dimanche 15 mai 2016

J'ai eu honte!

Quand, autrefois, j'allais à la messe le dimanche matin, je profitais souvent de l'homélie (presque toujours plate) pour revoir dans ma tête quelques faits saillants de la semaine, ou pour mettre de l'ordre dans mes idées… Et même si mes présences à l'église sont désormais le plus souvent associées à des funérailles, le dimanche conserve son caractère spécial. Le septième jour reste encore, même en 2016, celui où certains (comme moi) se reposent un peu en jetant un regard sur les «oeuvres» de la semaine…

Sans aucun doute, l'«événement» des derniers jours aura été l'annonce du report de l'implantation du nouveau cours d'histoire au secondaire par le ministre québécois de l'Éducation, Sébastien Proulx, qui donnait une nouvelle fois (comme l'ensemble de son gouvernement) l'impression de «faire le beau» devant cette masse monolithique d'électeurs anglophones, allophones et assimilés qui assure trop souvent la réélection du Parti libéral… 

Dites-vous bien une chose. Faute de modifier les faits vécus, documentés, et les réinventer (comme Stephen Harper s'est amusé à le faire avec la Guerre de 1812) pour plaire à l'ensemble du West Island, toute réforme du programme d'enseignement de l'histoire sera vu par la plupart des anglos et allos/francos assimilés comme un complot nationaliste ou indépendantiste. Je ne les blâme pas de s'inquiéter… Il suffit d'énumérer les faits historiques, sans même les commenter, sans sel, sans poivre, pour que n'importe quel francophone devienne «nationaliste»…

Pour satisfaire la clientèle libérale, surtout celle qui a conservé les traits de nos anciens Rhodésiens, il faudrait mentir, tout au moins taire de grands pans de notre histoire parce que simplement en prendre connaissance pourrait susciter une nouvelle cohorte de «oui» au prochain référendum si jamais une autre grande consultation populaire se pointe à l'horizon… C'est ainsi que se sont comportés les empires quand ils ont colonisé des territoires… en tâchant de faire oublier aux peuples conquis leur passé, leurs origines, leurs valeurs, leur langue, leur culture… en réécrivant au besoin leur histoire.

Si j'ai bien compris ce qui s'est passé la semaine dernière, nous vivons toujours des relents de l'époque coloniale, où les impériaux dictaient (ou suggéraient fortement) aux indigènes leurs lois, règlements et comportements. Je croyais qu'avec la Loi 101 nous étions passés à autre chose et qu'au moins nous étions maîtres de notre destin culturel… Il semble que non. Notre majorité, notre «nous», est toujours soumis - par l'intermédiaire du Parti libéral - aux exigences et façons de voir d'un anglo-multiculturalisme qui veut notre perte…

Si j'ai bien compris, redis-je, ce gouvernement va laisser nos anciens maîtres nous dire comment enseigner notre histoire à nos élèves dans nos écoles… Quelques jours auparavant, les députés de ce même gouvernement s'étaient écrasés une fois de plus devant la tâche - pourtant timide - d'imposer la primauté du français dans des bannières commerciales unilingues anglaises. Après le relatif unilinguisme français de la Loi 101, puis la priorité du français de la Cour suprême, nous en sommes à une «présence suffisante» (ciel, les conquérants britanniques nous en offraient autant au 18e siècle!)… On va bientôt quêter à genoux… Pour la première fois depuis longtemps, j'ai eu honte!

À un moment de notre histoire où notre volonté de «durer» comme peuple semble vaciller, ainsi que l'écrivait récemment le sociologue Jacques Beauchemin, il me semble que cette décision de reporter la réforme de l'enseignement de l'histoire constitue un événement pivot. J'aurais souhaité des réactions plus vigoureuses du grand public (compte tenu que selon le plus récent sondage léger, 52% des francophones voteraient toujours «oui»). Faut dire qu'à l'exception du Devoir qui l'a propulsée en manchette de la page une, cette nouvelle n'a pas suscité grand émoi dans les milieux médiatiques (un peu plus, peut-être, dans les médias sociaux).

