vendredi 8 juillet 2016

Mal à l'aise de parler avec des Québécois?


Ce que j'ai lu ce matin dans un texte de Radio-Canada sur les consultations linguistiques de Patrimoine canadien, j'ai peine à le croire… En plus d'essayer de comprendre comment un texte à ce point bourré d'à peu près et de trous ait pu passer la grille d'autorisation de la société d'État, j'ai été estomaqué en prenant connaissance des déclarations d'une porte-parole d'un organisme de jeunesse franco-manitobain, propos retransmis sans vérification et sans suivi sur le site Web de Radio-Canada...

Le titre de l'article (voir bit.ly/29FJjrC), d'abord, fait sursauter: «Les jeunes Franco-Manitobains mal à l'aise de parler avec des Québécois». Cette affirmation, attribuée à Justin Johnson, président du Conseil jeunesse provincial (CPJ), est lancée sans autre précision dans le premier paragraphe du texte, puisque, selon toute vraisemblance, la journaliste auteure de l'article n'y était pas. Le reste du reportage est consacré à un interview téléphonique avec Roxane Dupuis, directrice générale du CPJ.

Voici la suite, ahurissante: «Lors d'un entretien téléphonique, la directrice générale du CJP, Roxane Dupuis, a même affirmé que beaucoup de jeunes "se font traiter d'anglophones" et "se font dire que leur français n'est pas assez bon" à cause de leur accent lorsqu'ils parlent avec des Québécois. Cette insécurité linguistique pousse beaucoup de jeunes à passer à l'anglais pour éviter des commentaires désagréables…» 

Allons-y d'abord pour les fautes journalistiques. Au-delà du fait que le passage de Justin Johnson à Roxane Dupuis mérite d'être élucidé, les imprécisions et généralisations suggérées abondent. D'abord, «beaucoup de jeunes», ça signifie quoi au juste? Deux, 100, 1000? Des étudiants du secondaire, de l'universitaire, des jeunes travailleurs? Et ils «se font traiter d'anglophones» par qui? Quand? Où? Au Manitoba? Au Québec? Ailleurs? Dans quelles circonstances?

Et se font-ils dire que leur français «n'est pas assez bon» à cause de leur accent, ou parce que ça ressemble à du franglais? Mon expérience, je dis bien mon expérience, c'est que les Québécois font bon accueil aux accents, même quand il s'agit d'un accent anglais ou étranger, si la personne parle un français correct. Les problèmes se manifestent quand l'interlocuteur a de la difficulté à s'exprimer en français, et il est vrai qu'alors bien des Québécois, mais aussi des Franco-Ontariens, des Acadiens et sans doute, des Franco-Manitobains, passent trop vite à l'anglais pour dépanner.

Toujours est-il que cette perception, de toute évidence partagée par certains, d'un accueil plus ou moins désagréable des Québécois pousserait «beaucoup de jeunes à passer à l'anglais». Mais croit-on vraiment cela? Même quand il n'y a pas de Québécois aux alentours, à la maison même, la majorité des jeunes Franco-Manitobains s'expriment surtout en anglais… Vérifiez les données très claires des recensements. Les Canadiens français et Métis du Manitoba ont été victimes de persécutions historiques qui sont en bonne partie responsables du haut taux d'assimilation. Qu'on en ait tant réchappé tient presque du prodige, et pour moi, ces résistants sont des héros.

Mais faire fi de l'histoire et laisser entendre qu'aujourd'hui, beaucoup de jeunes passent à l'anglais parce que des Québécois n'aiment pas leur accent… Là, vraiment, on dépasse les bornes…

Quant au rôle des médias et encore là, j'ai peine à croire ce que j'ai lu, Mme Dupuis suggère que le «standard radio-canadien» du français empêche de voir la beauté et la richesse des accents, et notamment, on suppose, la richesse et de la beauté de l'accent franco-manitobain. Non je ne m'aventure pas plus loin ici… Suffit de dire qu'il me semble que notre société d'État doit en tout temps donner l'exemple d'un français correct et universel…

La journaliste aurait pu approfondir un peu ces thèmes par des questions qui m'apparaissent évidentes, dignes en tous cas de la personne chargée de l'affecter à ce reportage. Avoir été son patron, j'aurais tout au moins demandé un commentaire à la direction de Radio-Canada sur la qualité du français parlé en ondes.

Je ne nie pas que des Québécois puissent être parfois «chiants» face à des francophones hors-Québec. J'en ai eu l'expérience. Mais l'immense majorité ne le sont pas et s'ils ont un défaut, c'est plutôt de ne pas connaître la francophonie des autres provinces et là, il faudra parler des écoles et des médias. Se servir d'une perception trop souvent erronée comme motif de passer à l'anglais, c'est bien trop facile…



2 commentaires:

  1. Trop facile de toujours blâmer les Québécois… et surtout, de fermer les yeux sur le rôle d’Ottawa et du ROC au file de notre histoire commune !

    Le Canada bilingue de Trudeau ????

    Le Canada est un pays bilingue… L’anglais et la traduction électronique !

    Mélanie Joly, ministre du patrimoine du Canada, s’occupe de la langue « Francophone » !

    https://www.facebook.com/photo.php?fbid=10153550867058140&set=a.232916908139.169388.652793139&type=1&theater

    Le rêve de Trudeau père relève aujourd’hui d’un fantasme irréaliste : le Canada est de moins en moins bilingue ?

    Je dirais plutôt un génocide culturel prémédité !

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  2. Tout à fait d'accord avec vous. Un génocide culturel prémédité et il y a longtemps que je le pense. Rares sont ceux, québécois ou canadiens-français, qui s'en rendent compte. Ou bien, ils font semblant que ça n'existe pas, ils ne veulent pas le voir, ils ne veulent pas de chicanes.

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