vendredi 14 octobre 2016

Imaginer octobre 1970 sans la «crise»?

Des militaires montant la garde en octobre 1970...

Dans son roman 22/11/63, Stephen King tente d'imaginer ce que serait devenu son pays et le monde si on avait pu, en retournant dans le passé, éviter l'assassinat de John F. Kennedy. On ne saura jamais à quel point la vision d'apocalypse qu'il projette aurait pu être plausible, mais cela donne tout au moins un scénario fascinant. C'est une technique qu'a aussi employée Éric-Emmanuel Schmitt dans La part de l'autre pour imaginer ce qu'aurait été la vie d'Adolf Hitler si ce dernier était devenu artiste…

En relisant un vieux numéro du 26 septembre 1970 du Quartier latin, l'ancien magazine des étudiants de l'Université de Montréal, la machine à voyager dans le temps a embrayé et j'ai pu entrevoir des événements qui auraient pu remplacer notre «crise d'octobre» si deux cellules du Front de libération du Québec n'étaient pas intervenues, une pour enlever le diplomate James Cross (5 octobre), l'autre pour kidnapper (10 octobre) et assassiner (17 octobre) le ministre Pierre Laporte, sur fond de mesures de guerre (16 octobre) et d'emprisonnements injustifiés de centaines d'innocents. 



Sous le titre FLQ versus la patente judiciaire, l'article non signé du Quartier latin annonce un automne chaud axé tout autant sur le FLQ, mais se déroulant essentiellement devant les tribunaux. Il faut rappeler que dans le sillage de l'élection vivement contestée d'avril 1970, de la victoire de Robert Bourassa, du coup de la Brinks, et de la maigre récolte de sept députés pour le PQ qui, à son premier scrutin général, avait récolté 23% des voix, un vent de révolte s'annonçait, particulièrement au sein de la jeune génération.

En juin 1970, la police avait arrêté le felquiste Claude Morency à Prévost, au nord de Saint-Jérôme, et l'avait accusé avec ses camarades François Lanctôt et André Roy d'avoir conspiré pour enlever l'ambassadeur des États-Unis au Canada, Harrison Burgess, d'avoir commis un vol à main armée à la caisse pop de l'Université de Montréal, et d'avoir été en possession illégale de dynamite. Or, le procès de Morency devait avoir lieu (et a de fait eu lieu) le 9 octobre 1970. Et on y prédisait de la bisbille…

Selon le journal étudiant, les accusés avaient l'intention de ne pas respecter les règles du tribunal et les rapports traditionnels autorité-accusé. Ils allaient d'abord clamer leur refus «d'être jugés par un homme qui tient son rôle social de par ses influences politiques». Le procès des «trois du FLQ pourrait provoquer une grande foire dans l'édifice sinistre de la rue Notre-Dame», ajoutait l'auteur du texte.

Par ailleurs, on prévoyait à l'automne une abondance de procès politiques qui auraient pu devenir des points de ralliement pour des actions de contestation :

- les causes de Pierre Vallières et Charles Gagnon, toujours en attente;
- le procès de Pierre Marcil, accusé de conspiration pour l'enlèvement du délégué commercial d'Israël à Montréal;
- le procès d'Yves Bourgault, accusé de sédition et de possession d'explosifs;
- la comparution des 21 de la Maison du pêcheur à Percé;
- la reprise des procès de Reggie Chartrand, Raymond Lemieux et Laurier Gravel, également accusés de sédition; ainsi que
- les procès et sentences de matraqués du 24 juin 1968, et les procès d'accusés dans l'affaire raciale de Sir George Williams (11 février 1969).

Et comme si cette «pluie» de procès de felquistes et d'indépendantistes, déjà porteuse d'éclairs, de coups de tonnerre et de bourrasques potentiellement violentes, ne suffisait pas, le journal des étudiants de l'Université de Montréal invitait ses lecteurs et lectrices à «ridiculiser cette immense patente (judiciaire) qui opprime les Québécois» en posant des gestes de provocation dans les salles de tribunaux. Voici quelques suggestions offertes à titre d'exemple par le Quartier latin:

« - Lancez des confétis.
- Laissez tomber sur le plancher des couleuvres, des crapauds, des criquets, des tortues, des souris.
- Lancez des billes (smokes) sur les calorifères.
- Que tous les spectateurs se lèvent en même temps et fassent le geste de lancer un objet vers le juge. Une seule tomate ou un seul oeuf s'éfouère dans la face du juge… alors tout le monde est safe.
- Gazouillez comme des petits zoiseaux…
- Jappez quand un flic témoigne pour la Couronne.

Il faut que les accusés se sentent appuyés par les militants.»

Quand le Quartier latin a publié son numéro suivant, le 9 octobre 1970, on ne parlait plus - on ne parlerait plus jamais - d'un tel scénario. On n'y publiait que la manifeste du FLQ, lu également sur les ondes de Radio-Canada et ailleurs, d'autres événements ayant été mis en marche. On connaît la suite. Je m'en souviens pour avoir couvert la crise d'octobre comme journaliste. Les plus jeunes la retrouveront dans les livres d'histoire. Mais un bon rédacteur de romans, amateur d'histoire-fiction, pourrait bricoler un passionnant «que-serait-il-arrivé-si...» avec cette page d'un magazine étudiant publié à peine quelques jours avant l'entrée en scène de la cellule Libération...

mercredi 5 octobre 2016

Un poignard judiciaire dans la Loi 101...

La Cour d'appel du Québec vient de fracturer le principe même d'un article primordial de la Loi 101 (celui du français, langue de travail) et la nouvelle - sans doute parce l'affaire ne se déroule pas à Montréal - ne semble pas intéresser grand monde… Cela devrait, ce matin, trôner en manchette de tous les médias de langue française au Québec…

La nouvelle, fort bien expliquée par Stéphanie Marin, journaliste de la Presse canadienne, a été jusqu'à maintenant diffusée sur les sites Web du quotidien Le Droit et de Radio-Canada (région Ottawa-Gatineau). Le Droit a aussi publié un résumé incomplet dans son édition papier. Était-ce un premier jet de Mme Marin ou un charcutage maison? Sais pas, mais cela s'ajoute aux erreurs de présentation du quotidien en août 2015, dans une manche précédente de la même guerre judiciaire (voir plus bas).

Alors qu'en est-il, au juste? Au départ il s'agit de savoir si la connaissance de l'anglais est requise pour un pauvre petit poste de commis aux finances à la ville de Gatineau. Le syndicat dit non. La ville dit oui. Un grief est déposé et l'arbitre est saisi de l'affaire. En cause, l'article 46 de la Charte de la langue française, qui stipule: «Il est interdit à un employeur d'exiger pour l'accès à un emploi ou à un poste la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d'une langue autre que la langue officielle, à moins que l'accomplissement de la tâche ne nécessite une telle connaissance.»

L'arbitre René Turcotte donne raison au syndicat, et son jugement s'appuie carrément sur le sens de cette notion de nécessité ou pas de l'anglais (ou de toute autre langue que le français) au travail. «La nécessité ne doit pas être confondue avec l'utilité, l'opportunité, la qualité du service offert par un employeur», écrivait-il. La ville de Gatineau a porté le jugement arbitral en appel à la Cour supérieure, qui a maintenu la décision de première instance. Cette décision est celle qui a donné lieu (en août 2015) aux titres pour le moins fantaisistes en pages une et trois du Droit, ainsi que sur son site Web.

