jeudi 4 juillet 2013

Mystère résolu. La photo n'est pas truquée...

Cette page couverture du Quartier latin, ancien magazine des étudiants de l'Université de Montréal (décembre 1969), m'a toujours intriguée. La photo semble prise au-dessus de la rivière des Outaouais, au milieu du Pont Interprovincial (également appelé Pont Alexandra), entre Gatineau (Hull à l'époque) et Ottawa, à proximité des édifices du Parlement canadien.  On voit en arrière-plan la bibliothèque du Parlement et la Tour de la paix. À quelle heure? Quel jour? Ou est-ce un montage en studio? Comment savoir, plus de 43 ans plus tard?



Si la photo est réellement croquée sur le pont (ce qui semble probable étant donné que les techniques de trucage de photos étaient moins perfectionnées à l'époque), il a fallu déployer beaucoup d'efforts. Se rendre de Montréal à Hull/Ottawa en voiture ou en trouver une sur place, prévoir au moins deux participants, le conducteur et le simili agent de douanes, apporter ou louer ou confectionner une barrière et une affiche Douanes Québec/Canada customs ainsi que l'uniforme de l'agent de douanes et le faux passeport québécois, trouver un moment (rare) où l'absence de circulation permet de tout installer et de prendre la photo ou, pire, arrêter les voitures en direction du Québec pour quelques minutes... ce qui n'est pas évident.

Et, pour ceux qui n'ont pas mon âge (66 ans), il faut souligner qu'à l'époque (un peu avant la crise d'octobre), le climat politique était très tendu dans la capitale canadienne et que dans la région d'Ottawa, les autorités municipales, provinciales et fédérales n'auraient probablement pas collaboré à ce genre de montage pour un journal étudiant de Montréal à tendance indépendantiste...

La réponse

Eh bien, ce matin, j'ai eu la réponse à mon interrogation de plus de 40 ans... J'ai réussi à joindre par téléphone le concepteur de la page, Jean Gladu, qui était en 1969 un des directeurs de l'équipe du Quartier latin. Il s'était rendu à Gatineau dans sa Volvo verte (illustrée dans la photo) accompagné de trois ou quatre étudiants.

« Nous avons fabriqué la barrière nous-mêmes, avons inventé une sorte de costume pour le douanier et avons attendu un moment où la circulation s'est arrêtée pendant trois ou quatre minutes » pour installer le décor et prendre les photos, a-t-il expliqué. C'est en effet un événement qu'il serait difficile d'oublier pour ceux qui y ont participé, même si plus de quatre décennies d'eau ont coulé sous les ponts de l'Outaouais depuis la fin des années 1960. « Y'avait rien à notre épreuve », ajoute-t-il.

Mystère résolu ! Ça me chicotait depuis longtemps.

D'une page à l'autre

Au-delà de la page couverture, qui annonce quelques reportages sur les scénarios d'une possible souveraineté du Québec, le magazine étudiant de Montréal est fascinant à feuilleter. En page 4, le cinéma Vendome de la métropole présente le film « Z » de Costa Gavras, grand gagnant du Festival de Cannes 1969. À la page suivante, une méga publicité de la bière Laurentide avec son slogan « toujours d'la partie ! » et l'image, en caricature, des Jérolas, Jérôme Lemay et Jean Lapointe. Avec une photo des anciennes petites bouteilles de bière... À noter que la fabricants de bière semblent apprécier le marché étudiant, puisque les marques O'Keefe et Labatt 50 sont aussi présentes. On y voit toujours des annonces de cigarettes, l'Export A entre autres... qui se dit « la meilleure cigarette au Canada ».

À noter aussi que ce magazine, même s'il était produit par les étudiants de l'Université de Montréal, était vendu 50 cents en kiosque partout au Québec, et même à Ottawa, et son contenu reflétait la réalité étudiante francophone de toutes les régions, en plus d'aborder les questions sociales et politiques du pays et de la planète. Il y a d'ailleurs un article intéressant sur l'Université d'Ottawa, mon alma mater, intitulé « C'est l'affrontement », faisant état d'articles injurieux à l'endroit des francophones dans un magazine étudiant appelé Foetus. Une assemblée générale étudiante caractérisée par la violence verbale entre francophones et anglophones avait suivi...

Comment tout cela a-t-il fini? L'histoire ne le dit pas...



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