Les données sont sans appel, tirées du recensement de 2011 et publiées (sans analyse cependant) sur le site Web de la ville de Gatineau. La langue anglaise progresse plus rapidement que le français dans la métropole de l'Outaouais et si la tendance se maintient, le recensement de 2016 - dont les chiffres, en matière linguistique, seront rendus publics vers la fin de 2017 - fera apparaître un recul de la proportion de francophones à Gatineau, ainsi qu'une nouvelle progression de près de 20% du nombre d'anglophones.
De fait, selon les chiffres du plus récent recensement disponible, celui de 2011, les transferts linguistiques vers l'anglais sont proportionnellement supérieurs à Gatineau (21%) qu'à Ottawa (19,9%)… Matière à réflexion...
Pour s'en convaincre, il suffit de se donner la peine de décortiquer, sans oublier de faire les liens essentiels, les tableaux présentés dans le document PDF Profil démographique et socioéconomique de Gatineau (voir http://bit.ly/1EPYinN), accessible dans les pages Internet de la municipalité. Armé de quelques feuilles blanches, d'une calculatrice et des données du Profil du recensement 2011 (également en ligne), ce qui au départ apparaît comme des grappes de statistiques innocentes devient un tableau plutôt inquiétant de l'évolution linguistique de Gatineau…
Bien sûr, il est toujours risqué de parler d'identité et de langue de mon côté de la rivière des Outaouais, et surtout à Gatineau. On discute peu de ces choses à voix haute. La plupart du temps on chuchote... Si j'étais à Ottawa, si j'étais Franco-Ontarien et que je clamais sur tous les toits le besoin d'intervenir pour protéger la langue française, je ne serais qu'un bon vieux patriote. Mais sur la rive québécoise, les défenseurs du français sont immédiatement soupçonnés d'être séparatistes (tout au moins intolérants de la multiculture) et à Gatineau, comme disait l'ancien député libéral Mark Assad, on n'aime pas les séparatistes…
Alors pendant que le secteur Aylmer de Gatineau s'anglicise à vue d'oeil et que le centre-ville de Hull s'apprête à subir un nouveau coup de massue dont l'effet sera, comme ce le fut il y a plus de 40 ans avec la venue des gratte-ciels fédéraux, une défrancisation accrue du vieux coeur de l'Outaouais urbain, les élus ferment les yeux. Et surtout n'en parlez pas. Quand l'Île de Hull aura subi le même sort que la Basse-Ville jadis francophone d'Ottawa il sera trop tard. Certains jours, je me demande s'il reste un seul politicien en Outaouais prêt à se lever pour défendre le patrimoine francophone d'ici…
Mais revenons aux chiffres. Si j'étais habile en informatique je façonnerais de savants tableaux ou des pointes de tartes ou des colonnes colorées, mais je suis nul en cette matière. Ce que je peux faire, c'est les dessiner à la main chez moi et les analyser, et ce que les tableaux de la ville démontrent, c'est que l'anglais ne régresse nulle part à Gatineau, ni en nombres absolus ni en proportion, même dans les territoires où les anglophones ne représentent que 5 ou 6% de la population.
Par contre dans les trois quartiers du secteur Aylmer, où les francophones sont pourtant majoritaires, ils se font lentement mais sûrement assimiler. Prenons un exemple: le secteur Lac Deschênes. Les francophones y forment 56% de la population selon la langue maternelle, mais seulement 53% en utilisant les chiffres de la langue d'usage (la langue la plus souvent parlée à la maison). Dans le même quartier, 31% des habitants sont de langue maternelle anglaise, mais 39% des gens parlent surtout l'anglais à la maison… Dans le secteur Hull, le français ne recule pas, mais l'anglais progresse à un rythme bien supérieur…
Comparez la situation à Ottawa. Dans le quartier le plus francophone, Cumberland, à l'extrémité est de la ville, près de 37% des résidents sont de langue maternelle française. Quand on prend le critère de la langue d'usage, cette proportion chute à 30%, une perte de 19%… Mettez ça à côté des chiffres du village urbain Lac Deschênes à Gatineau. La seule similitude, c'est qu'il y a un facteur d'assimilation chez les francophones.
Comparons maintenant la situation dans deux quartiers où les groupes sont très minoritaires. Dans le village urbain Le Moulin, au centre du vieux Gatineau, il n'y a que 6% d'anglophones selon la langue maternelle, mais 7% en vertu de la langue d'usage. Même en si faible proportion, le groupe anglophone bénéficie de transferts linguistiques. À Ottawa, pendant ce temps, j'utiliserai l'un des exemples les moins dramatiques, celui de Kanata-Sud, où les francophones (langue maternelle) forment 7,2% de la population. En utilisant la langue d'usage, leur proportion chute à 3,2% (taux d'assimilation supérieur à 50%)…
En passant, les données pour les quartiers d'Ottawa sont tirées d'un rapport (voir http://bit.ly/235plbm) du Commissaire fédéral aux langues officielles…
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Un dernier mot pour expliquer le code couleur de la carte ci-haut: Le rose est assigné aux territoires où le français est carrément en recul. Le bleu aurait été assigné aux quartiers où l'anglais serait en recul (il n'y en a pas). L'orange indique les quartiers où la progression de l'anglais est supérieure à celle du français. Le vert indique les territoires où le français progresse plus vite que l'anglais.
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jeudi 31 mars 2016
mercredi 30 mars 2016
Vivre en français en Saskatchewan?
Au cours du dernier demi-siècle, depuis l'émergence du débat sur le projet de souveraineté du Québec, le sort des minorités francophones (canadiennes-françaises et acadiennes) dans les provinces à majorité anglophone a pris du galon sur l'échiquier pan-canadien. Leur capacité - ou incapacité - de vivre en français dans des milieux anglo-dominants, sous la gouverne d'États qu'ils ne contrôleront pas, ponctue de plus en plus les grands débats sur l'avenir du pays.
Le vieux rêve d'un Canada bilingue, entretenu surtout par des francophones depuis 1867, devient vite impensable si la langue française doit être éventuellement confinée, à toutes fins utiles, au territoire québécois et à quelques régions périphériques de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick. Ayant compris ce qui arriverait si les minorités de langue française n'étaient plus dans le décor, le gouvernement fédéral a investi depuis 1970 des centaines de millions, voire des milliards de dollars dans les organisations qui représentent ou desservent ces collectivités, d'un océan à l'autre.
La question de savoir ce que tous ces efforts et dollars ont donné reste posée, et il n'y a pas de réponse claire dans le bourbier de propagande qui l'engloutit. La plupart des acteurs autour de cet enjeu majeur semblent vouloir démontrer soit le dynamisme des minorités, soit leur lente agonie. Ceux et celles qui cherchent, au contraire, à peindre un portrait plus réaliste sont le plus souvent dénoncés comme des pessimistes. Les minorités canadiennes-françaises et acadiennes hors-Québec ne sont pas, loin de là, des dead ducks mais elles ne sont pas non plus des collectivités en plein essor.
Les porte-parole des minorités soufflent eux-mêmes le chaud et le froid selon les besoins ou l'occasion. En mars 2015, Mme Marie-France Kenny, alors présidente de la FCFA (Fédération des communautés francophones et acadienne), avait déclaré devant le comité des Communes sur les langues officielles: «À plusieurs endroits, ce n'est qu'une question de temps avant que nos communautés tombent en dessous du seuil requis pour recevoir des services et des communications en français des bureaux fédéraux. Et quand notre poids relatifs sera tombé encore plus bas, que remettra-t-on à ce moment? Nos écoles de langue française?» Bilan sombre...
Et voilà qu'en 2016, dans une entrevue accordée au Droit, la même Mme Kenny (qui n'est plus présidente de la FCFA et demeure à Regina), propose un message quasi contraire: «Oui, dit-elle, on peut très bien vivre en français en Saskatchewan, et de plus en plus. Que je sois à l'épicerie, au restaurant ou ailleurs, je m'adresse toujours aux gens en français. Et j'ai remarqué que de plus en plus de jeunes me répondent en français.»* Récemment, lors de l'émission Le français au Canada: d'un combat à l'autre, sur les ondes de Radio-Canada, on aurait presque cru qu'il était possible de vivre en français à Winnipeg ou à Toronto…
Étant donné que ni Radio-Canada ni Le Droit ne donnaient de chiffres sur la situation réelle des minorités francophones à ces endroits, il est difficile pour le lecteur ou l'auditeur de mesurer le degré de crédibilité des affirmations qui lui sont proposées. Je ne doute pas un instant de la bonne foi des gens qui voient l'avenir du français hors-Québec en rose, mais rien ne prouve que leur expérience personnelle soit celle de la majorité des francophones. De fait, toutes les données disponibles, issues principalement des recensements, incitent à tirer la sonnette d'alarme.
Prenons le cas de la Saskatchewan. Je veux bien croire qu'un Fransaskois bien têtu pourrait, à force d'insister et de lutter tous les jours, arriver à trouver ça et là des francophones dans des commerces ou dans des bureaux gouvernementaux… Mais ce serait un tour de force. Selon le plus récent recensement, sur 1 018 000 d'habitants en Saskatchewan, plus de 965 000 ne parlent qu'une seule langue officielle: l'anglais. Cela laisse pour notre Fransaskois bien décidé un bassin très dispersé de 16 280 personnes de langue maternelle française et de 28 000 anglophones bilingues…
À Ottawa, où 336 000 personnes (sur une population totale de 872 000 en 2011) comprennent le français, il est très difficile de vivre en français sans faire un effort constant, et dans certains quartiers de la ville c'est à peu près impossible. Et on va nous faire croire qu'on peut très bien vivre en français au coeur des Prairies? Selon le même recensement, la majorité des Fransaskois ne réussissent pas à vivre en français au foyer. À peine 4 300 des 16 280 francophones parlent surtout le français à la maison.
Ces données peuvent paraître décourageantes, mais elles sont réalistes. Cela ne diminue en rien la valeur des efforts consentis par les Fransaskois toujours engagés dans le combat pour la pérennité du français. Et ceux et celles qui restent, à titre d'avant-poste d'une francophonie nord-américaine toujours bien vivante, dont le coeur territorial reste le bassin du Saint-Laurent, ont avantage à conserver à leurs côtés quelques milliers de francophones convaincus plutôt que de compter sur des dizaines de milliers de personnes qui, au-delà de leur connaissance du français, ne s'en servent pas…
L'important c'est qu'au-delà de la propagande, peu importe l'option politique, souverainiste ou fédéraliste, tous les francophones, Québécois ou pas, ont intérêt à assurer la pérennité de la langue et de la culture françaises à l'extérieur du Québec. Et cela ne se fera ni en annonçant la mort prématurée de collectivités toujours vivantes, ni en inventant un faux pays des merveilles où ces mêmes collectivités vivraient dans des paradis francophones ou bilingues… Cela ne pourra arriver qu'avec des stratégies réalistes fondées sur une solide analyse de l'érosion réelle qui menace la francophonie nord-américaine, à l'extérieur comme à l'intérieur du Québec...
