dimanche 3 juillet 2016

L'information mange la claque...


Si j'avais été propriétaire des quotidiens de langue française de Montréal et d'Ottawa-Gatineau, j'aurais convoqué tous mes directeurs de l'information et chefs des nouvelles le matin du samedi 2 juillet, après avoir pris connaissance de la misérable couverture de la Fête du Canada, la veille, tant dans la capitale fédérale que dans la grande région de la métropole.

Je n'aurais pas blâmé les scribes et photographes lancés dans la mêlée des spectacles, manifestations, déclarations, rassemblements et défilés. Dans les circonstances, ils ont sans doute fait de leur mieux. Mais c'était raté (surtout les textes, nécessairement superficiels...), et la responsabilité doit être assumée par les patrons des salles de nouvelles. Ce qu'ils ont permis de publier ne respectait pas principes de base d'un bon journalisme.

Que je sois indépendantiste n'a rien à voir avec le jugement que je formule ici. Je ne veux pas que la presse écrite fasse de la propagande, soit en faisant l'éloge, soit en attaquant le message de la Fête du Canada. Je veux juste savoir ce qui s'est passé aux endroits où les activités de la Fête du Canada avaient une importance suffisante pour justifier un reportage. C'était certainement le cas à Ottawa et Montréal…

Or, en lisant les rapports des grands journaux de langue française - Le Devoir, La Presse, le Journal de Montréal et Le Droit - je ne passais même pas près de répondre aux questions élémentaires qui sont censées inspirer chaque journaliste quand il ou elle prépare un compte rendu d'évènement: les célèbres «qui? quoi? où? quand? comment? pourquoi?» et variantes…

Que la télé ait transmis en direct certaines de ces activités ne réduit en rien la responsabilité des éditions papier des journaux (et j'inclus La Presse* parce qu'elle publie le samedi et que le 1er juillet tombait un vendredi…).

Que s'est-il passé sur les principaux sites de célébration, et à quelques autres (comme Brossard) qui présentaient des attraits particuliers? Combien de gens étaient présents? Étaient-ils surtout des non-francophones (on en a l'impression dans le Journal de Montréal)? Quels dirigeants assistaient? Qu'ont-ils déclaré? Qu'en ont dit les organisateurs (et qui étaient-ils?) A-t-on sollicité des commentaires dans la foule, des artistes et/ou participants, ou d'autres groupes ayant un intérêt? Etc.

Après avoir lu les articles des journaux (ceux que je reçois à la maison, c.-à-d. Le Droit et Le Devoir, et les autres sur le Web), je ne suis resté sur ma faim... Même la déclaration de Justin Trudeau sur l'existence d'une seule «nation» au Canada, qui aurait dû faire bondir tous les francophones du Québec, de l'Acadie et du reste du Canada, ainsi que tous les parlementaires fédéraux qui ont reconnu la nation québécoise en 2006, a à peine été mentionnée - et seulement dans le Journal de Montréal. Elle a cependant réussi à mettre les réseaux sociaux en émoi…

Combien de personnes ont-elles participé dans les deux villes? Seul Le Devoir mentionne des chiffres pour la Colline parlementaire, à Ottawa, mais n'indique pas leur source (Radio-Canada devait par la suite indiquer qu'ils provenaient de la GRC), ni de quel moment de la journée il s'agit. Probablement vers l'heure du spectacle de midi. Mais il y avait un second spectacle en soirée, et les orages, et les feux d'artifice… Et à Montréal, le long du défilé, c'était bondé ou pas? Quels étaient les thèmes des principaux chars allégoriques, etc.? Sais pas... C'étaient en majorité des anglophones, des allophones? Des francophones? Sais pas…

Les quotidiens Le Devoir et le Journal de Montréal publient régulièrement les sondages de la maison Léger. Celle-ci a annoncé dans son «sacdechiffres» du 1er juillet que 21% des Québécois avaient l'intention de participer à des activités de la Fête du Canada (contre 43% pour la Fête nationale la semaine précédente). Y'a pas un cadre d'information ou un reporter qui a songé à demander à M. Léger une répartition entre francophones et non-francophones de ce 21% et de ce 43%? C'est pertinent, pourtant.

Et ces 21% et 43%, sont-ils en hausse ou en baisse par rapport aux années précédentes? Sur la Colline parlementaire et au centre-ville d'Ottawa, c'était comment par rapport aux fêtes du Canada des dernières années? Qu'en disent les responsables? Mêmes questions pour la métropole… Évidemment, si on ne délègue qu'un ou une journaliste en lui donnant un espace restreint dans les pages du journal, on aura ce qu'on a eu…

En remplacement d'une information complète, on finira par avaler une abondance de commentaires pas toujours polis (et bien souvent trop peu informés) sur Facebook et Twitter, ainsi qu'une brochette de chroniques et de textes de blogues (y compris le mien)…

Oh, remarquez, il n'y a pas que la couverture médiatique de la Fête du Canada qui soit en cause… Ce n'était pas beaucoup mieux pour la Fête nationale… Ou pour des tas d'autres activités de foules, difficiles à couvrir, qui nécessitent un investissement additionnel en personnel et en espace rédactionnel… Dans cette ère d'austérité, l'information mange la claque…

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* Je n'ai rien vu sur le site Web de La Presse, mais il y avait un texte de nouvelles brèves sur la Fête du Canada à Ottawa et dans la région de Montréal dans La Presse +.



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