lundi 31 mars 2014

Des Grands Lacs à la Route 11...

À ceux et celles qui s'intéressent aux histoires de la francophonie hors-Québec, je propose deux groupes Facebook qu'on m'a fait récemment découvrir.

1. Le premier met l'accent sur les Canadiens français (et leurs ancêtres et descendants) de la région des Grands Lacs - surtout aux États-Unis mais aussi en Ontario. C'est un site bilingue et instructif.

La page d'accueil porte le titre « Great Lakes French-Canadians », à l'adresse https://www.facebook.com/groups/FCCAGL/.
Voici le texte de présentation :

«Bienvenue sur notre forum ! Veuillez voir notre site web pour tous projets qui célèbrent la présence canadienne-française dans la région des Grands Lacs :https://voyageurheritage.wordpress.com/incluant « The Storykeepers Project ».

Ce forum fait partie d’un projet de l’Alliance Culturelle Canadienne-Française des Grands Lacs, une association informelle à base de bénévoles consacrée à la sensibilisation de notre communauté et héritage. Notre but est d’élargir la conscience et la participation dans la vie canadienne-française culturelle.

Nous encourageons la discussion de la culture canadienne-française contemporaine et historique de la région occidentale des Grands Lacs, la région incorporant les états suivants : Illinois, Indiana, Michigan, Minnesota, Ohio, Wisconsin, et la province de l’Ontario

Les administrateurs du groupe sont James LaForest, Suzanne Beauregard, Anne Anderson, et Jon Tremblay. La langage incendiaire ne se tolérera pas. Veuillez garder les fils de discussion en conformité avec le sujet original pour l’avantage de tous les membres.

Tout le monde, soit unilingue soit bilingue, est le bienvenu !

#frcan #FrenchCanadian #GreatLakes #metis #michigan #wisconsin #indiana #ohio #minnesota #missouri #illinois #ontario »


2. Le deuxième groupe s'appelle « Les Elles du Nord », portant sur les « Femmes de la route 11 », cette route du Nord ontarien, entre North Bay et Hearst et plus loin encore, où les francophones sont encore aujourd'hui souvent majoritaires. Voici l'adresse (https://www.facebook.com/pages/LES-ELLES-DU-NORD/315242878575082 )le texte de présentation :

« Découvrez l'histoire des femmes du Nord de l'Ontario (routes du Nord dont la 11, 17, 66, 101, etc.) depuis les années 1880 jusqu'à aujourd'hui.

Découvrez également le patrimoine des Franco-Ontariennes des quatre coins de la province (citations, prix, honneurs, distinctions, histoire), ainsi que des éléments de l'histoire de l'Ontario-Nord et de l'histoire du Canada.

Recherche, rédaction et administration de cette page Facebook : JEANNINE OUELLETTE (originaire de Kapuskasing).

Pour de plus amples informations au sujet de l’auteure du blogue, visitez les sites suivants :

http://unebonnesante.ca/index.html
http://unebonnesante.wordpress.com/
http://womeninottawa.blogspot.ca/
http://tableaudevie.wordpress.com/
www.triyana.ca

VOUS POUVEZ NOUS SUIVRE SUR TWITTER @triyana_3 et sur LinkedIn »


Bonne lecture et belles découvertes ! et si vous trouvez d'autres pages du genre, n'hésitez pas à m'en informer ! Merci d'avance !

vendredi 28 mars 2014

L'arme de la peur...

        Le thème de la peur, omniprésent dans la campagne électorale.

La peur fait partie de mon environnement familial et social depuis ma naissance. D'abord comme Franco-Ontarien, jusqu'aux années 1970, puis comme Québécois de l'Outaouais depuis. J'ai eu peur souvent quand j'étais petit, et je continue à avoir peur, parfois. C'est sans doute un sentiment normal quand on sent une menace - physique, économique ou autre - qui pèse sur soi, sur sa famille ou sur des amis et concitoyens. Le problème survient quand cette peur nous domine, nous gouverne et nous empêche d'agir selon nos principes et notre conscience.

Tout humain aspire à vivre heureux, en paix, en harmonie avec son entourage. Aussi, quand on se sent obligé de poser un geste qui puisse perturber cette perception de paix et de bonheur, un stress, une anxiété, une certaine peur se manifestent. Combien de fois garde-t-on le silence, tait-on ses opinions, nous rallions-nous sans conviction à l'opinion majoritaire pour éviter un argument avec des proches, des collègues ou des amis? Combien de fois s'abstient-on de dénoncer une injustice ou un abus, ou de réclamer un droit parce que cela risque de créer un conflit? Ça arrive à tout le monde, non?

Oui, bien sûr. Et ce n'est pas nécessairement grave, en soi. Il faut cependant s'inquiéter quand on n'arrive plus à surmonter cette peur, quand elle nous paralyse, quand elle nous empêche d'agir, et quand ceux et celles qui voudraient nous influencer apprennent à utiliser cette peur à leurs fins. Individuellement, et pire, collectivement. Ici, sur les deux rives de l'Outaouais, nous (je parle de nous, francophones) sommes spécialistes de la peur. Tous, toutes la connaissent intimement. Une minorité a appris à l'affronter et à la dompter. La majorité, malheureusement...

Une personne qui vit à Québec, Rimouski ou Saguenay peut difficilement savoir quelles formes la peur peut prendre, ici, à la frontière du Canada anglais.

En Ontario

Mettez-vous dans la peau d'un Franco-Ontarien. Vous êtes à Orléans (secteur est d'Ottawa) où près de 40% de la population est francophone. Vous entrez dans un Tim Hortons, où l'affichage est unilingue anglais. Allez-vous vous adresser au préposé en français, sachant qu'il y a de fortes chances qu'il soit anglophone unilingue, ou placer votre commande en anglais (plus facile)? Et si vous parlez français et qu'il ne peut vous servir dans votre langue, allez-vous protester et risquer ainsi une chicane? Vous voulez un café, pas une guerre linguistique... Y a-t-il ici un élément de peur qui interviendra?

Vous arrivez à un bureau municipal à Ottawa, ou à un établissement de santé, ayant besoin d'un service immédiat ou rapide. Pour vous, pour votre famille, pour vos enfants. Allez-vous insister pour obtenir un préposé qui parle français, au risque de retarder votre démarche et de susciter un élan de mauvaise humeur chez le préposé anglophone? Dans un restaurant du centre-ville d'Ottawa, allez-vous signaler au serveur que le menu est unilingue anglais et lui demanderez-vous d'être servi en français? Vous êtes un groupe de francophones auquel se joint un anglophone : allez-vous continuer la conversation en français, ou immédiatement passer à l'anglais pour éviter un froid ?