La ville, voulant à tout prix un candidat bilingue pour son poste de commis aux finances, a investi d'autres fonds publics pour attaquer deux décisions, arbitrale et judiciaire, en sachant fort bien qu'elle attaquait aussi la portée de la Loi 101 dans une région où le français est déjà fragilisé. Or, voilà, qu'elle vient de gagner cette troisième manche (et non la première comme l'indique le titre) et que, ce faisant, elle vient d'ébranler un pan entier de la protection judiciaire du français comme langue de travail.


Car le juge Yves-Marie Morrissette, de la Cour d'appel, vient carrément de dire, dans son jugement, que la notion de nécessité (de l'anglais ou de toute autre langue) est beaucoup plus élastique que l'on croyait… Au fond, les législateurs ont écrit le mot «nécessaire» mais ce n'est pas vraiment dans un sens restrictif… Et ce juge, se substituant à l'Assemblée nationale, vient inclure d'autres facteurs pour arriver à un niveau «souhaitable» (plutôt que nécessaire) de connaissances linguistiques, ce niveau pouvant varier de façon plus ou moins floue selon les lieux de travail ou même selon la réalité linguistiques des différentes régions du Québec…

À moins que j'aie mal compris le sens de ce jugement et le texte de Mme Marin, c'est un coup de poignard judiciaire en plein coeur d'un article clé de ce qui reste de la Loi 101… Un grand pas en avant vers le bilinguisme à volonté au travail… Allô, y a quelqu'un à l'écoute dans les médias?

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J'avais, an août 2015, rédigé un texte de blogue sur cette question, texte que j'ai tout de suite retiré des lieux publics de l'Internet pour en faire un simple courriel privé à la direction de la salle des nouvelles, espérant que les grossières erreurs de titrage fassent l'objet d'une correction. Je n'ai même pas reçu d'accusé de réception... J'ai conservé ce texte de blogue, que j'inclus ici...
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vendredi 14 août 2015



Pas d'anglais à la ville de Gatineau? Vraiment?

Des erreurs dans les titres, il s'en produit tous les jours, dans tous les journaux et dans tous les sites Web médiatiques… mais la manchette de la page une du quotidien Le Droit de ce matin mérite une mention. Le titre en question se lit comme suit, en majuscules: «PAS D'ANGLAIS À LA VILLE», précédé d'une exergue, aussi en lettres majuscules: «GATINEAU PERD UNE BATAILLE JUDICIAIRE».

Quelle impression vous laisse ce titre, si vous ne lisez pas le texte en page 3 du journal? Que Gatineau veut de l'anglais à la ville (???) et qu'un tribunal lui a dit qu'il n'y aurait pas d'anglais à la ville. Donc, que Gatineau cherche peut-être à devenir bilingue, et qu'un tribunal a dit non. Que Gatineau restera unilingue française. Qu'il n'y aura «pas d'anglais à la ville»… C'est trompeur.

Dans le texte, l'auteur précise que l'enjeu porte sur un seul poste de commis aux finances, au sein de l'administration municipale. Le Syndicat des cols blancs a déposé un grief quand la ville a voulu exiger une connaissance de l'anglais. Et un tribunal (confirmant une décision arbitrale) redit à la ville, en invoquant la Loi 101, que l'anglais ne peut être exigé pour un poste que lorsqu'il est nécessaire. Utile ne suffit pas. Ce doit être «nécessaire» et dans ce cas précis, la ville de Gatineau n'a pas démontré la nécessité de l'anglais.

Comment peut-on passer d'un litige sur un poste de commis aux finances pour en arriver au titre «PAS D'ANGLAIS À LA VILLE», quand on sait que la ville de Gatineau offre une gamme relativement complète de services en anglais et qu'une forte proportion, sans doute la majorité, de ses employés sont bilingues? Dans les faits, Gatineau est probablement bien plus bilingue que la capitale, Ottawa, de l'autre côté de la rivière.

Le titre qui accompagne le texte sur le site Web du Droit est encore plus précis que celui, plutôt vague, de la page une et, à cet égard, encore plus faux. On y lit: «L'anglais n'est pas nécessaire à la Ville de Gatineau, tranche la Cour supérieure».
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Publié le 14 août 2015 à 05h00 | Mis à jour à 05h00

L'anglais n'est pas nécessaire à la Ville de Gatineau, tranche la Cour supérieure

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Le texte est pourtant très clair. L'affaire ne porte que sur un poste de commis aux finances. Jamais, selon le texte, le conflit n'a-t-il porté sur la «nécessité» de l'anglais dans l'ensemble de l'administration municipale de Gatineau. La Cour supérieure n'a donc pas statué que «l'anglais n'est pas nécessaire à la Ville de Gatineau». Elle n'a jugé qu'un seul poste, celui qui était l'objet d'un grief, et rappelé la règle générale qui doit guider la ville dans ce genre de cas.

Jamais deux sans trois, dit-on. Il y a un dernier titre, celui de la page 3 du journal, celui qui accompagne le texte imprimé. On peut y lire: «L'anglais n'est pas nécessaire», suivi de «La Ville de Gatineau ne peut pas exiger de ses employés qu'ils soient bilingues, tranche la Cour supérieure». Encore une fois, une erreur.

La Ville peut exiger d'un employé qu'il soit bilingue si, dans la fonction qu'il occupe, l'anglais est une nécessité. La Ville doit démontrer cette nécessité. Si elle en fait la preuve, elle peut exiger de certains employés qu'ils soient bilingues… Misère...

Après publication de ces trois titres, Le Droit devrait offrir des excuses et un correctif. S'il ne le fait pas, il accrédite trois erreurs. 

NB - Le Droit ne s'est pas, à ma connaissance, excusé de ces erreurs de titres…



jeudi 29 septembre 2016

Le silence des anglophones d'Ottawa...


La manchette du Droit du 28 septembre 2016

J'ai 70 ans, j'ai toujours vécu dans la région de la capitale canadienne - les 29 premières années du côté ontarien, les 41 suivantes sur la rive québécoise - et je ne me souviens pas d'une seule manifestation publique d'anglophones en faveur du bilinguisme officiel pour la ville d'Ottawa…

Les insultes reçues dans ma jeunesse - se faire traiter de frog, se faire occasionnellement gifler avec un speak white - ça je m'en rappelle. Et depuis le début de ma carrière journalistique en 1969 (année de l'adoption de la Loi sur les langues officielles), j'ai lu et relu dans les quotidiens anglais de la capitale des tonnes de lettres hostiles, voire haineuses, envers les francophones et le Québec…

Alors quand j'ai vu en manchette du journal Le Droit du 28 septembre un titre affirmant que «67% des Ottaviens disent oui au bilinguisme officiel» (voir bit.ly/2dhZXN2), cela m'a fait sursauter. Comment se fait-il que je ne l'aie jamais vue sur la place publique, cette légion d'anglophones favorables au «bilinguisme officiel» d'Ottawa? Se peut-il que seuls les «anti-bilingues» s'expriment ouvertement?