Et que les Québécois se le tiennent pour dit. Le jour où ces collectivités auront sombré, si telle chose devait arriver, l'ultime combat linguistique aura déjà commencé depuis longtemps dans le bassin du Saint-Laurent. Et à voir ce qui se passe ces jours-ci à Montréal, je ne donnerai pas cher de nos chances de réussite.
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* Lien au texte du Droit: http://bit.ly/1PoDczV
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* Lien au texte du Droit: http://bit.ly/1PoDczV
mardi 22 mars 2016
Montréal français, Ottawa bilingue?
David Lisbona à Pierre Allard sur Twitter: «To impose (French) unilingualism on Montréal, something it clearly NEVER has been, will create same "indignity" you went through in Ottawa, no?»
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Cher M. Lisbona,
Voilà une excellente question, qui nous est souvent posée autrement dans la région de la capitale fédérale… Pourquoi Ottawa devrait-elle être bilingue si Gatineau reste unilingue française? La question est valable, mais la plupart des gens la trouvent un peu gênante et l'évitent… comme si, par pure logique, le bilinguisme de l'une devait entraîner celui de l'autre, surtout quand les citoyens des deux rives de l'Outaouais se côtoient quotidiennement au travail, dans les commerces, dans les rues…
Ma réponse, j'en suis convaincu, ne vous satisfera pas… Elle ne me satisfait pas entièrement, moi non plus… Mais voilà, je fonce. Il faut d'abord placer ce débat très actuel dans son contexte historique (ce ne sont pas, contrairement à ce que certains pensent, seulement des vieilles chicanes…) et socio-démographique. Sans points de repère qui vont au-delà de la dernière manchette de la Gazette ou de La Presse, c'est peine perdue. Cela finira toujours en gribouille…
Je me souviens de mes premiers périples à Montréal, comme jeune reporter franco-ontarien couvrant la campagne électorale québécoise d'avril 1970. J'avais été frappé par l'énorme quantité d'affiches commerciales unilingues anglaises, surtout dans le centre et l'ouest de la ville, ainsi que par l'incapacité de me faire servir en français dans certains magasins et restaurants de la deuxième ville francophone de la planète… J'ai commencé à me documenter, et j'ai découvert qu'historiquement, depuis la conquête, l'anglais occupait une position dominante à Montréal.
Au début du 20e siècle, par exemple, les conducteurs de tramways de la ville avaient l'ordre de s'adresser en anglais seulement à TOUS les clients, même francophones. Le conducteur qui contrevenait plus de trois fois à cette directive était congédié… Dans les entreprises, c'était pareil. Pierre Elliott Trudeau écrivait en 1965, parlant sûrement de Montréal plus que des autres régions: «C'est ainsi que dans la province de Québec, depuis le rang de contremaître jusqu'à celui de président de banque, la langue anglaise devint la langue de commandement.»
Un taux élevé de natalité avait permis aux Canadiens français de maintenir leurs effectifs, mais voilà qu'en se libérant des griffes de l'Église dans les années 60, ils étaient désormais comme tout le monde. Confrontés à des vagues d'immigration qui, vu la domination de l'anglais, allaient renforcer la proportion de la minorité anglophone et nous menacer d'assimilation comme l'étaient déjà les minorités francophones hors-Québec, il était devenu urgent de donner un coup de barre vigoureux et d'assurer au moins un territoire nord-américain où le français serait la langue officielle, nationale, et commune.
C'est dans ce contexte que le premier gouvernement de René Lévesque adopta la Loi 101 en 1977, une loi qui visait à assurer la prédominance du français dans les institutions publiques, dans l'affichage commercial et dans les grandes entreprises comme langue de travail. Ne pas appliquer cette loi à Montréal aurait été impensable. C'est notre seule grande ville. Sans la métropole, le français n'aurait pas d'avenir ailleurs au Québec ou au Canada. Dans quatre ou cinq générations, nous serions en bonne voie de «louisianisation»…
Mais cela n'a pas changé le fait que Montréal, sous un vernis quasi unilingue français, principalement dû à l'affichage où le français doit être prédominant, demeure une ville largement bilingue, voire multilingue. Les États-Unis et l'Ontario sont des voisins immédiats, et leur seule présence impose une forte présence de l'anglais. Selon le dernier recensement, plus de la moitié des résidents parlent les deux langues officielles du Canada, dont au moins 40% des francophones. Il y a même près de 170 000 résidents (plus de 10% de la ville) qui ne connaissent que l'anglais comme langue officielle… La vitalité de l'anglais, il me semble, n'est nullement menacée par la Loi 101…
À Ottawa, la seule similitude avec Montréal, c'est que les francophones représentent à peu près la même proportion de la population que les anglophones à Montréal. Pour le reste, si le français reste menacé à Montréal, il l'est bien davantage à Ottawa. Nous sommes ici en Ontario, une province qui a rendu le français illégal dans ses écoles au siècle dernier et où la majorité anglophone a été traditionnellement hostile aux droits des francophones (contrairement au Québec).
À Ottawa, la minorité franco-ontarienne est bien plus bilingue (à 90%) que la minorité anglo-montréalaise, et la majorité anglophone y est davantage unilingue. Le taux de bilinguisme dépasse à peine le tiers dans la capitale, alors que dans la métropole les bilingues sont majoritaires. Et si à Montréal le pouvoir d'attraction de l'anglais se manifeste clairement dans les chiffres de la langue d'usage, à Ottawa le pouvoir d'attraction du français se révèle nul. Il y a même un taux d'assimilation des francophones supérieur à 30%…
Et enfin, la différence majeure: Ottawa est la capitale d'un pays officiellement bilingue alors que Montréal est la métropole d'une province française. On pourrait sans doute répliquer qu'Ottawa est aussi la seconde ville d'une province anglaise, et ce serait vrai. Mais elle a quand même valeur de symbole, et le refus d'un statut officiel pour le français dans la capitale en dit long sur l'image qu'on veut transmettre au pays. Et les francophones hors-Québec, trop souvent opprimés, savent que sans statut officiel ou de garanties constitutionnelles ou juridiques, ils restent démunis devant les tribunaux…
Il y a une dizaine d'années, un quotidien anglais de l'Ontario avait expédié un journaliste sur la route, pour voir où en était la situation du français et de l'anglais à différents endroits… Ce dernier avait trouvé qu'au Québec, sous une façade unilingue française, vivait une société passablement bilingue et qu'en Ontario, sous une façade de plus en plus bilingue, résidait une société plutôt unilingue anglaise…
Ce n'est sans doute pas satisfaisant comme ébauche de réponse. Mais j'ai la conviction que pour survivre et prospérer, la langue et la culture française ont besoin d'un territoire français, le Québec (y compris Montréal), et de secteurs francophones ou bilingues en périphérie (Ontario et Nouveau-Brunswick) dans cet océan anglo-nord-américain. Si j'ai raison, et les recensements m'appuient dans mes pronostics, la question devient donc la suivante. Si l'on veut réellement conserver et développer l'héritage français en Amérique du Nord, quelles mesures doit-on prendre pour atteindre l'objectif?
Il me semble que Montréal doit être le phare de cette francophonie, ce qui ne l'empêchera pas de conserver un caractère largement bilingue sur le plan social. Quant à Ottawa, c'est une lutte quotidienne pour la survie de la minorité franco-ontarienne, qui doit dans les circonstances pouvoir compter sur le caractère français de la ville québécoise voisine, Gatineau, pour équilibrer tant soit peu les forces en présence. Sur la question du statut bilingue de la capitale, je crois que le principal obstacle reste et restera la francophobie profonde qui anime toujours certains milieux anglophones de ma ville natale.
Une chose set sûre. Octroyer au français un statut officiel d'égalité à l'hôtel de ville d'Ottawa ne menace en rien la domination sociale, politique et démographique de l'anglais dans la capitale fédérale. La situation serait fort différente à Montréal…
Bien à vous,
Pierre Allard,
Gatineau, Québec.
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Cher M. Lisbona,
Voilà une excellente question, qui nous est souvent posée autrement dans la région de la capitale fédérale… Pourquoi Ottawa devrait-elle être bilingue si Gatineau reste unilingue française? La question est valable, mais la plupart des gens la trouvent un peu gênante et l'évitent… comme si, par pure logique, le bilinguisme de l'une devait entraîner celui de l'autre, surtout quand les citoyens des deux rives de l'Outaouais se côtoient quotidiennement au travail, dans les commerces, dans les rues…
Ma réponse, j'en suis convaincu, ne vous satisfera pas… Elle ne me satisfait pas entièrement, moi non plus… Mais voilà, je fonce. Il faut d'abord placer ce débat très actuel dans son contexte historique (ce ne sont pas, contrairement à ce que certains pensent, seulement des vieilles chicanes…) et socio-démographique. Sans points de repère qui vont au-delà de la dernière manchette de la Gazette ou de La Presse, c'est peine perdue. Cela finira toujours en gribouille…
Je me souviens de mes premiers périples à Montréal, comme jeune reporter franco-ontarien couvrant la campagne électorale québécoise d'avril 1970. J'avais été frappé par l'énorme quantité d'affiches commerciales unilingues anglaises, surtout dans le centre et l'ouest de la ville, ainsi que par l'incapacité de me faire servir en français dans certains magasins et restaurants de la deuxième ville francophone de la planète… J'ai commencé à me documenter, et j'ai découvert qu'historiquement, depuis la conquête, l'anglais occupait une position dominante à Montréal.
Au début du 20e siècle, par exemple, les conducteurs de tramways de la ville avaient l'ordre de s'adresser en anglais seulement à TOUS les clients, même francophones. Le conducteur qui contrevenait plus de trois fois à cette directive était congédié… Dans les entreprises, c'était pareil. Pierre Elliott Trudeau écrivait en 1965, parlant sûrement de Montréal plus que des autres régions: «C'est ainsi que dans la province de Québec, depuis le rang de contremaître jusqu'à celui de président de banque, la langue anglaise devint la langue de commandement.»
Un taux élevé de natalité avait permis aux Canadiens français de maintenir leurs effectifs, mais voilà qu'en se libérant des griffes de l'Église dans les années 60, ils étaient désormais comme tout le monde. Confrontés à des vagues d'immigration qui, vu la domination de l'anglais, allaient renforcer la proportion de la minorité anglophone et nous menacer d'assimilation comme l'étaient déjà les minorités francophones hors-Québec, il était devenu urgent de donner un coup de barre vigoureux et d'assurer au moins un territoire nord-américain où le français serait la langue officielle, nationale, et commune.
