mercredi 30 avril 2014

«Notre brave village encerclé» !

Ce matin, en lisant la page «Idées» du Devoir, un bout de phrase a capté mon attention (voir le lien au bas de la page). Le texte abordait, à partir des thèses de Thomas Piketty sur les inégalités économiques, la possibilité que le richissime Pierre Karl Péladeau accède un jour à la direction du Parti québécois. Et l'auteur concluait, sans pour autant condamner ce choix : «Et nous, de notre brave village encerclé, nous proposons d'envoyer le pire émissaire possible» pour relever les défis économiques de l'Occident…

Ce qui m'a frappé n'a rien à voir avec Piketty ou PKP. C'est le passage identitaire à la fin du texte. Notre «brave village encerclé», précédé et suivi d'un «nous» retentissant. Trouvant les propos fort intéressants, j'ai jeté un coup d'oeil sur la signature de l'auteur, m'attendant à y voir un Parizeau, Rocher, Aussant ou quelque autre économiste ou sociologue du coin. Mais non… l'opinion était signée « Ky Nam Le Duc », un jeune cinéaste dont le nom évoque Hanoi bien plus que Montréal. Et ce fut pour moi l'occasion, pour une nième fois, d'une réflexion sur la nature de ce «nous» que nous invoquons sans même y penser et de la réaction souvent hostile qu'il provoque chez les «autres».

Quand j'étais tout petit, dans les années 1950, dans mon quartier jadis francophone d'Ottawa, le «nous», c'étaient les Canadiens français, qui étaient presque tous blancs, catholiques et francophones. Le seul métissage visible dans mon coin provenait des mariages exogames (entre francophones et anglophones), encore peu fréquents à l'époque, mais dont étaient issus le plus souvent des enfants blancs, catholiques et… francophones, qui s'intégraient eux aussi à notre «nous». Mais depuis ce temps, bien des choses ont évolué…

Dans les années 1960, au Québec et ailleurs au Canada français, une première composante de ce «nous» est largement disparue du paysage avec la laïcisation foudroyante de tout un peuple en une ou deux générations. La langue gardienne de la foi, ou était-ce le contraire, n'ornait plus désormais que les pages de nos manuels d'histoire. Mais le «nous» restait largement blanc et de souche française, avec un métissage autochtone et britannique appréciable. Cependant, cela changeait déjà depuis les vagues d'immigration de l'après-guerre, et le résultat deviendrait encore plus apparent avec l'effet des lois linguistiques des années 1970 (la Loi 101 principalement)…

Quand j'ai eu des jeunes enfants à l'école, à Gatineau (j'avais traversé la rivière des Outaouais), j'avais sursauté la première fois que j'ai rencontré un de leurs copains d'origine coréenne qui s'était adressé à moi avec l'accent gatinois local… Au cours des 30 dernières années, je vois autour de moi, sur la rue, dans les autobus, à l'épicerie, un nombre croissant de gens de races différentes, de première, de deuxième génération, venus d'Asie, d'Afrique, d'Amérique du Sud, des Antilles, et, bien sûr, d'une diversité de pays européens.

Dans notre région frontalière, étant collés sur Ottawa, la pression de l'anglais est assez formidable, mais pour le moment, la plupart - du moins en Outaouais - semblent adopter le français comme langue commune. Plusieurs, notamment les Africains, le parlaient déjà. Et dès la deuxième génération, le parler de ceux et celles qui furent jadis des étrangers prend les accents d'ici. Ma circonscription, Chapleau (jadis Papineau), a élu un député péquiste de race noire, Jean Alfred, en 1976. À l'époque, c'était exceptionnel. Aujourd'hui, on n'en fait plus de cas.

Tout cela pour dire que l'ancien «nous» a été réduit à sa plus simple expression, à son coeur, à son essence - la langue française. La race, la religion, l'origine ethnique n'ont plus d'importance. Si un type parle comme «nous» en français, s'il s'identifie au peuple francophone du «village encerclé» comme le décrit Ky Nam Le Duc, si notre langue et notre culture font désormais partie de son identité, il s'est joint à ce «nous» qui irrite tant les «autres». On me dira que j'exclus ainsi les Anglo-Québécois du «nous», et je m'inscris en faux contre cette affirmation. Si les Anglo-Québécois semblent ou sont exclus, ce sont eux qui l'ont voulu ainsi… Ils en sont seuls responsables.

Quant aux francophones hors-Québec, Acadiens et Canadiens français, ils ont en commun la langue française avec 80% des Québécois, mais le cadre politique minoritaire et les pressions de l'anglais ont eu des effets identitaires perceptibles, renforçant l'attachement au «village encerclé» pour certains, l'amenuisant pour d'autres. La situation acadienne est particulière. Ils forment une nation à part entière. Les Canadiens français de l'Ontario sont avantagés par la proximité du Québec. L'éloignement des autres accroît les difficultés. Mais il existe encore suffisamment d'attachements communs pour évoquer l'existence d'un grand «nous» franco-canadien dont le coeur a toujours été le «nous» québécois.

Cela m'amène à une conclusion dont j'ai de plus en plus la certitude. Ce qu'on a appelé dans les médias le «Québec-bashing» est en réalité du «French-bashing». On n'attaque le Québec que parce que la majorité y est francophone et que cette francophonie (et non l'origine ethnique, la race ou les valeurs religieuses) définit son identité et ses aspirations nationales. Ce sont pour ces mêmes raisons qu'on a supprimé pendant plus de 100 ans les droits scolaires et linguistiques des francophones dans les provinces à majorité anglophone, et qu'on les remet à reculons, au compte-goutte, depuis la fin des années 1960. 

La réalité francophone d'aujourd'hui contredit les perceptions de racisme et de xénophobie qu'on nous lance à tort et à travers. Ces gens voient la paille dans l'oeil des Québécois et non la poutre dans le leur. La nation francophone nord-américaine, notre «village encerclé», est aujourd'hui blanc, noir, jaune, catholique, protestant, musulman, juif, bouddhiste, agnostique, athée, européen, africain, asiatique et bien plus. Mais le ciment reste la langue française. Le jour où cela se perdra, «nous» n'existerons plus.

Salut Ky Nam Le Duc!

Lien à l'article du Devoir:
http://bit.ly/QZg30K



jeudi 24 avril 2014

La disparition de l'imprimé???


Je suis assis devant mon méga-iMac. Je jette un coup d'oeil occasionnel à mon iPod. À côté, reposent mon iPad, quelques clés USB. Et tout autour, des piles de papiers, de coupures de presse, des magazines, des bibliothèques remplies de livres, ma table tournante et ma collection de vinyles, seule musique admise dans mon antre de travail. Que dois-je en conclure? Que je suis un amas de contradictions? Soit.