Ou, au fond, y a-t-il quelque chose qui cloche dans cette nouvelle… Je penche pour cette hypothèse…

Commençons d'abord par tout ce que le quotidien n'a pas dit au sujet du sondage de la société Nanos, réalisé à la mi-juillet pour l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario et l'organisme Ottawa bilingue. Le texte ne mentionne pas que les répondants francophones appuient le bilinguisme municipal officiel à 88% alors que les anglophones y sont favorables dans une proportion de 63%. Et que ce 63% se divise entre ceux qui sont «pour» le bilinguisme (48,7%) et les «plutôt pour», les appuis mous ou conditionnels (14,5%).

Et qui sont-ils au juste ces répondants anglophones? La nouvelle du Droit ne précise pas - et c'est une donnée très importante - que 57% de l'échantillon anglophone se dit bilingue, contre seulement 43% d'unilingues anglais. Or dans la vraie vie d'Ottawa, selon le recensement fédéral, beaucoup plus fiable, environ 70% des anglophones de la capitale sont unilingues anglais. La proportion de bilingues oscille autour de 30%. C'est appréciable, et bien supérieur aux autres régions anglophones du Canada, mais très, très loin du 57% du sondage Nanos…

Le sondage ne dit pas s'il y a une différence d'attitudes entre les anglophones bilingues et les anglophones unilingues, mais il est légitime de se poser la question et d'avancer l'hypothèse que les bilingues pourraient être plus naturellement disposés à soutenir le bilinguisme officiel de la capitale. Si ce n'est pas le cas, la société Nanos aurait avantage à mettre les points sur les «i»… Avec 70% d'unilingues parmi les répondants anglophones, au lieu de 43%, les résultats auraient peut-être été différents. Peut-être pas. Enfin… on ne le sait pas.

Dans l'échantillon de répondants, près de 90% des francophones s'affichent bilingues, ce qui correspond à peu près aux proportions énoncées dans le recensement fédéral de 2011. Un détail surprenant: environ 9% des répondants de langue française se disent opposés au bilinguisme officiel de la ville.

En 2012, un sondage Léger pour l'Association d'études canadiennes avait révélé que dans la région d'Ottawa, le bilinguisme était considéré comme source de fierté par seulement 42% des anglophones (contre 85% des francophones), et qu'à peine 23% des répondants anglophones d'Ottawa se disaient préoccupés par le sort de la langue française.

Je ne doute pas qu'il existe un fort contingent d'anglophones francophiles qui appuient un statut officiel égal pour le français à Ottawa, mais quand arrive le temps de se faire entendre, ils sont très silencieux… Cela me fait croire que dans le contexte actuel, avec des médias de langue anglaise largement anti-français à Ottawa, dans un débat les voix les plus sonores seraient majoritairement hostiles aux revendications des francophones…

Le maire Watson, qui s'oppose toujours au bilinguisme officiel pour sa ville, connaît bien son opinion publique…

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* Le site Web de CBC Ottawa présente depuis le matin du 29 septembre une analyse (bit.ly/2dbxQ5O) des enjeux du bilinguisme officiel à Ottawa. Un texte au ton modéré, offert par le réseau d'État en langue anglaise, où les élans francophobes sont plus rares que dans la presse écrite de la capitale… À la fin du texte, il y a un sondage maison (tout à fait non scientifique). En soirée du 29, à la question «Ottawa devrait-elle être officiellement bilingue?», environ 65% disaient «non», et un peu plus de 30% «oui»… Encore un noyautage des rednecks?


* Lien au sondage Nanos - bit.ly/2cZZPQq






vendredi 23 septembre 2016

Le gouvernement d'un peuple souverain

Bourassa aurait pu enclencher le processus dès 1990…

Ce débat interminable sur l'échéancier hypothétique d'un futur référendum pourrait bien favoriser le dépérissement voire, à plus long terme, la disparition du Parti québécois, principal moteur du mouvement souverainiste depuis près de 50 ans. Au sein du public, l'indice d'enthousiasme pour un troisième référendum sur la souveraineté oscille autour de zéro... et les adversaires de l'indépendance le savent. Ils n'attendent que l'occasion propice pour sortir la masse et asséner un coup fatal


Les ennemis de l'indépendance sont généralement implacables. Ils ne s'embarrassent pas de règles. Pendant qu'en 1980, le gouvernement Lévesque soumettait son projet de souveraineté-association à la population on ne peut plus démocratiquement, l'année suivante la bande à Trudeau-Chrétien complotait dans le plus grand secret, en pleine nuit, avec la majorité des premiers ministres provinciaux pour imposer au Québec - sans la moindre consultation publique - une nouvelle constitution dont l'un des principaux effets fut justement de nier la spécificité québécoise.


N'oublions pas qu'en 1970, pour jeter à la prison une partie de l'opposition indépendantiste, Pierre Elliott Trudeau n'avait pas hésité à invoquer les mesures de guerre en temps de paix (cette loi n'avait servi que deux fois - durant la guerre 14-18 et la Deuxième Guerre mondiale). En 1981, les manigances secrètes de la nuit des longs couteaux ont livré aux tribunaux les outils nécessaires pour démanteler la Loi 101, prélude à une attaque tous azimuts contre le dernier rempart de notre identité nationale - la langue française.


Ce qu'Ottawa n'a pu compléter, le Québec libéral de l'ère Charest-Couillard tente de l'achever en entreprenant de bilinguiser les jeunes Québécois dès la fin du primaire, tout en réduisant presque à néant l'efficacité des efforts de francisation, tant en milieu de travail que dans l'accueil de masses d'immigrants qui finiront par s'angliciser en proportions croissantes. Sans oublier ce marteau du multiculturalisme sauce Trudeau père-fils, qui assomme toute velléité d'inscrire dans nos lois fondamentales les valeurs universelles - laïcité/neutralité de l'État, égalité hommes-femmes - issues de notre spécificité.


Malgré tout, l'idée d'indépendance reste en vie. Bon an mal an, et par les temps qui courent c'est plutôt «mal an mal an», près de la moitié des francophones du Québec se disent toujours sympathiques à la souveraineté. Et dans l'autre moitié de la population de langue française, le refus de l'indépendance n'entraîne nullement un attachement profond au reste du Canada ou au fédéralisme. Il est toujours possible de rapailler ce qui reste de nous pour une ultime tentative de libération du carcan. Mais il faudra faire vite. Les têtes blanches se font très nombreuses et les plus jeunes n'ont jamais connu l'univers dans lequel s'est forgée l'opinion des générations précédentes…


Le Parti québécois doit absolument accéder au pouvoir, majoritaire, dès 2018. Mais cela n'arrivera pas - en dépit du caractère catastrophique de l'administration Couillard - s'il traîne ce boulet référendaire qui répugne à la génération montante et ne sert qu'à rappeler les mauvais souvenirs de 1980 et 1995 aux fédéralistes et indépendantistes assez vieux pour les avoir vécus. Larguer l'obsession référendaire n'affaiblit pas la mission première du parti. Au contraire. Au-delà d'un solide programme social-démocrate rassembleur, le PQ doit promettre très clairement de poursuivre l'objectif de l'indépendance par tous les moyens.