C'est dans ce contexte que le premier gouvernement de René Lévesque adopta la Loi 101 en 1977, une loi qui visait à assurer la prédominance du français dans les institutions publiques, dans l'affichage commercial et dans les grandes entreprises comme langue de travail. Ne pas appliquer cette loi à Montréal aurait été impensable. C'est notre seule grande ville. Sans la métropole, le français n'aurait pas d'avenir ailleurs au Québec ou au Canada. Dans quatre ou cinq générations, nous serions en bonne voie de «louisianisation»…
Mais cela n'a pas changé le fait que Montréal, sous un vernis quasi unilingue français, principalement dû à l'affichage où le français doit être prédominant, demeure une ville largement bilingue, voire multilingue. Les États-Unis et l'Ontario sont des voisins immédiats, et leur seule présence impose une forte présence de l'anglais. Selon le dernier recensement, plus de la moitié des résidents parlent les deux langues officielles du Canada, dont au moins 40% des francophones. Il y a même près de 170 000 résidents (plus de 10% de la ville) qui ne connaissent que l'anglais comme langue officielle… La vitalité de l'anglais, il me semble, n'est nullement menacée par la Loi 101…
À Ottawa, la seule similitude avec Montréal, c'est que les francophones représentent à peu près la même proportion de la population que les anglophones à Montréal. Pour le reste, si le français reste menacé à Montréal, il l'est bien davantage à Ottawa. Nous sommes ici en Ontario, une province qui a rendu le français illégal dans ses écoles au siècle dernier et où la majorité anglophone a été traditionnellement hostile aux droits des francophones (contrairement au Québec).
À Ottawa, la minorité franco-ontarienne est bien plus bilingue (à 90%) que la minorité anglo-montréalaise, et la majorité anglophone y est davantage unilingue. Le taux de bilinguisme dépasse à peine le tiers dans la capitale, alors que dans la métropole les bilingues sont majoritaires. Et si à Montréal le pouvoir d'attraction de l'anglais se manifeste clairement dans les chiffres de la langue d'usage, à Ottawa le pouvoir d'attraction du français se révèle nul. Il y a même un taux d'assimilation des francophones supérieur à 30%…
Et enfin, la différence majeure: Ottawa est la capitale d'un pays officiellement bilingue alors que Montréal est la métropole d'une province française. On pourrait sans doute répliquer qu'Ottawa est aussi la seconde ville d'une province anglaise, et ce serait vrai. Mais elle a quand même valeur de symbole, et le refus d'un statut officiel pour le français dans la capitale en dit long sur l'image qu'on veut transmettre au pays. Et les francophones hors-Québec, trop souvent opprimés, savent que sans statut officiel ou de garanties constitutionnelles ou juridiques, ils restent démunis devant les tribunaux…
Il y a une dizaine d'années, un quotidien anglais de l'Ontario avait expédié un journaliste sur la route, pour voir où en était la situation du français et de l'anglais à différents endroits… Ce dernier avait trouvé qu'au Québec, sous une façade unilingue française, vivait une société passablement bilingue et qu'en Ontario, sous une façade de plus en plus bilingue, résidait une société plutôt unilingue anglaise…
Ce n'est sans doute pas satisfaisant comme ébauche de réponse. Mais j'ai la conviction que pour survivre et prospérer, la langue et la culture française ont besoin d'un territoire français, le Québec (y compris Montréal), et de secteurs francophones ou bilingues en périphérie (Ontario et Nouveau-Brunswick) dans cet océan anglo-nord-américain. Si j'ai raison, et les recensements m'appuient dans mes pronostics, la question devient donc la suivante. Si l'on veut réellement conserver et développer l'héritage français en Amérique du Nord, quelles mesures doit-on prendre pour atteindre l'objectif?
Il me semble que Montréal doit être le phare de cette francophonie, ce qui ne l'empêchera pas de conserver un caractère largement bilingue sur le plan social. Quant à Ottawa, c'est une lutte quotidienne pour la survie de la minorité franco-ontarienne, qui doit dans les circonstances pouvoir compter sur le caractère français de la ville québécoise voisine, Gatineau, pour équilibrer tant soit peu les forces en présence. Sur la question du statut bilingue de la capitale, je crois que le principal obstacle reste et restera la francophobie profonde qui anime toujours certains milieux anglophones de ma ville natale.
Une chose set sûre. Octroyer au français un statut officiel d'égalité à l'hôtel de ville d'Ottawa ne menace en rien la domination sociale, politique et démographique de l'anglais dans la capitale fédérale. La situation serait fort différente à Montréal…
Bien à vous,
Pierre Allard,
Gatineau, Québec.
lundi 21 mars 2016
Senatus populusque… *
Le Sénat du Canada
Le jour où les Québécois et l'ensemble des Canadiens croiront vraiment à la démocratie, on prendra l'architecture vétuste qui gouverne la constitution du pays et on la rangera là où elle mérite depuis longtemps d'être rangée: à la poubelle… bon, disons au bac de recyclage…
J'ai beau espérer un Québec souverain, on ne le voit toujours pas à l'horizon. Ce jour où nous déciderons de nous donner un pays à notre image, on créera - je l'espère aussi - un régime constitutionnel qui reconnaîtra les citoyens (et non un monarque) comme autorité suprême de l'État. Mais entre-temps, on peut, sans perdre de vue l'objectif, contester l'absurdité de la distribution actuelle des pouvoirs au sein de la Confédération canadienne.
Il n'est pas difficile de démontrer à quel point le système actuel, du point de vue démocratique, reste foncièrement vicié. En 1977, par exemple, un gouvernement élu par le peuple québécois faisait adopter à l'Assemblée nationale la Loi 101, notre Charte de la langue française. Or, depuis ce temps, notre principale loi linguistique a été contestée et charcutée à diverses reprises:
* par une Cour suprême où les juges, à l'occasion unilingues anglais, sont nommés par un premier ministre fédéral dont l'élection est assurée par une majorité anglo-canadienne, et qui se voit investi des vieux pouvoirs de nomination du monarque, reproduits en 1867 dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique;
* en invoquant, entre autres, des articles d'une Charte canadienne des droits et libertés négociée contre le Québec entre représentants d'un gouvernement fédéral hostile et des neuf provinces à majorité anglaise, Charte qui reconnaît la suprématie de Dieu (et donc de la Reine britannique, qui le représente à titre de chef de l'Église anglicane) au lieu de la suprématie du peuple.
Ces derniers jours, le premier ministre Trudeau a nommé sept nouveaux sénateurs. Dans les médias, on a surtout multiplié louanges et critiques (selon les points de vue) à l'endroit des personnes nommées, ce qui - il me semble - constitue un tir à l'extérieur du filet. Qu'André Pratte soit ou non indépendant par rapport au Parti libéral n'a aucune importance. Ce qui compte c'est que lui et les six autres aient été «nommés», et qu'on leur ait confié un pouvoir qui peut être utilisé contre les élus de la Chambre des communes. Stephen Harper l'a lui-même fait, d'ailleurs, il y a quelques années.
Les seules personnes démocratiquement habilitées à légiférer au nom des citoyens du Canada ou du Québec sont les députés ayant reçu un mandat du peuple par voie électorale. La Chambre haute, tous les historiens en conviennent, a été créée par des politiciens de la seconde moitié du 19e siècle, inféodés à l'Empire britannique et à ses monarques, profondément méfiants des pouvoirs de la chambre basse et des citoyens électeurs. Elle est calquée sur le modèle de la Chambre des lords britannique issue d'une aristocratie qui voulait tenir en échec la volonté du peuple.
Dans la Constitution de 1867, la Reine devait nommer les sénateurs mais les pouvoirs royaux tombant vite en désuétude ont été assumés entièrement par le premier ministre fédéral, qui se trouve ainsi à détenir par voie électorale tous les pouvoirs confiés au gouvernement fédéral par l'AANB et, par voie d'héritage, l'ensemble des pouvoirs confiés au monarque par ce même AANB. Un quasi-dictateur élu pendant quatre ou cinq ans, s'il est majoritaire aux Communes.
Ceux qui prétendent que le Sénat sert à représenter les intérêts des provinces dans la fédération vivent au pays des merveilles. Peu importe l'ampleur des consultations, peu importe la bonne volonté des parties en cause, peu importe la qualité des sénateurs eux-mêmes, ces personnes restent nommées par le premier ministre du Canada et elles n'ont aucun compte à rendre aux gouvernements des provinces dont ils sont issus.
Comment, de toute façon, sur le plan même des principes, un citoyen qui se veut démocrate peut-il accepter que les lois adoptées par les députés du peuple soient révisées et modifiées, voire refusées, par un groupe de sénateurs qu'a choisis le premier ministre fédéral à titre d'héritier des anciens pouvoirs de la Reine de Grande-Bretagne? Non, vraiment pas…
La solution la plus simple serait tout simplement d'abolir ce reliquat d'une vieille monarchie antidémocratique… Un projet référendaire là-dessus serait adopté à forte majorité. Et tant qu'à y être, pourquoi ne pas remettre en question la monarchie elle-même? On trouverait, là aussi, un large consensus… même au Canada anglais. Il y a quelque chose d'odieux, en 2016, à se retrouver «sujet» d'un monarque, fut-il édenté et impuissant. La démocratie exige d'inverser la pyramide, l'autorité suprême émanant du peuple, plutôt que d'un souverain anglican couronné de droit divin…
Le Québec - qui a aboli sa chambre haute non élue en 1968 - pourrait de nouveau donner l'exemple, sans bouleverser la constitution, sans modifier l'équilibre des pouvoirs, et se donner une constitution à saveur républicaine, consacrant la laïcité de l'État et la suprématie du peuple dans les limites de ses compétences. En attendant mieux…
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* Senatus populusque romanus (SPQR) - Le Sénat et le peuple romain (emblème de l'ancienne République romaine)...
dimanche 20 mars 2016
Saint-Lazare, priez pour nous...
Récemment, le caractère haineux et raciste de nombreux messages francophobes publiés sur le site Web de la Canadian Broadcasting Corporation sous une nouvelle au sujet de Katherine d'Entremont, Commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick, a provoqué une sainte colère en Acadie… au point de forcer la société d'État à interdire la publication de commentaires anonymes (http://bit.ly/1RpC14H).
Il était grand temps que ces débordements beaucoup trop fréquents de francophobie suscitent un débat public qui perce tant soit peu la carapace des grands médias. Évidemment, Radio-Canada en a abondamment parlé dans son réseau acadien, et sans doute au national, ainsi que CBC qui ne pouvait y échapper, étant visée. Il faut souligner aussi un texte relativement complet en manchette de la page trois du quotidien Le Devoir. Pas mal silencieux ailleurs, dans les hauteurs, mais c'est un début…
En 2011 et après, les excès de colère haineuse dans le sillage de l'affaire Thibodeau (le Franco-Ontarien qui avait osé demander un 7up en français à bord d'un avion d'Air Canada), étalés au grand jour avec la diffusion de milliers de commentaires aussi ignobles que ceux ciblant les Acadiens il y a quelques semaines, n'étaient pas à l'avant-plan de l'actualité, sauf dans les médias sociaux. Et pourtant, mon éditorial sur cette question dans Le Droit, en juillet 2011 (http://bit.ly/1P3K7yl), reste à ce jour celui (des miens) qui a suscité le plus de réactions du public sur Facebook et Twitter.
