Bourassa aurait pu enclencher le processus dès 1990…
Ce débat interminable sur l'échéancier hypothétique
d'un futur référendum pourrait bien favoriser le dépérissement voire, à plus
long terme, la disparition du Parti québécois, principal moteur du mouvement
souverainiste depuis près de 50 ans. Au sein du public, l'indice d'enthousiasme
pour un troisième référendum sur la souveraineté oscille autour de zéro... et
les adversaires de l'indépendance le savent. Ils n'attendent que l'occasion propice pour sortir
la masse et asséner un coup fatal…
Les ennemis de l'indépendance sont généralement
implacables. Ils ne s'embarrassent pas de règles. Pendant qu'en 1980, le
gouvernement Lévesque soumettait son projet de souveraineté-association à la
population on ne peut plus démocratiquement, l'année suivante la bande à Trudeau-Chrétien
complotait dans le plus grand secret, en pleine nuit, avec la majorité des
premiers ministres provinciaux pour imposer au Québec - sans la moindre
consultation publique - une nouvelle constitution dont l'un des principaux
effets fut justement de nier la spécificité québécoise.
N'oublions pas qu'en 1970, pour jeter à la prison
une partie de l'opposition indépendantiste, Pierre Elliott Trudeau n'avait pas
hésité à invoquer les mesures de guerre en temps de paix (cette loi n'avait
servi que deux fois - durant la guerre 14-18 et la Deuxième Guerre mondiale).
En 1981, les manigances secrètes de la nuit des longs couteaux ont livré aux
tribunaux les outils nécessaires pour démanteler la Loi 101, prélude à une
attaque tous azimuts contre le dernier rempart de notre identité nationale - la
langue française.
Ce qu'Ottawa n'a pu compléter, le Québec libéral
de l'ère Charest-Couillard tente de l'achever en entreprenant de bilinguiser
les jeunes Québécois dès la fin du primaire, tout en réduisant presque à néant
l'efficacité des efforts de francisation, tant en milieu de travail que dans
l'accueil de masses d'immigrants qui finiront par s'angliciser en proportions
croissantes. Sans oublier ce marteau du multiculturalisme sauce Trudeau
père-fils, qui assomme toute velléité d'inscrire dans nos lois fondamentales
les valeurs universelles - laïcité/neutralité de l'État, égalité hommes-femmes
- issues de notre spécificité.
Malgré tout, l'idée d'indépendance reste en vie.
Bon an mal an, et par les temps qui courent c'est plutôt «mal an mal an», près
de la moitié des francophones du Québec se disent toujours sympathiques à la
souveraineté. Et dans l'autre moitié de la population de langue française, le
refus de l'indépendance n'entraîne nullement un attachement profond au reste du
Canada ou au fédéralisme. Il est toujours possible de rapailler ce qui reste de
nous pour une ultime tentative de libération du carcan. Mais il faudra faire
vite. Les têtes blanches se font très nombreuses et les plus jeunes n'ont
jamais connu l'univers dans lequel s'est forgée l'opinion des générations
précédentes…
Le Parti québécois doit absolument accéder au
pouvoir, majoritaire, dès 2018. Mais cela n'arrivera pas - en dépit du
caractère catastrophique de l'administration Couillard - s'il traîne ce boulet
référendaire qui répugne à la génération montante et ne sert qu'à rappeler les
mauvais souvenirs de 1980 et 1995 aux fédéralistes et indépendantistes assez
vieux pour les avoir vécus. Larguer l'obsession référendaire n'affaiblit pas la
mission première du parti. Au contraire. Au-delà d'un solide programme
social-démocrate rassembleur, le PQ doit promettre très clairement de
poursuivre l'objectif de l'indépendance par tous les moyens.
On semble avoir oublié, en regardant de trop près
les arbres et les branches, que la forêt existe toujours. Le peuple québécois,
la nation québécoise est toujours là, avec sa langue et sa culture, ses valeurs
partagées, son droit à l'autodétermination bien intact. La Cour suprême du
Canada l'a soutenu clairement dans son renvoi de 1998 sur la sécession. Les
Trudeau, Chrétien, Dion et compagnie ont reconnu eux aussi la nation québécoise
- et son droit à l'indépendance - en participant aux campagnes référendaires
dans le camp du «Non». Participer, qu'ils l'avouent ou pas, c'était accepter la
légitimité du processus… et du résultat.