On semble avoir oublié, en regardant de trop près les arbres et les branches, que la forêt existe toujours. Le peuple québécois, la nation québécoise est toujours là, avec sa langue et sa culture, ses valeurs partagées, son droit à l'autodétermination bien intact. La Cour suprême du Canada l'a soutenu clairement dans son renvoi de 1998 sur la sécession. Les Trudeau, Chrétien, Dion et compagnie ont reconnu eux aussi la nation québécoise - et son droit à l'indépendance - en participant aux campagnes référendaires dans le camp du «Non». Participer, qu'ils l'avouent ou pas, c'était accepter la légitimité du processus… et du résultat.


Ce que le PQ doit proposer, et réaliser s'il est élu, c'est d'agir en porte-étendard fier et digne d'une nation, d'un peuple souverain, et de tout faire pour élargir les champs de compétence de la nation, jusqu'à l'éventuelle accession à l'indépendance politique. Il ne sera plus question d'une gestion de «bon gouvernement provincial» en attendant les conditions gagnantes de la souveraineté, mais de se comporter en gouvernement d'un pays à l'horizon, fricoté à nos goûts républicains, dans le respect des limitations actuelles bien sûr, mais en perçant des brèches partout où cela sera possible.


Cela signifie, d'abord, discuter d'égal à égal avec le reste du pays, de nation à nation. Finie l'époque des négociations à onze gouvernements. C'est ce qu'avait promis Robert Bourassa après l'échec de Meech, en 1990. Rien dans la constitution actuelle ne nous oblige à jouer le jeu à onze… Cela veut aussi dire assumer pleinement la responsabilité des domaines de compétence qui sont déjà nôtres… jusque dans l'arène internationale. Rien n'interdit au gouvernement du PQ de demander l'admission du Québec à l'ONU comme nation fédérée. Il y a des précédents…


Sur le plan linguistique, tout en respectant scrupuleusement les droits historiques des Anglo-Québécois et en suivant de très près le sort réservé aux minorités francophones des autres provinces, le gouvernement du Parti québécois devra rétablir la force originale de la Loi 101 et même l'élargir là où elle l'aurait dû l'être - dans les cégeps, dans les petites entreprises. Une nation digne de ce nom assure le respect de sa langue, en premier lieu par les siens. Il faudra s'attaquer à l'analphabétisme, et assurer non seulement la prééminence du français, mais son excellence, parlée et écrite, dans tous les milieux. Le bilinguisme et le plurilinguisme chez les nôtres devront se bâtir sur une solide identité francophone.


En matière sociale, un gouvernement péquiste devra tout faire pour mettre en oeuvre les valeurs d'égalité et d'entraide héritées des générations qui ont bâti depuis plus de 400 ans le Québec français. On nous jugera à la façon dont notre peuple souverain traitera ceux et celles des siens qui ont plus besoin de la solidarité de l'ensemble - les vieux, les pauvres, les malades, les chômeurs, les mal logés, les jeunes aux études, etc. Les milliards perdus en dédoublement fédéral ou mal orientés à Ottawa par une majorité anglophone, les milliards détournés du fisc par un capitalisme débridé, seront réclamés et récupérés au nom de la nation québécoise pour favoriser la justice sociale dans notre futur pays.


D'effort en effort, d'obstacle surmonté en obstacle surmonté, de petite victoire en petite victoire, le tout clairement orienté vers le projet d'indépendance, la population saura davantage à quoi s'en tenir. Plutôt que d'avoir perdu un temps précieux en palabres pré-référendaires, le projet souverainiste sera enclenché avec tous les moyens disponibles. Si le travail est bien fait, l'appui populaire suivra. Vite, on ne verra plus jamais le Québec comme province, tant ici qu'ailleurs au Canada, mais comme peuple souverain en marche vers une destinée qu'il a prise en main. Jusqu'où cela nous mènera-t-il? L'électorat québécois, qui aura toujours droit de véto sur ses gouvernements, restera le décideur ultime.


Mais le temps presse…. Le PQ devra dire avec conviction au peuple québécois : «Nous voulons construire l'indépendance. Bloc par bloc. Mais il faut commencer tout de suite! Nous avons le talent, les outils. Nous sommes prêts à retrousser nos manches. Nous travaillerons ensemble à chaque étape de ce grand chantier collectif. Tant que le projet vous plaira, nous poursuivrons l'ouvrage. Dans la légalité. Dans la légitimité. Dans la paix. Dans l'affirmation de notre souveraineté reconnue. Jusqu'à l'obtention de ce pays qui nous ressemble, et que nous arrimerons librement, amicalement, aux voisins historiques comme à la planète!»







Université franco-ontarienne: le projet s'éteint...

On ne touche pas aux monstres sacrés bilingues...

Si le gouvernement de Mme Wynne n'a pas l'intention d'aller plus loin qu'un théorique campus universitaire de langue française dans le sud de la province, à Toronto en l'occurrence, alors le grand projet d'université franco-ontarienne, sous gouvernance franco-ontarienne, agonise. S'il est toujours bien vivant, s'il reste encore une volonté au sein des regroupements étudiants de réaliser une université pour l'ensemble des programmes universitaires franco-ontariens, alors qu'on le dise… et vite.

De toute évidence, et là-dessus les médias doivent faire leur mea culpa, trop de reporters, analystes et éditorialistes affirment dans leurs textes que le projet d'université franco-ontarienne n'est rien de plus que cette démarche actuelle de bonification de l'enseignement post-secondaire en français dans le centre-sud de l'Ontario. Et les porte-paroles de l'Ontario français - tant les étudiants que les organisations d'adultes - ne les ont malheureusement pas rappelés à l'ordre.

Or depuis 2012, le mouvement de revendications mis en branle par le Regroupement étudiant franco-ontarien (REFO), flanqué de ses principaux alliés, la FESFO (étudiants du secondaire) et l'AFO (Assemblée de la francophonie de l'Ontario), porte sur un projet global qui verrait les Franco-Ontariens prendre en charge tout le post-secondaire en français. Cela ne vise pas seulement les régions où les trous sont béants, mais aussi - et peut-être surtout - les universités bilingues d'Ottawa et de Sudbury, où évoluent dans un milieu anglo-dominant l'immense majorité des étudiants et étudiantes universitaires franco-ontariens.

Personne ne protestera si l'Ontario veut vraiment améliorer l'offre dans la région de Toronto, mais quand on présente cette initiative régionale comme étant l'université franco-ontarienne tout entière, et que tout le monde se plaît à entretenir cette confusion, alors rien ne va plus. Madeleine Meilleur avait parti le bal en ciblant Toronto et en ajoutant que dans l'Est ontarien, l'Université d'Ottawa desservait fort bien les francophones. Ça, après que le recteur sortant, Allan Rock, ait fustigé le projet d'université franco-ontarienne, affirmant qu'elle existait déjà… à l'Université d'Ottawa…

Ce dernier, dans les derniers jours de son mandat, juin 2016, semblait avoir changé son fusil d'épaule en se disant prêt à collaborer à la création d'une université franco-ontarienne. Voilà certainement la preuve la plus éclatante que l'université bilingue de la capitale ne se sent plus menacée par le projet. Non seulement a-t-elle reçu des garanties, mais elle flaire sans doute les occasions d'expansion dans le sud ontarien, où l'Ontario semble vouloir créer un campus. Le journal étudiant de la langue française de l'Université d'Ottawa, La Rotonde, l'a bien compris.