Le mois dernier, les excuses officielles pour le Règlement 17, offertes au nom de l'Ontario par la première ministre Kathleen Wynne, ont de nouveau attiré des vagues d'insultes et de menaces concernant la langue française... et le Québec! Dès que la langue française devient l'enjeu, que cela se passe en Nouvelle-Écosse ou au Manitoba, il se trouve des tas d'anglophones (toujours plus nombreux à s'exprimer que les francophiles) pour établir un lien avec le soi-disant «racisme» des Québécois…
Que cela soit faux n'a aucune importance ! Les médias de langue anglaise mentent depuis tellement longtemps au sujet du français et du Québec qu'ils en sont rendus à croire à leurs propres menteries… En un clin d'oeil, nos efforts de défense de la langue française, même les plus modérés, deviennent autant de manifestations de xénophobie, d'étroitesse d'esprit, d'intolérance et pire encore… Ces mensonges, doublés d'une ignorance générale de chapitres importants de l'histoire du pays, ont créé un terreau fertile pour la francophobie.
J'ai découvert aujourd'hui un autre incident, survenu en novembre 2015, impliquant la municipalité de Saint-Lazarre (entre Rigaud et Vaudreuil-Soulanges) et l'Office québécois de langue française (OQLF). Je n'avais rien vu sur cet incident dans les médias montréalais, pourtant tout proches, et c'est grâce à la diligence d'un ami franco-ontarien, Gérard Delisle, que j'en ai eu connaissance. Il avait bien pris soin d'annoter un article publié dans l'Ottawa Citizen, qui reproduisait le texte original du National Post.
J'ai retrouvé sur le Web l'article du Post, avec tous ces commentaires «édifiants» de lecteurs après le texte… Sous le titre Quebec town makes stand for English: Told to remove 'welcome' sign, decides to drop French too, on apprend que cette municipalité (étant majoritairement francophone et donc soumise aux dispositions de la Loi 101 en découlant) avait dû retirer le mot «welcome» de son panneau routier de bienvenue. Les élus anglophiles semblent donc disposés, ce printemps 2016, à retirer le français aussi. Pas d'anglais? OK, donc pas de français non plus…
Si ce que le maire de St-Lazare déclare est une indication de l'ambiance dans cette localité, on n'y comprend pas grand-chose aux enjeux linguistiques qui touchant l'ensemble du pays, du Québec et même de leur région. Il s'agit, dit-il, d'une intrusion des politiciens provinciaux dans les affaires locales de St-Lazare… Hmmm… Et, sur la même lancée, il ajoute que St-Lazare constitue un modèle de relations harmonieuses entre francophones et anglophones… Quand vous entrez à l'épicerie et que vous parlez en français, on vous répond en français. Si vous parlez l'anglais, on vous répond dans votre langue… Ouais, en voilà une qu'on entend souvent…
Il serait temps que les politiciens grattent sous la surface et examinent la dynamique linguistique à l'oeuvre dans cette municipalité idéale de St-Lazare… Ils verraient que les francophones, même majoritaires, s'y font lentement mais sûrement assimiler par la minorité de langue anglaise, comme d'ailleurs les francophones de plusieurs autres localités du sud-ouest de Montréal ainsi que du West Island… D'ici le prochain recensement (celui de cette année), la proportion de résidents de St-Lazare dont le français est la langue d'usage pourrait chuter sous la barre des 50%… On saura en 2017…
Selon les chiffres du recensement de 2011, en utilisant le critère de la langue maternelle, les francophones forment 53,3% de la population de St-Lazare, et les anglophones 36,5%. Mais quand on passe aux données selon la langue d'usage (la langue la plus souvent parlée à la maison), la proportion de francophones glisse à 50,3%, et celle des anglophones bondit à plus de 45% ! Cela signifie hors de tout doute qu'il existe des transferts linguistiques importants du français vers l'anglais. C'est une preuve d'assimilation, un phénomène qui, de toute évidence, ne se limite plus aux francophones hors-Québec.
Selon ce même recensement, la population de St-Lazare est désormais bilingue à 70%. Or, des taux si élevés de bilinguisme français-anglais, dans notre coin d'Amérique, s'accompagnent TOUJOURS de pertes identitaires chez les francophones, dont une proposition croissante se voit comme «bilingue», et non francophone, et de transferts linguistiques dans les générations suivantes, de plus en plus anglicisées. C'est ce que donne habituellement la «bonne entente» de ce type dans nos régions. Allez en parler aux francophones du Pontiac, en Outaouais, du moins à ce qui reste de cette francophonie… (http://bit.ly/1T3SIIa)
Les francophones du Québec et leurs compatriotes minoritaires des autres provinces cherchent à défendre une langue et une culture françaises menacées. On s'efforce de créer, partout où cela sera possible, des espaces francophones. C'est ce que fait la Loi 101. C'est ce que tentent de réaliser les organisations francophones ailleurs au pays. Apparemment, demander aux médias du Canada anglais de reconnaître la valeur d'assurer par des mesures appropriées une vitalité francophone dans le melting pot anglo-nord-américain, c'est trop demander…
Dans le National Post, après cette nouvelle mal faite et incomplète sur St-Lazare, le public en rajoute… Voici quelques exemples,. pas du tout exceptionnels:
* Good for them, the language Gestapos are a hate-filled group…
* Abolish the language police… Don't like it (bilingualism), move to France. Time for this special treatment for Quebec to END once and for all. Time for our government to tell Quebec how it is…
*Our government should ship them to France…
*French is a dying language compared to English which is why Quebec behaves in such an absurd manner…
* I have a problem with these arrogant pricks that just want to shove French down our throats…
* A free country except Quebec…
* There is a sizable xenophobic, racist and insular portion of the Quebecois population that are so paranoid and delusional that they resort to this kind of stupidity…
* Time to ban the French language in Canada. English only...
* When are these strident francophones going to ban currency with English on it?
* If Canada is so bad, then get the hell out of here… I am fed up with with whining French… Cry me a river Frogs...
Ça ne sert à rien de continuer… Allez voir vous-mêmes… à http://bit.ly/1pVbSoa.
Il était grand temps que ces débordements beaucoup trop fréquents de francophobie suscitent un débat public qui perce tant soit peu la carapace des grands médias. Évidemment, Radio-Canada en a abondamment parlé dans son réseau acadien, et sans doute au national, ainsi que CBC qui ne pouvait y échapper, étant visée. Il faut souligner aussi un texte relativement complet en manchette de la page trois du quotidien Le Devoir. Pas mal silencieux ailleurs, dans les hauteurs, mais c'est un début…
En 2011 et après, les excès de colère haineuse dans le sillage de l'affaire Thibodeau (le Franco-Ontarien qui avait osé demander un 7up en français à bord d'un avion d'Air Canada), étalés au grand jour avec la diffusion de milliers de commentaires aussi ignobles que ceux ciblant les Acadiens il y a quelques semaines, n'étaient pas à l'avant-plan de l'actualité, sauf dans les médias sociaux. Et pourtant, mon éditorial sur cette question dans Le Droit, en juillet 2011 (http://bit.ly/1P3K7yl), reste à ce jour celui (des miens) qui a suscité le plus de réactions du public sur Facebook et Twitter.
Le mois dernier, les excuses officielles pour le Règlement 17, offertes au nom de l'Ontario par la première ministre Kathleen Wynne, ont de nouveau attiré des vagues d'insultes et de menaces concernant la langue française... et le Québec! Dès que la langue française devient l'enjeu, que cela se passe en Nouvelle-Écosse ou au Manitoba, il se trouve des tas d'anglophones (toujours plus nombreux à s'exprimer que les francophiles) pour établir un lien avec le soi-disant «racisme» des Québécois…
Que cela soit faux n'a aucune importance ! Les médias de langue anglaise mentent depuis tellement longtemps au sujet du français et du Québec qu'ils en sont rendus à croire à leurs propres menteries… En un clin d'oeil, nos efforts de défense de la langue française, même les plus modérés, deviennent autant de manifestations de xénophobie, d'étroitesse d'esprit, d'intolérance et pire encore… Ces mensonges, doublés d'une ignorance générale de chapitres importants de l'histoire du pays, ont créé un terreau fertile pour la francophobie.
J'ai découvert aujourd'hui un autre incident, survenu en novembre 2015, impliquant la municipalité de Saint-Lazarre (entre Rigaud et Vaudreuil-Soulanges) et l'Office québécois de langue française (OQLF). Je n'avais rien vu sur cet incident dans les médias montréalais, pourtant tout proches, et c'est grâce à la diligence d'un ami franco-ontarien, Gérard Delisle, que j'en ai eu connaissance. Il avait bien pris soin d'annoter un article publié dans l'Ottawa Citizen, qui reproduisait le texte original du National Post.
J'ai retrouvé sur le Web l'article du Post, avec tous ces commentaires «édifiants» de lecteurs après le texte… Sous le titre Quebec town makes stand for English: Told to remove 'welcome' sign, decides to drop French too, on apprend que cette municipalité (étant majoritairement francophone et donc soumise aux dispositions de la Loi 101 en découlant) avait dû retirer le mot «welcome» de son panneau routier de bienvenue. Les élus anglophiles semblent donc disposés, ce printemps 2016, à retirer le français aussi. Pas d'anglais? OK, donc pas de français non plus…
Si ce que le maire de St-Lazare déclare est une indication de l'ambiance dans cette localité, on n'y comprend pas grand-chose aux enjeux linguistiques qui touchant l'ensemble du pays, du Québec et même de leur région. Il s'agit, dit-il, d'une intrusion des politiciens provinciaux dans les affaires locales de St-Lazare… Hmmm… Et, sur la même lancée, il ajoute que St-Lazare constitue un modèle de relations harmonieuses entre francophones et anglophones… Quand vous entrez à l'épicerie et que vous parlez en français, on vous répond en français. Si vous parlez l'anglais, on vous répond dans votre langue… Ouais, en voilà une qu'on entend souvent…
Il serait temps que les politiciens grattent sous la surface et examinent la dynamique linguistique à l'oeuvre dans cette municipalité idéale de St-Lazare… Ils verraient que les francophones, même majoritaires, s'y font lentement mais sûrement assimiler par la minorité de langue anglaise, comme d'ailleurs les francophones de plusieurs autres localités du sud-ouest de Montréal ainsi que du West Island… D'ici le prochain recensement (celui de cette année), la proportion de résidents de St-Lazare dont le français est la langue d'usage pourrait chuter sous la barre des 50%… On saura en 2017…
Selon les chiffres du recensement de 2011, en utilisant le critère de la langue maternelle, les francophones forment 53,3% de la population de St-Lazare, et les anglophones 36,5%. Mais quand on passe aux données selon la langue d'usage (la langue la plus souvent parlée à la maison), la proportion de francophones glisse à 50,3%, et celle des anglophones bondit à plus de 45% ! Cela signifie hors de tout doute qu'il existe des transferts linguistiques importants du français vers l'anglais. C'est une preuve d'assimilation, un phénomène qui, de toute évidence, ne se limite plus aux francophones hors-Québec.
