mercredi 6 avril 2016

Promouvoir le français? Quelle erreur...

Vous savez, tous ces efforts consentis depuis quelques centaines d'années pour protéger la langue et la culture française et, plus récemment avec la Loi 101, pour en faire la langue commune du Québec, y compris la langue de travail? Eh bien, à croire les propagandistes du programme Charest-Couillard d'anglais intensif en 6e année du primaire, nous nous sommes royalement trompés. C'est l'anglais qu'il fallait promouvoir…

Le mois dernier, le quotidien Le Soleil a publié un texte (http://bit.ly/1XgIuDL) faisant le point sur le projet de bilinguisation des sixièmes années dans les écoles françaises du Québec, lancé en février 2011 et visant à joindre 100% des élèves francophones en 2015-2016. Le problème pour les tenants de l'anglais intensif, c'est qu'il y a eu l'intermède Marois de septembre 2012 à avril 2014, et que la ministre Marie Malavoy a rendu le programme facultatif. Méchants péquistes, c'est toujours de leur faute…

Le résultat, c'est qu'au printemps 2016, seulement 13% des écoliers de 6e année (des écoles françaises, n'oubliez pas, on n'a rien imposé de semblable aux Anglos…) peuvent goûter aux délices d'une immersion totale en anglais pendant cinq mois, soit la moitié de l'année scolaire. Seuls les gens de Québec et de Lévis font leur part, semble-t-il: dans leur coin environ 60% des élèves de 6e année se bilinguisent à vive allure! C'est 72% à Lévis! Les champions!

Dans ces régions où, à l'exception des touristes, l'anglais est quasi inexistant, c'est la ruée vers la langue de Shakespeare, et le bonheur total à croire les enseignants! En plongeant pendant une demi-année dans la langue et la culture des conquérants et de l'impérium anglo-américain, les élèves ont non seulement étudié en anglais, ils ont amélioré leurs notes en français, en mathématique, et l'anglais intensif a augmenté l'estime de soi des élèves en difficulté d'apprentissage! Alléluia! Alléluia!

Le message est clair. Qu'attend-on pour imposer ce paradis d'anglicisation à l'ensemble du Québec, à cette racaille unilingue française ou «barlingue» à la française qui, de toute façon, compte environ 50% d'analphabètes fonctionnels? Ils seraient bien plus heureux de devenir analphabètes dans deux langues, plutôt qu'une seule, en attendant de faire comme un nombre croissant de Montréalais, de Pontissois et de Canadiens français et Acadiens hors-Québec… s'assimiler pour de bon à la majorité anglophone…

De toute évidence, l'anglais intensif fait la joie de ceux qui tombent dans cette marmite. Personne «ne reviendrait en arrière», déclare-t-on… Pourquoi gaspillerait-on alors de précieuses ressources pédagogiques à enseigner un français de qualité à la jeune génération, un français de qualité qu'ils pourraient ensuite imposer dans la société, le commerce et le travail? Quelle idée stupide René Lévesque avait-il eu au début des années 1960, de croire qu'on pourrait construire des barrages en français?

Au fond, Lord Durham avait raison en 1839. C'était nous rendre service, nous assimiler à la langue des maîtres. Combien de conflits auraient été évités s'il n'y avait pas eu d'écoles françaises en Ontario, dans l'Ouest, en Acadie? La majorité anglaise n'aurait pas eu à adopter des lois pour les bannir. Personne n'aurait été persécuté. Tous ces dédoublements linguistiques auraient été inutiles. Comme l'écrivait Omer Latour* au sujet de ses concitoyens franco-ontariens à Cornwall, «l'assimilation totale apporte enfin le repos et la paix»

Jean Charest et Philippe Couillard s'en sont rendus compte. Ils sont right fiers de ce début d'anglicisation de nos écoles. On dirait qu'ils ont compris que les découvertes majeures de nos scientifiques ne franchiraient jamais les frontières des Appalaches et de l'Outaouais à moins d'être rédigées en anglais… Que nos sportifs ne pourraient jamais battre de records mondiaux sans pouvoir accorder d'interviews dans la langue de Genie Bouchard… Que nos artistes et auteurs seraient bien plus heureux et appréciés s'ils s'adressaient à la planète dans la lingua franca… Que les partisans du français langue de travail à Montréal ne sont que des xénophobes...

Quel malheur que seules quelques-unes des régions les plus unilingues françaises du Québec semblent avoir assimilé les vertus de l'anglais intensif… Comment expliquer ce refus généralisé de l'anglais intensif dans la région de Montréal et dans l'Outaouais, où la proximité de l'Ontario et les assauts quotidiens d'un anglais omniprésent semblent aller de pair avec le projet d'anglicisation Charest-Couillard? Le français y boîte déjà, et des 6e années à demi anglaises pourraient contribuer à l'achever à long terme, et ainsi assurer un avenir sans conflit linguistique.

Hé, avec des meilleures notes, une satisfaction générale, une estime de soi renforcée et le bonheur de s'exprimer en anglais, qu'est-ce qu'on attend pour étendre l'anglais intensif à l'ensemble de l'élémentaire, et au secondaire? C'est compliqué et audacieux à court terme, mais ce serait temporaire. En quelques générations, on pourrait revenir à l'unilinguisme… anglais cependant… 

Comme disait Claude Péloquin il y a 45 ans: «Vous êtes pas écoeurés de mourir...»? Finissons-en...

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* Omer Latour, Bande de caves, Les Éditions de l'Université d'Ottawa, 1981.
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Note du rédacteur: pour la nième fois, je ne suis pas contre le bilinguisme. Apprendre une seconde, une troisième langue par choix constitue un enrichissement. Ce à quoi je m'oppose c'est au bilinguisme collectif imposé qui mène à l'anglicisation, qui ne constitue qu'une étape plus ou moins longue vers un nouvel unilinguisme… anglais cette fois.

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