Dans la quasi-totalité de ces situations, la crainte de créer une chicane ou d'empirer un problème empêchera de nombreux francophones de s'affirmer, surtout dans le climat actuel de francophobie parfois hystérique. Or ces situations surviennent tous les jours, et usent à la longue une volonté déjà fragile de résistance. Surtout qu'en Ontario, les anglophones sont très majoritaires et unilingues, et détiennent tous les leviers du pouvoir...

Au Québec

L'Ontario déteint sur l'Outaouais, particulièrement dans le Pontiac, déjà fortement anglicisé, et dans la région urbaine de Gatineau. Des milliers de Gatinois travaillent, très souvent en anglais, dans la fonction publique fédérale où, théoriquement, ils ont le droit de réclamer le français comme langue de travail (cela vaut aussi pour les Franco-Ontariens). Mais combien auront suffisamment de conviction et de courage pour surmonter la peur d'envenimer le climat de travail, de mettre en péril d'éventuelles promotions ou, pire, dans le climat harpérien actuel, risquer de perdre leur emploi? La question est posée, et la réponse s'impose... On s'habituera à se voir imposer l'anglais...

Gatineau est la ville-soeur d'Ottawa, à laquelle son économie est intimement liée. Toute velléité d'affirmation autonomiste ou souverainiste, voire francophone, du Québec fait vite ressortir les scénarios habituels de catastrophe, qu'ils soient fondés ou pas... pertes d'emploi, baisse dramatique de la valeur des maisons, conflits avec les anglophones, etc... Quand une famille dépend d'un emploi à Ottawa ou au gouvernement fédéral, quand la maison constitue la principale possession, on peut comprendre que tout ce qui puisse être perçu comme une menace à cette stabilité engendre la peur... Et certains s'en servent sans trop de scrupules...

Le statu quo

La peur, surtout la peur collective, paralyse et favorise un statu quo qui consacre, à chaque recensement quinquennal, notre déclin collectif en Ontario et dans les secteurs à dynamique anglicisante de la région de l'Outaouais québécois (ainsi que dans la grande région montréalaise). Les Franco-Ontariens finiront par atteindre un jour le point de non-retour, bien avant les francophones de l'Outaouais sans doute, mais les deux groupes connaissent un effritement identitaire quantifiable qui s'accélère.

Les solutions qui permettraient de donner un bon coup de barre peuvent faire peur. Surtout celles qui touchent au statut constitutionnel du Québec. Mais nos devoirs de citoyens et notre appartenance à cette nation francophone nord-américaine exigent qu'on dépasse le stade de la peur primaire et qu'on regarde l'avenir en face. La perception de ceux et celles qui utilisent l'arme de la peur, c'est qu'ils ont affaire à une bande de peureux... Qu'en est-il?

Les générations précédentes, celles de nos ancêtres, ont affronté et surmonté avec courage des obstacles de tous genres pour nous offrir l'occasion, un jour, d'être collectivement maîtres de notre destin. Il faut souhaiter que les choix que nous ferons seront dictés par des sentiments plus nobles que la peur...



   









lundi 24 mars 2014

Les avis de décès...



À l'époque de mes grands-parents, les morts étaient le plus souvent exposés dans la maison familiale. Je ne me souviens pas de ça. C'était avant mon temps. Mais quand j'étais plus jeune, disons jusqu'aux années 1970, les personnes décédées étaient exposées pendant trois jours à un salon funéraire dans un cercueil ouvert. Famille et amis s'y côtoyaient jour et soir, jusqu'au service à l'église, dans un exercice de deuil à mi-chemin entre la tristesse des adieux et un party bien arrosé...

L'accueil donnait l'occasion de saluer les proches, et de brailler comme il se doit avec les survivants en se remémorant quelques bons moments de la vie du défunt ainsi que l'agonie des derniers jours. Par la suite, cependant, une partie de l'action se transportait au fumoir où l'odeur de l'alcool concurrençait souvent celles de la cigarette, de la pipe ou du cigare... Après trois jours de retrouvailles, après avoir posé la main une dernière fois sur le visage ou les mains froides du défunt, après les paroles d'espoir du curé à l'église, après les ultimes larmes et les sourires du départ, chacun, chacune avait vécu son deuil.

Ces jours-ci, tout cela semble avoir disparu. Je regarde tous les jours les avis de décès dans Le Droit (à 67 ans on fait ça religieusement) et j'ai souvent l'impression que les anciens rituels n'ont plus cours, et que peu de jeunes d'aujourd'hui (disons, les 40 ans et moins) auront l'occasion de voir le corps d'un proche décédé. Le plus souvent, ils contempleront une urne contenant des cendres, ou rien du tout. Samedi, 22 mars, j'ai passé la section nécrologique au peigne fin pour vérifier mes «impressions»... Il y avait au total 21 avis de décès, et  si cette journée était typique des autres, les choses ont bien changé depuis ma jeunesse...

D'abord, contrairement aux temps plus anciens, les décès ne sont pas annoncés dès le lendemain ou le surlendemain. Dans l'édition du samedi 22 mars, un seul défunt était mort l'avant-veille. Environs la moitié étaient décédés, trois, quatre, cinq ou six jours avant la parution dans le journal. Quelques-uns étaient morts depuis une semaine ou deux, et d'autres depuis trois semaines ou plus. Une personne était décédée le 18 février, plus d'un mois avant l'avis de décès... J'ai vite compris que la publication de l'avis était davantage liée à la date de la cérémonie ou du service religieux que la date du décès.

Bien sûr, compte tenu des délais entre la mort et les avis, les corps ne sont généralement pas exposés. Certains sont inhumés avant la cérémonie, et la majorité des services ont lieu en présence de cendres. Une seule des 21 personnes décédées était exposée, pour une soirée et un matin, dans un cercueil ouvert au salon funéraire. Il n'y avait qu'une seule autre exposition, et c'était en présence de l'urne, pas du cercueil. Pour les 19 autres décès, il n'y avait pas de visites au salon... Plutôt que de voir le corps, on placera à la cérémonie une photo ou plusieurs photos, ou encore des albums photos ou des vidéos...

Quant au service, qui avait toujours lieu à l'église, jadis, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Pour quelques-uns, il n'y avait aucune cérémonie. Environ le quart des services commémoratifs avaient lieu au salon funéraire. La majorité des services étaient cependant religieux, quoiqu'il ne s'agit pas toujours de messes. Certains se limitent à des liturgies de la parole.

