jeudi 3 décembre 2015

Blancs et non-blancs: quel sondage bizarre...

J'haïs ça! Non, je n'ai pas fait de faute, j'ai mis le tréma exprès pour mordre davantage dans le mot. Avez-vous vu le texte intitulé Majorité et minorités visibles aux antipodes au Québec dans l'édition de lundi du Devoir? J'inclus ici le lien: http://bit.ly/1MWWOgO.

Le problème, et c'est justement ça que j'haïs, c'est qu'il faut vraiment se mettre à fouiller au-delà de l'article, jusque dans les détails de cette étude de l'Institut de recherche en politiques publiques (IRPP), voire jusque dans les statistiques du recensement fédéral et dans certaines lois, pour bien comprendre l'information qu'on nous offre en pâture.

En gros, le titre et le texte du Devoir laissent entendre que la majorité québécoise et les «minorités visibles» ne s'entendent pas. À propos de quoi? Principalement au sujet de leur degré d'attachement à la province ou à l'ensemble du Canada, y compris au multiculturalisme. C'est un peu simplifié, mais les manchettes tournent autour de ça.

Mais quand on gratte un peu, on s'aperçoit qu'il faut nuancer… pour dire le moins. Les chiffres garrochés ne comparent pas les francophones aux anglophones/allophones, ni les citoyens canadiens aux immigrants. Les catégories habituelles qui nous permettent de mesurer l'opinion sont absentes ici!

Quand l'étude de l'IRPP parle des attitudes et opinions de la «majorité», elle inclut dans cette majorité tous les résidents (citoyens et immigrants, anglophones et francophones et allophones) de race blanche - ou caucasienne si vous préférez. Les minorités «visibles» n'ont rien à voir avec les turbans ou les voiles ou des costumes exotiques. Il s'agit de tous les résidents (citoyens et immigrants, anglophones et francophones et allophones) de races autres que blanche.

Les 25 000 réfugiés syriens, s'ils étaient déjà arrivés, feraient ainsi partie de la «majorité», tandis que les Autochtones, ici depuis des millénaires, font partie des «minorités visibles». Personnellement, à moins de vouloir faire des sondages de problématiques d'ordre racial (discrimination, exclusion, racisme, etc.), je trouve que cette étude, telle que présentée, c'est presque de la bouillie pour les chats…

Alors quand, dans le texte médiatique, on affirme qu'au Québec, 52% de la «majorité» s'identifie au Québec avant tout, ce pourcentage de 52% inclut les Québécois francophones de race blanche, d'ici ou d'ailleurs, les anglophones de race blanche, d'ici ou d'ailleurs, et les allophones de race blanche, d'ici ou d'ailleurs.

On peut facilement deviner que cette proportion doit sérieusement chuter pour le 20% ou quelque de cet échantillon qui n'est pas de langue française, et qu'il grimpe sans doute pour l'autre 80% francophone. Mettre toutes ces catégories dans la même marmite sous prétexte que les répondants sont de même race… enfin…

À noter que l'étude de l'IRPP place à 48% l'appui à la souveraineté au sein de cette «majorité» qui comprend une proportion appréciable d'anglophones et d'allophones. Évidemment personne ne se surprendra que l'appui à la souveraineté soit plus faible au sein des minorités visibles, mais il y oscille tout de même entre 18 et 25%. 

À la fin de l'étude, un tableau répartit certaines conclusions pour les minorités visibles selon la langue d'usage à la maison. Et il est clair que les attitudes des francophones des minorités visibles les rapprochent davantage de la majorité franco-québécoise blanche que celles des anglophones et allophones. Encore une preuve que la langue, bien plus que la race, constitue un critère plus sûr pour analyser les grandes adhésions canadiennes ou québécoises.

Pour ce qui est du multiculturalisme, notons que l'étude de l'IRPP indique de faibles appuis au sein de la majorité blanche pour cette politique fédérale dans les quatre provinces sondées… d'un minimum de 25% au Québec, à 29% en Alberta, 32% en Colombie-Britannique et un faramineux 34% en Ontario… Les minorités dites visibles sont bien plus enthousiastes.

Enfin, pour ce qui est de regrouper en une grande catégorie raciale les personnes non-blanches - certaines ici depuis des générations, d'autres récemment arrivées, des Africains, des Asiatiques de l'extrême-orient, du sous-continent indien, etc. - disons que je m'en remettrai, avec plus d'un brin de scepticisme, à la compétence des sondeurs…

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NB De toute façon, je n'aime pas cette expression «minorité visible»… non seulement est-ce imprécis avec les métissages historiques et contemporains mais ça sent la rectitude politique… Si les minorités raciales sont «visibles» alors la majorité l'est tout autant. Le Blanc n'est pas moins «visible» que le Noir… et toutes les nuances entre les deux...

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