Selon ce même recensement, la population de St-Lazare est désormais bilingue à 70%. Or, des taux si élevés de bilinguisme français-anglais, dans notre coin d'Amérique, s'accompagnent TOUJOURS de pertes identitaires chez les francophones, dont une proposition croissante se voit comme «bilingue», et non francophone, et de transferts linguistiques dans les générations suivantes, de plus en plus anglicisées. C'est ce que donne habituellement la «bonne entente» de ce type dans nos régions. Allez en parler aux francophones du Pontiac, en Outaouais, du moins à ce qui reste de cette francophonie… (http://bit.ly/1T3SIIa)
Les francophones du Québec et leurs compatriotes minoritaires des autres provinces cherchent à défendre une langue et une culture françaises menacées. On s'efforce de créer, partout où cela sera possible, des espaces francophones. C'est ce que fait la Loi 101. C'est ce que tentent de réaliser les organisations francophones ailleurs au pays. Apparemment, demander aux médias du Canada anglais de reconnaître la valeur d'assurer par des mesures appropriées une vitalité francophone dans le melting pot anglo-nord-américain, c'est trop demander…
Dans le National Post, après cette nouvelle mal faite et incomplète sur St-Lazare, le public en rajoute… Voici quelques exemples,. pas du tout exceptionnels:
* Good for them, the language Gestapos are a hate-filled group…
* Abolish the language police… Don't like it (bilingualism), move to France. Time for this special treatment for Quebec to END once and for all. Time for our government to tell Quebec how it is…
*Our government should ship them to France…
*French is a dying language compared to English which is why Quebec behaves in such an absurd manner…
* I have a problem with these arrogant pricks that just want to shove French down our throats…
* A free country except Quebec…
* There is a sizable xenophobic, racist and insular portion of the Quebecois population that are so paranoid and delusional that they resort to this kind of stupidity…
* Time to ban the French language in Canada. English only...
* When are these strident francophones going to ban currency with English on it?
* If Canada is so bad, then get the hell out of here… I am fed up with with whining French… Cry me a river Frogs...
Ça ne sert à rien de continuer… Allez voir vous-mêmes… à http://bit.ly/1pVbSoa.
jeudi 17 mars 2016
Bilingualism 101...
David Lisbona to Pierre Allard on Twitter, March 16, 2016:
"Allow me to understand then, what you are suggesting is that because it is inevitable that bilingualism means English only, that you would prefer to stem what appears to be a 'natural flow' toward English by placing artificial constructs and constants, not to mention expose other French Canadians to the benefits of learning another language? Let me ask, if it was any other language than English, it appears to me that you would have less of a problem. Is that accurate? You obviously feel that any language restrictions regardless how onerous are justified in the name of French language protection."
Dear Mr. Lisbona,
What lead to your four-Tweet long question was my comment to Dan Delmar's column in the Montréal Gazette, in which he painted what he called French Canadian "anti-bilinguals" as a Québec "ethnic nationalist" faction. I answered that here, again, was "just another Anglo who understood nothing" (un autre Anglo qui ne comprend rien) about the complexities of bilingualism among French-speakers in this country. His and your misinterpretation of my point of view led to a lengthy exchange of Tweets that seems to have cleared up very little.
Frankly, Mr. Lisbona, short of meeting to compare in great detail our knowledge of Québec and Canadian history, I don't know where to start to find common ground. The chasm that separates our life experiences seems, at first glance, too wide to bridge. So just bear with me while I tell you what it was like growing up as a French-Canadian in Ottawa's West End, in the fifties and sixties. And it's all about bilingualism…
In my neighbourhood (called Mechanicsville because it was first inhabited by mechanics living close to the CP train yards nearby), you hardly heard any English spoken. Between Wellington Street (the Parliament buildings are on that street) and the Ottawa River, just west of Lebreton Flats, it was like a French Canadian village inside the capital.
My first experience with English came when I was 7 or 8 years old. Our corner store had a new owner, a Mediterranean-born newcomer to Canada, and we found we had to speak English to him. He didn't care that 90% plus of his customers spoke French. Why should he? He was in Ontario… From that day on, I knew that to buy candy, I had to know how to ask for it in English… because he couldn't or wouldn't answer me in French…
When we were kids, friends and neighbours would gather outside on the porches after supper, to chat. We were young, but never failed to notice that when an "Anglais" stopped to join the conversation, everyone stopped speaking French and reverted to English… It didn't take me long to learn that when a French-Canadian joined a conversation of 5, 6 or 10 English-speakers, nobody changed to French… Children know how to distinguish the strong from the weak...
Then, at age 11 or 12, in grades 7 or 8 at our elementary French Canadian school, all of a sudden the teacher split our school days in two. French in the morning, English in the afternoon. Why? We didn't know about Regulation 17 and its aftermath… We must have figured it was the same in all schools, even for anglophone schoolchildren. But it wasn't…
When I was 13, it was time for high school but there were no French-language secondary schools in Ontario… It was either going to English-language Fisher Park High School (which most of our friends attended, with predictable results on their cultural behaviour) or going to a private bilingual school where half our classes would be in French. My parents had to borrow money to pay for the tuition…
I went to Ottawa U High School (the University of Ottawa had its own high school then), located in downtown Ottawa, my first real experience outside the neighbourhood. For the first time I had daily contact with English-speaking kids, who often called us "frogs". I guess they learned that from their parents… Sometimes we we told to "Speak white", which I quickly understood as an order to speak English… Racial intolerance was not only about the colour of your skin, it seems…
I also found out that just asking for tickets in French on an Ottawa city bus could be a frightening experience for a child. But kids learn quickly… I started talking to bus drivers in English, unless I knew one to be French-speaking…
By now we were in the early sixties and we had an Ottawa mayor who, whatever other qualities she may have had, hated French Canadians… When students at our high school posted hand-made French translations on crosswalk signs in protest, they were arrested, dragged to court and fined.
Many of my grandparents' generation spoke only French, even some of my parents' generation. But almost all of my friends were bilingual, by obligation, not by choice. By the time they were adults, for many of them English had become the habitual language. The following younger generation was less bilingual, mainly because many spoke only English. And in the next generation, things will only get worse. Collective bilingualism will have been a temporary, two or three-generation evolution from French to English…
Don't think this, or my own experience, is exceptional. Outside areas where French-language speakers form a solid majority, this is the norm, and federal censuses bear this out since the 1960s. This phenomenon is now even showing up in Québec, in regions like the Pontiac, the Lower Gatineau valley and Montréal's West Island. This is not a "natural flow" toward English. It the result of actions and policies by successive governments and communities that go back to Lord Durham's time in 1839.
Why do you think all provinces (except Québec) outlawed French-language schools in the first half-century of Confederation? These are relevant chapters in Canadian history that most English-Canadians know little or nothing about. French-Canadians are the most bilingual "nation" in Canada. Québec is the most bilingual province in Canada. Concerns raised about the effect of this imposed bilingualism are being raised from coast to coast, by federalists as well as separatists… not just by an "ethnic nationalist" faction in Québec…
Another point to make. French, here and across the country, throughout the continent and around the world, is not only a language for communication. It serves as a vehicle for our original North American culture, with its musicians, singers, authors, actors, film-makers, teachers, scientists, etc. It is still thriving, and deserves to continue thriving over future centuries. To succeed, there has to a at least one little corner of North America where French is the common language. What we have now, in Canada, is a form of bilingualism that too often forces French-Canadians to use both languages, while allowing English-speakers - even in places like Montréal - to remain unilingual.
I could go on for chapters, but one last thought. Recently, at the Salon du livre de l'Outaouais, one of the the main attractions (that day) was Dany Laferrière, a Québec author, member of France's illustrious Académie française, originally from Haïti, a strong defender of our culture and language. Also, recently, I finished reading Rhapsodie québécoise, an excellent essay in favour of a French Québec by a Jewish Hungarian immigrant, Akos Verboczy. And this week I heard a "resistance" song that worries about the future of the French language here, by Nicola Ciccone, a Québécois of Italian origins who sings in both Italian and French. So much for Québec's ethnic nationalists…
Everyone should learn a second, third or fourth language. By choice. You yourself speak about the "benefits of learning another language". I agree. But then, why do so few English-speaking Canadians, especially outside Québec, preach by example?
Yours sincerely,
Pierre Allard
Gatineau, Québec
"Allow me to understand then, what you are suggesting is that because it is inevitable that bilingualism means English only, that you would prefer to stem what appears to be a 'natural flow' toward English by placing artificial constructs and constants, not to mention expose other French Canadians to the benefits of learning another language? Let me ask, if it was any other language than English, it appears to me that you would have less of a problem. Is that accurate? You obviously feel that any language restrictions regardless how onerous are justified in the name of French language protection."
Dear Mr. Lisbona,
What lead to your four-Tweet long question was my comment to Dan Delmar's column in the Montréal Gazette, in which he painted what he called French Canadian "anti-bilinguals" as a Québec "ethnic nationalist" faction. I answered that here, again, was "just another Anglo who understood nothing" (un autre Anglo qui ne comprend rien) about the complexities of bilingualism among French-speakers in this country. His and your misinterpretation of my point of view led to a lengthy exchange of Tweets that seems to have cleared up very little.
Frankly, Mr. Lisbona, short of meeting to compare in great detail our knowledge of Québec and Canadian history, I don't know where to start to find common ground. The chasm that separates our life experiences seems, at first glance, too wide to bridge. So just bear with me while I tell you what it was like growing up as a French-Canadian in Ottawa's West End, in the fifties and sixties. And it's all about bilingualism…
In my neighbourhood (called Mechanicsville because it was first inhabited by mechanics living close to the CP train yards nearby), you hardly heard any English spoken. Between Wellington Street (the Parliament buildings are on that street) and the Ottawa River, just west of Lebreton Flats, it was like a French Canadian village inside the capital.
My first experience with English came when I was 7 or 8 years old. Our corner store had a new owner, a Mediterranean-born newcomer to Canada, and we found we had to speak English to him. He didn't care that 90% plus of his customers spoke French. Why should he? He was in Ontario… From that day on, I knew that to buy candy, I had to know how to ask for it in English… because he couldn't or wouldn't answer me in French…
When we were kids, friends and neighbours would gather outside on the porches after supper, to chat. We were young, but never failed to notice that when an "Anglais" stopped to join the conversation, everyone stopped speaking French and reverted to English… It didn't take me long to learn that when a French-Canadian joined a conversation of 5, 6 or 10 English-speakers, nobody changed to French… Children know how to distinguish the strong from the weak...
