On ne touche pas aux monstres sacrés bilingues...
Si le gouvernement de Mme Wynne n'a pas l'intention d'aller plus loin qu'un théorique campus universitaire de langue française dans le sud de la province, à Toronto en l'occurrence, alors le grand projet d'université franco-ontarienne, sous gouvernance franco-ontarienne, agonise. S'il est toujours bien vivant, s'il reste encore une volonté au sein des regroupements étudiants de réaliser une université pour l'ensemble des programmes universitaires franco-ontariens, alors qu'on le dise… et vite.
De toute évidence, et là-dessus les médias doivent faire leur mea culpa, trop de reporters, analystes et éditorialistes affirment dans leurs textes que le projet d'université franco-ontarienne n'est rien de plus que cette démarche actuelle de bonification de l'enseignement post-secondaire en français dans le centre-sud de l'Ontario. Et les porte-paroles de l'Ontario français - tant les étudiants que les organisations d'adultes - ne les ont malheureusement pas rappelés à l'ordre.
Or depuis 2012, le mouvement de revendications mis en branle par le Regroupement étudiant franco-ontarien (REFO), flanqué de ses principaux alliés, la FESFO (étudiants du secondaire) et l'AFO (Assemblée de la francophonie de l'Ontario), porte sur un projet global qui verrait les Franco-Ontariens prendre en charge tout le post-secondaire en français. Cela ne vise pas seulement les régions où les trous sont béants, mais aussi - et peut-être surtout - les universités bilingues d'Ottawa et de Sudbury, où évoluent dans un milieu anglo-dominant l'immense majorité des étudiants et étudiantes universitaires franco-ontariens.
Personne ne protestera si l'Ontario veut vraiment améliorer l'offre dans la région de Toronto, mais quand on présente cette initiative régionale comme étant l'université franco-ontarienne tout entière, et que tout le monde se plaît à entretenir cette confusion, alors rien ne va plus. Madeleine Meilleur avait parti le bal en ciblant Toronto et en ajoutant que dans l'Est ontarien, l'Université d'Ottawa desservait fort bien les francophones. Ça, après que le recteur sortant, Allan Rock, ait fustigé le projet d'université franco-ontarienne, affirmant qu'elle existait déjà… à l'Université d'Ottawa…
Ce dernier, dans les derniers jours de son mandat, juin 2016, semblait avoir changé son fusil d'épaule en se disant prêt à collaborer à la création d'une université franco-ontarienne. Voilà certainement la preuve la plus éclatante que l'université bilingue de la capitale ne se sent plus menacée par le projet. Non seulement a-t-elle reçu des garanties, mais elle flaire sans doute les occasions d'expansion dans le sud ontarien, où l'Ontario semble vouloir créer un campus. Le journal étudiant de la langue française de l'Université d'Ottawa, La Rotonde, l'a bien compris.
D'ailleurs l'annonce de cette semaine, soit la création d'un conseil de planification sous la présidence de l'ancienne commissaire aux langues officielles, Dyane Adam, est on ne peut plus clair sur la portée du mandat. Lisez cet extrait du communiqué officiel du gouvernement ontarien: il s'agit de «mesures pour mettre en oeuvre son plan visant à faciliter l'accès (…) à l'éducation post-secondaire en français dans le centre et le sud-ouest de l'Ontario». On a joute que Mme Adam et son conseil examineront les options concernant la création d'une université de langue française «dans cette région». Non mais…
Et pour clouer le cercueil, Mme Wynne elle-même a rappelé que l'essentiel, c'est l'accès aux programmes en français. Gouvernance? Connais pas. On n'est même pas sûr d'avoir besoin d'un édifice (pas des édifices, un seul…) «parce que nous avons l'Université d'Ottawa et le Collège Glendon qui sont désignés». Quand on dit désigné en Ontario, ça veut dire une garantie d'offre de services en français, rien de plus. On ne touchera pas aux monstres sacrés bilingues…
Le gouvernement ontarien a donc créé un conseil qui examinera des options pour le seul centre-sud de l'Ontario (Toronto et la grande région au sud et au sud-ouest de la métropole) et qui fera rapport on ne sait trop quand à une instance politique totalement déconnectée de la réalité universitaire franco-ontarienne…. Comparez ça à la position prise lors du grand sommet de 2014 des États généraux sur l'éducation post-secondaire en langue française en Ontario, où les délégués avaient proclamé «la nécessité de donner aux francophones de l'Ontario les pleins pouvoirs de gouvernance sur leurs programmes universitaires».
Ce que vient de faire le gouvernement, ce qu'il fait depuis plus de 45 ans dans ce dossier, c'est une insulte aux Franco-Ontariens. Je sais qu'il est plus facile pour moi de le dire, bien confortablement installé dans ma berceuse à Gatineau, où notre grand dossier se limite à lutter pour des cours universitaires de médecine en français, et je sais que les dirigeants franco-ontariens sont obligés de cohabiter le plus pacifiquement possible avec cette majorité qui ne leur a jamais fait de faveur… Je peux comprendre leur hésitation à déterrer la hache de guerre…
Il y a cependant une limite à désinformer… Les braises sont toujours chaudes, mais le projet d'université franco-ontarienne s'éteint…
J'espère que je me trompe…
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