Voilà sans doute pourquoi j'ai passé par la gamme des émotions en lisant deux de mes collègues, Denis Gratton et Patrick Duquette, chroniqueurs au Droit, ces derniers jours. Le premier lançait comme une évidence : « C'est vrai que les journaux papier sont en voie de disparition. Et ça ne prend pas la tête à Papineau pour arriver à cette conclusion. » Le second, frais de son chemin de Damas où il s'est converti au livre électronique, prophétise : « La bibliothèque de demain sera peut-être d'immenses serveurs de livres électroniques que les citoyens pourront louer et télécharger à distance. »

Loin de moi de renier l'ère électronique-numérique et les bienfaits de l'Internet et de ses dérivés. J'en raffole. Mais j'en raffole pour ce qu'ils ajoutent à la connaissance et à la communication, et non pour ce qu'ils ont ou auront la prétention de remplacer. L'Internet ouvre des portes vers de vastes sources d'information médiatiques, éducatives, musicales, institutionnelles et autres auxquelles nous n'avions pas d'accès instantané avant. Les réseaux sociaux contemporains ont surmultiplié les axes de communication entre parents, amis et même de parfaits étrangers qu'on peut croiser et apprendre à connaître sur Facebook, Twitter et tout le tralala. Merveilleux! Je suis accro.

Mais… Il y a toujours un « mais », n'est-ce pas? Je ne peux m'empêcher de penser à l'inhérente fragilité des appareils électroniques et de leurs périphériques, et que dire des serveurs et logiciels, comme assise du savoir et de sa transmission. Les ordis sont vite désuets, les générations de logiciels se succèdent, pas toujours compatibles les uns avec les autres. Les cédés, disquettes et clés se corrompent au fil des ans. Et tout le bazar d'info est entre les griffes de serveurs et de fournisseurs Internet, ainsi que sous l'oeil parfois indiscret des puissants, sur lesquels nous exerçons peu ou pas de contrôle.

On a tendance à oublier que pour le commun des mortels, l'Internet et dérivés n'ont que vingt ans. Les tablettes et mobiles encore moins, comme les réseaux sociaux. On y est tellement immergé que notre capacité de s'en extraire et de prendre du recul en souffre. Ce qu'on fait quotidiennement aujourd'hui sur nos écrans aurait été impensable il y a une seule décennie… Au rythme où les technologies se raffinent, qui sait vers quoi on se dirige dans quelques autres décennies? Et pendant ce temps, le climat change, le monde se pollue davantage, et tout notre environnement physique nous dit qu'il est presque minuit…

Notre planète surpeuplée en surconsommation de ressources ira de crise en crise, et on sait ce qui arrive en périodes d'instabilité. Les puissances, et notamment les gouvernements, tentent toujours d'influencer, de contrôler et, au besoin, d'étouffer les grands circuits d'information. La Chine le fait constamment. On a vu récemment le premier ministre turc couper le robinet à Twitter. J'ose à peine imaginer ce qui pourrait se tramer dans les officines de Stephen Harper si l'occasion se présentait. Quoiqu'il en soit, avec l'informatique, il existe toujours le risque qu'un grand patron « tire la plogue »… et nous nous retrouverons alors devant des écrans vides…

Vous me voyez venir, sûrement... Certains des livres que j'ai dans mes bibliothèques ont plus de 175 ans, et ils sont en parfait état… La plupart de mes volumes et magazines, du moins ceux d'avant 2000, ne seront jamais numérisés. Chacun est signé, avec la date de l'acquisition. Certains sont annotés. Je découpe mes journaux à tous les jours pour conserver dans des chemises, dans mes classeurs, les articles qui peuvent servir à consultation ultérieure ou qui, tout simplement, m'intéressent. Je regarde tous ces livres achetés depuis les années 1960 et c'est un peu ma vie que je vois et revois. Peu importe ce qui arrive à mes nombreux écrans et à leurs sources d'information, j'ai dans ma maison une petite partie de la civilisation humaine en documents imprimés.

Et je n'ai pas parlé d'autres composantes essentielles de nos vies… J'ai des albums de photos qui remontent à plus de 60 ans (ma mère en a des centenaires) et qui s'arrêtent sans préavis en 2002, l'année où l'appareil photo numérique est entré dans la maison. Mes photos, depuis ce temps, reposent dans quatre disques durs et j'ai commencé à en imprimer, par crainte de les perdre pour de bon… Quant à la musique, je continue de préférer mes vinyles aux importations iTunes. Le son est meilleur, et les pochettes constituent un excellent complément aux bibliothèques de livres. Avez-vous remarqué, d'ailleurs, que les magasins de disques ont depuis peu des sections vinyles?

J'ai beau aimer et utiliser les ressources électroniques, une petite voix au fond de moi, une voix très humaine, me rappelle le caractère virtuel d'une partie de cette réalité. Sa fragilité, sa perméabilité, sa capacité d'être manipulée à mon insu, sa croissance pour le moins instable. Son contrôle par des barons plus soucieux de leurs profits que de la qualité de l'information qu'ils véhiculent. Je continue à croire, et je ne pense pas être seul, loin de là, qu'un journal et un livre imprimés à l'ancienne restent plus conviviaux, plus réels, plus durables, plus permanents que les textes, les images et les liens qui défilent à l'écran. L'information numérique ne s'envole pas comme les paroles, mais elle ne reste pas non plus comme les écrits…

Je ne doute pas du bien-fondé des perceptions de mes collègues Denis Gratton et Patrick Duquette. Je m'inquiète cependant qu'ils semblent moins sensibles que moi - et c'est peut-être parce que je suis vieux - aux profonds dangers du remplacement possible de l'imprimé par le numérique dans le quotidien des gens. Si, un jour, dans les pires scénarios, l'espèce humaine franchit quelque point de non-retour et que les réseaux Internet et leurs dérivés flanchent, j'espère que d'autres comme moi auront conservé quelques livres, magazines et journaux pour l'humanité de l'avenir.

mercredi 23 avril 2014

Ottawa, Basse-Ville, 1964… Une autre époque...


Dans la catégorie « il y a 50 ans », j'ai retrouvé un numéro de 1964 du bulletin La vigie, publié mensuellement par le Conseil Champlain 1926 des Chevaliers de Colomb de la Basse-Ville d'Ottawa, et que mon père, comme membre des C de C, recevait par la poste. Ce conseil, je crois, n'existe plus. Du moins, il ne figure pas au répertoire officiel des sections locales de Chevaliers de Colomb en Amérique du Nord…

Selon le site Web du Muséoparc de Vanier, le Conseil Champlain avait été fondé en 1918, dans la décennie la plus turbulente de l'histoire des Franco-Ontariens, celle des grands combats contre le Règlement XVII qui rendait les écoles françaises hors-la-loi. Quarante-six ans plus tard, en 1964, cette organisation catholique semblait toujours bien active, avec plein de membres, une foule d'activités et une revue mensuelle sur papier glacé… Que s'est-il passé depuis? Sais pas…

Ce qui est intéressant, cependant, en feuilletant La Vigie, ce sont les publicités, fort nombreuses, qui proposent un instantané d'une part importante des commerces canadiens-français (ou ayant des représentants francophones à Ottawa) de l'époque. Comme le Conseil Champlain et sa publication, la plupart ont disparu, ont déménagé, ou se sont transformés.


Parmi les rares qui ont survécu, notons « Le coin du livre », la librairie de mes années à l'Université d'Ottawa, alors située au Centre récréatif Notre-Dame, 256 King Edward. Le gérant de l'époque, Rodrigue Lemay, propose « un magnifique assortiment de livres et de disques français à meilleur marché qu'allers. Vous épargnerez au moins 20% sur chacun de vos achats. » Aujourd'hui, en 2014, le commerce a pignon sur rue dans le secteur Cyrville de la capitale canadienne. Un incontournable!