D'ailleurs l'annonce de cette semaine, soit la création d'un conseil de planification sous la présidence de l'ancienne commissaire aux langues officielles, Dyane Adam, est on ne peut plus clair sur la portée du mandat. Lisez cet extrait du communiqué officiel du gouvernement ontarien: il s'agit de «mesures pour mettre en oeuvre son plan visant à faciliter l'accès (…) à l'éducation post-secondaire en français dans le centre et le sud-ouest de l'Ontario». On a joute que Mme Adam et son conseil examineront les options concernant la création d'une université de langue française «dans cette région». Non mais…

Et pour clouer le cercueil, Mme Wynne elle-même a rappelé que l'essentiel, c'est l'accès aux programmes en français. Gouvernance? Connais pas. On n'est même pas sûr d'avoir besoin d'un édifice (pas des édifices, un seul…) «parce que nous avons l'Université d'Ottawa et le Collège Glendon qui sont désignés». Quand on dit désigné en Ontario, ça veut dire une garantie d'offre de services en français, rien de plus. On ne touchera pas aux monstres sacrés bilingues…

Le gouvernement ontarien a donc créé un conseil qui examinera des options pour le seul centre-sud de l'Ontario (Toronto et la grande région au sud et au sud-ouest de la métropole) et qui fera rapport on ne sait trop quand à une instance politique totalement déconnectée de la réalité universitaire franco-ontarienne…. Comparez ça à la position prise lors du grand sommet de 2014 des États généraux sur l'éducation post-secondaire en langue française en Ontario, où les délégués avaient proclamé «la nécessité de donner aux francophones de l'Ontario les pleins pouvoirs de gouvernance sur leurs programmes universitaires». 

Ce que vient de faire le gouvernement, ce qu'il fait depuis plus de 45 ans dans ce dossier, c'est une insulte aux Franco-Ontariens. Je sais qu'il est plus facile pour moi de le dire, bien confortablement installé dans ma berceuse à Gatineau, où notre grand dossier se limite à lutter pour des cours universitaires de médecine en français, et je sais que les dirigeants franco-ontariens sont obligés de cohabiter le plus pacifiquement possible avec cette majorité qui ne leur a jamais fait de faveur… Je peux comprendre leur hésitation à déterrer la hache de guerre…

Il y a cependant une limite à désinformer… Les braises sont toujours chaudes, mais le projet d'université franco-ontarienne s'éteint…

J'espère que je me trompe…





mardi 20 septembre 2016

Les vrais batailleurs de terrain...

Quand un indépendantiste, à plus forte raison un «pur et dur» comme Mario Beaulieu, ancien chef du Bloc québécois, arrive en Ontario, en Acadie ou dans l'Ouest canadien avec un rameau d'olivier, il rencontrera inévitablement des îlots de francophonie méfiants... Pour bien des Canadiens français et Acadiens en situation minoritaire, le Québec constitue une menace plus grave que les vagues de l'océan anglophone canado-américain, qui érodent pourtant leurs rivages...

À chaque amorce de rapprochement ou de dialogue, immanquablement, quelque historien ou dirigeant nous rabâche les oreilles avec les États généraux du Canada français de 1967, où selon la version trop couramment acceptée, les délégués québécois - majoritairement souverainistes - auraient largué l'ensemble de la francophonie minoritaire canadienne. Évidemment, la plupart de ceux et celles qui invoquent les États généraux n'y étaient pas, et la littérature sur cet événement vieux de près de 50 ans n'a jamais fait la liste des best-sellers.

J'étais présent à cette rencontre historique à Montréal, à titre de délégué franco-ontarien, et rien n'y apparaissait alors aussi clair que la vision proposée par les observateurs avec 50 ans de recul. L'écart identitaire entre les francophones du Québec et ceux des autres provinces et territoires canadiens allait croissant depuis 1867, en dépit de spectaculaires élans de solidarité pan-canadienne (rébellions des Métis, écoles franco-manitobaines, Règlement 17 en Ontario).

Les affrontements entre indépendantistes et une partie de la francophonie minoritaire aux États généraux puisaient dans des frictions pré-existantes qui avaient déjà causé, entre autres, l'éclatement de l'Ordre de Jacques-Cartier vers 1965. Mais c'est trop simple comme vue de la société de l'époque. La majorité des francophones québécois restaient fédéralistes et ignoraient à peu près tout du vécu des collectivités de langue française ailleurs au pays. Et dans ces collectivités, notamment en Ontario et en Acadie, il existait une frange (j'en faisais partie) qui affichait sa sympathie pour les visées indépendantistes des nationalistes québécois...

Le passage du temps a malheureusement un effet réducteur sur la perception des événements historiques. En dépit de cette impression d'abandon par le Québec, entretenue à l'excès, les contacts n'ont jamais cessé entre les dirigeants québécois et ceux des organisations de la francophonie acadienne et canadienne. Et les grands débats sur l'avenir constitutionnel ou le statut de la langue française au Québec ont souvent exercé plus s'influence sur les gouvernements provinciaux que les supplications incessantes de francophones brimés en Acadie et à l'ouest de l'Outaouais...

Le mur d'ignorance et d'incompréhension qui a brouillé les rapports entre le Québec et la résistance francophone des autres provinces n'a servi à rien, sauf à nourrir la bête des préjugés. En Ontario, faudrait-il le rappeler, l'adversaire de la langue française est bien davantage à Toronto qu'à Montréal ou à Québec. Ce n'est pas le Parti québécois qui refuse de créer une université de langue française en Ontario depuis plus de 45 ans. Je ne cherche pas à excuser l'ignorance ou l'indifférence de trop de Québécois à l'endroit des francophones des autres provinces, mais à mettre des points sur les «i»...

Alors quand Mario Beaulieu s'amène en laissant entendre qu'indépendantistes québécois et collectivités francophones hors-Québec peuvent se parler et même collaborer en vue d'objectifs communs, dont au moins celui de la promotion de la langue et de la culture françaises, faudrait peut-être pas lui donner l'absolution sans confession, mais faudrait pas claquer la porte non plus… Aux Communes, le Bloc a souvent été un allié des minorités canadiennes-françaises et acadiennes. La réaction de Sylviane Lanthier, présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), était la bonne: «même si nous ne sommes pas d'accord sur tout, il y a des sujets sur lesquels nous pouvons nous entendre».

L'expérience de résistance des minorités francophones, en Acadie, en Ontario, dans l'Ouest, est riche en enseignements pour le Québec, et devra informer les stratégies de défense et de promotion de la langue française au sein même du Québec, où l'assimilation fait déjà, dans certaines régions, des ravages perceptibles. Et avec le gouvernement Couillard qui cherche à nous angliciser bien plus qu'à assumer sa mission de défenseur phare de la langue française en Amérique, les vrais batailleurs de terrain auront avantage à se concerter...

samedi 17 septembre 2016

Se sentir «chez soi» à Ottawa?