Comme plus de 90% des catholiques d'ici ne pratiquent plus, c'est souvent la première fois depuis longtemps que les gens mettent les pieds dans une église. La plupart connaissent peu ou pas les prières, guettent leurs voisins pour savoir quand il faut se lever, s'asseoir, s'agenouiller... Le seul moment où ils se retrouvent en terrain connu, c'est quand un membre de la famille rend hommage au défunt. C'est le moment le plus attendu. Et encore là, récemment, l'Archidiocèse d'Ottawa a proposé d'interdire ces témoignages qui n'ont rien d'essentiellement religieux...

À ces services, la famille reçoit habituellement les condoléances de parents et amis avant la cérémonie, et le tout est suivi - dans une salle du salon funéraire ou au sous-sol de l'église - par une heure ou deux de salutations avec collation, jus et café. Jadis, parents et amis avaient trois jours pour renouer, pour échanger, pour pleurer et rire ensemble. Les enfants, qu'on voit peu aujourd'hui dans les salons et les funérailles, accompagnaient autrefois leurs parents au salon funéraire et y faisaient pendant quelques jours l'apprentissage de la mort, des cercueils, du deuil de leurs aînés. La mort devenait pour eux un élément du cycle de la vie.

L'impression que tout cela me laisse, c'est qu'en chemin, on a perdu quelque chose d'important. Les anciens rituels ont disparu. Il il se déroule parfois une, deux, trois semaines ou plus avant que les proches et amis se rassemblent, pour quelques heures tout au plus, en mémoire du défunt, devant une urne ou une photo. Évidemment, le monde a bien changé, mais pour célébrer la vie et le départ d'un être cher avec qui on a passé une partie de notre existence, et parfois une grande partie de notre séjour terrestre, est-ce suffisant?

Sans doute n'avons-nous plus le choix d'agir ainsi... Tout de même... 




samedi 22 mars 2014

Tous contre le PQ ?

                          Vraiment?

Le Parti québécois, durant cette campagne électorale (et, sans doute, durant toute campagne électorale ou référendaire), a contre lui :

* l'ensemble des pages éditoriales francophones du Québec (à l'exception, et pas toujours, du Devoir) ainsi que la grande majorité des chroniqueurs des médias nationaux et régionaux;

* la quasi impossibilité d'assurer une couverture efficace de sa campagne (pas le seul parti dans cette situation, toutefois) à cause de l'agenda des médias imprimés et électroniques, et de la publication incessante de sondages médiatiques qui viennent indûment perturber toute la dynamique des campagnes électorales;

* l'ensemble des pages éditoriales, des chroniqueurs et des salles de rédaction des médias anglo-québécois et anglo-canadiens, ouvertement hostiles et plus que parfois hystériques, ayant diabolisé les «séparatistes» et tout ce qui s'en rapproche;

* tous les partis d'opposition (y compris Québec Solidaire) qui semblent avoir fait du PQ le seul ennemi qu'il faut vraiment abattre;

* tous les partis fédéraux, qui sont tout sauf neutres dans cette campagne, et l'ensemble de l'appareil fédéral sous la gouverne du parti de Stephen Harper;

* une armée de soi-disant experts économiques, toujours prompts à démontrer savamment qu'un Québec souverain serait moins viable qu'un Québec fédéré;

* un bloc implacable de 20 à 25% d'électeurs québécois anglophones, anglicisés ou en voie/à risque d'anglicisation qui ne participe jamais au débat de façon constructive, et qui se contente de s'opposer à tout ce qui favorise un Québec plus autonome et plus français;

* un nombre indéterminé de magouilleurs professionnels, prêts à tous les sales coups pour discréditer le PQ et son option;

* la peur irrationnelle, et toujours bien entretenue, d'une proportion appréciable du public devant la possibilité d'un autre référendum;

* et j'en passe.

De plus le Parti québécois, comme tous les autres partis, commet et continuera de commettre ses propres erreurs à l'interne, de contenu et de stratégie, dont il est seul responsable et qui, dans le contexte actuel, ne font qu'aggraver ses problèmes.

Que le PQ puisse gagner à l'occasion des élections dans de telles conditions atteste du petit côté rebelle qui a permis au peuple québécois, pendant plus d'un siècle, de survivre à l'étouffement de l'intégrisme clérical. Cette fois, l'élection ayant pris une drôle de tournure référendaire, l'opposition a sorti le rouleau compresseur...

La plupart des authentiques fédéralistes ont foutu le camp depuis longtemps. Il en reste très peu qui comprennent les véritables rouages d'une fédération, l'équilibre, l'indépendance et l'interdépendance qui doit exister entre les deux principaux niveaux de gouvernement, et surtout l'essentielle asymétrie d'un fédéralisme plurinational. 

Les vrais adversaires des souverainistes sont désormais des centralisateurs, partisans d'un Québec bilingue et tranquille, province-presque-comme-les-autres, soumise aux volontés d'Ottawa dans un Canada de plus en plus anglais. Et nombreux sont ceux, in-Québec et hors-Québec, qui sont prêts à asséner le coup de grâce à cette nation francophone qui les irrite depuis trop longtemps, qui n'a jamais accepté sa défaite historique...

La langue française est en danger. La laïcité est menacée. Notre poids dans la fédération diminue à chaque recensement. Un effritement identitaire se fait sentir dans nos secteurs frontaliers de l'Outaouais et dans la métropole. Cette élection, déclenchée sans motif suffisant par un PQ trop confiant (encore les sondages), risque de devenir un point tournant dans notre histoire. Et la forte présence du parti de Pauline Marois dans les médias sociaux risque de ne pas suffire pour sauver la mise...

Évidemment, tout peut arriver d'ici le 7 avril, mais aux militants péquistes, je me permets une suggestion : en plus de travailler très, très fort, une petite neuvaine à votre saint ou sainte préféré-e (pendant qu'il est encore temps) ne serait pas de trop...









jeudi 20 mars 2014

La grande noirceur

Si Stephen Harper réclamait que tous les Québécois francophones apprennent l'anglais (les Anglo-Québécois, pour leur part, pourraient demeurer unilingues... anglais), et que ce Québec bilingue-en-devenir mette de côté ses revendications constitutionnelles pour rester simplement une province un peu différente des autres dans un Canada qui s'anglicise à vue d'oeil, il y aurait sans doute un tollé !

