mardi 20 septembre 2016

Les vrais batailleurs de terrain...

Quand un indépendantiste, à plus forte raison un «pur et dur» comme Mario Beaulieu, ancien chef du Bloc québécois, arrive en Ontario, en Acadie ou dans l'Ouest canadien avec un rameau d'olivier, il rencontrera inévitablement des îlots de francophonie méfiants... Pour bien des Canadiens français et Acadiens en situation minoritaire, le Québec constitue une menace plus grave que les vagues de l'océan anglophone canado-américain, qui érodent pourtant leurs rivages...

À chaque amorce de rapprochement ou de dialogue, immanquablement, quelque historien ou dirigeant nous rabâche les oreilles avec les États généraux du Canada français de 1967, où selon la version trop couramment acceptée, les délégués québécois - majoritairement souverainistes - auraient largué l'ensemble de la francophonie minoritaire canadienne. Évidemment, la plupart de ceux et celles qui invoquent les États généraux n'y étaient pas, et la littérature sur cet événement vieux de près de 50 ans n'a jamais fait la liste des best-sellers.

J'étais présent à cette rencontre historique à Montréal, à titre de délégué franco-ontarien, et rien n'y apparaissait alors aussi clair que la vision proposée par les observateurs avec 50 ans de recul. L'écart identitaire entre les francophones du Québec et ceux des autres provinces et territoires canadiens allait croissant depuis 1867, en dépit de spectaculaires élans de solidarité pan-canadienne (rébellions des Métis, écoles franco-manitobaines, Règlement 17 en Ontario).

Les affrontements entre indépendantistes et une partie de la francophonie minoritaire aux États généraux puisaient dans des frictions pré-existantes qui avaient déjà causé, entre autres, l'éclatement de l'Ordre de Jacques-Cartier vers 1965. Mais c'est trop simple comme vue de la société de l'époque. La majorité des francophones québécois restaient fédéralistes et ignoraient à peu près tout du vécu des collectivités de langue française ailleurs au pays. Et dans ces collectivités, notamment en Ontario et en Acadie, il existait une frange (j'en faisais partie) qui affichait sa sympathie pour les visées indépendantistes des nationalistes québécois...

Le passage du temps a malheureusement un effet réducteur sur la perception des événements historiques. En dépit de cette impression d'abandon par le Québec, entretenue à l'excès, les contacts n'ont jamais cessé entre les dirigeants québécois et ceux des organisations de la francophonie acadienne et canadienne. Et les grands débats sur l'avenir constitutionnel ou le statut de la langue française au Québec ont souvent exercé plus s'influence sur les gouvernements provinciaux que les supplications incessantes de francophones brimés en Acadie et à l'ouest de l'Outaouais...

Le mur d'ignorance et d'incompréhension qui a brouillé les rapports entre le Québec et la résistance francophone des autres provinces n'a servi à rien, sauf à nourrir la bête des préjugés. En Ontario, faudrait-il le rappeler, l'adversaire de la langue française est bien davantage à Toronto qu'à Montréal ou à Québec. Ce n'est pas le Parti québécois qui refuse de créer une université de langue française en Ontario depuis plus de 45 ans. Je ne cherche pas à excuser l'ignorance ou l'indifférence de trop de Québécois à l'endroit des francophones des autres provinces, mais à mettre des points sur les «i»...

Alors quand Mario Beaulieu s'amène en laissant entendre qu'indépendantistes québécois et collectivités francophones hors-Québec peuvent se parler et même collaborer en vue d'objectifs communs, dont au moins celui de la promotion de la langue et de la culture françaises, faudrait peut-être pas lui donner l'absolution sans confession, mais faudrait pas claquer la porte non plus… Aux Communes, le Bloc a souvent été un allié des minorités canadiennes-françaises et acadiennes. La réaction de Sylviane Lanthier, présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), était la bonne: «même si nous ne sommes pas d'accord sur tout, il y a des sujets sur lesquels nous pouvons nous entendre».

L'expérience de résistance des minorités francophones, en Acadie, en Ontario, dans l'Ouest, est riche en enseignements pour le Québec, et devra informer les stratégies de défense et de promotion de la langue française au sein même du Québec, où l'assimilation fait déjà, dans certaines régions, des ravages perceptibles. Et avec le gouvernement Couillard qui cherche à nous angliciser bien plus qu'à assumer sa mission de défenseur phare de la langue française en Amérique, les vrais batailleurs de terrain auront avantage à se concerter...

1 commentaire:

  1. 1959... la Révolution tranquille... le Québec s'éveille... l'espoir s'éveille. Jean Lesage déclarait:

    "Conscients de nos responsabilités vis-à -vis de la langue française, nous lui donnerons un organisme qui soit protecteur et créateur; conscients de nos responsabilités envers les trois ou quatre millions de Canadiens français et d'Acadiens qui vivent au-delà de nos frontières, en Ontario, dans les Maritimes, dans l'Ouest, dans la Nouvelle-Angleterre et la Louisiane, le Québec se constituera la mère patrie de tous"

    Il soutenait que pour remplir cette promesse, le Québec avait besoin d'un statut particulier lui conférant des pouvoirs additionnels.

    Ce à quoi un Pierre Elliott Trudeau martelait qu'un tel changement constitutionnel

    "... ne pourrait que signifier l'extinction pour les Canadiens français vivant en dehors du Québec et le développement chez ceux qui y vivent, d'un esprit de ghetto".

    Lesage passe de la parole aux actes: 1961... en créant un "Département du Canada français d'outre frontière, qui tiendra une main amie aux Canadien français des autres provinces, à ceux des États-Unis, et aussi aux Néo-Canadiens..."

    Mais une province a-t-elle juridiction dans ce domaine et de plus, c'est "l'appareil fédéral qui s'occupe de l'immigration (qui) a un visage anglais".

    Oui, bien des déclarations, bien des maladresses et partout l'empreinte de Trudeau père, sa hargne contre le Québec devant aboutir au Multiculturalisme dont le but est de diluer la spécificité française du Québec et par là même celle du Canada tout entier.

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