Then, at age 11 or 12, in grades 7 or 8 at our elementary French Canadian school, all of a sudden the teacher split our school days in two. French in the morning, English in the afternoon. Why? We didn't know about Regulation 17 and its aftermath… We must have figured it was the same in all schools, even for anglophone schoolchildren. But it wasn't…
When I was 13, it was time for high school but there were no French-language secondary schools in Ontario… It was either going to English-language Fisher Park High School (which most of our friends attended, with predictable results on their cultural behaviour) or going to a private bilingual school where half our classes would be in French. My parents had to borrow money to pay for the tuition…
I went to Ottawa U High School (the University of Ottawa had its own high school then), located in downtown Ottawa, my first real experience outside the neighbourhood. For the first time I had daily contact with English-speaking kids, who often called us "frogs". I guess they learned that from their parents… Sometimes we we told to "Speak white", which I quickly understood as an order to speak English… Racial intolerance was not only about the colour of your skin, it seems…
I also found out that just asking for tickets in French on an Ottawa city bus could be a frightening experience for a child. But kids learn quickly… I started talking to bus drivers in English, unless I knew one to be French-speaking…
By now we were in the early sixties and we had an Ottawa mayor who, whatever other qualities she may have had, hated French Canadians… When students at our high school posted hand-made French translations on crosswalk signs in protest, they were arrested, dragged to court and fined.
Many of my grandparents' generation spoke only French, even some of my parents' generation. But almost all of my friends were bilingual, by obligation, not by choice. By the time they were adults, for many of them English had become the habitual language. The following younger generation was less bilingual, mainly because many spoke only English. And in the next generation, things will only get worse. Collective bilingualism will have been a temporary, two or three-generation evolution from French to English…
Don't think this, or my own experience, is exceptional. Outside areas where French-language speakers form a solid majority, this is the norm, and federal censuses bear this out since the 1960s. This phenomenon is now even showing up in Québec, in regions like the Pontiac, the Lower Gatineau valley and Montréal's West Island. This is not a "natural flow" toward English. It the result of actions and policies by successive governments and communities that go back to Lord Durham's time in 1839.
Why do you think all provinces (except Québec) outlawed French-language schools in the first half-century of Confederation? These are relevant chapters in Canadian history that most English-Canadians know little or nothing about. French-Canadians are the most bilingual "nation" in Canada. Québec is the most bilingual province in Canada. Concerns raised about the effect of this imposed bilingualism are being raised from coast to coast, by federalists as well as separatists… not just by an "ethnic nationalist" faction in Québec…
Another point to make. French, here and across the country, throughout the continent and around the world, is not only a language for communication. It serves as a vehicle for our original North American culture, with its musicians, singers, authors, actors, film-makers, teachers, scientists, etc. It is still thriving, and deserves to continue thriving over future centuries. To succeed, there has to a at least one little corner of North America where French is the common language. What we have now, in Canada, is a form of bilingualism that too often forces French-Canadians to use both languages, while allowing English-speakers - even in places like Montréal - to remain unilingual.
I could go on for chapters, but one last thought. Recently, at the Salon du livre de l'Outaouais, one of the the main attractions (that day) was Dany Laferrière, a Québec author, member of France's illustrious Académie française, originally from Haïti, a strong defender of our culture and language. Also, recently, I finished reading Rhapsodie québécoise, an excellent essay in favour of a French Québec by a Jewish Hungarian immigrant, Akos Verboczy. And this week I heard a "resistance" song that worries about the future of the French language here, by Nicola Ciccone, a Québécois of Italian origins who sings in both Italian and French. So much for Québec's ethnic nationalists…
Everyone should learn a second, third or fourth language. By choice. You yourself speak about the "benefits of learning another language". I agree. But then, why do so few English-speaking Canadians, especially outside Québec, preach by example?
Yours sincerely,
Pierre Allard
Gatineau, Québec
vendredi 11 mars 2016
Haïr les francophones n'est pas illégal...
Chapitre 1.
Voici une partie du texte de l'article 319 du Code criminel canadien:
«Quiconque, par la communication de déclarations autrement que dans une conversation privée, fomente volontairement la haine contre un groupe identifiable est coupable:
a) soit d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de deux ans;
b) soit d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par une procédure sommaire.»
Chapitre 2.
Traduction d'extraits de commentaires publiés ces jours derniers sur le site Web de CBC (Canadian Broadcasting Corporation) et visant les francophones, plus précisément les Acadiens:
«Ce que nous aurions dû faire, c'est déporter tous les Français vers la Louisiane.»
«Imaginez si tous les Acadiens avaient été déportés du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. Imaginez comment les choses iraient mieux.»
Ce ne sont là que quelques-uns d'une multitude de commentaires aux saveurs apparentées.
Chapitre 3.
Imaginez ces deux commentaires en remplaçant les mots Français et Acadiens par
…Juifs
…Autochtones
…Noirs
...Musulmans
ou d'autres. Utilisez votre imagination, ou un manuel d'histoire…
Pensez-vous que CBC les auraient alors publiés?
Chapitre 4.
Extrait de la lettre de CBC à l'avocat/professeur Michel Doucet, porte-parole d'un collectif acadien (comprenant Michel Bastarache, ancien juge de la Cour suprême du Canada) qui avait dénoncé la publication des commentaires cités au Chapitre 2.
«Nous défendons toujours la liberté d'expression et le droit des Canadiens à émettre des critiques ou des opinions divergentes, même s'ils sont alors perçus comme des ignorants ou des personnes mal informées.»
Et si c'était plus qu'une perception? Si c'étaient des ignorants? Et s'ils étaient effectivement mal informés?
Chapitre 5.
Extrait d'un de mes éditoriaux dans Le Droit, le 16 juillet 2011, après le jugement Thibodeau (demande d'un 7up en français dans un avion d'Air Canada) et le torrent de colère haineuse qu'il avait suscité au Canada anglais. Ici ce n'est pas CBC mais le Globe and Mail…
«Les réactions dépassent les bornes de l'acceptable. Si on en juge par l'ensemble des quelque 1500 commentaires reçus par le très sérieux Globe and Mail, une grande partie du public anglophone est outrée au point d'avoir perdu toute notion de bon sens et de savoir-vivre. La décision de la Cour fédérale a suscité une véritable cascade de propos diffamatoires, de procès d'intention, d'affirmations gratuites et d'injures visant la langue française, le Québec et M. Thibodeau (un Franco-Ontarien). Un véritable cocktail de préjugés quasi-racistes nourris par une ignorance totale de l'histoire du pays.»
Rien ne semble avoir changé depuis cinq ans…
Chapitre 6.
Si les commentaires au Chapitre 2 avaient été soumis avec les noms d'un des groupes au Chapitre 3, auraient-ils été jugés haineux au sens de l'article du Code criminel cité au Chapitre 1?
Je crois que oui. Et CBC aurait informé leurs auteurs de leur caractère inacceptable.
Mais ce qui s'avère haineux pour les groupes du Chapitre 3 ne l'est apparemment pas pour le groupe du Chapitre 2. Nous. Les francophones. Que nous soyons de l'Acadie, de l'Ontario, de l'Ouest ou même - et peut-être surtout - du Québec.
Quand nous sommes la cible, la saison de chasse est toujours ouverte dans les médias de langue anglaise, même au sein du réseau d'État, et le Code criminel cesse alors de s'appliquer…
Chapitre 7.
Quand un politicien de la CAQ a osé remettre en question les quotas québécois d'immigration jugés trop élevés, pour des motifs tout à fait raisonnables, le premier ministre Couillard l'a accusé de «souffler sur les braises de l'intolérance».
Quand le gouvernement Marois avait voulu implanter une charte de la laïcité de l'État en 2013, les Philippe Couillard, Thomas Mulcair, et semblables ont crié à la discrimination, à l'illégalité, à la xénophobie, à l'intolérance…
Pourquoi, alors, ne dénonce-t-on pas ces débordements bien plus évidents de colère haineuse dans les médias anglos contre les Acadiens, contre les Franco-Ontariens, contre les défenseurs de la langue française au Québec? Le silence est parfois assourdissant...
Chapitre 8.
La déportation des Acadiens était une tentative de génocide.
Chapitre 9.
Parler favorablement de cette déportation, c'est parler favorablement d'une tentative de génocide. C'est pas haineux, ça?
Chapitre 10.
En passant, où sont ces légions d'anglophones francophiles dont on nous parle si souvent…
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Liens:
L'article de CBC qui a déclenché cette affaire: http://bit.ly/1REqtuL
Lettre des Acadiens à CBC: http://bit.ly/1XeLUqd
Réponse de CBC: http://bit.ly/1nDxaVQ
mercredi 9 mars 2016
Nés pour un petit pain...
Les flammes de la plus récente mobilisation en faveur de la création d'une université (ou d'un réseau universitaire) de langue française en Ontario, entreprise par un noyau dynamique du Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO) en 2012, sont désormais réduites à l'état de braises. Et les événements de la dernière semaine donnent à croire que ces braises se refroidissent à vue d'oeil…
Tout était pourtant si bien parti il y a quatre ans, avec la ferme volonté d'assurer au post-secondaire ontarien des institutions universitaires «par et pour» les francophones, comme cela existe déjà au primaire, au secondaire et au collégial. Mais depuis deux ans, la portée des demandes rétrécit, le ton s'adoucit, le gouvernement tergiverse, les étudiants s'essoufflent et le résultat, c'est que rien n'avance.
L'insistance du RÉFO et alliés (l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario et la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne) à cibler prioritairement la grande région torontoise et le sud-ouest ontarien pour l'implantation d'un premier campus n'est certainement pas étrangère au peu d'intérêt que la manifestation du 18 février à Queen's Park a soulevée dans l'est et le nord de la province, où l'on retrouve l'immense majorité des étudiants et étudiantes universitaires francophones.
Preuve additionnelle que le projet s'effrite, en fin de semaine le Conseil des délégués de l'Association des étudiants francophones (AÉF) de l'Université Laurentienne de Sudbury - avec Ottawa, une des deux grandes universités bilingues de l'Ontario - s'est désolidarisé du mouvement, annonçant officiellement son opposition au projet d'université franco-ontarienne (http://bit.ly/1p6v8OV)! Et pendant ce temps, depuis quatre ans, c'est plus ou moins le silence dans les rangs estudiantins à l'Université d'Ottawa, qui abrite 13 000 étudiants et étudiantes de langue française (sur un total de 16 000 en Ontario).