Mais quand Philippe Couillard et le Parti libéral du Québec (PLQ) proposent la même chose - et c'est effectivement ce qu'ils proposent - il n'y a pas de tollé. Pour l'importante partie de l'électorat (20 à 25%) qui est prête à tout sacrifier pour abattre le Parti québécois et contrer toute stratégie qui assurera la francisation d'un Québec plus autonome, l'appui au PLQ est coulé dans le béton. Pour le reste des électeurs, l'opinion varie selon la nature et l'intensité des débats en cours.

Ce bloc libéral coulé-dans-le-béton, imperméable aux grands courants d'idées et axé sur son opposition aux aspirations historiques des francophones, est principalement constitué d'anglophones de souche (nos anciens Rhodésiens), d'allophones anglicisés ou en voie d'anglicisation, ainsi que de francophones anglicisés ou bilingues-jusque-dans-l'identité (dans des régions - Outaouais, West Island - où le bilinguisme collectif engendre un glissement identitaire vers l'anglais). C'est entre le cinquième et le quart de l'électorat, toujours acquis au «non» dans un référendum et très majoritairement au PLQ lors d'un scrutin.

Cela signifie qu'à chaque tentative de francisation du Québec, au moyen d'un renforcement de la Loi 101 par exemple, ou à chaque tentative de rapatriement de pouvoirs fédéraux au Québec, soit pour accentuer l'asymétrie de la fédération, soit pour en arriver à une forme de souveraineté, il faut compter sur l'opposition systématique du bloc non francophone (anglophone, allophone anglicisé ou en voie d'anglicisation, francophone anglicisé ou en voie d'anglicisation). Le «non» (et donc le PLQ) part toujours avec une base de 20 à 25 points. Le «oui» doit obtenir les deux tiers du reste pour gagner... et le PQ, pour vaincre, doit en obtenir plus de la moitié ou espérer une division des votes d'opposition.

Ce bloc anti-francophone est un poids mort pour la démocratie québécoise, un boulet qu'il faut traîner de scrutin en scrutin, un boulet que nous respectons en bons démocrates mais qui ne nous respecte pas ou peu en retour... On n'a qu'à lire les propos parfois hystériques, xénophobes, francophobes, voire racistes, publiés presque quotidiennement dans les médias de langue anglaise pour juger du respect qu'ils ont pour nous... Selon les plus récents sondages, de 75 à 80% des non-francophones voteront pour le PLQ. Les francophones, pour leur part, n'offrent un appui majoritaire à aucun parti...

Au référendum de 1995, plus de 60% des francophones ont voté «oui» mais c'était insuffisant pour vaincre l'effet du poids mort. Comme, ces jours-ci, l'appui au «oui» oscille autour de 40% (environ la moitié des francophones), il ne faut pas se surprendre qu'avec la tournure « référendaire » de l'élection actuelle, une proportion accrue de la moitié des francophones favorables au «non» songe à se greffer au «poids mort» et ainsi appuyer le parti d'un Québec bilingue et rangé - le PLQ.

Dans ma région, l'Outaouais, et plus particulièrement dans la région urbaine de Gatineau, dans le Pontiac et dans la Basse-Gatineau, ce bloc acquis aux libéraux est bien plus élevé que la moyenne québécoise. Aussi les candidats du PLQ n'ont-ils pas hésité, dès le départ, à jouer la carte référendaire, sachant que le « spectre d'un référendum », et surtout la possibilité d'une victoire du oui, suffit ici pour répandre la terreur...



Les députés libéraux de la région montent rarement au front pour défendre leurs concitoyens francophones. On l'a vu récemment dans le dossier de l'enseignement de la médecine en anglais à l'UQO. Mais quand il y a perception que les droits des anglophones puissent être menacés, comme dans l'affaire des municipalités bilingues l'été dernier, ils sont les premiers à les défendre sur la place publique. Le fait que dans ces mêmes municipalités, ce soient les francophones qui se fassent assimiler, ne semble pas les déranger du tout...

Dans le Pontiac, les francophones ont été tellement malmenés depuis le 19e siècle que les mécanismes d'autodéfense sont presque épuisés... On perçoit aussi une certaine lassitude linguistique à Gatineau, quatrième ville du Québec mais aussi partie presque intégrante d'Ottawa, une région où la langue française, constate-t-on, est en constante régression (http://bit.ly/1iiKp7p)... Allez comprendre pourquoi à Ottawa, un Franco-Ontarien militant suscite le respect et l'admiration, mais qu'à Gatineau, celui ou celle qui milite pour la langue française ou l'application de la Loi 101 est souvent soupçonné d'être xénophobe, intolérant ou pire, « séparatiste »... Pourquoi y a-t-il encore ici plein de gens qui osent à peine chuchoter à l'oreille leur appui au PQ, par crainte que cela se sache sur la place publique...

Mais surtout n'allez pas parler de ça, ce ne sont pas de « vraies affaires »...

Des Québécois bilingues, un Québec tranquille, un Québec province-presque-comme-les-autres, voilà ce qu'exige le bloc anglo-allo-franco-assimilé... Voilà ce qu'offre Philippe Couillard... Quand un jour lointain, notre petit peuple aura disparu dans la grande noirceur de l'univers et ne sera qu'une anecdote historique, on verra peut-être cette élection comme un des points tournants...

mercredi 19 mars 2014

Le bilinguisme et l'érosion identitaire


Un Parisien ou un Saguenéen qui apprend l'anglais (ou toutes autres langues) par choix devient bilingue ou plurilingue. Mais l'un et l'autre demeurent, sur le plan identitaire, des francophones. Tel n'est pas le cas pour quantité de francophones nord-américains - québécois ou hors-Québec - vivant dans des régions où la forte présence ou exigence de l'anglais imposent un bilinguisme quotidien. Il en résulte souvent un érosion identitaire chez les plus culturellement vulnérables, menant à un abandon de la langue française au fil des ans, ou par la génération suivante.

Ce phénomène, pressenti par plusieurs, a été constaté scientifiquement en 1993 dans la région d'Ottawa quand la section régionale de l'Association canadienne-française de l'Ontario a commandé un sondage Léger et Léger. L'organisme a inclus une question identitaire et fut surpris de voir les résultats. Les plus vieux s'identifiaient surtout comme Canadiens français (donc francophones) tandis que la tranche des 18 à 24 ans, les plus jeunes de l'échantillon, se définissaient à 40 % comme des « bilingues ». Une double identité, à la fois francophone et anglophone! Or, c'est également dans ce groupe que les taux d'assimilation étaient les plus élevés.

