lundi 2 mai 2016

Gatineau 2017… Fêter 150 ans en oubliant l'histoire des 150 ans?



Les dirigeants de notre belle ville de Gatineau vont-ils enfin se résoudre à ouvrir un bon livre d'histoire du Canada (n'importe lequel, même en anglais…) avant de décider s'ils nous entraîneront dans les célébrations du 150e anniversaire de la Confédération?

Peu de gens poseront cette question. On risque en effet de se faire accuser de ressasser de vieilles chicanes, d'être un casseux de party, ou pire, d'être indépendantiste (ce que j'avoue dès le départ). Je le suis d'ailleurs depuis un demi-siècle, depuis l'époque où, avec d'autres étudiants franco-ontariens, nous luttions toujours pour obtenir des écoles primaires et secondaires de langue française.

En 1966, avec d'autres Canadiens français d'Ottawa tannés de se battre pour des droits élémentaires que les Anglo-Québécois avaient toujours eu en surabondance, j'avais décidé de m'opposer à toute participation franco-ontarienne aux festivités du centenaire de la Confédération, prévues pour 1967. Notre slogan était alors Cent ans d'injustice.

Nous étions en minorité, même en très petite minorité. On nous traita de séparatistes, même ceux d'entre nous qui ne l'étaient pas… Et l'immense majorité de nos compatriotes ont fini par agiter leurs unifoliés, coude à coude avec ces Anglo-Ontariens complices d'injustices remontant au Règlement 17, ces mêmes anglophones qui, une fois les fêtes terminées, redeviendraient des adversaires tenaces…

On avait beau invoquer l'histoire du pays d'un océan à l'autre pour appuyer nos dires, rien n'y fit. Au moment d'une grande célébration, il fallait agir comme si tout était toujours bien allé pour ce 25 à 30% du pays qui parlait français - tant au Québec qu'en Acadie qu'à l'ouest de la rivière des Outaouais. On ne casse pas un si grand party… Et ça recommence pour 2017…

C'est pourtant le moment parfait de ressortir ce que certains aiment appeler des vieilles chicanes. À quoi sert un 150e anniversaire, sinon souligner ce qui s'est passé pendant ces 150 années? On va sortir les drapeaux, organiser des fêtes, faire des défilés et tout et tout, sans se demander pourquoi, et surtout sans savoir pourquoi? 

La semaine dernière, Gatineau a rendu public son emblème pour 2017 (voir ci-haut) sous le mot-clic #bonnesnouvelles… C'est quoi au juste la bonne nouvelle? La diffusion de l'emblème, ou ce qu'il représente? Et de fait, que signifie l'engagement de Gatineau à célébrer le cent-cinquantenaire de la Confédération canadienne? Ne faudrait-il pas au moins qu'on nous dise ce que que notre ville québécoise à 80% francophone viendrait faire dans cette galère, à part essayer de soutirer des dollars touristiques de notre voisinage immédiat avec Ottawa…

Avant d'aller plus loin, puis-je ajouter je n'ai rien contre une participation à ces événements du 150e. Mais qu'on s'y engage dans le but de commémorer la longue lutte de nos nations francophones (canadienne-française, québécoise, acadienne) pour faire valoir des droits qui ont été constamment attaqués, voire supprimés à certaines époques, partout à l'extérieur du Québec… et qui ont été mis à rude épreuve même à l'intérieur des frontières québécoises. Des droits pour lesquels les combats, juridiques et politiques, se poursuivent toujours en 2016…

Je n'en ferai pas de liste, ce serait trop long et j'ai déjà abordé ces enjeux dans d'autres textes de blogue (voir liens à la fin du texte). Cela me déçoit cependant que tant de concitoyens connaissent pas ou trop peu leurs histoires canadienne et québécoise. Mais ce qui me déçoit davantage, ce sont tous ceux et celles qui la connaissent et qui gardent le silence - y compris plusieurs de nos élus - pour toutes sortes de raisons… Il y en a sûrement qui ont peur de s'exprimer là-dessus, et je les comprends...

Même moi, qui suis vieux et à la retraite, cela m'énerve un peu d'écrire là-dessus, en partie par crainte d'offusquer des gens, des amis et même des proches pour lesquels j'ai beaucoup d'estime. Mais pourquoi garderais-je le silence quand d'autres me lancent au visage les célébrations du 150e comme s'il était évident que tous, toutes devaient y participer? J'ai des nouvelles pour eux, cette unanimité n'existe pas… loin de là… même si les voix discordantes n'osent pas trop se manifester.

Je comprends que notre maire - lui aussi souverainiste - et que les autres conseillers (nationalistes, indépendantistes ou pas) doivent agir dans l'intérêt de la ville entière, et que M. Pedneaud-Jobin soit obligé de se promener main dans la main avec son homologue d'Ottawa, le francophile-francophobe (ça dépend des jours…) Jim Watson, et siéger tout sourire à titre d'observateur à la Commission d'une capitale nationale qui n'est pas «notre» capitale nationale… et porter une épinglette Gatineau 2017… 

Mais cela n'empêche pas nos élus de tenir compte de l'histoire du Canada, du contenu réel de ces 150 années s'ils se préparent à nous faire célébrer 2017 (c'est vrai qu'ils n'ont pas annoncé grand-chose jusqu'à maintenant…). Quoiqu'il en soit, les citoyens de Gatineau ont droit à la vérité sur ce centenaire et demi, et cette vérité n'est pas de nature à nous inciter à participer aux mêmes partys que Patrimoine canadien et la CCN et la ville d'Ottawa…

Certains jours, j'aimerais redevenir bon fédéraliste… parce que je serais toujours opposé à célébrer le 150e de la Confédération… pour les mêmes motifs. Mais je sais que je ne convaincrai personne de ça. À Gatineau, quand on est indépendantiste et qu'on se mêle d'une question semblable, on s'expose trop souvent à être jugé d'avance. Il est plus facile d'attaquer le messager que le message…

Enfin, comme citoyen, j'estime tout au moins avoir droit à une explication (autre qu'économique) au sujet des motifs d'engagement de Gatineau dans les célébrations du cent-cinquantenaire… Au préambule du document du 150e mis en ligne par la ville (voir http://bit.ly/1SIyRup), on évoque deux types possibles d'événements admissibles à un financement municipal: des «festivités» et des «activités de commémoration».

À voir ce qui se passe jusqu'à maintenant (en attendant l'annonce des projets subventionnés), on risque d'avoir droit à des festivités, mais bien peu de commémoration. À bien y penser, que viendrait faire l'histoire dans un événement historique? Ben voyons...

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Autres textes de blogue sur 1867-2017

Le «Fonds Canada 150», c'est aussi à nous… (février 2016) http://bit.ly/20wNKIZ

Canada 1867-2017. Et le Canada français 1867-2017? (octobre 2015) http://bit.ly/1PVnktf

Fêter les 150 ans du Canada? Non merci! (février 2015) http://huff.to/1GjxBKM


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