samedi 26 septembre 2015

Les éternels laissés-pour-compte...

Photo Bernard Brault, La Presse

La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) trônait au-dessus des nombreuses voix ayant déploré à juste titre que les enjeux des collectivités de langue française hors-Québec aient été écartés du débat des chefs de jeudi. Comme organisme parapluie des francophones minoritaires du Canada, elle se devait cette fois de sonner la charge au nom des éternels laissés-pour-compte qu'elle regroupe et qu'elle porte dans un univers médiatique souvent teinté d'indifférence… voire d'hostilité.

Mais franchement - et là je m'adresse aux dirigeants de la FCFA - étiez-vous vraiment surpris? Vous faites bien de trépigner d'indignation, mais avouez-le, vous vous y attendiez… au moins un tout petit peu. C'était le seul débat en français à Radio-Canada, et la liste de thèmes disponibles aurait pu remplir une encyclopédie. Face aux effets potentiels d'une récession, au prix et au transport du pétrole, aux changements climatiques, aux crises internationales, aux atteintes à la démocratie et j'en passe, le sort de la diaspora canadienne-française-acadienne apparaît peu sur les radars.

Et vous aviez sur le plateau du débat cinq chefs avec 20 ou 25 minutes (au total) chacun pour séduire cette mini fraction de l'électorat qui fera la différence entre victoire et défaite, le 19 octobre. Aucun n'a vécu les multiples situations qui peuvent façonner le quotidien des francophones hors-Québec selon qu'on habite la péninsule acadienne, une ville ontarienne ou un village franco-manitobain. Quatre des chefs ont l'anglais comme langue première (j'inclus Justin Trudeau) et le cinquième, tout sympathique qu'il puisse être aux doléances des francophones minoritaires, milite pour l'indépendance du Québec. Ses priorités sont nettement ailleurs.

Et pourtant, il me semble que dans cette toile d'intérêts parfois divergents, parfois moins, il aurait été possible de faufiler les priorités de la FCFA et de ses organismes membres. Comment? En démontrant que les barrières dressées devant la francophonie hors-Québec - les barrières relevant de la compétence fédérale, ou résultant de l'ingérence (ou non-ingérence) fédérale - sont souvent celles qui empêchent aussi un renforcement du français au Québec. Il faudrait d'ailleurs marteler ce clou jour après jour, mois après mois, année après année...

On n'a qu'à feuilleter les rapports annuels ou ponctuels du Commissaire fédéral aux langues officielles pour se rendre compte que le Québécois francophone, tout autant que le Franco-Ontarien ou l'Acadien, a souvent de la difficulté à obtenir des services en français d'institutions fédérales ou, pire, à travailler dans sa langue au sein de la fonction publique fédérale. Ce ne sont là que deux exemples mais on pourrait en énumérer bien d'autres pour faire la preuve que les parlant-français du Québec et ceux des autres provinces font face à des adversaires communs sur le plan linguistique et culturel.

Il y a à peine quelques mois, l'ancienne présidente de la FCFA, Marie-France Kenny, avait lancédevant un comité parlementaire un cri du coeur qui avait presque percé le mur d'indifférence et d'hostilité médiatique qui entoure les interventions des minorités de langue française. Elle avait notamment affirmé que la Loi sur les langues officielles ne comptait pas parmi les lois les moins respectées au pays mais qu'elle était bel et bien la loi LA MOINS RESPECTÉE.

Le gouvernement canadien a opposé les tentatives du Québec d'affirmer sa spécifié linguistique et culturelle, refuse de soumettre les entreprises sous juridiction fédérale à la Loi 101, laisse la Loi sur les langues officielles pourrir sous un amas d'infractions, néglige les avant-postes de la francophonie qu'il a le devoir de protéger… Le premier ministre et les aspirants à le remplacer méritent pleinement d'être interrogés dans un débat des chefs sur la performance fédérale en matière de dualité linguistique, 50 ans après la Commission B-B, deux ans avant qu'ils nous invitent à «célébrer» les 150 ans du pacte fédéral…

La francophonie s'effrite au Canada - y compris au Québec… Les recensements fédéraux en attestent. Notre proportion de la population diminue constamment depuis plus d'un demi-siècle et les taux d'assimilation augmentent de façon inquiétante… même dans certaines régions du Québec. Notre existence comme collectivité est en péril, et peu importe le choix que feront éventuellement les Québécois quant au lien avec le reste du pays, les francophones de Rimouski, Moncton et St-Boniface peuvent - et doivent - faire front commun à l'occasion.

Le gouvernement fédéral a toujours été et sera toujours le gouvernement de la majorité anglophone du Canada. Il constitue le plus souvent un obstacle pour les francophones, peu importe leur province. Quand, dans un débat des chefs, les participants seront interpellés là-dessus, les enjeux linguistiques et culturels des francophones hors-Québec passeront à l'avant-scène…



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