Dans ce numéro de 1964 de La vigie, « Le Coin du livre » est un des rares à utiliser des numéros de téléphone à sept chiffres, délaissant les anciens numéros à deux lettres et cinq chiffres. En page couverture de la rue, le Conseil Champlain indique comme téléphone CE 2-7856. Le CE signifie Central (23 sur la cadran) et était attribué à tous les numéros du centre-ville d'Ottawa.

Les autres quartiers avaient des appellations différentes. Dans mon coin, St-François d'Assise, plus à l'ouest, c'était PA (72) pour Parkway. À Eastview (Vanier) et dans le secteur Overbrook, plus à l'est, c'était SH (74) pour Sherwood. Au sud, il y avait RE (73) pour Regent. En périphérie on avait assigné TA (82), abréviation de Talbot. Du côté québécois, on trouvait MU (68) pour Murray dans le secteur Aylmer, PR (77) pour Province à Hull, et MO (66) pour Montcalm à Gatineau… Y en avait-il d'autres… Si oui, je les ai oubliés.

On trouve dans La vigie d'occasionnelles publicités de commerces québécois, y compris quelques lieux où on pouvait prendre une bière ou un p'tit coup : la Taverne Laroche (PR 7-0226), 174 Maisonneuve, à Hull où « les quatre frères Laroche sont toujours heureux de vous accueillir »; le Bank Hotel (notez le nom en anglais) appartenant à Albert Poirier, au 14-18 Eddy, à Hull. On y voit aussi une annonce de Blondin Motors (notez encore le nom anglais), au 198 Montcalm, à Hull…

Mais l'essentiel des publicités propose des adresses ontariennes. Les deux grands collèges commerciaux privés de l'époque, le Collège Larocque sur la rue Dalhousie et le Collège Lafortune sur la rue Rideau (qui devaient fusionner par la suite avant de disparaître en 1993), ont chacun une page entière de pub, avec photos de leurs fondateurs, Ernest Larocque et Daniel Lafortune. Ces deux organisations situées dans la Basse-Ville semblent être des bureaux de placement autant que des institutions d'enseignement.


Ceux et celles qui connaissent la grande maison funéraire Racine, Robert et Gauthier, sur le chemin Montréal, dans le secteur Vanier, trouveront dans les pages de La vigie deux commerces différents : Racine et Robert, directeurs de funérailles, avec deux salons situés sur les rues Besserer (Ottawa) et Olmstead (Eastview), et Gauthier et Cie Ltée, service d'ambulance et directeurs de funérailles, annonçant quatre salons sur les rues St-Patrice (notez l'appellation française alors que la rue se nomme officiellement St. Patrick), Somerset-Ouest, Fairmont et Notre-Dame (à Hull).


* Autres temps, autres sources de chauffage… Le commerce D. Grandmaître (SH 5-1571) vend à ses clients du charbon et de l'huile à chauffage. Les plus vieux se souviendront qu'anciennement, la majorité des maisons étaient chauffées au charbon. 

* Le vendeur de voitures d'occasion Richard Auto Sales, sur la rue Rideau, vend « moins cher que les autres », offre « les mêmes termes d'emprunt que les banques » et donne des timbres « Gold Bond » aux clients qui achètent ses voitures… Ne sont-ce pas les mêmes timbres que donnaient les épiceries?

* Les nostalgiques se souviendront de Belisle Automobiles, sur le chemin de Montréal, vendeur de voitures Chevrolet et Oldsmobile. En 1964, il était sans doute au sommet de sa prospérité. Après 86 ans en affaires, il a fermé ses portes en janvier 2013…

* Un certain J. Albert Bélanger de Sarsfield (maintenant une banlieue d'Ottawa) (téléphone Navan 53 s. 14) était vendeur exclusif du fromage Greenwood, que je ne connais pas. « On ne manque jamais son coup lorsqu'on achète la célèbre marque de fromage Greenwood », écrit-il.

* Le Salon de quilles McArthur, à Esastview, se dit « entièrement climatisé, projections tél-é-score, allées mesurées par télémètre, spacieuses salles de repas, atelier de professionnel, pouponnière sous surveillance et deux salles de réunion ». Wow! « Vous serez étonnés de la magnificence de cet endroit », dit la publicité.

* Le Harvey Repair Shop (beaucoup de commerces franco-ontariens ont des noms anglais), sur la rue Bolton (Basse-Ville), annonce : « Nous réparons toutes les marques de machines à laver, les sécheuses et laveuses automatiques ainsi que les moteurs hors-bord. Nous aiguisons toutes les sortes de tondeuses à gazon, tel qu'à la manufacture. Vous serez étonnés des résultats. »

* Il y avait aussi à l'époque le négociant en plomberie Langelier, au 631 Wellington, à Ottawa, près du quartier des Plaines Lebreton. Ce bout de la rue Wellington n'existe même plus aujourd'hui…

* D'autres commerces qui ont marqué leur époque et qui s'annoncent dans La vigie: Pilon Fourrures, mercerie Parisien et Boyer (rue Dalhousie), bijouterie Philippe Lalonde (ch. Montréal), quincaillerie Lauzon (rue St-Patrice), etc. La pharmacie Desjardins, rue Dalhousie, existe toujours.

Fascinant de voir comment un milieu peut avoir tant changé en un demi-siècle…





mardi 22 avril 2014

Gatineau : vote anglophone quasi-unanime, mais le PLQ n'en avait pas besoin...


Les gens d'autres régions du Québec pourraient facilement associer la circonscription de Gatineau à la ville du même nom. Ils auraient tort. Un secteur de Gatineau s'y trouve (l'ancienne ville de Touraine), mais cette grande circonscription en forme de point d'interrogation inversé couvre l'essentiel du territoire peuplé du bassin de la rivière Gatineau, de quelques kilomètres de la rivière des Outaouais, au sud, quasiment jusqu'à sa source, à quelques centaines de km au nord.

Du centre de la vallée, à partir de Gracefield en montant vers Maniwaki et Grand-Remous, les francophones forment 90% et plus de la population. À l'extrême sud, le secteur nord de la ville de Gatineau, ainsi que les municipalités de Cantley et Val-des-Monts, ont des minorités anglophones appréciables mais restent francophones à plus de 80%. Le secteur Chelsea-Wakefield-Low-Kazabazua, dans la Basse-Gatineau, est majoritairement anglophone. Restent, en Basse-Gatineau, les secteurs de Masham de la ville de Lapêche, essentiellement francophones.

Comme partout ailleurs en Outaouais, sauf pour quatre municipalités de la Petite-Nation, le Parti libéral remporte tous les bureaux de scrutin. Seules les majorités varient d'une localité à l'autre, les plus fortes étant bien sûr enregistrées dans les secteurs davantage anglophones, où le vote identitaire anti-Québec-français-autonome se manifeste de façon plutôt spectaculaire. Dans les régions francophones de la vallée, les partis d'opposition réunis obtiennent généralement entre 40 et un peu plus de 50% des suffrages exprimés.