[Dans un texte de blogue récent, je faisais aussi état de la corrélation directe entre bilinguisme collectif - chez les francophones nord-américains - et l'assimilation à l'anglais. Voir http://bit.ly/1nnvMVM)

Dans un livre qui vient d'être publié (en 2014), oeuvre collective sous la direction du professeur François Charbonneau, de l'Université d'Ottawa, un chapitre portant sur les écrits de Fernand Dorais, ancien professeur de l'Université Laurentienne, à Sudbury, aborde cette question. François Paré, qui signe les pages sur Dorais, écrit: « Dorais est le premier à dénoncer en termes psychanalytiques les effets de l'assimilation linguistique sur les Franco-Ontariens. "Vivant en régime de double appartenance et de fidélités conflictuelles", ces derniers ressentent leur identité comme une aliénation. Le bilinguisme des Franco-Ontariens se présente donc à l'essayiste comme une schizophrénie. »

N'ayant jamais perçu le problème de cette façon, je me promets d'aller lire les écrits originaux de M. Dorais pour en savoir plus. Il n'y a pas de doute, cependant, qu'elle existe de plus en plus, cette « double appartenance », et que cela crée chez plusieurs un conflit intérieur, tandis que chez d'autres le passage vers l'anglais se fait « tout doux » sans dilemme de conscience. Omer Latour, un auteur franco-ontarien, a effleuré la question, fin années 1970, dans son livre Bande de caves, au sujet des Franco-Ontariens de Cornwall : « Dieu merci, le combat est presque fini. L'assimilation totale apporte enfin le repos et la paix à tous ces gens obscurs qui ont lutté dans un combat par trop inégal. »

Ce qui m'apparaît démontré, c'est que cette « bi-identité » n'est qu'une étape, un cheminement plus ou moins tortueux vers une retour à une seule identité, anglaise cette fois. Le bilinguisme collectif est une transition, et le résultat se voit déjà dans plusieurs régions du pays. Les recensements en font foi, et dans mon coin - l'Outaouais québécois et l'Est ontarien - tout le monde connaît des personnes au nom français qui ne parlent plus la langue de leurs ancêtres, qui prononcent leur nom à l'anglaise ou l'ont transformé, et qui, s'il leur reste des lambeaux de français, ont honte d'en faire étalage en public...

En territoire de bilinguisme collectif, l'apprentissage des deux langues est érigé en modèle et en idéal, mais en réalité, le français y est en stagnation ou en constant recul, appauvri et émaillé d'anglicismes et de mots anglais. Plus on s'approche des régions majoritairement anglophones, plus le taux de bilinguisme augmente, plus les taux d'assimilation augmentent, plus le français parlé et écrit tend à s'appauvrir. Au Québec même, la situation dans le Pontiac est dramatique, et elle est inquiétante dans la vallée de la Gatineau, à Gatineau même et dans la grande région montréalaise. Hors Québec, sauf les régions fortement acadiennes du Nouveau-Brunswick et quelques coins du Nord et de l'Est ontarien, c'est presque le point de non-retour.

Il serait intéressant, dans les régions du Québec les plus menacées par l'anglicisation, d'effectuer un sondage sur les perceptions identitaires. Je serais curieux de savoir combien, parmi les parlant français, se perçoivent déjà - sur le plan identitaire - comme des bilingues... Dans plusieurs écoles franco-ontariennes, on en est rendu à faire de la « construction identitaire » et même à jouer les préfets de discipline pour arrêter les écoliers de parler anglais entre eux... N'y a-t-il pas là un enseignement et un avertissement pour le Québec?







jeudi 13 mars 2014

Le bilinguisme collectif, étape vers l'assimilation

                               Image de radio-canada.ca

À moins d'analyser les recensements fédéraux, il est difficile de comprendre la dynamique de l'assimilation à l'anglais, qui touche depuis toujours les francophones hors-Québec mais qui existe aussi dans certaines régions du Québec, notamment en Outaouais et dans la grande région montréalaise.

Ça donne un texte pas mal « plate » à lire quand on veut tenter de l'expliquer, mais si on ne va pas gratter les recoins statistiques, Philippe Couillard et ses semblables continueront d'affirmer faussement que les Québécois francophones devraient tous pouvoir devenir bilingues et que cela ne constitue pas une menace à la progression et à la pérennité du français. Et il y aura toujours plein de monde pour sourire béatement et dire : ben oui, ç'a ben du bon sens...

(parenthèse immédiate... Je ne suis pas contre le bilinguisme ou le plurilinguisme. Au contraire. Apprendre plus d'une langue, par choix, constitue un enrichissement. Je suis contre notre forme de bilinguisme, imposé, qui permet aux anglophones de fonctionner uniquement en anglais et oblige les francophones à fonctionner dans les deux langues, et qui mène droit à l'assimilation. Fin de la parenthèse)

Posons d'abord la question suivante: pourquoi les gens apprennent-ils une langue autre que leur langue maternelle? J'aimerais bien que la réponse soit toujours : par choix. Mais le plus souvent, et c'est le cas ici au Canada et en Amérique du Nord, une seconde langue s'impose, et c'est le plus souvent l'anglais, sauf dans les régions du Québec où il existe de fortes proportions d'unilingues français.

J'avais rencontré, il y a une quinzaine d'années, un officier anglophone du JAG canadien (un major dans l'aviation, originaire de la Nouvelle-Écosse je crois) et lors de l'interview que j'avais faite avec lui pour un magazine, j'avais noté qu'il parlait un très bon français avec l'accent de la rue (pas d'un cours Berlitz...). Je lui ai demandé où il l'avait appris, et il m'a dit qu'il avait été posté au Saguenay pendant un certain temps, et que pour fonctionner là-bas, la connaissance du français était essentielle... En quelques mois à peine, il se débrouillait fort bien.

Mais ce genre d'exemple est malheureusement rare. Le contraire est la norme. Hors Québec, sauf quelques régions comme la péninsule acadienne ou quelques coins francophones de l'Ontario, la connaissance de l'anglais est imposée tant à l'école que partout dans la vraie vie. Même au Québec, l'anglais a été très longtemps la langue de travail et du commerce dans plusieurs milieux, en particulier dans la métropole, et l'adoption croissante de l'anglais comme langue commune internationale (en plus de vivre dans un contexte nord-américain unilingue anglais) incite toujours à privilégier cette langue.

