivement anglophone, l'effet combiné du règlement 17 (de 1912 à 1927), puis de l'absence d'un réseau d'écoles primaires et secondaires authentiquement francophones pendant quatre autres décennies, a fait de l'immense majorité des Franco-Ontariens des «bilingues». Le malheur, c'est qu'en situation minoritaire, et encore plus dans un environnement souvent hostile, voire raciste, le bilinguisme n'est souvent que l'étape de quelques générations vers l'unilinguisme anglais.
Dans mon ancien quartier francophone d'Ottawa, à la fin des années 1950, il y avait deux écoles franco-ontariennes primaires bilingues… Je me souviens qu'en 8e année, la dernière année du primaire, l'enseignement se faisait en français le matin et en anglais l'après-midi (ou vice-versa, peu importe). Au secondaire, on avait le choix entre quelques écoles privées bilingues (enseignement encore une fois, moitié-moitié), où les parents devaient payer des frais de scolarité appréciables, et les écoles publiques de langue anglaise, gratuites. Je vivais dans un quartier modeste, et la grande majorité des jeunes francophones se sont retrouvés, après le primaire, à Fisher Park High School… Vous devinez facilement la suite…
Les statistiques des recensements fédéraux, depuis plus d'un demi-siècle, racontent en chiffres crus l'accélération de l'assimilation des minorités francophones hors-Québec, y compris les Franco-Ontariens… et même l'assimilation de Québécois francophones dans certaines régions de l'Outaouais et de l'ouest de la métropole. Il existe une corrélation directe entre le taux de bilinguisme et l'assimilation. Plus la proportion de francophones bilingues est élevée, plus il y a de transferts linguistiques vers l'anglais d'une génération à l'autre.
L'Assemblée de la Francophonie de l'Ontario, et les régionales de l'ancienne ACFO savent quelle langue est menacée en Ontario, et ce n'est pas l'anglais. Dans les écoles, aujourd'hui, on tente d'assurer un milieu francophone homogène pour favoriser une construction identitaire franco-ontarienne. Cela ne passe surtout pas par une valorisation de l'anglais. La société ontarienne impose déjà l'anglais comme langue commune.
L'obtention (années 1980) du droit constitutionnel à la gestion scolaire par les francophones hors-Québec leur a permis d'agir avec vigueur en éducation. Le problème est bien plus complexe quand vient le temps de créer des milieux francophones à l'extérieur des écoles. Les quartiers urbains francophones se sont presque tous effrités depuis les années 1960… tant à Ottawa qu'à Cornwall, Welland ou Sudbury. Il ne reste aujourd'hui des communautés à majorité française que dans le secteur de Prescott-Russell et dans certains coins du Nord ontarien.
L'objectif doit être d'affirmer - dans la mesure du possible - le visage francophone de ces communautés, et non l'égalité de l'anglais via des politiques de bilinguisme. S'il faut absolument intervenir par voie de règlement municipal pour protéger l'affichage commercial en français, alors qu'on ne vise que l'affichage en français. Qu'à Hawkesbury, par exemple, où 80% de la population est francophone et où la moitié du 20% anglophone comprend le français, on demande au conseil municipal d'obliger les commerces à s'assurer que le français occupe un espace au moins aussi important que l'anglais dans leur affichage. Sans mentionner d'obligation pour l'anglais… ce qui permettrait aux commerces qui ne veulent qu'afficher en français de le faire…
L'ACFO pourrait s'inspirer de la dilution libérale de la Loi 101 au Québec. Celle-ci permet la présence de l'anglais dans l'affichage commercial, mais oblige les entreprises à accorder au français une place prépondérante. La justification est la même que dans l'Est et le Nord ontarien. L'obligation vise à protéger la langue la plus menacée, et dans les deux cas, au Québec comme en Ontario, la langue en danger, c'est le français. Mme Desabrais rappelle qu'il faut voir la forêt plutôt que l'arbre. Justement, ici, la forêt, c'est l'effritement du caractère francophone des derniers bastions franco-ontariens.
Le recensement de 2011 indique clairement un taux d'assimilation inquiétant des Franco-Ontariens même dans les municipalités où ils restent majoritaires. Dans «La Nation» (entre Ottawa et Hawkesbury), plus de deux tiers des 11 540 habitants se disent de langue maternelle française, mais seulement 61% de la population dit avoir le français comme langue d'usage à la maison (en baisse de près de 5% par rapport au recensement de 2006). Et le plus récent recensement nous informe que la majorité des 3000 et quelque anglophones de cette municipalité restent unilingues anglais, alors que près de 80% des francophones sont bilingues… Est-il normal qu'il y ait deux fois plus d'unilingues anglophones que d'unilingues francophones dans une municipalité comme La Nation?
À Hawkesbury, la situation des francophones est nettement meilleure. Les parlant français forment près de 80% de la population. Sur un peu plus de 10 000 habitants, moins de 1000 sont unilingues anglais, alors qu'environ 2400 Franco-Ontariens ne connaissent que le français. Il existe un taux d'assimilation perceptible, mais pour le moment marginal. La moitié des anglophones comprennent le français, pendant que près de 70% des francophones sont bilingues. S'il y a une localité de l'Est ontarien où l'ACFO devrait encourager la francisation (et non la bilinguisation) du visage commercial, c'est bien Hawkesbury.
Les Franco-Ontarierns ont toujours eu tendance à être trop polis dans la promotion de leur langue et leur culture. Ils n'ont pas souvent eu droit à la même politesse en retour. L'ACFO de Prescott-Russell (comme toutes les ACFO) doit bien identifier la cible. Et si les anglophones rouspètent, tant pis. On est habitués...
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