Encart publicitaire dans Le Devoir du 17 septembre 2016

Aujourd'hui, samedi 17 septembre, quand j'ai ouvert mon exemplaire du Devoir, j'ai vite aperçu un encart publicitaire coloré de la ville d'Ottawa… de toute évidence adressé aux francophones du Québec soue le titre Qu'il fait bon chez soi… À l'intérieur on nous invite à faire des «découvertes automnales dans votre capitale»…

Cet encart est l'oeuvre de Tourisme Ottawa avec l'aide de deux commanditaires, le gouvernement ontarien et... le Casino du Lac-Leamy, à Gatineau (propriété du gouvernement québécois). Il y a donc des dollars du trésor public québécois - peut-être pas beaucoup mais enfin c'est le principe - dans ce dépliant publicitaire qui nous dit que nous sommes «chez nous» à Ottawa, dans «notre» capitale… Au moins a-t-on eu la décence de ne pas écrire «votre capitale nationale»…

Personnellement, je me sens chez moi à Ottawa parce que c'est ma ville natale. J'y suis né, c'est là que j'ai grandi, fait mes études et entrepris ma carrière journalistique au quotidien Le Droit. Mais jamais, au grand jamais, ne m'a-t-on fait sentir que j'y étais chez moi comme francophone. Ni comme Franco-Ontarien, et encore moins comme Québécois.

Il y a à Ottawa beaucoup de francophiles chez les non-francophones, et plein de bilingues et plurilingues chez les anglophones et allophones. Pourtant, la majorité anglaise semble osciller entre tiédeur et hostilité dès que l'on évoque un statut bilingue pour la ville, ou les droits des francophones. Le maire Jim Watson, qui se dit francophile, connaît bien son électorat. Ce n'est pas par hasard qu'il s'obstine à refuser au français une égalité officielle…

On en a eu la preuve encore hier (vendredi 16 septembre) dans un sondage d'une station de radio anglaise de la capitale, 1310 News. Commentant la déclaration du député fédéral Denis Paradis, qui disait vouloir reprendre les démarches du député Mauril Bélanger (décédé récemment) en faveur du bilinguisme officiel à la ville d'Ottawa, la station demandait aux lecteurs de sa page Facebook de s'exprimer sur la question au moyen d'un sondage.

Trois options étaient proposées aux répondants, à partir de la question suivante: «Pensez-vous qu'Ottawa devrait être officiellement bilingue?» On pouvait cocher «oui», «non» ou un «oui» conditionnel à l'octroi d'un statut bilingue à Gatineau, ville soeur sur l'autre rive de l'Outaouais. Les répondants avaient aussi l'option d'ajouter un commentaire personnel sur la page Facebook de 1310 News (bit.ly/2cFX5Hx), ce que plusieurs ont fait.

Après une journée complète, un peu plus de 160 personnes s'étaient donné la peine d'indiquer leurs préférences ou de commenter. Selon ma compilation, sur les quelque 120 répondants indiquant clairement un choix entre les trois options, il y avait plus de 90 «non», une dizaine de «oui» (dont la moitié semblaient être des francophones), et environ 15 «oui» à condition que Gatineau devienne elle aussi une ville bilingue. Si vous croyez déceler une tendance, vous n'avez rien vu…

Il faut, pour se rendre compte de l'hostilité de nombreux anglophones de la capitale, lire les commentaires qu'ils ont laissés. Si l'on n'est pas ici en présence d'une frange ultra francophobe, si cet échantillon non scientifique ressemble le moindrement à ce qui bouillonne sous la surface dans les grands courants de l'opinion, alors, comme on dirait, «ça va mal à shoppe»… On a affaire ici à des répondants mal informés, souvent en colère, avec une haine à peine dissimulée de la langue française et surtout, du Québec…

En voici quelques-uns… Vous pouvez les lire dans l'anglais original sur la page Facebook de la station de radio:

* Cette boulechitte bilingue n'a causé que des problèmes au Canada. Si vous voulez le bilinguisme, allez au Québec. Leur idée du bilinguisme, c'est le français seulement.

* Nous avons plus d'Asiatiques que de francophones au Canada (sic). Peut-être devrions-nous changer les affiches pour être plus accommodants… (bien sûr ces Asiatiques parlent tous la même langue…)

* Quand le Québec respectera les anglophones et deviendra officiellement bilingue, alors Ottawa suivra…

* Il faut forcer le Québec à être bilingue…

* Je suis née francophone et je parlais l'anglais à l'âge de 4 ans. J'en suis reconnaissant…

* En Ontario, les francophones sont servis en français. Cela fait partie du respect qu'on leur montre. Vous ne verrez pas ça au Québec… Croyez-moi…

* Des affiches bilingues à Gatineau? Non. Des affiches unilingues françaises sur la colline parlementaire? Oui…

* Vous n'avez aucune idée à quel point ils peuvent être injustes envers les anglophones au Québec…

* Bilingue, en français, ça veut dire seulement en français…

* Arrêtez d'abord de traiter les Anglo-Québécois comme des ordures de second ordre…

* Si vous voulez du français, déménagez au Québec…

* J'en ai plein le dos de cette merde idiote de bilinguisme…

* Arrêtez de nous enfoncer le français dans la gorge…

J'ajouterai en conclusion que je n'ai vu aucun commentaire proposant une défense d'un éventuel statut bilingue pour Ottawa et un seul commentaire d'une Gatinoise pour affirmer que les anglophones y étaient fort bien traités. Et j'ajoute qu'elle a bien raison. Apparemment personne ne sait que le Québec reste la province la plus bilingue du pays, avec des services en anglais à peu près partout, des hôpitaux anglophones, trois universités de langue anglaise, etc. etc. On avale depuis des décennies, sans les questionner, les propos orduriers dans les médias anglophones au sujet du français et du Québec.



Alors, chez lecteurs et lectrices du Devoir et tout autre Québécois ou Québécoise qui aurait vu cet encart publicitaire d'Ottawa, sachez que vous risquez d'être mieux accueilli dans notre capitale nationale, Québec, que dans la capitale fédérale. Ottawa, ma ville natale, est bien belle, et on y trouve des gens bien sympathiques. Mais derrière les images édulcorées des publicitaires, une colère haineuse couve au sein de la majorité anglaise d'Ottawa. Et elle monte occasionnellement à la surface…





vendredi 16 septembre 2016

Le droit d'un peuple d'agir...


Le soir du 30 octobre 1995, quelques minutes à peine après confirmation de la défaite crève-coeur de l'option du «Oui», le premier ministre fédéral Jean Chrétien faisait la déclaration officielle suivante: «Les Québécois et Québécoises se sont exprimés. Nous devons respecter leur verdict.»

M. Chrétien jubilait bien sûr, après avoir dépensé libéralement des millions de dollars et contourné allègrement les lois électorales québécoises pour contribuer à la victoire du «Non». Contre les séparatistes, avec lui, c'était toujours «au diable les règles»…

Quand même, dans cette déclaration, le premier ministre se trouvait à reconnaître officiellement:

1. la légitimité et la légalité de la démarche référendaire de sécession du Québec, à laquelle son gouvernement avait participé dans le camp fédéraliste;

2. la légitimité et la légalité de la majorité simple en cas de victoire ou de défaite, M. Chrétien présentant le 50,5% du «Non» comme l'expression claire du «verdict» québécois...

