jeudi 31 mars 2016

Gatineau s'anglicise dans l'indifférence

Les données sont sans appel, tirées du recensement de 2011 et publiées (sans analyse cependant) sur le site Web de la ville de Gatineau. La langue anglaise progresse plus rapidement que le français dans la métropole de l'Outaouais et si la tendance se maintient, le recensement de 2016 - dont les chiffres, en matière linguistique, seront rendus publics vers la fin de 2017 - fera apparaître un recul de la proportion de francophones à Gatineau, ainsi qu'une nouvelle progression de près de 20% du nombre d'anglophones.

De fait, selon les chiffres du plus récent recensement disponible, celui de 2011, les transferts linguistiques vers l'anglais sont proportionnellement supérieurs à Gatineau (21%) qu'à Ottawa (19,9%)… Matière à réflexion...


Pour s'en convaincre, il suffit de se donner la peine de décortiquer, sans oublier de faire les liens essentiels, les tableaux présentés dans le document PDF Profil démographique et socioéconomique de Gatineau  (voir http://bit.ly/1EPYinN), accessible dans les pages Internet de la municipalité. Armé de quelques feuilles blanches, d'une calculatrice et des données du Profil du recensement 2011 (également en ligne), ce qui au départ apparaît comme des grappes de statistiques innocentes devient un tableau plutôt inquiétant de l'évolution linguistique de Gatineau…

Bien sûr, il est toujours risqué de parler d'identité et de langue de mon côté de la rivière des Outaouais, et surtout à Gatineau. On discute peu de ces choses à voix haute. La plupart du temps on chuchote... Si j'étais à Ottawa, si j'étais Franco-Ontarien et que je clamais sur tous les toits le besoin d'intervenir pour protéger la langue française, je ne serais qu'un bon vieux patriote. Mais sur la rive québécoise, les défenseurs du français sont immédiatement soupçonnés d'être séparatistes (tout au moins intolérants de la multiculture) et à Gatineau, comme disait l'ancien député libéral Mark Assad, on n'aime pas les séparatistes…

Alors pendant que le secteur Aylmer de Gatineau s'anglicise à vue d'oeil et que le centre-ville de Hull s'apprête à subir un nouveau coup de massue dont l'effet sera, comme ce le fut il y a plus de 40 ans avec la venue des gratte-ciels fédéraux, une défrancisation accrue du vieux coeur de l'Outaouais urbain, les élus ferment les yeux. Et surtout n'en parlez pas. Quand l'Île de Hull aura subi le même sort que la Basse-Ville jadis francophone d'Ottawa il sera trop tard. Certains jours, je me demande s'il reste un seul politicien en Outaouais prêt à se lever pour défendre le patrimoine francophone d'ici…

Mais revenons aux chiffres. Si j'étais habile en informatique je façonnerais de savants tableaux ou des pointes de tartes ou des colonnes colorées, mais je suis nul en cette matière. Ce que je peux faire, c'est les dessiner à la main chez moi et les analyser, et ce que les tableaux de la ville démontrent, c'est que l'anglais ne régresse nulle part à Gatineau, ni en nombres absolus ni en proportion, même dans les territoires où les anglophones ne représentent que 5 ou 6% de la population.

Par contre dans les trois quartiers du secteur Aylmer, où les francophones sont pourtant majoritaires, ils se font lentement mais sûrement assimiler. Prenons un exemple: le secteur Lac Deschênes. Les francophones y forment 56% de la population selon la langue maternelle, mais seulement 53% en utilisant les chiffres de la langue d'usage (la langue la plus souvent parlée à la maison). Dans le même quartier, 31% des habitants sont de langue maternelle anglaise, mais 39% des gens parlent surtout l'anglais à la maison…  Dans le secteur Hull, le français ne recule pas, mais l'anglais progresse à un rythme bien supérieur…

Comparez la situation à Ottawa. Dans le quartier le plus francophone, Cumberland, à l'extrémité est de la ville, près de 37% des résidents sont de langue maternelle française. Quand on prend le critère de la langue d'usage, cette proportion chute à 30%, une perte de 19%… Mettez ça à côté des chiffres du village urbain Lac Deschênes à Gatineau. La seule similitude, c'est qu'il y a un facteur d'assimilation chez les francophones.

Comparons maintenant la situation dans deux quartiers où les groupes sont très minoritaires. Dans le village urbain Le Moulin, au centre du vieux Gatineau, il n'y a que 6% d'anglophones selon la langue maternelle, mais 7% en vertu de la langue d'usage. Même en si faible proportion, le groupe anglophone bénéficie de transferts linguistiques. À Ottawa, pendant ce temps, j'utiliserai l'un des exemples les moins dramatiques, celui de Kanata-Sud, où les francophones (langue maternelle) forment 7,2% de la population. En utilisant la langue d'usage, leur proportion chute à 3,2% (taux d'assimilation supérieur à 50%)…

En passant, les données pour les quartiers d'Ottawa sont tirées d'un rapport (voir http://bit.ly/235plbm) du Commissaire fédéral aux langues officielles…

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Un dernier mot pour expliquer le code couleur de la carte ci-haut: Le rose est assigné aux territoires où le français est carrément en recul. Le bleu aurait été assigné aux quartiers où l'anglais serait en recul (il n'y en a pas). L'orange indique les quartiers où la progression de l'anglais est supérieure à celle du français. Le vert indique les territoires où le français progresse plus vite que l'anglais.
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