mardi 19 avril 2016

Fossoyeurs du français !

Quand le gouvernement de Jean Charest a dévoilé en février 2011 son programme d'anglais intensif, annonçant son intention de «bilinguiser» la sixième année de toutes les écoles françaises du Québec d'ici 2016, on entendit des applaudissements partout, y compris dans les médias francophones.

Seul le quotidien de l'Outaouais, Le Droit, dénonça ce projet avec fermeté... et traita même le gouvernement libéral, sous ma signature éditoriale, de «fossoyeur du français». Voici ce texte (http://bit.ly/23IAJOh), qui reste actuel. Je me permettrai d'en citer un passage:

«Au lieu de faire la promotion d'un français de qualité qui impose le respect, sans pour autant négliger l'anglais et les autres langues, il semble avoir baissé les bras. La langue de chez nous décline, s'incline, et sans l'avouer, Québec en prend acte. C'est décourageant de la part du seul gouvernement d'une majorité de langue française en Amérique du Nord.»

Cinq ans plus tard, grâce à l'intervention salutaire du Parti Québécois pendant l'intérim Marois, le caractère obligatoire de l'anglais intensif a été suspendu mais déjà, un élève francophone sur huit, en sixième année, y est inscrit. Dans la région de Québec, on dépasse le seuil des 60%… et ce programme suicidaire poursuit son petit bonhomme de chemin sous l'oeil bienveillant de l'équipe Couillard.

Et que fait-il pendant ce temps, notre gouvernement, pour améliorer la qualité du français, langue officielle, langue commune, coeur de notre identité comme nation distincte dans cet océan anglo-américain? Rien! Pas de stratégie, pas de plan, aucune volonté politique, zéro! Devant l'urgence d'une majorité dont la moitié des effectifs francophones restent analphabètes fonctionnels, on se croise les bras… et quand il y a un coup de pouce, c'est pour vanter les mérites du bilinguisme et de l'anglais!

Des immigrants ne s'intègrent pas? Refusent de suivre les cours de français? Trouvent plus facilement des emplois en anglais? Pas de coup de barre, pas d'intervention, on laisse faire. Les recensements montrent des taux d'anglicisation perceptibles des Québécois francophones dans le West Island, dans la couronne montréalaise et en Outaouais? Silence, indifférence, incrédulité. La Loi 101 est allègrement violée en matière d'affichage commercial un peu partout? Ce sont les policiers linguistiques de l'OLF qu'on dénoncera, plutôt que les violations… 

J'ai cherché des indications de braises encore chaudes en matière de promotion de la qualité du français, à l'école ou dans la société en général, et l'article médiatique le plus récent me semble être celui de Jocelyne Richer, de la Presse canadienne, en date du 15 décembre 2015, sous le titre Pas de stratégie pour le français à l'école (http://bit.ly/26dFe24). Je le cite:

«Conscient des lacunes observées chez les élèves à la fin du secondaire, en orthographe et en grammaire, l'ex-ministre de l'Éducation Yves Bolduc s'était engagé publiquement en décembre 2014 à adopter une stratégie destinée à renforcer l'apprentissage du français au primaire et au secondaire.»

Un an plus tard, force est de constater qu'on n'a pas donné suite à cette promesse, même si, comme le note Mme Richer, «le problème tend à s'accroître d'année en année»… Nous sommes maintenant en avril 2016, et si quelqu'un a entendu parler d'un vigoureux coup de barre en faveur du français, à l'école ou au travail, qu'on m'en informe… parce que je ne suis pas au courant…

Il n'y a qu'une conclusion possible, celle que je proposais en février 2011 en commentant le projet d'anglais intensif: le gouvernement Couillard, à l'instar de celui de Jean Charest, reste un «fossoyeur du français»! Non seulement ne prend-il pas les moyens requis pour défendre notre langue et notre culture, il contribue activement à sa perte… autant par son inaction que par son encouragement incessant du bilinguisme et de l'apprentissage de l'anglais.

Et tous, toutes, vous savez fort bien où mènera cette honte inavouée, individuelle et collective, de peiner pour s'exprimer correctement dans notre propre langue… Pas besoin de faire un dessin…

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«...et nous n'aurons su dire que le balbutiement gêné d'un malheureux qui ne sait nommer son mal, et qui s'en va comme un mauvais plaisant honteux de sa souffrance comme d'un mensonge…» - Paul Chamberland, L'afficheur hurle, Parti Pris, 1964



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