Mais ce n'est pas de ça que je veux discuter ici. C'est du lien très direct entre bilinguisme collectif et assimilation à l'anglais, dans le contexte québécois et canadien. À la fin de 2012, après publication des données linguistiques détaillées du recensement de 2011, j'avais analysé 132 subdivisions de recensement des régions outaouaises et montréalaises (incluant les zones limitrophes de l'île de Montréal), ainsi que des régions ontariennes à plus forte concentration de francophones. Des 132 subdivisions québécoises, plus de 80 affichaient soit un recul du français (66) ou une croissance plus rapide de l'anglais (19). Mais je ne les avais scrutées que sous l'angle de l'assimilation (différence entre langue maternelle et langue d'usage).

Ces derniers jours, je les ai revues sous l'éclairage du nombre d'unilingues et de bilingues (francophones et anglophones) et la corrélation est évidente : plus les francophones sont bilingues, plus la dynamique linguistique favorise soit un recul du français en chiffres absolus ou en proportion. Je me contenterai de quelques exemples, mais quiconque veut s'astreindre à lire des colonnes de chiffres dans le recensement de 2011 pourra le vérifier et trouver ses propres exemples.

En Outaouais

Allons d'abord faire un tour en Outaouais, dans le Pontiac, la région québécoise où le français est sans doute le plus mal en point. Arrêtons-nous à Campbell's Bay, un des centres administratifs du comté, où les francophones forment près de 40% de la population selon la langue maternelle, mais seulement 25% en utilisant le critère de la langue la plus souvent parlée à la maison. Un taux d'assimilation de plus de 30% ! No soyez pas surpris d'apprendre que plus de 90% des francophones sont bilingues, contre seulement le tiers des anglophones... Deux tiers des anglophones y restent unilingues anglais !

Revenons un peu plus en direction de Gatineau, au village de Bryson, où les francophones forment près de la moitié de la population (langue maternelle), mais seulement le tiers selon la langue d'usage. Taux d'assimilation : 30% ! Encore là, plus de 90% des francophones sont bilingues... pendant que près de 70% des anglophones sont unilingues anglais. Et nous sommes au Québec!

La municipalité de Pontiac se situe presque en banlieue ouest de Gatineau. Les francophones y sont majoritaires (56%) selon la langue maternelle, et tout juste majoritaires (51,7%) selon la langue d'usage. Le taux d'assimilation s'approche de 10%. Les statistiques du bilinguisme sont encore là probantes, quoique moins dramatiques. Plus de 75% des francophones sont bilingues, contre à peine 40% des anglophones. Dans un milieu majoritairement francophone, environ 60% des anglophones restent unilingues anglais...

La même dynamique existe dans la Basse-Gatineau. Dans le village de Low, au nord de Gatineau, 62% des anglophones sont unilingues et 80% des francophones sont bilingues... Aussi ne se surprendra-t-on pas d'apprendre que les francophones qui forment 41% de la population selon la langue maternelle, sont réduits à 35% en utilisant les chiffres de la langue d'usage. Un taux d'assimilation de 15%...

Gatineau et Ottawa

À Gatineau même, il est plus difficile de tirer des conclusions aussi claires à cause du nombre élevé de gens de langues maternelles autres que le français et l'anglais (près de 10% de la population). Les chiffres du recensement y démontrent un attrait plus fort de l'anglais qui passe de 11% (langue maternelle) à 13,4% selon la langue d'usage.

Le peu de gains (à peine 1%) du français à Gatineau (entre langue maternelle et langue d'usage) indique que la majorité des transferts linguistiques des allophones profitent à l'anglais, et que 75 à 80% des francophones sont bilingues. Et le nombre élevé de répondants qui ne connaissent que l'anglais comme langue officielle (plus de 17 000) dans une ville de 265 000 personnes où il n'y a que 29 000 anglophones atteste certainement d'un fort pourcentage d'unilingues chez ces derniers.

En face, de l'autre côté de la rivière, à Ottawa, les francophones sont bilingues à 90 % et le taux d'assimilation dépasse les 30%. Les anglophones y sont plus bilingues que la moyenne, le taux de connaissance du français atteignant sans doute le tiers, mais la vaste majorité reste unilingue.

Région montréalaise

Dans la région montréalaise, le français connaît des reculs mesurables dans certains secteurs, notamment l'ensemble de l'ouest de l'île et certaines villes environnantes, telle Vaudreuil-Dorion. Encore là, ce sont dans ces régions qu'on trouve les plus fortes proportions de francophones bilingues (entre un peu plus de 40% à Vaudreuil-Dorion et plus de 80% dans certains coins du West Island). Dans toutes les villes de l'Ouest de l'île, les taux d'assimilation sont inquiétants et la force d'attraction de l'anglais est évidente.

Prescott-Russell, en Ontario

Même dans l'extrême pointe est de l'Ontario, dans les comtés de Prescott-Russell, entre Ottawa et la frontière québécoise, où les francophones sont fortement majoritaires, leur niveau de bilinguisme est vastement supérieur à celui des anglophones, et les chiffres démontrent que c'est minorité qui gruge les effectifs des francophones. Dans Alfred-Plantagenet, par exemple, une région rurale où les francophones forment plus de 75% de la population, ces dernier sont bilingues à 75%, tandis que la minorité anglophone est unilingue à plus de 70%...

Le bilinguisme:  une étape, pas une destination

Récemment, un des mes amis dans le Pontiac m'envoyait par courriel l'annonce unilingue anglaise du mariage d'un couple aux prénoms anglais et aux noms de famille français. Cela doit servir à nous rappeler que de nombreux unilingues anglais, en Outaouais, en Ontario, ont eu des parents bilingues et des grands-parents francophones. Leurs parents bilingues ont été la dernière génération de bilingues. Les enfants étaient assimilés et sont maintenant anglophones. Voilà où mène le bilinguisme collectif dans nos milieux... Les chiffres, de recensement en recensement, démontrent clairement que le bilinguisme collectif n'est pas une destination, mais une étape vers l'assimilation et l'extinction.

Et c'est cela qui arrivera au Québec sur plusieurs générations si Philippe Couillard réussit à bilinguiser l'ensemble des Québécois. Notre français déjà appauvri, que nous tentons de renforcer par l'éducation et par la francisation au travail, n'aura plus guère d'utilité et les transferts linguistiques s'accéléreront. Quand, un jour, nous ne serons plus la majorité au Québec, et cela pourrait arriver, j'ai peine à imaginer le sort que la new majority nous réservera...









  





samedi 8 mars 2014

Qu'est-ce qu'on mijote?