Ce que le PQ doit proposer, et réaliser s'il est
élu, c'est d'agir en porte-étendard fier et digne d'une nation, d'un peuple
souverain, et de tout faire pour élargir les champs de compétence de la nation,
jusqu'à l'éventuelle accession à l'indépendance politique. Il ne sera plus
question d'une gestion de «bon gouvernement provincial» en attendant les
conditions gagnantes de la souveraineté, mais de se comporter en gouvernement
d'un pays à l'horizon, fricoté à nos goûts républicains, dans le respect des limitations
actuelles bien sûr, mais en perçant des brèches partout où cela sera possible.
Cela signifie, d'abord, discuter d'égal à égal
avec le reste du pays, de nation à nation. Finie l'époque des négociations à
onze gouvernements. C'est ce qu'avait promis Robert Bourassa après l'échec de
Meech, en 1990. Rien dans la constitution actuelle ne nous oblige à jouer le
jeu à onze… Cela veut aussi dire assumer pleinement la responsabilité des
domaines de compétence qui sont déjà nôtres… jusque dans l'arène
internationale. Rien n'interdit au gouvernement du PQ de demander l'admission
du Québec à l'ONU comme nation fédérée. Il y a des précédents…
Sur le plan linguistique, tout en respectant
scrupuleusement les droits historiques des Anglo-Québécois et en suivant de
très près le sort réservé aux minorités francophones des autres provinces, le
gouvernement du Parti québécois devra rétablir la force originale de la Loi
101 et même l'élargir là où elle l'aurait dû l'être - dans les cégeps,
dans les petites entreprises. Une nation digne de ce nom assure le respect de
sa langue, en premier lieu par les siens. Il faudra s'attaquer à
l'analphabétisme, et assurer non seulement la prééminence du français, mais son
excellence, parlée et écrite, dans tous les milieux. Le bilinguisme et le
plurilinguisme chez les nôtres devront se bâtir sur une solide identité
francophone.
En matière sociale, un gouvernement péquiste devra
tout faire pour mettre en oeuvre les valeurs d'égalité et d'entraide héritées
des générations qui ont bâti depuis plus de 400 ans le Québec français. On nous
jugera à la façon dont notre peuple souverain traitera ceux et celles des siens
qui ont plus besoin de la solidarité de l'ensemble - les vieux, les pauvres,
les malades, les chômeurs, les mal logés, les jeunes aux études, etc. Les
milliards perdus en dédoublement fédéral ou mal orientés à Ottawa par une
majorité anglophone, les milliards détournés du fisc par un capitalisme
débridé, seront réclamés et récupérés au nom de la nation québécoise pour
favoriser la justice sociale dans notre futur pays.
D'effort en effort, d'obstacle surmonté en
obstacle surmonté, de petite victoire en petite victoire, le tout clairement
orienté vers le projet d'indépendance, la population saura davantage à quoi
s'en tenir. Plutôt que d'avoir perdu un temps précieux en palabres pré-référendaires,
le projet souverainiste sera enclenché avec tous les moyens disponibles. Si le
travail est bien fait, l'appui populaire suivra. Vite, on ne verra plus jamais
le Québec comme province, tant ici qu'ailleurs au Canada, mais comme peuple
souverain en marche vers une destinée qu'il a prise en main. Jusqu'où cela nous
mènera-t-il? L'électorat québécois, qui aura
toujours droit de véto sur ses gouvernements, restera le décideur ultime.
Mais le temps presse…. Le PQ devra dire
avec conviction au peuple québécois : «Nous voulons construire
l'indépendance. Bloc par bloc. Mais il faut commencer tout de suite! Nous avons
le talent, les outils. Nous sommes prêts à retrousser nos manches. Nous
travaillerons ensemble à chaque étape de ce grand chantier collectif.
Tant que le projet vous plaira, nous poursuivrons l'ouvrage. Dans la légalité.
Dans la légitimité. Dans la paix. Dans l'affirmation de notre souveraineté
reconnue. Jusqu'à l'obtention de ce pays qui nous ressemble, et que nous
arrimerons librement, amicalement, aux voisins historiques comme à la planète!»
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