Je me serais attendu à des commentaires énergiques dans toutes les pages éditoriales, mais l'annonce du ministre Proulx a été suivie d'un trop large silence… On s'était habitué à l'extrême modération des éditorialistes autres que ceux et celles du Devoir pour tout ce qui touche notre identitaire collectif, mais quand même… 

Je note au passage que Le Devoir n'a pas, lui non plus, commenté cette histoire qui va pourtant au coeur de notre cheminement identitaire, un cheminement que notre seul quotidien indépendant accompagne depuis plus de 100 ans. Peut-être le fera-t-il. N'empêche que depuis quelques mois, je flaire une baisse de régime dans les pages du Devoir. Ce fidèle compagnon de nos combats nationaux - on se l'arrachait à l'université pendant la Révolution tranquille (et j'étais Franco-Ontarien alors…) - paraît plus réticent, ces jours-ci, particulièrement dans ses textes éditoriaux… J'espère que je me trompe.

Bon… on passe à autre chose… l'homélie est terminée, c'est le temps de réciter le Je crois en Dieu et de sortir des sous pour la quête… Jusqu'au prochain dimanche…



9 commentaires:

  1. Monsieur Allard,j'ai pris connaissance de vos écrits j'admire ceux et celles qui se battent pour notre langue ce qui implique notre culture,vous avez ressassé de mes souvenirs,une chanson de Claude Léveillé ¨le piano mécanique¨¸en passant par la loi 101.Temps de réflexion du dimanche..Nous avons une loi qui est bafouée (101) et Couillard qui veut nous imposer sa loi 59.

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  2. On on ne peut plus compter sur le grand public pour réagir et le gouvernement Couillard le sait trop bien. J'aime le dimanche pour les mêmes raisons que vous.

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  4. Francophone dans le Nord de l'Ontario, je faisais partie de la minorité. Le magasin de mon grand-père s'affichait comme suit : J.W. Rochon et fils Ltd, Ladies Wear, toutes les lettres de la même grosseur. C'était normal. C'était connu dans la communauté que les commis du magasin parlaient français, et qu'il y avait aussi une commis unilingue anglophone. Au Québec où j'habite depuis 1970, les anglophones se comportent comme s'ils sont la majorité, et le gouvernement libéral les appuie. Dans son livre "Amblystome", l'auteur M.V. Fontaine fait dire à Élias qui vient de lire La ferme des animaux de George Orwell : "Le perfide cochon Napoléon avait trahi ses semblables et triomphé. L'histoire se répétait, comme dans l'autre livre de cet auteur. La conclusion était-elle que les tyrans finissaient toujours par régner? Que les moutons s'assuraient d'une vie convenable en appuyant les despotes?" En voilà une pensée pour un dimanche.

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  5. La société des professeurs d'histoire du Québec a réagi par l'intermédiaire de son président M. Raymond Bedard par des entrevues dans différents médias. Mais les libéraux sont futés, ils sortent la nouvelle le vendredi pour limiter les interventions dans les médias.

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  6. Ce n'est pas un combat pour "notre langue"; c'est un combat pour "notre identité". Cessez de vous laisser dévier du but. Un peuple défendant son "âme" ne peut pas perdre sa "langue". Défendez la bonne chose l'âme de notre nation. à ce sujet, Le premier ministre Trudeau devrait regarder le dictionnaire au mot "nation"; cela lui ferait comprendre comment son raisonnement sur les Québécois est illogique et inexact.

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    1. Vous avez raison. La langue n'est qu'un des caractères de notre identité. L'identité est plus large et plus inclusive que la langue. C'est un peu comme traiter le symptôme plutôt que la maladie.

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  7. Pour ajouter à la soumission de PLQ aux maîtres anglophones, notons aussi que son projet, auquel il tenait tant, de supprimer les élections scolaires est soudainement devenu une banale "chicane stérile", selon les termes même de notre PM, et qu'il convenait donc de laisser tomber ce projet. Ce projet déplaîsait souverainement aux anglophones. On veut bien accepter l'argent du Ministère de l'éducation, mais il est hors de question qu'on en laisse la gestion aux vaincus.

    En ce qui concerne Le Devoir, ce matin j'ai eu la surprise de voir que la candidature de M. Lisée n'était en UNE. On a plutôt préféré Françoise David.

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