vendredi 11 septembre 2015

Le Bloc devant les «Ben voyons donc…»


Perdre loyalement un argument, j'accepte. C'est plus plaisant gagner, bien sûr, mais on conserve quand même dans la défaite le plaisir de l'échange... et des enseignements pour le prochain débat. Ce que je n'accepte pas, c'est le refus d'argumenter, le rejet du dialogue, de la communication… Et c'est justement le principal obstacle que rencontrent présentement les partisans du Bloc québécois et de sa pertinence (dont moi) quand une discussion s'amorce sur les enjeux de l'élection fédérale du 19 octobre.

Comment m'expliquer? Tiens… avez-vous déjà écouté le numéro des anciens Cyniques (ça remonte aux années 1960, ça paraît que je suis vieux) sur les interjections? Ils finissent leur sketch avec une illustration percutante de l'étroitesse d'esprit (l'«étroit d'esprit» lançant un Vas donc chier! bien senti à son interlocuteur) et de la lucidité (un gros et gras éclat de rire témoignant du scepticisme et de l'incrédulité du «lucide» devant les propos entendus)…

C'est un peu la réaction de trop de gens quand on tente de les convaincre de la valeur d'appuyer le Bloc québécois, qui oscille par les temps qui courent à moins de 20% des intentions de vote dans les sondages. Et de toute évidence, ça ne décolle pas… ou peu, du moins pour le moment. Oh, remarquez, des milliers de voix à l'appui du Bloc se font entendre dans les médias sociaux, et même à l'occasion dans les tribunes des grands médias, mais un mur s'est dressé devant cette immense majorité québécoise qui semble avoir opté surtout pour le NPD, mais aussi pour les conservateurs, libéraux et verts.

Un mur de «lucidité», d'«étroitesse d'esprit»? Si c'est le cas, c'est un mur fabriqué de béton armé. Il sera difficile d'y percer des brèches. Les composantes de cet agrégat sont multiples et s'agglutinent dans le substrat de l'opinion publique depuis des années avec l'aide des pages et des écrans d'opinion des empires médiatiques. L'indépendance, c'est un projet du passé. Le Bloc a fait son temps. Gilles Duceppe est un «has-been». Le français n'est plus en danger. La constitution, ce ne sont que des «vieilles chicanes». Etc. Etc. Chaque élément renforce les autres… qu'il soit fondé ou pas.

Le résultat, on le voit tous les jours dans les réactions des gens. «Tu votes Bloc? Ben voyons donc…» Comme s'il était parfaitement évident que cette option est ridicule, au point où il n'y a même plus lieu d'amorcer une discussion là-dessus. Non seulement conclut-on massivement à la non-pertinence du Bloc Québécois (et, jusqu'à un certain point, de sa cause), mais on va jusqu'à affirmer la non-pertinence d'en discuter. Trop d'esprits sont fermés au nom d'une soi-disant «lucidité» qui chasse le Bloc de l'éventail des options jugées «réalistes».  

L'éditorialiste Antoine Robitaille, du Devoir, a effleuré ce phénomène dans sa conclusion (http://bit.ly/1K1CSrz), ce matin, quand il écrit: «La critique du régime est formulée par des souverainistes. (..) Au lieu de se révolter contre ce régime politique bricolé qu'est le Dominion canadien ou contre le fait qu'on y viole la Constitution à qui mieux mieux, plusieurs Québécois se tournent vers les seuls qui osent encore critiquer… et les condamnent. Leur disent de se taire.» L'important, ici, ce n'est pas la condamnation, mais bien l'ordonnance «de se taire».

À ceux et celles qui pourraient être tentés de dire que je suis moi-même étroit d'esprit et que je manque de lucidité, je dis: parfait, venez me voir, nous en discuterons. Nous aurons un bon et vigoureux échange. Si je perds, je perds. Si je gagne, je gagne. Si c'est un match nul, on se reprendra.

Mais à ceux et celles qui n'ont qu'un «ben voyons donc…» ou un «ça se peut-tu ?» à répondre, à ceux et celles pour qui certaines choses paraissent évidentes au point d'écarter toute discussion ou remise en question (partisans et adversaires du Bloc inclus), je dis: votre silence, s'il devient majoritaire, mènera notre démocratie et notre nation droit au précipice…



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire