samedi 27 février 2016

Je reviens de «chez nous»...

Site Web du Salon du livre de l'Outaouais: http://slo.qc.ca


J'arrive chez moi, j'arrive de «chez nous»… Trois visites en trois jours au merveilleux Salon du livre de l'Outaouais… Un lieu de civilisation, de livres imprimés, d'auteurs, de lecteurs, de vieux, de jeunes, de débats, de retrouvailles, d'échanges, de liberté… où le coeur de la vieille mère-culture bat dans les écritures de l'Amérique française…

À un carrefour de la grande salle bondée, j'aperçois devant moi Michel Normandeau, membre fondateur de groupe mythique Harmonium, qui autographie son roman Dis-moi Lily-Marlène… À ses côtés, trois autres auteurs… Guy Badeaux, le vétéran caricaturiste du quotidien Le Droit, flanqué de Paul-François Sylvestre, auteur franco-ontarien prolifique, et Charles Leblanc, poète franco-manitobain.

Ce midi, dans la mini cafétéria où Radio-Canada diffuse des interviews en direct du Salon, je ressassais des souvenirs des années 1960 avec deux amis de l'époque de ma jeunesse ontaroise, pendant qu'à la table voisine, l'académicien Dany Laferrière cassait la croute en joyeuse discussion.

Hier après-midi, au milieu de la foule, à ma grande surprise, j'ai croisé ma mère de 91 ans, l'oeil alerte, l'intelligence vive, expliquant à une auteure ses préférences de lecture et lui affirmant que les livres étaient rendus bien trop chers… Elle m'a aussi glissé à l'oreille que je ne l'appelais pas assez souvent et qu'elle n'avait pas vérifié les nouvelles sur Facebook depuis quelques jours…

Après ces trois journées, j'avais en tête la chanson de Fred Pellerin…

D'elle, immense, la vieille mère-chanson, qui nous avait consolés, sur un air d'espérance…

Un salon du livre, du moins le nôtre, n'est pas fait que d'exposants, d'auteurs et à de dizaines de milliers de livres de tous genres. Bien que ces exposants, auteurs et oeuvres en soient la raison-d'être. Au-delà de pouvoir s'approprier un volume signé par l'auteur(e), ce qui vaudrait déjà le déplacement, une cascade de conférences et animations attise sans cesse les deux scènes du Salon.

Jeudi soir, c'était Michel Normandeau avec son accordéon, secondé d'excellents musiciens, envoûtant la salle avec des extraits de son roman. Samedi matin, devant la scène Yves-Thériault, les tout-petits entassés sous l'oeil attentif de parents en retrait s'amusaient avec la chanteuse Ari Cui Cui… Cet après-midi, l'immortel Dany Laferrière racontait en terre outaouaise son expérience à l'Académie française…

De tout, pour «nous» tous… Parfois des thèmes inespérés surprennent et surlignent autant la variété des oeuvres que la portée de la diaspora laurentienne… Ainsi cette table ronde sur les livres de trois chercheurs universitaires intéressés à décortiquer la présence canadienne-française en Floride… Du neuf pour moi qui n'ai jamais visité le «petit Québec» au nord de Miami… mais qui tout à coup se met à y penser...

D'elle, immense, la vielle mère-chanson, qui nous avait fait rêver, sur un air d'espérance…

Ce précieux Salon du livre de l'Outaouais, et c'est sans doute ainsi ailleurs, fait découvrir l'ampleur et la diversité de ce «nous» que menace la faucheuse du multiculturalisme… Notre «nous» - je l'ai vu toute la fin de semaine - inclut toutes les races, à commencer par le «nous» de souche bien sûr, mais aussi un riche métissage issu d'arrivants de dizaines de pays, et quoique les accents soient variés, le dénominateur commun reste cette langue française et les valeurs qu'on lui associe, dont la liberté n'est pas la moindre.

Ce «nous» dont le Québec de la Loi 101 tente d'assurer l'avenir contre vents et marées, ce «nous» que l'Acadie préserve du haut de sa péninsule et sur ses côtes, ce «nous» qui lutte aussi avec vaillance dans des villes et villages de l'Ontario, du Manitoba et d'ailleurs, jusque dans les bayous louisianais, ce «nous», on le reconstitue ici pour quatre jours par an, dans toute sa réalité.

Je l'ai vu dans ces visages souriants, dans les discussions animées entre gens qui, parfaits étrangers à l'extérieur, deviennent ici amis et complices, le temps d'un court séjour dans ces salles et couloirs où livres et auteurs occupent la totalité du champ de vision. Ceux et celles qui, par la puissance des profits de leurs empires financiers, voudraient assassiner l'imprimé et lui substituer des écrans - et rien que des écrans - auraient avantage à s'immerger dans cet événement de papier, d'encre, de mots, d'images. Peut-être se réveilleraient-ils enfin?

D'elle, immense, la vieille mère-chanson, celle qui nous réveillera, sur un air d'espérance…*



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* Paroles de «Mère-chanson» de Fred Pellerin http://bit.ly/1TBb6aI

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