Qu'il l'avoue ou pas, en félicitant les Québécois d'avoir choisi de rester «Canadiens», fut-ce par une marge fort mince, le chef du gouvernement canadien venait de reconnaître qu'ils auraient pu exercer leur droit de choisir autrement, par une marge tout aussi mince…

Quelques années plus tard, ce même gouvernement - toujours aussi ratoureux - lança la patate chaude à la Cour suprême, à ses propres juges, en lui demandant de donner son avis sur le droit des Québécois de se retirer de la fédération canadienne.

Encore aujourd'hui, j'ai la conviction que M. Chrétien et quelques-uns de ses proches ont dû blêmir en prenant connaissance de l'avis juridique qu'ils avaient eux-mêmes sollicité… Ils espéraient sûrement un appui des juristes suprêmes et, à la place, on leur a servi une canne de vers:

Ce paragraphe, tiré du Renvoi sur la sécession de 1998, ils ne l'attendaient pas:

«Le rejet clairement exprimé par le peuple du Québec de l'ordre constitutionnel existant conférerait clairement légitimité aux revendications sécessionnistes, et imposerait aux autres provinces et au gouvernement fédéral l'obligation de prendre en considération et de respecter cette expression de la volonté démocratique…»

La loi fédérale sur la clarté référendaire de 2000, oeuvre de Stéphane Dion, venait en quelque sorte rejeter le coeur du message des juges suprêmes, dans la plus pure tradition d'«au diable les règles» pour combattre les séparatistes.

Alors que les juges reconnaissaient pleinement le droit d'initiative du «peuple du Québec» (notez bien l'expression, pas la population, pas les électeurs, mais bien «le peuple»…) et ne faisaient intervenir Ottawa et les autres provinces qu'en cas de négociation éventuelle sur la sécession, voici que la loi Dion tente de dicter au Québec un droit d'intervention des parlementaires fédéraux à l'étape de la formulation d'une question référendaire…

L'Assemblée nationale du Québec a remis les pendules à l'heure peu de temps après en adoptant la Loi 99 (Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec). Or voilà que cette déclaration du droit a l'autodétermination du Québec, contestée par des Anglo-Québécois et par le gouvernement fédéral sous Harper, se retrouvera bientôt de nouveau sous la loupe des tribunaux…

Avec un gouvernement sans colonne vertébrale comme celui de Philippe Couillard, on peut craindre que la défense des droits du «peuple du Québec» soit plus que molle… Aussi faut-il applaudir l'intervention de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, défenseur acharné de la nation depuis 1834, d'offrir de robustes béquilles aux défenseurs chancelants de la troupe libérale (bit.ly/2cHBWi6).

La Loi 99 exprime notre réalité. Une réalité qu'a reconnue Jean Chrétien lui-même en 1980 et en 1995 par sa participation aux camps du Non. Une réalité reconnue clairement par les juges de la Cour suprême en 1998. Une réalité niée par la Loi Dion sur la clarté référendaire en 2000. Une réalité - celle de notre droit d'exister comme peuple et de décider nous-mêmes de notre avenir collectif - qu'il faut continuer de défendre à tout prix!

Dans son avis de 1998, la Cour suprême avait noté ce qui suit: «Il faut bien faire la distinction entre le droit d'un peuple d'agir et son pouvoir d'agir. Ils ne sont pas identiques». Que le peuple du Québec ait ou non le droit de faire l'indépendance, il aura toujours le pouvoir de la faire. Contre la légalité constitutionnelle du pays. Et une telle démarche pourrait réussir si la communauté internationale reconnaît effectivement l'existence du nouvel État.

Mais il est toujours plus rassurant de s'appuyer sur de solides fondations juridiques. Or ce que l'on tente de faire présentement, en attaquant la Loi 99 devant les tribunaux, c'est justement de supprimer notre «droit d'agir» comme peuple. C'est fondamental. 






jeudi 15 septembre 2016

La médecine dans les colonies...

Après l'élection de 1962, celle du «Maîtres chez nous» des anciens libéraux, le gouvernement Lesage avait entrepris de nationaliser les compagnies d'électricité. Hydro-Québec devenait ainsi le maître-d'oeuvre des chantiers de la Manicouagan, et le ministre responsable, René Lévesque, avait décidé d'y imposer le français comme langue de travail à tous les niveaux. Jusque là, l'anglais dominait partout, de la chaîne de commandement à la documentation technique.

Quelle idée saugrenue… construire des barrages en français… Et pourtant, en deux ans à peine, les patrons unilingues anglais avaient été congédiés, les plans et devis étaient désormais rédigés en français, et la terminologie anglaise n'était plus, sur les immenses chantiers, que le mauvais souvenir d'une époque coloniale qui, espérait-on, achevait. L'expertise en génie pouvait parler français, autant que l'anglais. Il s'agissait de le vouloir et de prendre les moyens pour y arriver.

Aujourd'hui, un demi-siècle plus tard, on voudrait nous faire croire qu'il faut absolument connaître l'anglais pour devenir médecin. À entendre Philippe Couillard, Gaétan Barrette et leur propagandiste de l'heure, le Dr Gilles Brousseau de McGill, l'affaire est entendue. C'est évident. Pourquoi même en discuter? L'anglais fait partie de l'apprentissage d'un médecin au Québec. Si ce n'est pas dans la salle de classe, ce sera par les manuels scolaires et autres lectures obligatoires…

Mais c'est de la bouillie pour les chats!!! On se croirait de nouveau dans les bureaux très rhodésiens de la vieille Shawinigan Water and Power au début des années 1960…

À Paris, à Nantes, à Marseille, les étudiants deviennent médecins en français. Les Romains et Florentins font leurs études en italien. Les Madrilènes en espagnol. Les Moscovites en russe. Et cette médecine, on l'enseigne en chinois à Shanghai ou à Beijing, en allemand à Munich, en polonais à Varsovie, en grec à Athènes. Qu'un grand nombre de médecins de la planète comprennent l'anglais en 2016, j'en conviens, mais l'immense majorité d'entre eux ont appris à exercer la profession dans leur propre langue.

La médecine s'enseigne et s'apprend en français. Avec des professeurs et cliniciens francophones. Avec des manuels et une documentation en français. Si cela ne se fait pas ici, c'est que la volonté manque à l'appel. De toute évidence, elle n'y est guère à l'université McGill (après tout, c'est une université anglaise), et encore moins au sein de ce gouvernement, anglicisateur sans gêne et fossoyeur actif du Québec français depuis le règne de Jean Charest. Philippe Couillard l'a dit: il ne voit aucun problème à enseigner la médecine en anglais aux francophones de l'Outaouais…

Dans une lettre au quotidien Le Droit, publiée ce 15 septembre (bit.ly/2cXuvXs), les Dr Brousseau et Eidelman (doyen de médecine à McGill) y vont de leur version insidieuse du «C'est ça ou rien» de notre ineffable députée de Hull, Maryse Gaudreault. La formule est moins lapidaire mais tout aussi lourde de sens: «parfois, écrivent-ils, le mieux est l'ennemi du bien». Ça, ça veut dire: si vous y tenez en français sans compromis, vous n'aurez rien…

Et au cas où les colons québécois francophones (rien à voir avec les côlons…) n'auraient pas compris, nos deux sauveteurs de McGill rappellent pour la nième fois que «les diplômés en Outaouais, comme ceux de partout ailleurs au Québec, ont avantage à pouvoir maîtriser les deux langues pour comprendre la littérature scientifique qui leur est destinée et pour desservir avec sensibilité l'ensemble de la population québécoise». C'est à peu près exactement ce que nous disaient les barons anglos de l'électricité pour la technologie du génie il y a 55 ans…

Je vous garantis que si un groupe de chercheurs québécois trouve un jour le moyen de guérir une des multiples formes de cancer et publie en français seulement, la planète entière trouvera des traducteurs pour mettre leur découverte au service des patients de toutes les nations. Quant à «desservir avec sensibilité» l'ensemble de la population, j'ai appris ce que cela voulait dire quand j'étais Franco-Ontarien et qu'à chaque fois que j'allais dans un hôpital soi-disant bilingue, on me faisait comprendre que si je voulais des soins, j'avais avantage à accepter les services en anglais (le mieux, ennemi du bien…).