Les partisans d'une reprise de la mobilisation en faveur d'un «par et pour» mur à mur ont pu brièvement reprendre espoir quand le président de la FESFO (Fédération de la jeunesse franco-ontarienne), Jérémie Spadafora, est revenu en force sur la gouvernance francophone du réseau universitaire, une gouvernance qui, dit-il, «n'est pas présente dans les institutions bilingues» (l'Université d'Ottawa et l'Université Laurentienne).
Mais l'espoir aura été vite déçu avec la déclaration de Geveniève Borris, coprésidente du RÉFO, rapportée lundi dans le quotidien Le Droit (http://bit.ly/1QAbd4q). Plutôt que de remettre le train sur les rails et fustiger le gouvernement Wynne pour son inaction, elle dit se réjouir de «l'ouverture» de la ministre des Affaires francophones… Or, cette dernière a déjà exclu la possibilité pour la future université d'avoir pignon sur rue à Ottawa, ou même de concurrencer les universités bilingues… Que reste-t-il du «par et pour»…
En plus de se réjouir, Mme Borris avance que Toronto serait le lieu idéal pour une université de langue française parce que d'ici dix ans (en 2026 donc…) «50% de la population francophone en Ontario sera à Toronto et dans les municipalités environnantes du sud et centre-ouest, telles que London et Windsor». C'est abracadabrant…
Encore une fois, on joue avec des chiffres sans en saisir le sens. Quelle combinaison de statistiques du recensement fédéral utilise-t-on? La Fédération des communautés francophones et acadienne avance souvent pour l'ensemble du hors-Québec 2,6 millions de francophones, mais elle inclut dans cette extravagance tous les anglophones et allophones qui connaissent le français… Si on s'en tient aux gens de langue maternelle française, on chute sous la barre du million et avec les chiffres de la langue d'usage (la langue la plus souvent parlée à la maison), c'est moins de 600 000…
En Ontario, cela donne, au recensement de 2011, 1 438 785 personnes capables de communiquer en français, mais seulement 493 300 Ontariens de langue maternelle française, et à peine 284 115 dont le français est la langue principale au foyer… Si on s'en tient à la langue maternelle, les régions d'Ottawa et de Prescott-Russell dans l'est, avec les régions de Sudbury, Nipissing et Cochrane dans le Nord, abritent plus de 55% des Franco-Ontariens, contre à peine 10% dans les régions de Toronto, London et Windsor. Avec les données sur la langue d'usage, le déséquilibre s'accroît, avec près de 70% des francophones dans l'est et le nord, contre seulement 7% dans les trois grandes régions citées par Mme Borris…
Ce déséquilibre accru s'explique par les taux d'assimilation, faibles ou modérés dans l'est et le nord, sauf à Sudbury où c'est plus inquiétant, et dramatiques dans le centre-sud-ouest, partout au-dessus de la barre des 50% et bien pire à Windsor… Que les francophones de ces régions aient droit eux aussi à un campus universitaire de langue française, cela va de soi, mais que le RÉFO mise en premier sur ces régions où la majorité des francophones se font assimiler en quelques générations et forment moins de 2% de la population, c'est à n'y rien comprendre. Et dans dix ans on y trouvera près de la moitié des Franco-Ontariens? Vraiment?
Si la coprésidente du RÉFO n'a pas été mal citée (c'est toujours possible…), il semble qu'en dépit des leçons du dernier siècle et de générations de lutte, on soit encore «né pour un petit pain»…
mardi 8 mars 2016
Le 8 mars...
Le 8 mars, journée internationale de la femme... J'ai toujours l'impression que c'est risqué pour un homme de s'aventurer sur ce thème, surtout que l'existence même d'une telle journée sous-entend (presque) que les 364 autres - les 365 autres en 2016 - appartiennent aux mâles de l'espèce humaine…
De fait, à bien y penser, je crois n'avoir jamais signé de billet «du 8 mars» auparavant…
Alors voici… Notre principe de droit le plus important, me semble-t-il, reste et restera celui qui consacre l'égalité de tous les humains, femmes et hommes… Ce principe constitue le fondement sur lequel tous les autres droits juridiques s'établissent. Et cette égalité est enchâssée dans nos lois constitutionnelles, tant à Québec qu'à Ottawa. Elle ne peut et ne doit, d'aucune façon, être remise en question, du moins dans les institutions publiques.
Dans la vie privée, des droits comme la liberté d'expression et de religion permettent malheureusement à des organisations et à des individus de traiter les femmes en inférieures. Elles sont souvent moins bien rémunérées en milieu de travail. Elles n'ont pas accès aux postes supérieurs dans certaines hiérarchies religieuses, y compris l'Église catholique. Et dans certaines cultures patriarcales, elles restent soumises - par le comportement, par la tenue vestimentaire - aux ordonnances des hommes.
En attendant de pouvoir contester un jour ces odieuses situations sur les plans législatif et judiciaire, jusque dans la sphère privée, on pourrait tout au moins exiger que l'État et l'ensemble de l'appareil public et parapublic (bureaux, écoles, établissements de santé, etc.) respectent scrupuleusement l'égalité de l'homme et de la femme. J'ajouterais que les médias, comme chiens de garde des droits, ont également leur part de responsabilité publique en matière d'égalité.
Au risque d'être taxé d'islamophobe (ce dont je me fiche éperdument), revenons une énième fois sur le voile musulman... sous toutes ses coutures (foulard, hijab, tchador, niqab). On aura beau répéter que le fait d'être voilée constitue un choix tout à fait libre, je n'en crois rien. La majorité des musulmanes qui se voilent se conforment aux ordonnances de chefs religieux mâles ou de leurs maris ou pères… C'est, de l'avis général, un signe évident de soumission et d'infériorité des femmes.
N'allez pas me faire croire que sur une plage, l'été, pendant que l'homme et les enfants en costume de bain se rafraîchissent à l'eau, qu'une mère voilée et suant à grosses gouttes s'amuse sous sa chasuble médiévale en pleine canicule… Ou que des fillettes préadolescentes vont tout à coup, librement, sans pression, décider de se couvrir les trois quarts de la tête d'un foulard ou d'un hijab…
Évidement, dans le contexte juridique actuel, on peut sympathiser avec ces victimes d'une culture qui fut aussi la nôtre jusque dans un passé relativement récent… mais guère plus. Par contre, l'État, les institutions publiques et les médias peuvent - et doivent - tout au moins adopter des comportements qui n'ont pas pour effet de légitimer ou d'encourager ces agressions envers l'égalité et la dignité des femmes.
Permettez-moi d'offrir quelque exemples. Dans ses pages Web d'accueil aux réfugiés syriens, Patrimoine canadien montre l'arrivée d'une famille où la mère et la fille adolescente sont voilées. Il me semble, comme ministère public d'un pays où l'égalité des sexes est constitutionnalisée, qu'on devrait se faire un devoir de présenter en photo une famille où la femme est traitée en égale, et non en inférieure… Et j'en ai vu des photos de réfugiés syriens où les femmes ne portaient pas le voile d'infériorité.
J'adresserais ce commentaire aussi aux médias, qui devraient savoir à quel point leurs choix d'images ont une influence sur le public lecteur. Une présentation positive, à la une, de femmes portant le voile constitue un choix idéologique autant qu'un choix d'information. Je ne propose pas de censurer toute image de voile, mais il faut garder à l'esprit que l'effet n'est jamais neutre, et que les médias exercent un pouvoir appréciable sur l'opinion publique. Le quotidien Le Droit a même permis à l'une de ses journalistes, musulmane, de travailler en portant son hijab et présenté ses articles avec photo d'elle en hijab… Aurait-il permis à l'un de ses journalistes de couvrir l'actualité, disons une conférence de presse d'athées, avec un crucifix ostentatoire au cou?
Et que dire d'une université, centre de haut-savoir qui devrait faire la promotion des plus hautes valeurs de civilisation, au premier chef l'égalité de tous les humains? Que dire quand telle université - l'Université d'Ottawa en l'occurrence - présente une publicité institutionnelle dans laquelle elle propose la photo d'une jeune diplômée portant un hijab? Les autorités universitaires se sont-elles au moins demandé si, ce faisant, elles ne contribuaient pas à légitimer des pratiques ayant pour effet d'inférioriser la moitié de l'humanité? Ou est-on collé contre l'arbre rose nanane multiculturel au point de ne plus voir la forêt de l'égalité?
La morale de cette histoire? La lutte pour l'égalité des femmes dure depuis la nuit des temps. On arrive finalement, du moins dans notre coin d'Occident, à une constitutionnalisation de l'égalité des hommes et des femmes, base juridique permettant de poursuivre à d'autres niveaux le combat que livrent des millions de femmes sur cette planète désespérante. En attendant de pouvoir enfin crier victoire, me semble que l'on moins qu'on puisse attendre de nous, c'est de ne pas faire obstacle à cette égalité en pavoisant de signes d'infériorité de la femme nos pubs et nos «unes» de journaux… C'est peu demander…
De fait, à bien y penser, je crois n'avoir jamais signé de billet «du 8 mars» auparavant…
Alors voici… Notre principe de droit le plus important, me semble-t-il, reste et restera celui qui consacre l'égalité de tous les humains, femmes et hommes… Ce principe constitue le fondement sur lequel tous les autres droits juridiques s'établissent. Et cette égalité est enchâssée dans nos lois constitutionnelles, tant à Québec qu'à Ottawa. Elle ne peut et ne doit, d'aucune façon, être remise en question, du moins dans les institutions publiques.
Dans la vie privée, des droits comme la liberté d'expression et de religion permettent malheureusement à des organisations et à des individus de traiter les femmes en inférieures. Elles sont souvent moins bien rémunérées en milieu de travail. Elles n'ont pas accès aux postes supérieurs dans certaines hiérarchies religieuses, y compris l'Église catholique. Et dans certaines cultures patriarcales, elles restent soumises - par le comportement, par la tenue vestimentaire - aux ordonnances des hommes.
En attendant de pouvoir contester un jour ces odieuses situations sur les plans législatif et judiciaire, jusque dans la sphère privée, on pourrait tout au moins exiger que l'État et l'ensemble de l'appareil public et parapublic (bureaux, écoles, établissements de santé, etc.) respectent scrupuleusement l'égalité de l'homme et de la femme. J'ajouterais que les médias, comme chiens de garde des droits, ont également leur part de responsabilité publique en matière d'égalité.
Au risque d'être taxé d'islamophobe (ce dont je me fiche éperdument), revenons une énième fois sur le voile musulman... sous toutes ses coutures (foulard, hijab, tchador, niqab). On aura beau répéter que le fait d'être voilée constitue un choix tout à fait libre, je n'en crois rien. La majorité des musulmanes qui se voilent se conforment aux ordonnances de chefs religieux mâles ou de leurs maris ou pères… C'est, de l'avis général, un signe évident de soumission et d'infériorité des femmes.