Ainsi le premier ministre Stephen Harper consulte ces jours-ci, apparemment préoccupé par la possibilité d'une victoire majoritaire du Parti Québécois. Il s'est entretenu avec Thomas Mulcair, Justin Trudeau, ainsi qu'avec certains, sinon la plupart de ses homologues provinciaux. De quoi leur a-t-il parlé? Et surtout, que mijote-t-il? Oh, soyez-en assuré, il mijote quelque chose.

Après le référendum de 1995, il avait durement reproché au premier ministre fédéral de l'époque, Jean Chrétien, ne n'avoir pas été suffisamment préparé et d'avoir laissé le Canada frôler l'abime... C'est un partisan de la méthode forte et depuis le dernier scrutin de 2011, son parti n'a plus grand chose à perdre au Québec. Et son pouvoir se fonde, entre autres, sur des éléments parmi les plus anti-québécois du Canada anglais.

Quand on veut en savoir un peu plus ce qui trotte dans certaines officines du pouvoir à Ottawa, on écoute les chroniqueurs des médias anglo-canadiens proches de l'idéologie conservatrice. Or, avant-hier, comme par hasard, dans le National Post, le chroniqueur Kelly McParland a proposé à Ottawa de devancer le PQ et d'organiser un référendum pan-canadien sur le statut du Québec. On imagine les conséquences de ça... Le bordel le plus total.

Est-ce un ballon d'essai ou l'élan personnel de l'auteur? Peut-on imaginer que M. Harper puisse aller jusque là? Il ne serait pas le premier politicien fédéral à proposer une telle stratégie, si effectivement il y songe. En mars 1970, lors de la première présence électorale du Parti Québécois sous René Lévesque, une des trois colombes, Jean Marchand, avait ouvertement favorisé une le recours à un référendum par Ottawa si jamais il y avait eu un gouvernement minoritaire du PQ (pic.twitter.com/P5biGqddtS). Il avait même évoqué l'hypothèse d'une intervention armée...

La question de la légalité d'une éventuelle sécession du Québec a toujours été l'objet de débats et de spéculations, du moins jusqu'à ce que la Cour suprême du Canada publie son avis là-dessus en 1998. Au désespoir sans doute de Jean Chrétien, la plus haute cour du pays n'a pas écarté du revers de la main la légitimité d'une accession du Québec à l'indépendance. Les juges ont toutefois opiné qu'il fallait une majorité claire et une question claire... et là-dessus, évidemment, il n'y a pas d'unanimité...

On peut imaginer que la plupart des chefs fédéraux voudront une question qui invite, par son libellé, un « non », pendant que les chefs souverainistes voudront rendre le libellé plus attrayant pour un « oui ». Quant à la majorité claire, le 50% plus un qui devrait normalement rallier tout le monde est contesté au fédéral, sauf par le NPD. Justin Trudeau a même parlé d'un seuil des deux tiers... un seuil qu'il sait parfaitement impossible à atteindre... Et n'oublions pas que tout éventuel référendum se déroulera sur un fond d'opinion publique largement hostile, parfois même hystérique et violente, au Canada anglais.

Si on scrute l'histoire du pays, le gouvernement central - Londres jadis, Ottawa depuis 1867 - n'a jamais mis de gants blancs pour réprimer les soubresauts nationalistes au Québec et la langue française ailleurs au Canada français. La répression de la rébellion de 1837-38 a donné lieu à des actes qui seraient considérés comme crimes de guerre et crimes contre l'humanité aujourd'hui. L'armée a été utilisée sans merci contre les Métis dans l'Ouest. Toutes les provinces à majorité anglophone ont supprimé les droits de leur minorité de langue française. Ottawa a envoyé l'armée au Québec durant la Première Guerre mondiale, puis durant la crise d'octobre en 1970.

1970, ce n'est pas si loin... J'étais journaliste et et j'ai couvert la crise d'octobre comme courriériste parlementaire du début à la fin. Pour réprimer une poignée de terroristes et de meurtriers du FLQ, le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau a invoqué la Loi sur les mesures de guerre, alléguant une insurrection appréhendée inexistante, et supprimé les droits et libertés de tous les citoyens canadiens, jetant à la prison des centaines de Québécois innocents dont le seul crime était d'être indépendantistes, artistes, syndicalistes...

Pensez-vous vraiment qu'Ottawa, après deux référendums, va rester les doigts croisés si Pauline Marois reprend le pouvoir avec une majorité législative et que l'état-major fédéral commence à entrevoir la possibilité d'un référendum gagnant pour les souverainistes? On ne s'en tiendra pas au débat loyal d'idées. Il y aura des jambettes, des coups sales, des menaces, tout y passera. Et si cela ne suffit pas, il ne manquera pas de ténors au Canada anglais pour réclamer une répression armée au Québec.

L'hystérie actuelle de certains propos d'une extrême violence, des propos haineux qu'on ne tolère que lorsqu'ils s'adressent aux francophones et aux Québécois, crée déjà un climat volatile. Pauline Marois a été victime d'un attentat le soir de l'élection de septembre 2012. Rien ne nous assure que de tels incidents ne se reproduiront pas. Il faut, à cet égard, souhaiter que fédéralistes et souverainistes fassent cause commune contre cette francophobie qui s'intensifie...

Le fait que nous soyons un peuple profondément pacifique ne nous a jamais garanti la paix. Surtout en temps de crise. Peut-être M. Harper cherche-t-il seulement à s'imposer comme porte-parole du pays et s'assurer que les fédéralistes présentent un front uni... Espérons-le. Mais un brin de méfiance ne serait pas superflu.



mardi 4 mars 2014

Le combat québécois en chansons...




Un soir de décembre 1967, j'ai vu le chansonnier Tex Lecor en spectacle à Ottawa, à l'ancien Bistro de la Basse-Ville. En ultime rappel, il a entonné une chanson de combat qu'il appela alors La redoute. Elle devait apparaître dans son album de 1969 sous le nom de Patriote (http://bit.ly/1eMKBf3). Pour un auditoire franco-ontarien c'était plus qu'audacieux. Je ne connaissais pas cette chanson, et n'ai rien entendu du genre depuis. C'était littéralement un appel au soulèvement armé pour libérer le Québec!

Dans la chanson de l'album, à la fin du premier couplet, on entend : « Tant pis si on doit y rester, le Québec aux Québécois. » Mais sur la scène du Bistro, à Ottawa, il a chanté « Tant pis si on doit y rester... aux armes Québécois. » Cela donne d'ailleurs le ton à l'ensemble du texte, qui surprend encore aujourd'hui par sa violence et dont Tex avait dit, à la blague, qu'il lui avait valu quelques arrestations par des agents de la Gendarmerie royale du Canada...

