Selon le site Web du Muséoparc de Vanier, le Conseil Champlain avait été fondé en 1918, dans la décennie la plus turbulente de l'histoire des Franco-Ontariens, celle des grands combats contre le Règlement XVII qui rendait les écoles françaises hors-la-loi. Quarante-six ans plus tard, en 1964, cette organisation catholique semblait toujours bien active, avec plein de membres, une foule d'activités et une revue mensuelle sur papier glacé… Que s'est-il passé depuis? Sais pas…
Ce qui est intéressant, cependant, en feuilletant La Vigie, ce sont les publicités, fort nombreuses, qui proposent un instantané d'une part importante des commerces canadiens-français (ou ayant des représentants francophones à Ottawa) de l'époque. Comme le Conseil Champlain et sa publication, la plupart ont disparu, ont déménagé, ou se sont transformés.
Parmi les rares qui ont survécu, notons « Le coin du livre », la librairie de mes années à l'Université d'Ottawa, alors située au Centre récréatif Notre-Dame, 256 King Edward. Le gérant de l'époque, Rodrigue Lemay, propose « un magnifique assortiment de livres et de disques français à meilleur marché qu'allers. Vous épargnerez au moins 20% sur chacun de vos achats. » Aujourd'hui, en 2014, le commerce a pignon sur rue dans le secteur Cyrville de la capitale canadienne. Un incontournable!
Dans ce numéro de 1964 de La vigie, « Le Coin du livre » est un des rares à utiliser des numéros de téléphone à sept chiffres, délaissant les anciens numéros à deux lettres et cinq chiffres. En page couverture de la rue, le Conseil Champlain indique comme téléphone CE 2-7856. Le CE signifie Central (23 sur la cadran) et était attribué à tous les numéros du centre-ville d'Ottawa.
Les autres quartiers avaient des appellations différentes. Dans mon coin, St-François d'Assise, plus à l'ouest, c'était PA (72) pour Parkway. À Eastview (Vanier) et dans le secteur Overbrook, plus à l'est, c'était SH (74) pour Sherwood. Au sud, il y avait RE (73) pour Regent. En périphérie on avait assigné TA (82), abréviation de Talbot. Du côté québécois, on trouvait MU (68) pour Murray dans le secteur Aylmer, PR (77) pour Province à Hull, et MO (66) pour Montcalm à Gatineau… Y en avait-il d'autres… Si oui, je les ai oubliés.
On trouve dans La vigie d'occasionnelles publicités de commerces québécois, y compris quelques lieux où on pouvait prendre une bière ou un p'tit coup : la Taverne Laroche (PR 7-0226), 174 Maisonneuve, à Hull où « les quatre frères Laroche sont toujours heureux de vous accueillir »; le Bank Hotel (notez le nom en anglais) appartenant à Albert Poirier, au 14-18 Eddy, à Hull. On y voit aussi une annonce de Blondin Motors (notez encore le nom anglais), au 198 Montcalm, à Hull…
Mais l'essentiel des publicités propose des adresses ontariennes. Les deux grands collèges commerciaux privés de l'époque, le Collège Larocque sur la rue Dalhousie et le Collège Lafortune sur la rue Rideau (qui devaient fusionner par la suite avant de disparaître en 1993), ont chacun une page entière de pub, avec photos de leurs fondateurs, Ernest Larocque et Daniel Lafortune. Ces deux organisations situées dans la Basse-Ville semblent être des bureaux de placement autant que des institutions d'enseignement.
Ceux et celles qui connaissent la grande maison funéraire Racine, Robert et Gauthier, sur le chemin Montréal, dans le secteur Vanier, trouveront dans les pages de La vigie deux commerces différents : Racine et Robert, directeurs de funérailles, avec deux salons situés sur les rues Besserer (Ottawa) et Olmstead (Eastview), et Gauthier et Cie Ltée, service d'ambulance et directeurs de funérailles, annonçant quatre salons sur les rues St-Patrice (notez l'appellation française alors que la rue se nomme officiellement St. Patrick), Somerset-Ouest, Fairmont et Notre-Dame (à Hull).
* Autres temps, autres sources de chauffage… Le commerce D. Grandmaître (SH 5-1571) vend à ses clients du charbon et de l'huile à chauffage. Les plus vieux se souviendront qu'anciennement, la majorité des maisons étaient chauffées au charbon.
* Le vendeur de voitures d'occasion Richard Auto Sales, sur la rue Rideau, vend « moins cher que les autres », offre « les mêmes termes d'emprunt que les banques » et donne des timbres « Gold Bond » aux clients qui achètent ses voitures… Ne sont-ce pas les mêmes timbres que donnaient les épiceries?
* Les nostalgiques se souviendront de Belisle Automobiles, sur le chemin de Montréal, vendeur de voitures Chevrolet et Oldsmobile. En 1964, il était sans doute au sommet de sa prospérité. Après 86 ans en affaires, il a fermé ses portes en janvier 2013…
* Un certain J. Albert Bélanger de Sarsfield (maintenant une banlieue d'Ottawa) (téléphone Navan 53 s. 14) était vendeur exclusif du fromage Greenwood, que je ne connais pas. « On ne manque jamais son coup lorsqu'on achète la célèbre marque de fromage Greenwood », écrit-il.
* Le Salon de quilles McArthur, à Esastview, se dit « entièrement climatisé, projections tél-é-score, allées mesurées par télémètre, spacieuses salles de repas, atelier de professionnel, pouponnière sous surveillance et deux salles de réunion ». Wow! « Vous serez étonnés de la magnificence de cet endroit », dit la publicité.
* Le Harvey Repair Shop (beaucoup de commerces franco-ontariens ont des noms anglais), sur la rue Bolton (Basse-Ville), annonce : « Nous réparons toutes les marques de machines à laver, les sécheuses et laveuses automatiques ainsi que les moteurs hors-bord. Nous aiguisons toutes les sortes de tondeuses à gazon, tel qu'à la manufacture. Vous serez étonnés des résultats. »
* Il y avait aussi à l'époque le négociant en plomberie Langelier, au 631 Wellington, à Ottawa, près du quartier des Plaines Lebreton. Ce bout de la rue Wellington n'existe même plus aujourd'hui…
* D'autres commerces qui ont marqué leur époque et qui s'annoncent dans La vigie: Pilon Fourrures, mercerie Parisien et Boyer (rue Dalhousie), bijouterie Philippe Lalonde (ch. Montréal), quincaillerie Lauzon (rue St-Patrice), etc. La pharmacie Desjardins, rue Dalhousie, existe toujours.
Fascinant de voir comment un milieu peut avoir tant changé en un demi-siècle…
Il me semble que les timbres c'étaient des « Gold Stars ».
RépondreSupprimerIl y avait sans doute les deux… Les « Gold Bond » s'échangent encore aujourd'hui (sur e-Bay en tout cas…).
SupprimerBon travail. Viviez-vous dans la Basse-Ville à l'époque?
RépondreSupprimerNon, dans le quartier St-François d'Assise, mais mon père travaillait à l'hôtel de ville et était membre de l'Institut canadien-français, sur la rue Dalhousie.
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RépondreSupprimerEn 1964, à ma connaissance, il n'y avait que Le Droit comme quotidien...
SupprimerOui, Parisien-Boyer je connais bien car Patrick Boyer etait mon grand père. Ensuite ses garçons, mes oncles, y ont travaillé. Hervé, Leo et Edgard. Tous sont malheureusement décédés. Seule survivante encore de la famille Boyer, ma mère, Laurence Boyer-Harper qui va fêter ses 98 ans le 26 mai prochain.
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