Donnons quelques exemples. Dans les secteurs anglophones de Lapêche, autour de Wakefield, le Parti libéral a raflé de 83 à 86% des votes exprimés le 7 avril. Dans les villages de Low et Kazabazua, respectivement à 62% et 51% anglophones, le PLQ 82,7% et 76,4% des suffrages le jour du scrutin. Selon une compilation sommaire, les votes exprimés les 30 et 31 mars (jours du vote par anticipation) favorisaient encore davantage la candidate libérale Stéphanie Vallée. Le PQ et la CAQ y sont nez à nez, et alternent en 2e et 3e places selon les localités. Dans un des secteurs anglophones de Lapêche, Québec Solidaire termine en deuxième place, devant le PQ et la CAQ...

Dans ces secteurs, les francophones sont victimes d'assimilation à divers degrés. Par exemple, dans Kazabazua, selon les données du recensement de 2011, les francophones forment 49% de la population selon la langue maternelle, et les anglophones 48%. Si on utilise le critère de la langue d'usage (la langue la plus souvent parlée à la maison, la proportion d'anglophones augmente à 51,2%, et celle des francophones baisse à 43,5%… Cette dynamique linguistique joue également, à moindres degrés cependant, dans les municipalités de Chelsea, Cantley et Val-des-Monts, et dans la ville de Gatineau.

Dans le centre et la Haute-Gatineau, en ne tenant compte que des votes exprimés le 7 avril (les 20% par anticipation ne peuvent être répartis avec exactitude), les libéraux ont des scores variant entre 49% (Grand-Remous et Cayamant) et 62% (Déléage, Blue Sea, Gracefield). Mme Vallée obtient 57% des votes à Maniwaki. Le Parti Québécois finit partout deuxième en Haute-Gatineau avec des proportions variables, de 19% (Bois-Franc, Gracefield) à 28% (Cayamant, Montcerf-Lytton). La CAQ franchit le seuil des 20% à Grand-Remous , Aumond et Messines.

C'est dans un des secteurs francophones de Lapêche (à Masham) que le PLQ obtient son pire résultat, avec 42% des suffrages exprimés le jour du scrutin. Dans les quasi-banlieues de Cantley et de Val-des-Monts (voisines de Gatineau), le vote du PLQ oscille entre de 53 et 57%. Une compilation sommaire démontre qu'entre le vote par anticipation et le jour du scrutin, le PQ déclinait quelque peu, comme le Parti libéral, alors que la CAQ était en hausse. Québec Solidaire obtient ses meilleurs scores (autour de 8%) dans le sud urbain et ses banlieues.

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Gatineau - résultats finals

Stéphanie Vallée (PLQ) 22852 - 61,58%
Cédric Paquette (PQ) 6497 - 17,51%
André Paradis (CAQ) 5198 - 14,01%
Alexis Harvey (QS) 2255 - 6,08%
Marcel Vaive (ON) 160 - 0,43%
Alexandre Deschênes (PMLQ) 146 - 0,39%

Francophones - 79,9%
Non-francophones (principalement anglophones) - 20,1%

Trente-six circonscriptions (sur 125) comptent proportionnellement plus d'anglophones que Gatineau; quatre-vingt-huit circonscriptions comptent proportionnellement plus de francophones que Gatineau.


vendredi 18 avril 2014

Pontiac - le PLQ, parti unique!


Dans la circonscription de Pontiac, le candidat libéral André Fortin a obtenu 76% des suffrages au scrutin du 7 avril. C'est la proportion la plus élevée obtenue par le PLQ à l'extérieur du West Island de la région montréalaise. Et dans les secteurs les plus anglophones de Pontiac, des secteurs largement ruraux dans le nord-ouest, au bout de la route 148, la part du vote libéral frise le 100% !!!

Laissez-moi vous parler de quatre de ces municipalités. Trois sont contiguës : Sheenboro, Chichester et Waltham. Dans Sheenboro (population d'environ 130), il reste seulement 5 francophones selon le critère de la langue maternelle, mais aucun n'utilise surtout le français à la maison… Dans ce bled, le Parti libéral a raflé, le jour du scrutin, 57 des 58 votes! Le seul dissident a coché la case de Québec Solidaire…

À la suivante, Chichester (pop. environ 365). Il y a peut-être eu jadis plus de francophones, depuis longtemps assimilés ou en voie d'anglicisation, mais pour l'instant, on en dénombre 35 (moins de 10% de la population). Selon le critère de la langue la plus souvent parlée à la maison, la minorité francophone rétrécit et oscille autour de… 15 personnes. Un taux d'assimilation de plus de 50%… Le PLQ récolte, le 7 avril, 146 des 148 voix exprimées! Là, seuls deux excentriques ont voté ailleurs, un pour la CAQ, l'autre pour le PQ…

Quelques km de plus vers l'est et on arrive à Waltham (pop. 385), où les francophones forment 21% de la population selon la langue maternelle mais seulement 9% selon la langue d'usage. Une assimilation agressive et rapide de près de 60% des parlant français. Sur 196 votes exprimés le 7 avril, 191 vont au PLQ, 1 au Parti marxiste-léniniste, 1 à Québec Solidaire, 1 à la CAQ et 2 au PQ. Dans ces trois municipalités, le PLQ engrange entre 97 et 99% du vote.

Un peu plus au sud, sur les rives de l'Outaouais, il y a la petite municipalité de Portage-du-Fort, où 220 des 265 résidents parlent uniquement l'anglais. Encore là, les francophones qui restent perdent leur langue et leur culture à un rythme alarmant. Sur 87 votes exprimés le 7 avril, 86 vont au PLQ, et un à Québec Solidaire… Donc, dans ces quatre municipalités, parmi les plus anglophones du Pontiac et du Québec, le 7 avril, neuf personnes seulement ont voté contre le PLQ et on peut supposer, sans trop craindre de se tromper, que la plupart sont francophones. On est en droit de se demander si un seul anglophone de ces localités a voté contre André Fortin…

Si on voulait une preuve que les anglophones votent en bloc - et c'est un vote clairement identitaire, contre l'autonomie et la francisation accrues du Québec - on n'a qu'à regarder ces résultats, et les autres dans les centres anglophones du Pontiac : 97% pour les libéraux dans Clarendon (anglo à 92%), 96% à Shawville (92% anglophone), 92% à Bristol (anglophone à 81%)…

Dans le petit bloc de trois municipalités enclavées à majorité francophone, les résultats sont un peu moins unanimes, quoique le PLQ y obtient encore des majorités écrasantes : 82% des votes dans Mansfield-et-Pontefract (francophone à 79%); 79% des voix à Fort-Coulonge (83% de francophones) et 72% à l'Île-du-Grand-Calumet (65% de francophones). Les partis d'opposition vont y chercher entre 18 et 28 pour cent des suffrages…

Dans le secteur urbain et sa périphérie, à majorité francophones, les résultats sont similaires à ceux des autres localités francophones. Notons, en passant, que la dynamique linguistique favorise presque toujours l'anglais peu importe le coin du Pontiac et que même dans les secteurs à majorité francophone, l'assimilation joue en faveur des anglophones…

Dans la municipalité de Pontiac (pop. 5625), située en périphérie ouest de la ville de Gatineau, les anglophones forment 39% de la population selon la langue maternelle, mais 45% selon la langue la plus souvent parlée a domicile. Le PLQ y rafle 78% des votes exprimés le 7 avril, contre 9% à la CAQ, 8,5% au PQ et 4,2% à QS. Le score de l'opposition réunie dépasse à peine 20% mais ça change un peu de l'unanimité des secteurs anglophones du centre et de l'ouest de la circonscription.