Nous avions été habitués à entendre des airs nationalistes québécois, parfois vigoureux, depuis le début des années soixante, mais rien qui ne ressemblât à un chant de combat. Même dans des chansons comme Bozo-les-culottes de Raymond Lévesque et Les gens de mon pays de Gilles Vigneault, les textes se limitent à prendre acte et à commenter le bouillonnement de la société québécoise. Et la sympathie souverainiste affichée ne débouche pas sur des encouragements plus «virils»...

Au Québec et au Canada français, depuis la conquête de 1759, nous n'avons pas beaucoup d'appels musicaux à l'action dans nos répertoires, du moins pas ceux que je connais. En 1795, la France avait fait d'un appel aux armes son hymne national. Les paroles de La Marseillaise (http://bit.ly/OTTXMy) trahissent son époque, celle du coeur de la Révolution française, mais l'esprit qui l'anime fait toujours vibrer. Le combat du faible contre le puissant, des nations contre les empires, de l'humain contre le capital, de la liberté contre la tyrannie... tout cela reste actuel.

Mais nous avions été séparés de la France avant 1789, et privés des courants d'idées de la Révolution tant par les conquérants britanniques qui craignaient la démocratie que par un haut-clergé intégriste opposé à la laïcité de la Révolution française.

Au début des années 1830, le grand sociologue français Alexis de Toqueville, dans le cadre de sa vaste étude de la démocratie aux États-Unis, est allé visiter le Bas-Canada (le Québec d'aujourd'hui) et fut surpris d'y retrouver 600 000 francophones. « Partout on nous recevait comme des compatriotes, enfants de la Vieille France, comme ils l'appellent. À mon avis, l'épithète est mal choisie. La vieille France est au Canada; la nouvelle est chez nous... », écrivit-il dans sa correspondance.

Aussi, quand notre petite rébellion a éclaté en 1837, les nobles motifs qui l'animaient étaient insuffisants pour contrer la répression de l'armée britannique et les menaces éternelles des autorités ecclésiastiques. Nos poètes et chansonniers patriotiques d'après ont été prolifiques mais leurs thèmes étaient surtout ceux du malheur, de la défaite, de l'injustice subie, de la survivance, de l'enracinement, de la résistance passive...

Le ton a changé, certes, à partir de la Révolution tranquille, dans les années soixante, mais les appels à l'action sont demeurés l'exception bien plus que la règle.

Aux États-Unis, depuis le début du 20e siècle, les mouvements ouvriers avaient leurs organizing songs, tel Solidarity Forever (http://bit.ly/1iaIRj0), pour galvaniser les militants pendant les campagnes de syndicalisation. Et dans les années soixante, l'adaptation de Pete Seeger, We Shall Overcome (http://bit.ly/1i4YS5L), est devenu l'hymne de toutes les manifestations pour les droits civiques et contre la guerre au Vietnam.

La seule chanson d'ici qui pourrait entrer dans cette catégorie est Québékiss (Ce n'est qu'un début, continuons le combat), popularisée après la crise d'octobre et incluse à la fin du premier album Poèmes et chants de la résistance en 1971 (bit.ly/Vwspw4). Je me souviens fort bien de l'avoir souvent entendue lors de grands rassemblements et de conseils confédéraux turbulents de la CSN autour de 1972. Mais son rythme martial ne conviendrait sans doute jamais aux humeurs de la grande majorité des Québécois...

Vers la fin des années soixante, Pauline Julien avait peut-être trouvé le juste milieu avec son interprétation rythmée de La Grenouille (http://bit.ly/1hSsWWo), de Raymond Lévesque, dans son album Suite québécoise (1967). « Faut pas craindre de s'affirmer, de soulever vents et tempêtes », chante-t-elle. « La révolte tout le monde est contre, mais elle a fait le tour des mondes »; « en attendant des jours meilleurs... levons le poing quand il le faut »; et de conclure, « c'est une bataille à finir ». Mais là comme ailleurs, ce petit air fort sympathique est tombé dans l'oubli...

La crise d'octobre a suscité bien des textes et musiques, y compris deux appels à la mobilisation de Jacques Michel, dans son album SOS on va couler (1971). Les chansons Quel temps est-il? (http://bit.ly/1jMvPpg) et Debout (http://bit.ly/1i54CMR) ont sans doute eu un auditoire pour quelques mois ou quelques années, et l'ont peut-être toujours, mais comme personne ne s'est donné la peine d'en faire une version YouTube, elles ne semblent pas avoir vraiment survécu à leur époque.

Voici, pour les intéressés, la conclusion de Quel temps est-il? « Temps de plaider, temps de dire. Temps de crier, temps de rugir. Temps d'avancer, temps d'agir. Temps d'assumer, temps d'accomplir. Temps de lutter, temps d'acquérir. Temps d'exiger, temps d'obtenir. Quel temps est-il, quel temps est-il? » Chacun peut l'interpréter à sa façon...

On pourrait ajouter, dans les catégories des tounes « d'action », ou des condamnations de l'inaction, la chanson Entre deux joints (http://bit.ly/1c1BrMe) de Robert Charlebois (paroles de Pierre Bourgault) en 1973. « Couche-toé pas comme un chien pis sens-toé pas coupable; moé j'te dis qu't'es capable, c'pays-là t'appartient ». Et le refrain : « Entre deux joints, tu pourrais faire queq'chose; entre deux joints tu pourrais t'grouiller l'cul. » Celle-là, on l'entend toujours et sa popularité ne se dément pas. Mais son influence a été à peu près nulle.

Depuis les années 1970, à l'exception de Comme un bel oiseau de Diane Dufresne (http://bit.ly/NwMDFb) en 1990, lors de la St-Jean du lac Meech, je n'ai pas trouvé grand-chose dans le style « combat ». Il y a bien la chanson En attendant (http://bit.ly/1luRG7E) des Cowboys fringants, sur leur album La grand-messe (2004) avec ses cris d'opposition à l'exploitation, à la mondialisation, au néo-libéralisme, et avec sa finale Envoyons d'l'avant nos gens, mais on ne l'entend pas très souvent...

Si quelqu'un, quelque part, a étudié plus en profondeur les chansons de combat et d'action dans l'histoire québécoise et canadienne-française, je serais intéressé à en savoir plus. Et si un lecteur de ce texte de blogue peut songer à d'autres chansons pouvant être ajoutées à cette courte liste, je vous prie de les ajouter en commentaire...

L'interaction entre la culture musicale et l'opinion publique francophone au Québec reste largement à explorer.