mercredi 9 décembre 2015

Règlement 17: le temps de s'excuser?

Image de tagueule.ca - manif devant l'école Brébeuf à Ottawa

Le gouvernement de l'Ontario devrait-il officiellement s'excuser pour l'infâme Règlement 17 et pour tous les torts que ce règlement a causés à la minorité canadienne-française de l'Ontario depuis plus de 100 ans? Bien sûr! Poser la question, c'est y répondre…

Les francophones devraient-ils demander l'expression de tels regrets et se battre pour les obtenir? Là, disons que la réponse, pour plusieurs, est moins évidente… Dans une situation déjà difficile où la lutte de survie collective s'accompagne de nombreuses démarches visant à corriger des injustices historiques, et où les effectifs mobilisés sont limités, on y pense deux fois avant d'ouvrir un nouveau front.

Par contre, cette fois, l'impression laissée par l'auteur de la démarche, le député libéral de Sudbury, Glenn Thibeault, un anglophone sans doute issu d'une famille autrefois francophone, c'est qu'il n'y aura pas de combat et que ces excuses seront adoptées par la législature ontarienne au début de 2016 sans trop d'accrochages. Est-ce possible?

La ministre responsable des Affaires francophones, Madeleine Meilleur, n'aurait pas salué l'initiative de son collègue sans l'aval de sa patronne, la première ministre Wynne. Quant aux néo-démocrates, ils sont déjà engagés aux côtés des francophones avec leur projet de loi pour la création d'une université de langue française. Enfin, il y a les conservateurs. Je ne crois pas qu'une quinzaine d'années à peine après leur déconfiture dans l'affaire Montfort, ils soient disposés à jouer les francophobes…

Par ailleurs, selon l'hebdo Le Voyageur, de Sudbury, le projet de présenter des excuses pour le Règlement 17 (interdisant le français comme langue d'enseignement après la deuxième année du primaire) a été élaboré en collaboration avec l'ACFO régionale et avec des éléments de la collectivité francophone du Grand Sudbury. Prise de court un peu, l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario n'a guère eu de choix. Elle a ajouté son sceau d'approbation.

Les seuls remous semblent provenir des médias sociaux, et notamment de la page Fier d'être Franco-Ontarien, forte de plus de 4500 participant(e)s. Les opinions y sont partagées, et quelques opposants à la démarche du député Thibeault n'y vont pas du dos de la cuillère. Jusqu'à quel point sont-ils représentatifs de l'opinion publique franco-ontarienne, si telle chose existe dans une province grande comme un pays où les collectivités sont souvent isolées les unes des autres? Difficile à dire.

L'opinion anglo-ontarienne, qui forme plus de 90% de la population, est pour le moment silencieuse, et ce, pour une excellente raison. À moins d'avoir visionné les débats de la législature ontarienne juste au moment où le député de Sudbury présentait sa motion, elle n'est pas au courant. Aucun journal, aucun site Web médiatique ne semble en avoir parlé. Manque d'intérêt? Ignorance? Indifférence? Sais pas. Cela changera peut-être au moment où les députés provinciaux devront se prononcer sur la question.

Une chose set sûre. Bien des collectivités, ici, ailleurs et autour du monde, ont ressenti à un moment donné le besoin d'exiger l'expression officielle de regrets pour de mauvais traitements infligés dans un passé récent ou plus lointain. Sans changer de pays ou de continent, on n'a qu'à recenser les nombreuses démarches depuis 20 ans pour renverser les condamnations prononcées contre Louis Riel, ou les requêtes soumises à Ottawa et à Londres pour que la Couronne avoue les crimes commis en matière de droits humains lors de la déportation des Acadiens.

Avec le passage de décennies, voire de siècles, les lunettes de l'histoire offrent souvent une perspective plus juste, et moins acrimonieuse, des vieux conflits. Il y a 50 ans, quand je travaillais durant l'été à Statistique Canada, j'avais comme collègue un étudiant en droit de Toronto. Notre premier accrochage avait porté sur Louis Riel. «Un héros», lui dis-je. «Un meurtrier, un traître», me répond-il. Chaque solitude apprenait «son» histoire…

Depuis ce temps, Riel a été réhabilité. On l'a reconnu comme le père du Manitoba. Il a «sa» journée dans le calendrier des fêtes patrimoniales. En 2003, une proclamation royale d'Élizabeth II a été interprétée comme une forme d'excuse officielle pour la déportation acadienne de 1755. Quant au Règlement 17, il remonte à 1912 et il existe probablement un large consensus, aujourd'hui, sur le caractère injuste, persécuteur et francophobe de la mesure. Quoiqu'en Ontario, on ne sait jamais…

Des excuses officielles de Queen's Park ne répareront pas les effets dramatiques et permanents du Règlement 17 dans toutes les régions de la province où des concentrations francophones les ont subis. Mais l'aveu d'un péché historique, comme celui d'une faute individuelle, s'accompagne généralement d'un repentir (sincère?) et d'une (ferme?) volonté de ne plus recommencer. Cela devient une confession officielle que la majorité traînera comme un sombre boulet de son passé et qu'elle voudra peut-être, en acquiesçant à des demandes justes de la collectivité francophone d'aujourd'hui, faire oublier…

Ce sera intéressant à suivre…


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Quelques liens:

Le Droit - Éditorial: http://bit.ly/1M2JzXQ

Le Droit - Nouvelle: http://bit.ly/1m8fEZB

#ONfr http://bit.ly/1lPV9R0

Le Voyageur http://bit.ly/1R8KwWy

Radio-Canada http://bit.ly/1XYHbbF

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