Le secteur ouest de la ville de Gatineau (l'ancienne ville d'Aylmer) est francophone à plus de 60% mais c'est tout de même le coin le plus anglophone de la métropole de l'Outaouais. On y trouve autour de 60% des électeurs de Pontiac. Le candidat libéral y recueille, le 7 avril (sans ajouter le vote par anticipation), près de 13000 des 18000 voix exprimées dans l'ex-Aylmer, soit 70,9% du total. Cela laisse à l'opposition près de 30% des suffrages, répartis ainsi : CAQ (11,4%), PQ (8,9%) et QS (8,3%).

Si on voulait la preuve que cette campagne électorale était référendaire pour l'ensemble des non-francophones et une bonne partie des francophones, Pontiac en donne la preuve. Ici, la peur de l'indépendance et d'un éventuel référendum joue à plein! Dans certains coins du comté, on se croirait en Ontario, et les francophones (à l'ouest de la ville de Gatineau) y ont été persécutés et assimilés depuis la fin du 19e siècle, au point d'une certaine déconstruction identitaire. Les forces vives de la francophonie, toutes actives qu'elles soient, y sont faibles en nombres.

En voyant le député André Fortin prêter serment en anglais (je suppose qu'il l'avait fait auparavant en français et que Radio-Canada ne l'a pas inclus dans son topo), j'ai songé que cette circonscription incarne tous les défauts d'un bilinguisme collectif que Philippe Couillard voudrait étendre à l'échelle du Québec : un bilinguisme imposé aux seuls francophones, les obligeant à fonctionner dans les deux langues pendant que les anglophones ont l'option de rester, à toutes fins utiles, unilingues anglais… 

L'extermination culturelle graduelle des Pontissois francophones ne semble pas intéresser les Québécois des autres régions. Les signes d'érosion de la francophonie dans la Basse-Gatineau et autour du West Island suscitent la même indifférence générale. Misère...

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Résultats finals dans Pontiac

André Fortin (PLQ) 25659 - 75,76%
Michel Mongeon (CAQ) 3026 - 8,93%
Maryse Vallières-Murray (PQ) 2897 - 8,55%
Charmain Levy (QS) 2157 - 6,37%
Louis Lang (PMLQ) 131 - 0,39%

mercredi 16 avril 2014

Gatineau à l'ouest, Petite-Nation à l'est: les deux visages de Papineau


Fait assez particulier, la ville de Gatineau touche aux cinq circonscriptions de l'Outaouais. Deux d'entre elles, Hull et Chapleau, sont entièrement urbaines. Mais le secteur ouest de Gatineau fait partie de la circonscription de Pontiac, une partie du secteur nord est intégrée à la circonscription de Gatineau, et un large secteur de l'est de la ville forme environ la moitié de l'électorat de Papineau. Dans un tel contexte, comparer le milieu urbain de Gatineau aux régions rurales environnantes n'est pas chose facile.

Il faut obtenir des rapports détaillés du vote dans chaque circonscription et décortiquer les résultats par municipalité. Et encore là, on n'arrive pas à l'exactitude désirée, parce que le vote par anticipation - de plus en plus important - ne peut être réparti avec autant de précision que le vote enregistré le jour même de l'élection. Enfin, on fait ce qu'on peut avec les moyens qu'on a, et avec un peu de patience et beaucoup de calculs, il est possible de brosser un tableau plus éclairant des résultats du 7 avril que les quelques chiffres publiés dans les médias du lendemain du scrutin.

Papineau

J'ai d'abord choisi de jeter un coup d'oeil sur la circonscription de Papineau parce que la lutte y avait été serrée en 2012. Personne ne s'attendait à un tel résultat en 2014, mais le profil socio-démographique de Papineau présente des caractéristiques uniques en Outaouais. D'abord, c'est la circonscription la plus francophone (93,2%) de la région : l'ouest de son territoire comprend le secteur est de la ville de Gatineau (incluant l'ancienne ville de Buckingham), des municipalités rurales de la vallée de la Lièvre, et, de Thurso vers l'est et le nord, la grande région de la Petite-Nation.

L'influence anglophone est historiquement plus forte dans la ville de Gatineau et la vallée de la Lièvre, où les grandes papetières imposaient jadis leur loi et leur langue, et ces secteurs gravitent aujourd'hui dans l'orbite de la grande région de la capitale fédérale. La force de l'anglais s'y manifeste dans les proportions élevées de bilinguisme au sein de la population - près de 64% à Gatineau, et plus de 50% dans la couronne rurale. Le recensement de 2011 démontre, dans ce secteur, que l'anglais - tout minoritaire qu'il soit - conserve une force d'attraction supérieure à celle du français. La présence anglophone est négligeable dans la Petite-Nation, et tend peu à peu à diminuer.

Voici donc quelques constatations après analyse des données électorales :

* Le vote par anticipation favorisait davantage le Parti libéral que celui compilé le 7 avril. Les libéraux ont engrangé 57% des suffrages exprimés les 30 et 31 mars, contre 48% des votes enregistrés le 7 avril. Le Parti québécois a aussi connu une baisse, légère cependant: de 26 à 24%. La CAQ, cependant, a vu bondir sa part du vote, passant de 10% au vote par anticipation à 18% le jour du scrutin. Québec Solidaire était aussi en hausse (de 4 à 7%).

* Le 7 avril, le candidat libéral a obtenu 52% des votes dans les secteurs situés à l'intérieur de la ville de Gatineau, et entre 54 et 57% dans les municipalités de l'ouest les plus rapprochées : L'Ange-Gardien, La Salette et Bowman. Dans les deux municipalités rurales à plus forte proportion anglophone, son score atteint 63% à Mayo et 76% à Mulgrave et Derry.

* À partir de Thurso et dans la Petite-Nation, le portrait est bien différent. La part du vote du PLQ baisse à 42% à Thurso; 39% à St-Sixte; 36% à Plaisance; 35% à Papineauville; 43% à Montebello; 37% à St-André-Avellin; 33% à Ripon; 35% à Chénéville; 32% à Lac-Simon; et 31% à Lac-des-Plages. Dans la plupart des secteurs de la Petite-Nation, on assiste à une lutte à trois, alors qu'à Gatineau et dans l'ouest de la circonscription, le PLQ fait cavalier seul à toutes fins utiles...

* Le Parti québécois, le 7 avril, n'a obtenu que 21% des suffrages dans l'est de la ville de Gatineau. La moyenne nationale du PQ était de 25,36%. Dans le secteur est de Papineau, cette moyenne de 25,36% a été dépassée dans les municipalités de Val-des-Bois (25,7%), Thurso (33,6%), Plaisance (30,8%), St-Sixte (33,5%), Papineauville (33,2%), Montebello (29,5%), N.-D.-de-Bonsecours (26,1%), Ripon (36,4%), St-André-Avellin (29,9%), Chénéville (29,5%), Lac-Simon (36,4%), Duhamel (33,0%), Montpellier (33,6%), N.-D.-de-la-Paix (31,8%), St-Émile-de-Suffolk (39,9%) et Lac-des-Plages (35,4%).

