Le thème de la peur, omniprésent dans la campagne électorale.
La peur fait partie de mon environnement familial et social depuis ma naissance. D'abord comme Franco-Ontarien, jusqu'aux années 1970, puis comme Québécois de l'Outaouais depuis. J'ai eu peur souvent quand j'étais petit, et je continue à avoir peur, parfois. C'est sans doute un sentiment normal quand on sent une menace - physique, économique ou autre - qui pèse sur soi, sur sa famille ou sur des amis et concitoyens. Le problème survient quand cette peur nous domine, nous gouverne et nous empêche d'agir selon nos principes et notre conscience.
La peur fait partie de mon environnement familial et social depuis ma naissance. D'abord comme Franco-Ontarien, jusqu'aux années 1970, puis comme Québécois de l'Outaouais depuis. J'ai eu peur souvent quand j'étais petit, et je continue à avoir peur, parfois. C'est sans doute un sentiment normal quand on sent une menace - physique, économique ou autre - qui pèse sur soi, sur sa famille ou sur des amis et concitoyens. Le problème survient quand cette peur nous domine, nous gouverne et nous empêche d'agir selon nos principes et notre conscience.
Tout humain aspire à vivre heureux, en paix, en harmonie avec son entourage. Aussi, quand on se sent obligé de poser un geste qui puisse perturber cette perception de paix et de bonheur, un stress, une anxiété, une certaine peur se manifestent. Combien de fois garde-t-on le silence, tait-on ses opinions, nous rallions-nous sans conviction à l'opinion majoritaire pour éviter un argument avec des proches, des collègues ou des amis? Combien de fois s'abstient-on de dénoncer une injustice ou un abus, ou de réclamer un droit parce que cela risque de créer un conflit? Ça arrive à tout le monde, non?
Oui, bien sûr. Et ce n'est pas nécessairement grave, en soi. Il faut cependant s'inquiéter quand on n'arrive plus à surmonter cette peur, quand elle nous paralyse, quand elle nous empêche d'agir, et quand ceux et celles qui voudraient nous influencer apprennent à utiliser cette peur à leurs fins. Individuellement, et pire, collectivement. Ici, sur les deux rives de l'Outaouais, nous (je parle de nous, francophones) sommes spécialistes de la peur. Tous, toutes la connaissent intimement. Une minorité a appris à l'affronter et à la dompter. La majorité, malheureusement...
Une personne qui vit à Québec, Rimouski ou Saguenay peut difficilement savoir quelles formes la peur peut prendre, ici, à la frontière du Canada anglais.
En Ontario
Mettez-vous dans la peau d'un Franco-Ontarien. Vous êtes à Orléans (secteur est d'Ottawa) où près de 40% de la population est francophone. Vous entrez dans un Tim Hortons, où l'affichage est unilingue anglais. Allez-vous vous adresser au préposé en français, sachant qu'il y a de fortes chances qu'il soit anglophone unilingue, ou placer votre commande en anglais (plus facile)? Et si vous parlez français et qu'il ne peut vous servir dans votre langue, allez-vous protester et risquer ainsi une chicane? Vous voulez un café, pas une guerre linguistique... Y a-t-il ici un élément de peur qui interviendra?
Vous arrivez à un bureau municipal à Ottawa, ou à un établissement de santé, ayant besoin d'un service immédiat ou rapide. Pour vous, pour votre famille, pour vos enfants. Allez-vous insister pour obtenir un préposé qui parle français, au risque de retarder votre démarche et de susciter un élan de mauvaise humeur chez le préposé anglophone? Dans un restaurant du centre-ville d'Ottawa, allez-vous signaler au serveur que le menu est unilingue anglais et lui demanderez-vous d'être servi en français? Vous êtes un groupe de francophones auquel se joint un anglophone : allez-vous continuer la conversation en français, ou immédiatement passer à l'anglais pour éviter un froid ?
Dans la quasi-totalité de ces situations, la crainte de créer une chicane ou d'empirer un problème empêchera de nombreux francophones de s'affirmer, surtout dans le climat actuel de francophobie parfois hystérique. Or ces situations surviennent tous les jours, et usent à la longue une volonté déjà fragile de résistance. Surtout qu'en Ontario, les anglophones sont très majoritaires et unilingues, et détiennent tous les leviers du pouvoir...
Au Québec
L'Ontario déteint sur l'Outaouais, particulièrement dans le Pontiac, déjà fortement anglicisé, et dans la région urbaine de Gatineau. Des milliers de Gatinois travaillent, très souvent en anglais, dans la fonction publique fédérale où, théoriquement, ils ont le droit de réclamer le français comme langue de travail (cela vaut aussi pour les Franco-Ontariens). Mais combien auront suffisamment de conviction et de courage pour surmonter la peur d'envenimer le climat de travail, de mettre en péril d'éventuelles promotions ou, pire, dans le climat harpérien actuel, risquer de perdre leur emploi? La question est posée, et la réponse s'impose... On s'habituera à se voir imposer l'anglais...
Gatineau est la ville-soeur d'Ottawa, à laquelle son économie est intimement liée. Toute velléité d'affirmation autonomiste ou souverainiste, voire francophone, du Québec fait vite ressortir les scénarios habituels de catastrophe, qu'ils soient fondés ou pas... pertes d'emploi, baisse dramatique de la valeur des maisons, conflits avec les anglophones, etc... Quand une famille dépend d'un emploi à Ottawa ou au gouvernement fédéral, quand la maison constitue la principale possession, on peut comprendre que tout ce qui puisse être perçu comme une menace à cette stabilité engendre la peur... Et certains s'en servent sans trop de scrupules...
Le statu quo
La peur, surtout la peur collective, paralyse et favorise un statu quo qui consacre, à chaque recensement quinquennal, notre déclin collectif en Ontario et dans les secteurs à dynamique anglicisante de la région de l'Outaouais québécois (ainsi que dans la grande région montréalaise). Les Franco-Ontariens finiront par atteindre un jour le point de non-retour, bien avant les francophones de l'Outaouais sans doute, mais les deux groupes connaissent un effritement identitaire quantifiable qui s'accélère.
Les solutions qui permettraient de donner un bon coup de barre peuvent faire peur. Surtout celles qui touchent au statut constitutionnel du Québec. Mais nos devoirs de citoyens et notre appartenance à cette nation francophone nord-américaine exigent qu'on dépasse le stade de la peur primaire et qu'on regarde l'avenir en face. La perception de ceux et celles qui utilisent l'arme de la peur, c'est qu'ils ont affaire à une bande de peureux... Qu'en est-il?
Les générations précédentes, celles de nos ancêtres, ont affronté et surmonté avec courage des obstacles de tous genres pour nous offrir l'occasion, un jour, d'être collectivement maîtres de notre destin. Il faut souhaiter que les choix que nous ferons seront dictés par des sentiments plus nobles que la peur...
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