vendredi 22 mai 2015

Facebook et l'Ontario français...


Les réseaux sociaux, Facebook en particulier à cause de son très grand nombre d'abonnés, se prêtent admirablement bien à la communication entre Franco-Ontariens. Ailleurs aussi bien sûr… Mais pour ceux et celles qui peinent à s'imaginer la vraie réalité de l'Ontario français, on n'insistera jamais trop sur l'immensité du territoire couvert par une minorité dont les effectifs varient entre 300 000 et 600 000 selon les sources que l'on choisit… Entre Hawkesbury et Hearst, c'est 1000 km de route… Comme aller de Valleyfield à Gaspé…

Faut-il ajouter qu'à l'extérieur de grands enjeux communs d'ordre provincial ou national, les individus et collectivités francophones du sud, de l'est et du nord ontariens se connaissent peu et ont rarement l'occasion de se rencontrer… Or, voilà qu'avec l'Internet, et encore davantage avec l'explosion des médias sociaux, le Web permet à tous, toutes de s'écrire, de se parler, de se voir, de se comparer, d'entamer des discussions et des débats. Ce potentiel a été, jusqu'à maintenant, sous-utilisé mais en ce début du 21e siècle, l'histoire évolue en accéléré…

L'an dernier, une nouvelle page intitulée «Fier d'être Franco-Ontarien/Fière d'être Franco-Ontarienne» est apparue sur le réseau Facebook, et après avoir trouvé graduellement son erre d'aller, connaît ces jours-ci une croissance stupéfiante. Le nombre de membres est passé d'environ 2600 (c'est déjà impressionnant) à plus de 3100 entre le 22 avril et aujourd'hui, 22 mai 2015. Peu de carrefours franco-ontariens - physiques ou virtuels - peuvent s'enorgueillir d'accueillir autant de visiteurs de tous les coins de la province.

Cette semaine, Jean-Pierre Monette, un résident d'Embrun (maintenant un secteur de la municipalité de Russell), à l'est d'Ottawa, a utilisé cette page Facebook pour «décompresser» comme il dit… en dénonçant trois situations qu'il avait lui-même constatées dans son patelin et sans doute ailleurs dans cette région traditionnellement franco-ontarienne. Je le cite ci-dessous:

1. «De nos jours, j'ai de la difficulté à me faire servir dans la langue (le français) qui avait une dominance forte dans l'est de l'Ontario. Que s'est-il passé?»
2. «Je me balade de temps à autre sur la rue St-Jacques et je passe devant l'école secondaire d'Embrun où les élèves prennent leur pause… à chaque fois que je passe, ils se parlent en anglais… tout le temps.»
3. «Les jeunes employés de notre épicerie parlent seulement en anglais quand je m'adresse en français et je sais en effet qu'ils sont francophones. C'est complètement inouï de voir ce comportement.»

La présence d'unilingues anglais dans les commerces de localités à majorité franco-ontarienne, l'assimilation d'une partie importante de la jeune génération de francophones et les difficultés de maintenir une ambiance francophone dans les écoles primaires et secondaires ont déjà été documentées, et ont même à l'occasion été dénoncées dans quelques grands médias. Puis rien… on revient vite à la ligne officielle et dominante des lunettes roses… C'est plus plaisant de dire que tout va bien…

Mais le cri du coeur de M. Monette n'a pas noirci les pages du Droit ou les ondes de Radio-Canada ou de TFO… Il est tombé comme une pierre lourde dans les eaux calmes du matin du 19 mai, sur la page Facebook «Fier d'être Franco-Ontarien/Fière d'être Franco-Ontarienne»… et a fait des vagues. Le jour même, le lendemain et le surlendemain, au-delà de 85 mentions «J'aime» et 11 partages, une quarantaine de commentaires se sont empilés à la suite du texte de Jean-Pierre Monette. La preuve que ce dernier avait touché une corde sensible…

Cette discussion, entretenue par environ 25 personnes qui, pour la plupart, ne se connaissent pas et ne se rencontreront peut-être jamais, faisait le tour du problème soulevé par M. Monette en y ajoutant des exemples d'ailleurs dans l'Est ontarien, et même de l'extérieur de l'Ontario, ainsi qu'un diagnostic des causes de l'anglicisation et l'ébauche de pistes de solution et d'actions. Le tout témoignait d'une volonté d'en discuter, d'une conscience de la réalité, et du désir de faire quelque chose pour protéger la langue et la culture française dans cette région de l'Ontario.

La qualité du dialogue amorcé par ce groupe d'abonnés Facebook valait bien les propos savants de chercheurs et les discours de politiciens et dirigeants… D'ailleurs les chercheurs, dirigeants et politiciens auraient avantage à suivre les échanges dans les réseaux sociaux… où on décortique sans gêne la vie quotidienne… Une chose m'apparaît sure: l'éveil de groupes franco-ontariens dans les réseaux sociaux (REFO, Franco-Ontariens du Nord, Les Elles du Nord, et d'autres sans doute) ne peut qu'être positif, surtout s'il ne craint pas d'identifier les vrais bobos et d'en tirer des stratégies en conséquence sur le terrain.

Certains, certaines, participent fréquemment à de tels échanges sur Facebook. Mais pour d'autres, ce peut être une première, et il peut en résulter une prise de conscience. Je termine avec ce commentaire d'un intervenant, lourd de sens quant au passé vécu de l'individu, qui a vécu au Manitoba et en Saskatchewan… «En passant, écrit-il, je suis maintenant un fier Franco-Ontarien.» Et celle-ci, qui lance au groupe: «C'est jamais trop tard, faut continuer à foncer!»

À 3000 membres et plus, la page «Fier d'être Franco-Ontarien/Fière d'être Franco-Ontarienne» peut désormais être considérée comme un phénomène social… À 10 000 membres, elle deviendrait un phénomène social d'envergure… Reste à voir comment ces carrefours de plus en plus fréquentés des réseaux sociaux pourraient transformer la réalité à Embrun, Hawkesbury, Ottawa, Sudbury, Timmins, Kapuskasing ou Hearst… 








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