* Le jour du scrutin, la Parti québécois a dominé le PLQ et les autres partis dans quatre municipalités de Papineau : Ripon, Lac-Simon, St-Émile-de-Suffolk et Lac-des-Plages.

* Le candidat de la CAQ termine en deuxième position, devant le PQ, dans deux municipalités de Papineau : Fassett, à la frontière d'Argenteuil, avec 28,6% des voix, et Namur avec 26,7%.

* Québec Solidaire obtient des résultats qui se rapprochent de la moyenne nationale, avec des pics dans Papineauville (8,1%), Lac-Simon (8,3%), Plaisance (8,5%), Chénéville (9,4%) et Ripon (11,4%).

* À noter : le seul candidat du Parti Nul en Outaouais, se présentant dans Papineau, a obtenu 1,37% des suffrages exprimés, contre seulement 0,85% pour le candidat d'Option nationale...

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Résultat final dans Papineau

Alexandre Iraca (PLQ) 18330 (50,15%)
Jean-François Primeau (PQ) 8975 (24,65%)
René Langelier (CAQ) 5860 (16,1%)
Marc Sarazin (QS) 2432 (6,68%)
Christine Gagné (PN) 498 (1,37%)
Jonathan Beauchamp (ON) 309 (0,85%)








mercredi 9 avril 2014

Un bloc non francophone monolithique !


J'en ai ras-le-bol des commentaires excessifs et méprisants sur notre cheminement identitaire. Ce débat dure depuis plus de deux siècles et n'a pas fini d'évoluer. Il nous oblige à jongler avec une diversité de statuts politiques oscillant entre le fédéralisme actuel, diverses formes d'autonomie et l'indépendance. Il nous incite à remettre en question les vieilles autorités, éveille en nous l'esprit républicain et laïc. Il nous interroge sur l'avenir de notre langue et de notre culture. C'est un processus sain et démocratique.

Mais c'est surtout un débat. Un vrai. Chez les francophones du moins, une diversité d'opinions se manifestent. Le choc des idées est constant et vigoureux. Divers sondages en font état et l'élection québécoise du 7 avril en fait foi. Notre électorat s'éparpille, créant des luttes à trois et à quatre dans une foule de circonscriptions. Personne n'a le monopole du vote francophone qui, selon les régions, favorise tour à tour le Parti Québécois, le Parti libéral, la Coalition Avenir Québec et Québec Solidaire.

Et pendant que les médias anglo-canadiens (et même certains des nôtres) nous taxent sans justification de racisme, de xénophobie et d'obsession identitaire, l'électorat non francophone - anglophones, allophones et francophones anglicisés ou en voie d'anglicisation - se dresse en bloc monolithique et adopte un comportement identitaire extrême. Ici le vote ne s'éparpille pas, il va très massivement au PLQ. C'est un vote contre un Québec français, laïc et autonome. Un vote pour un Québec bilingue et multiculturel dans un ensemble canadien à leur image.

Je ne les blâme pas de défendre leurs valeurs, même s'ils ont tendance à nous blâmer quand nous faisons la promotion des nôtres. Ce que je leur reproche, c'est de ne pas entièrement avouer le sens et la portée de leur démarche, qui est tout aussi collective que la nôtre. S'il y avait chez eux (excusez le «nous» et le «eux», mais ils existent) la même qualité de débat et la même diversité que chez nous, je réagirais différemment. Mais il n'y a guère chez eux de débat, sauf pour s'opposer à nos projets. Un 20% de l'électorat qui nous offre un « non » rigide et permanent. Un poids mort, et guère plus... Et nous n'y pouvons rien. C'est leur droit.

J'ai eu le temps de commencer à décortiquer les résultats électoraux de cette semaine et les chiffres sont sans appel. Les non-francophones ont voté rouge... et rien que rouge, à toutes fins utiles. Dans quelques circonscriptions, les plus anglophones, les chiffres sont époustouflants. Dans D'Arcy McGee, la circonscription la moins francophone du Québec (seulement 18,6% de francophones selon la langue d'usage), le Parti libéral a récolté 92% des suffrages exprimés! Vous percevez une diversité d'opinions dans cette collectivité? Moi pas!

Ailleurs dans le West Island, les libéraux ont obtenu 87% des votes dans Robert-Baldwin (23% de francophones), 85% dans Jacques-Cartier (22% de francophones), 82% dans Saint-Laurent (39% de francophones), et plus de 80% dans Westmount-Saint-Louis, Nelligan et Mont-Royal... Il y a au Québec 37 circonscriptions où la proportion de francophones est inférieure à 80% : le PLQ en a raflé 35 avec des majorités plus qu'impressionnantes. Québec Solidaire, qui recrute plusieurs électeurs fédéralistes de gauche, a remporté les deux autres (Ste-Marie-St-Jacques et Mercier).

Dans les 88 autres circonscriptions québécoises, où les francophones forment entre 80,5% et 99,7% de l'électorat, le PLQ en rafle 35, le Parti Québécois 30, la CAQ 22 et Québec Solidaire une. L'expression d'une saine diversité ! Le PLQ prend sa bonne part du vote francophone, comme les autres formations, mais il est le seul et unique bénéficiaire du vote non francophone. Plus le pourcentage d'électeurs non francophones augmente, sauf quelques exceptions, plus la majorité libérale devient écrasante. Dans une dizaine de circonscriptions très francophones, le PLQ a gagné avec moins de 40% des suffrages exprimés.

Les formations souverainistes auraient avantage à intégrer à leurs analyses les chiffres sur l'effet de bloc du vote non francophone. Option Nationale est certes devenue marginale, mais encore une fois, la concurrence entre le PQ et QS eu un effet appréciable sur l'échiquier politique... J'écoutais l'autre jour l'album L'heptade, d'Harmonium, et revoyais sous un jour nouveau ces paroles sages de la chanson Comme un fou de Michel Normandeau : « Non mon petit gars non, ç'p'a d'même qu'on s'y prend non »... 

vendredi 4 avril 2014

Faire sauter les verrous constitutionnels !


L’interminable débat identitaire a de nouveau empoisonné une campagne électorale. À chaque empoignade sur un éventuel référendum, à chaque esclandre linguistique, à chaque tollé sur l’imaginaire racisme ou xénophobie des francophones, l’attention est détournée d’autres enjeux majeurs – santé, éducation, économie, environnement, etc. – pour être rebraquée sur ce «nous» que l’on ne cesse de définir et redéfinir depuis plus de 250 ans.

Établis ici depuis plus de 400 ans sur un territoire d’abord immense, puis rétréci, mais dont le cœur a toujours été le bassin du Saint-Laurent, n’ayant jamais connu une liberté politique complète comme peuple, devenus peu à peu un îlot francophone dans un vaste continent anglophone, nous avons jusqu’à maintenant réussi à survivre et à faire croître en terre nord-américaine une société originale de culture française. Mais cette survie n’a jamais été et ne sera jamais assurée.

Pendant près de deux siècles, faute de leviers économiques et politiques suffisants, notre croissance a été essentiellement démographique. La conquête de 1760 avait déterminé le cadre dans lequel, en attendant d’avoir le droit de choisir, nous serions obligés de vivre : d’abord sous la domination de la Couronne britannique, puis dans une fédération où nous serions nécessairement minoritaires. Les rébellions intellectuelles et politiques ont été réprimées pendant 200 ans. Si nos arrière-grands-parents n’avaient pas fait tant d’enfants, nous ne serions plus là…

Le premier siècle de la Confédération a créé le gabarit juridique dans laquelle nous nous retrouvons aujourd’hui. L’une après l’autre, les neuf provinces à majorité anglophone ont persécuté leurs minorités francophones. Dans la seconde moitié du 19e siècle, les débordements démographiques d’une population québécoise en quête d’espaces, qui auraient pu peupler l’Ontario et l’Ouest canadien si on avait accepté d’y accueillir plus de francophones, ont pris la forme d’un exil massif aux États-Unis. Le rétablissement des droits scolaires et juridiques des francophones hors-Québec est arrivé trop tard pour sauver plusieurs communautés. Le nous resterait donc, par la force des choses, centré au Québec.

Les Québécois qui ont négocié les termes de la Confédération de 1867 y voyaient un pacte entre deux peuples, entre deux nations. L’histoire a démontré que leurs interlocuteurs ne voyaient pas l’union du même œil, et qu’ils avaient la majorité pour imposer leur vision. Le rapatriement de 1982 a consacré la domination d’Ottawa et le statut du Québec comme « un sur dix », ou guère plus. La reconnaissance d’une « nation » québécoise en 2006 par la Chambre des communes n’a modifié en rien cet encadrement constitutionnel.

Depuis la Révolution tranquille des années 1960, et notamment depuis l’élection de 1962 avec le slogan « Maîtres chez nous » de l’équipe Jean Lesage-René Lévesque, une nouvelle volonté d’affirmation collective a donné naissance au projet moderne d’indépendance politique du Québec. Depuis un demi-siècle, fédéralistes et souverainistes ont entamé un débat qui semble aujourd’hui dans l’impasse, devant un Canada anglais mal disposé et de plus en plus exaspéré par le caractère interminable de notre réflexion identitaire.

L’élément identitaire clé : la langue française

Le seul élément sûr de cette identité, la seule composante sur laquelle tous s’accordent, c’est bien sûr la langue française et jusqu’à récemment, tous, souverainistes, fédéralistes, libéraux, péquistes, caquistes et autres promettaient plus ou moins de faire la promotion du caractère français du Québec. Or, depuis 2011, avec l’introduction de son programme d’anglais intensif en 6e année, le Parti libéral du Québec épouse l’objectif d’un Québec où tous les francophones pourraient devenir bilingues. C’est une rupture radicale, et si l’objectif est atteint, l’effet identitaire et culturel serait désastreux.

Même sans tenir compte de cet élément nouveau, il y avait toujours eu un écart entre réalité et promesses. Le français recule dans le commerce et en milieu de travail, la Loi 101 est constamment violée, l’autorité judiciaire suprême reste fédérale et à majorité anglophone (parfois unilingue). Dans certaines régions québécoises, notamment l’ouest de l’île de Montréal et l’Outaouais, l’anglicisation inquiète depuis longtemps. D’ici quelques décennies, au rythme de l’effritement linguistique que documente chaque recensement, nous risquons de tituber jusqu'au bord du précipice.

Le Québec, s’il veut vraiment survivre et se développer comme nation francophone, s’il veut demeurer un appui solide pour les minorités franco-canadiennes, doit avoir les moyens de le faire. Fédéralistes et souverainistes s’entendent pour dire que le cadre constitutionnel actuel reste déficient (sauf peut-être les libéraux sous Philippe Couillard) et que le Québec a besoin de pouvoirs accrus qui doivent être négociés avec l’ensemble du pays. Mais il n’existe aucune volonté – à l’extérieur du Québec – d’entamer une ronde de négociations constitutionnelles. On voit même une très ferme résolution de refuser tout compromis qui pourrait augmenter les pouvoirs du Québec.

Entre-temps, au Québec, les forces politiques sont fragmentées. Les libéraux, tout en épousant le fédéralisme, ne semblent pas en comprendre les rouages et s’opposent à peine aux élans de centralisation d’Ottawa. La CAQ ne fait ni la promotion de l’indépendance ni la promotion du fédéralisme. La présence du Parti Québécois, de Québec Solidaire et d’Option nationale témoigne d’une profonde division au sein des formations souverainistes. Et dans la cacophonie d’insultes et de crocs-en-jambe, dans le chassé-croisé de sondages et d’interprétations tendancieuses, on n’y voit parfois plus très clair…

La question identitaire remonte constamment à la surface sous forme d’enjeux ponctuels spectaculaires (charte des valeurs, conflits linguistiques, citoyenneté, référendums, etc.) puis repasse pour un temps sous le radar. À chaque crise, on s’interroge sur ce que nous sommes, sur notre existence comme peuple, comme nation. Il faudra un jour débloquer cette impasse, et ça commence à presser. Le gouvernement fédéral actuel a été élu sans nous – voire contre nous – et notre déclin démographique, confirmé par plus de 50 ans de recensements, accentuera notre déclin politique.

Un vigoureux coup de barre !

Dans ce contexte, le Québec ne peut rien sans un gouvernement résolu à donner un vigoureux coup de barre, tant à l’interne pour affirmer le statut de langue commune du français, qu'à l’extérieur pour convaincre Ottawa et le Conseil de la fédération de faire sauter les verrous constitutionnels. Le gouvernement Charest avait démontré depuis 2003 qu’il ne faisait pas le poids à cet égard et Philippe Couillard semble à prime abord encore plus faible.  La CAQ, assise entre deux chaises constitutionnelles et idéologiques, n’a aucune stratégie cohérente. La seule formation majeure qui ait la moindre volonté d’effectuer une trouée constitutionnelle, dans le contexte actuel, demeure le Parti Québécois, et même ce dernier semble parfois bien hésitant...

Bien sûr, pour négocier avec Ottawa et les autres provinces, il faudra mettre sur table des positions précises. La souveraineté est exclue faute de confirmation référendaire, mais le projet possède des marges de recul appréciables, suffisantes pour proposer un arrangement raisonnable à long terme qui pourrait offrir au Québec une autonomie nationale substantiellement accrue, et ce, sans provoquer l’éclatement de l’ensemble canadien… Sur le plan international, par exemple, le Québec pourrait siéger aux Nations Unies et rester membre de la fédération canadienne. Cela s’est déjà fait ailleurs. Et rien, en principe, n’interdit au Québec de se donner une constitution républicaine et laïque, même à l’intérieur du cadre confédératif.

Le NPD fédéral, dans sa déclaration de Sherbrooke de 2005, propose une vision d’un fédéralisme plurinational qui oriente le pays vers une centralisation à Ottawa pour les provinces à majorité anglaise, et une décentralisation vers Québec pour la seule majorité de langue française. Voilà une avenue intéressante qui pourrait permettre aux deux « nations » d’évoluer à la fois en collaboration et en parallèle, tout en protégeant les droits acquis des minorités franco-canadiennes et anglo-québécoise. Reste à voir si un gouvernement néo-démocrate à Ottawa (est-ce possible à l'automne 2015 ?) honorerait ses engagements à cet égard...

Nous devrons subir le gouvernement Harper jusqu’à l’an prochain, mais avec un engagement ferme de l’Assemblée nationale du Québec, la semence constitutionnelle pourrait-elle trouver un terreau plus fertile si jamais le Bloc retrouvait ses appuis ou si M. Mulcair parvenait à convaincre le Canada anglais qu’il possède les meilleurs outils pour aborder la question québécoise? Je rêve en couleurs ? Oui, probablement. C'est mieux que rêver en noir et blanc... Quoiqu'il en soit, si rien ne change d'ici peu, nos années comme nation francophone m'apparaissent désormais comptées !







mercredi 2 avril 2014

L'histoire, c'est dangereux, mais pour qui?


Avez-vous remarqué, à chaque fois qu'on relance le dossier constitutionnel et qu'on évoque des différends entre Ottawa et Québec, il y a toujours un fin-finaud pour nous dire d'oublier les vieilles chicanes et de porter nos regards sur le présent et l'avenir. Ce sont les mêmes fin-finauds qui se méfient de l'enseignement de l'histoire nationale dans les écoles québécoises. Ces gens, toujours les mêmes, toujours de la même idéologie, ont compris quelque chose d'essentiel... qu'ils peuvent plus facilement manipuler une population tenue dans l'ignorance.

La connaissance de l'histoire, ici comme ailleurs (mais tenons-nous en à ici), c'est toujours dangereux pour les forces du statu quo, et cela n'a rien à voir avec une armée imaginaire de professeurs péquistes prêts à endoctriner les générations futures. Non, une simple énumération chronologique des événements et des personnes qui ont jalonné le séjour de notre petite nation francophone nord-américaine suffit pour éveiller les consciences, susciter les interrogations, informer les choix, cimenter l'identité individuelle et collective. Comme le disent les vieux sages, quand on sait d'où on vient, on sait mieux où l'on va...

Notre aventure collective, des explorations de Jacques Cartier à la foire actuelle, ont fait l'objet de récits innombrables. Plus que bien d'autres peuples, notre vécu de luttes, d'échecs et de réussites a été transmis de génération en génération par des historiens, des journalistes, des poètes et des chansonniers. Il en est résulté chez nous une très forte identité culturelle et nationale centrée sur la vallée du Saint-Laurent et ses affluents, portant jadis l'appellation canadienne (française), désormais québécoise. Cette identité se révèle de plus en plus fragile et notre îlot francophone en Amérique du Nord rétrécit d'année en année.

De nombreux facteurs socioéconomiques contribuent à expliquer l'effritement linguistique/identitaire des Québécois francophones et des minorités franco-canadiennes, documenté dans plus d'un demi-siècle de recensements. L'éducation en fait partie. En Ontario français, sur les avant-postes culturels de notre francophonie, les écoles aux prises avec l'assimilation des jeunes Franco-Ontariens et à la recherche de solutions font ce qu'elles appellent de la «construction identitaire».

Au Québec, nous n'en sommes pas encore là. Même qu'à regarder la jeune génération, j'ai parfois l'impression que nous assistons les bras croisés à une forme de «déconstruction» identitaire. Les sondages récents semblent indiquer un groupe de 18-24 ans en dérive par rapport aux générations précédentes. Et les choses risquent d'empirer si les libéraux de Philippe Couillard relancent avec force l'anglais intensif de la 6e année du primaire et qu'on aboutit à une bilinguisation générale de générations de Franco-Québécois. Des jeunes de plus en plus coupés de leurs racines culturelles, dirigés par des bergers aveugles vers le précipice...

Quel lien, direz-vous, avec l'histoire? Simple. L'élan autonomiste du Québec de-plus-en-plus-français des cinquante dernières années se veut une continuité historique, un aboutissement, une réalisation de projets en marche depuis deux siècles et demie. Si on réussissait à convaincre un public apathique à «oublier» les «vieilles chicanes» comme on dit, on peut faire table rase et réécrire l'histoire pour créer une nouvelle continuité fondée sur d'autres valeurs.

On n'a pas besoin d'aller loin. Le gouvernement Harper a réécrit l'histoire de la guerre de 1812 pour nous faire croire qu'il y avait là une étape importante dans la gestation d'une belle collaboration entre francophones, anglophones et Autochtones du Canada. C'est essentiellement de la propagande, gobée d'autant plus facilement que les gens ignorent tout de ce qui s'est réellement passé à l'époque. Les événements qui se prêtent moins bien à la propagande des puissances en place - la rébellion de 1837 par exemple - sont passés sous silence sauf exception.

Voici quelques dates importantes, sans commentaire... La conquête de 1760 et ses conséquences pour les habitants français... La rébellion des Patriotes de 1837-38, ses causes, son déroulement et les représailles britanniques... L'Union de 1840 et l'interdiction du français... Les rébellions de Riel et des Métis en 1869 et 1885... L'abolition des écoles acadiennes au Nouveau-Brunswick en 1871... L'abolition des écoles franco-manitobaines en 1890... L'interdiction de l'enseignement en français en Ontario en 1912... Les crises de la conscription des deux guerres mondiales... La crise d'octobre 1970... Le rapatriement de 1982, suite de la nuit des longs couteaux... L'échec de Meech... Les référendums de 1980 et 1995.... Etc. Etc.

Pourquoi devrait-on oublier ces événements - ces «vieilles chicanes», diraient certains? Pour pouvoir mieux les réécrire et en faire, quand elles s'y prêtent, des instruments de propagande? Pour effacer la mémoire collective et mieux manipuler? Une personne qui connaît l'histoire de sa nation et de son pays ne gobera pas les mensonges et la propagande. Ses choix, quels qu'ils soient, seront fondés sur la connaissance des faits et sur les conclusions qu'il ou qu'elle en tirera, en accord avec ses convictions. Mais les classes dirigeantes ont toujours eu peur d'une population informée... et avec raison.

Pendant le débat sur la charte de la laïcité et durant la campagne électorale qui s'achève au Québec, l'électorat m'a plus que jamais paru vulnérable face aux campagnes de désinformation... et il y en a eu. Si on doit juger l'arbre à ses fruits, notre arbre du savoir est souffrant. Les repères identitaires sont ébranlés. Cela provoque des réactions excessives chez les plus engagés de tous les camps (mais surtout ceux qui se perçoivent comme perdants), ainsi que de la confusion un peu partout, un cynisme répandu et une indifférence croissante. Rien de très réjouissant pour notre démocratie.

Si ceux et celles qui voudraient nous garder ignorants pour mieux nous façonner avec leur propagande finissent par gagner, notre folklorisation graduelle, notre «louisianisation», ne sera pas belle à voir. Ainsi s'achèvera, comme l'écrivait il y a 50 ans le poète Paul Chamberland, «un peuple jamais né, une histoire à dormir debout, un conte qui finit par le début». Et nous ne serons, faute de mémoire collective, faute d'avoir appris à bien connaître notre passé, qu'«une page blanche de l'histoire».