Alors voici ce qu'on servira aux étudiants francophones en médecine de l'Outaouais, à Gatineau, sous la férule de McGill en espérant ce jour lointain où, peut-être, si on a l'argent, si on a les ressources, si on a la volonté, l'enseignement sera donné en français… Pour le moment, ce sera 100% des cours (et non 50% comme on le rapporte) en anglais durant les premiers 18 mois d'un baccalauréat de quatre ans. Aux fins de clarté, j'entends par «cours» le temps passé en classe devant un professeur, ce dernier dispensant un enseignement qui servira de base à la poursuite de l'apprentissage. 

Le premier matin, à Gatineau, les étudiants seront bien assis devant leur écran et entendront peut-être leur prof à distance expliquer ce qui suit (ce texte est un extrait du site Web de la faculté de médecine de l'Université McGill, disponible en anglais seulement):

«The approach restricts formal classroom work to the mornings. Lectures are provided by selected faculty members with a demonstrated ability to summarize information and put it into context for health science professionals. Based on a centrally planned and coordinated curriculum, the content of the lectures is adapted to provide medical students with the vocabulary and background information they need for clinical work. The goal is to provide sufficient basic information to permit understanding of clinical material such as clinical biochemistry, pathology, pathophysiology and pharmacology.»

Après le lunch, pendant que la classe anglophone à Montréal mijote et échange à partir des propos du prof, dans la continuité culturelle du matin, les petits francophones de Gatineau vont devoir poursuivre en français armés de leurs dictionnaires de traduction et jonglant avec un double vocabulaire, toujours conscients que la référence, le point de repère, reste l'anglais. La barre sera plus haute pour eux, et le temps perdu à constamment traduire sera du temps occupé à acquérir d'autres connaissances dans la cohorte anglophone au campus de McGill…

Et ce sera comme cela pendant 18 mois… Ça n'a aucun sens, et il faut nous prendre pour des colonisés pour nous offrir sérieusement un tel régime… La lettre d'aujourd'hui des Dr Brousseau et Eidelman suinte d'ailleurs de cet ancien colonialisme anglo qui a marqué le Québec jusqu'aux années soixante…

Si McGill peut offrir «à terme» (quelle expression vague à souhait…) un enseignement 100% en français, elle peut le faire d'ici 2020 quand la faculté ouvrira ses portes. McGill souligne elle-même qu'elle a en mains «30 ans de collaboration fructueuse» avec l'Outaouais. Si durant ces 30 ans, et avec un préavis d'au moins six ans, sa capacité d'enseignement en français «n'existe pas» (ce sont eux qui le disent), permettez-nous un brin de scepticisme…

Ça ou rien? Le mieux ennemi du bien? Québec a la réponse, et les moyens de la mettre en oeuvre. Il ne manque que la colonne vertébrale…


vendredi 9 septembre 2016

Si la résistance ne s'organise pas...

Je me permets de relancer une fois de plus l'affaire de l'enseignement de la médecine en anglais à Gatineau. On me trouvera obstiné et teigne? Tant pis. Ce n'est pas une question de pourcentage d'instruction en français ou en anglais, c'est une question de principe.

Le maire de Gatineau, Maxime Pedneaud-Jobin, l'a posé très clairement, l'enjeu de principe. La citation est passée dans le beurre, sans susciter de réactions, à la fin d'un texte du quotidien Le Droit (bit.ly/2c5Tfrg). 

Voici ce qu'a déclaré notre maire souverainiste : «Il est important, au Québec, que les gens (on entend ici les francophones) puissent s'instruire dans leur langue.»

Si une telle déclaration avait été faite par un élu francophone d'Ottawa, de Sudbury, de Saint-Boniface, de Moncton, ou de quelque autre localité hors-Québec comptant une proportion appréciable de francophones, j'aurais trouvé cela tout à fait normal.

Là-bas, les majorités sont anglophones, les droits scolaires des Canadiens français et des Acadiens ont été abolis puis remis au compte-gouttes, et la bataille n'est pas terminée. Alors on revendique l'importance de pouvoir s'instruire dans sa langue…

Mais M. Pedneaud-Jobin est Québécois. Maire d'une municipalité à 80% francophone, dans un État à 80% francophone qui a fait de la langue française sa seule langue officielle. Se faire instruire dans sa langue, ça devrait aller de soi, non? Même à l'université? Même en médecine.

Plus j'y pense, plus je suis renversé par l'affirmation du maire de Gatineau. Et plus je suis renversé de voir qu'il est le seul élu de la région de l'Outaouais à avoir annoncé une position aussi audacieuse, aussi radicale… C'est absolument incroyable.

On est rendu au point d'utiliser le même argumentaire que les francophones hors-Québec pour pouvoir s'instruire en français au Québec. Bien sûr il s'agit d'une faculté de médecine dans une seule région, mais le principe est là. On oblige des francophones à fréquenter l'école anglaise!!!

J'aurais aimé entendre le maire, que j'estime beaucoup par ailleurs, employer des mots plus énergiques, plus lapidaires pour appuyer l'enseignement de la médecine en français dans la ville qu'il dirige.

Important? Pourquoi pas essentiel, primordial, indispensable, vital, fondamental? Ou tourner la chose autrement, en affirmant que l'enseignement obligatoire en anglais est inconcevable, impensable, intolérable, ou quelque autre «able» de même acabit? Sortez vos dictionnaires. Les mots matraques ne manquent pas.

En est-on vraiment rendu là? À revendiquer, au Québec même, notre droit de recevoir l'instruction en français à l'université, dans une faculté de médecine? Si ce droit peut être malmené là, ce n'est qu'une question de temps avant que des gouvernements anglicisateurs comme celui de Philippe Couillard le malmènent ailleurs. En génie, dans un cégep, puis éventuellement au secondaire et au primaire…

Les libéraux ont déjà tant de transformer toutes les sixièmes années des écoles primaires françaises en classes bilingues… Ce n'est pas comme si on n'avait pas été prévenu…

C'est désespérant. Pourquoi les Franco-Ontariens continueraient-ils à lutter pour leurs droits scolaires si le Québec - coeur de la francophonie nord-américaine - est en train de lâcher le français, morceau par morceau?

Pensez-y. Pensez-y longtemps. Si la résistance ne s'organise pas tout de suite, contre l'anglais intensif, contre la médecine en anglais à Gatineau, nous n'aurons pas seulement perdu un combat. Nous aurons commencé à perdre une guerre entreprise il y a plus de 250 ans...