N'allez pas me faire croire que sur une plage, l'été, pendant que l'homme et les enfants en costume de bain se rafraîchissent à l'eau, qu'une mère voilée et suant à grosses gouttes s'amuse sous sa chasuble médiévale en pleine canicule… Ou que des fillettes préadolescentes vont tout à coup, librement, sans pression, décider de se couvrir les trois quarts de la tête d'un foulard ou d'un hijab…
Évidement, dans le contexte juridique actuel, on peut sympathiser avec ces victimes d'une culture qui fut aussi la nôtre jusque dans un passé relativement récent… mais guère plus. Par contre, l'État, les institutions publiques et les médias peuvent - et doivent - tout au moins adopter des comportements qui n'ont pas pour effet de légitimer ou d'encourager ces agressions envers l'égalité et la dignité des femmes.
Permettez-moi d'offrir quelque exemples. Dans ses pages Web d'accueil aux réfugiés syriens, Patrimoine canadien montre l'arrivée d'une famille où la mère et la fille adolescente sont voilées. Il me semble, comme ministère public d'un pays où l'égalité des sexes est constitutionnalisée, qu'on devrait se faire un devoir de présenter en photo une famille où la femme est traitée en égale, et non en inférieure… Et j'en ai vu des photos de réfugiés syriens où les femmes ne portaient pas le voile d'infériorité.
Image du site Web de Patrimoine canadien
J'adresserais ce commentaire aussi aux médias, qui devraient savoir à quel point leurs choix d'images ont une influence sur le public lecteur. Une présentation positive, à la une, de femmes portant le voile constitue un choix idéologique autant qu'un choix d'information. Je ne propose pas de censurer toute image de voile, mais il faut garder à l'esprit que l'effet n'est jamais neutre, et que les médias exercent un pouvoir appréciable sur l'opinion publique. Le quotidien Le Droit a même permis à l'une de ses journalistes, musulmane, de travailler en portant son hijab et présenté ses articles avec photo d'elle en hijab… Aurait-il permis à l'un de ses journalistes de couvrir l'actualité, disons une conférence de presse d'athées, avec un crucifix ostentatoire au cou?
Ça c'est de la propagande pour le voile...
Et que dire d'une université, centre de haut-savoir qui devrait faire la promotion des plus hautes valeurs de civilisation, au premier chef l'égalité de tous les humains? Que dire quand telle université - l'Université d'Ottawa en l'occurrence - présente une publicité institutionnelle dans laquelle elle propose la photo d'une jeune diplômée portant un hijab? Les autorités universitaires se sont-elles au moins demandé si, ce faisant, elles ne contribuaient pas à légitimer des pratiques ayant pour effet d'inférioriser la moitié de l'humanité? Ou est-on collé contre l'arbre rose nanane multiculturel au point de ne plus voir la forêt de l'égalité?
Une pub récente de l'Université d'Ottawa...
La morale de cette histoire? La lutte pour l'égalité des femmes dure depuis la nuit des temps. On arrive finalement, du moins dans notre coin d'Occident, à une constitutionnalisation de l'égalité des hommes et des femmes, base juridique permettant de poursuivre à d'autres niveaux le combat que livrent des millions de femmes sur cette planète désespérante. En attendant de pouvoir enfin crier victoire, me semble que l'on moins qu'on puisse attendre de nous, c'est de ne pas faire obstacle à cette égalité en pavoisant de signes d'infériorité de la femme nos pubs et nos «unes» de journaux… C'est peu demander…
dimanche 6 mars 2016
Commission B-B: l'obstruction systématique de la ville d'Ottawa...
Le samedi 5 mars 2016, dernière journée du colloque annuel du CRCCF (Centre de recherche en civilisation canadienne-française) de l'Université d'Ottawa, ayant pour thème le bilinguisme (voir http://bit.ly/21JISNP), aura été pour moi l'occasion de replonger dans l'époque des travaux de la Commission Laurendeau-Dunton (Commission B-B) au milieu et à la fin des années 1960.
Au-delà des propos fort instructifs de deux conférenciers de l'après-midi, Roberto Perin (Collège Glendon) et Valérie Lapointe-Gagnon (Université de l'Alberta), j'avais eu l'occasion de feuilleter la veille et durant la matinée le dernier numéro de la revue Mens (mot latin, pas anglais…), une édition spéciale intitulée La Commission royale d'enquête sur le bilinguisme a 50 ans: période révolue ou projet inachevé, lancée dans le cadre du colloque du CRCCF. J'en ai achevé la lecture aujourd'hui, dimanche.
Fraîchement sorti des presses à la fin de février 2016, ce numéro spécial double contient notamment un article du professeur François Charbonneau, de l'Université d'Ottawa, que doit absolument lire toute personne intéressée par ou impliquée dans l'actuelle campagne en faveur du «bilinguisme officiel» à la ville d'Ottawa. On y comprendra un peu mieux le vieux fond raciste et francophobe qui pourrit le climat linguistique au sein de l'administration municipale depuis plus d'un siècle…
Notons au départ que la Commission Laurendeau-Dunton avait expédié des demandes d'information à quelque 35 villes, ministères et organismes, de l'Atlantique au Pacifique, «et qu'elle essuiera un seul refus, celui de la ville d'Ottawa». Dans la capitale, sa demande a été l'objet de vifs débats à la mairie, au comité exécutif, au conseil municipal et même après avoir arraché de peine et de misère des approbations de principe par des votes serrés, la Commission B-B s'est butée à une bureaucratie municipale rébarbative, francophobe, intraitable…
Pauvres commissaires… Ils ne connaissaient pas cette ville, peut-être l'une des plus hostiles du pays aux aspirations des Canadiens français (plus de 20% de la population d'Ottawa à l'époque). Les citoyens avaient élu comme maire une francophobe notoire, Charlotte Whitton. Un groupe de jeunes Franco-Ontariens qui avaient placardé des affiches en français sur les traverses à piétons municipales unilingues anglaises avaient été arrêtés par la police, traînés devant les tribunaux et mis à l'amende… Pas de quartier pour les francophones dans l'Ottawa du milieu des années 60…
La Commission Laurendeau-Dunton avait constitué une équipe de recherche pour la région de la capitale fédérale et celle-ci a commis l'erreur d'évoquer son idéal dans ses communications avec la ville. La plupart des élus et fonctionnaires municipaux anglophones qui en ont pris connaissance ont dû frémir d'horreur et courir en faire rapport à leurs loges maçonniques ou orangistes. «Si la capitale d'un pays doit commander le respect et la loyauté des citoyens des deux langues officielles, affirmait la Commission B-B, elle ne devrait pas refléter la domination d'une langue sur l'autre»….
Les commissaires André Laurendeau et Davidson Dunton ont été obligés d'intervenir personnellement auprès de la municipalité pour qu'elle permette à la Commission d'expédier aux fonctionnaires un questionnaire sur la langue de travail et les services en français à la population, et ont finalement essuyé un refus catégorique. À une demande d'information auprès des 18 directeurs de services de la ville, dix n'ont même pas répondu. «Il est évident que les hauts fonctionnaires de la ville ne craignaient pas de perdre leur emploi lorsqu'ils multipliaient les refus aux demandes de la Commission», note M. Charbonneau.
L'obstruction systématique de la capitale aux travaux de la Commission B-B a obligé celle-ci à conclure ainsi, dans son rapport final en 1970: «La forte impression qui ressort de la masse des données relatives aux attitudes vis-à-vis de la capitale est que les Canadiens de langue française ne s'y sentent pas chez eux», et il apparaît fort difficile de modifier «la réalité anglo-dominante de la ville».
J'ai grandi à Ottawa, mon père a été fonctionnaire municipal à Ottawa pendant 33 ans, et je peux vous assurer que la francophobie est dans l'ADN de cette ville, de ses législateurs et de son administration. L'attitude actuelle du maire Watson en est le plus fidèle reflet.
Jaroslav Rudnyckyj
J'ai été surpris par la conférence sur le Commissaire dissident de la Commission B-B, Jaroslav Rudnyckyj, dont je n'avais pas entendu le nom depuis plus de 40 ans… Au-delà du fait qu'il aurait bien voulu faire de l'ukrainien une des langues officielles du Canada, du moins dans certaines régions des Prairies, j'ai appris que ce fanatique anti-communiste était plus que probablement un sympathisant nazi sous Hitler, et peut-être même un membre du Parti Nazi…
Il avait en effet occupé des postes de professeur à Berlin à partir de 1937, ainsi qu'à Prague durant l'occupation allemande, jusqu'à 1945. Il avait notamment travaillé à la publication d'un dictionnaire de traduction germano-ukrainien. Qu'un ressortissant slave, qu'Hitler considérait comme des humains inférieurs bons pour l'esclavage ou les camps de la mort, ait été autorisé à poursuivre ses occupations universitaires à l'époque où les hordes nazies massacraient des millions de Juifs et de Slaves en Europe de l'Est, dans les terres natales de M. Rudnyckyj, laisse croire que les chefs allemands lui témoignaient une certaine estime.
Il a fui le totalitarisme soviétique derrière le rideau de fer après la Seconde Guerre mondiale et une fois au Canada, est devenu un anti-communiste militant (rabid anticommunist, notait un article en anglais). Ses compétences linguistiques lui ont valu un poste de commissaire à la Commission B-B et certains le considèrent comme un père du multiculturalisme canadien. La Commission de toponymie du Québec a même donné son nom à un lac sur la Côte-Nord…
Ce qu'on en apprend des choses, à un colloque sur le bilinguisme…
samedi 5 mars 2016
Bilinguisme et bilingue, mots de code...
Je n'aurai sans doute jamais entendu si souvent les mots «bilinguisme» et «bilingue» en une seule journée! Entre 9 heures et 17 heures, au colloque annuel du CRCCF (Centre recherche en civilisation canadienne-française) de l'Université d'Ottawa (http://bit.ly/21JISNP), ce vendredi 4 mars 2016, j'ai attentivement suivi une douzaine de conférences ayant toutes en commun ces deux mots clés qu'on associe constamment à la raison-d'ëtre du Canada…
Entendons-nous. «bilinguisme» et «bilingue» qui, dans leur définition même, impliquent la présence de deux langues (toujours le français et l'anglais dans le contexte québécois et canadien), sont devenus ici, en réalité, des mots de code. La langue française étant la seule menacée, tous ces chercheurs spécialisés en «bilinguisme» étudient essentiellement les malheurs de la francophonie québécoise et canadienne…
Envelopper nos petites et grandes misères dans une problématique plus générale donne aux sujets abordés un ton plus objectif, universitaire, moins militant ou engagé. On peut aborder à peu près tous les thèmes, même les plus révoltants, dans les styles littéraires et oratoires du haut-savoir. Il n'y a pas de mauvaise volonté là-dedans, et les conférences sont le fruit d'études sérieuses, elles sont instructives.
Mais c'est comme les rapports du Commissaire fédéral aux langues officielles, qui évoquent toujours les «langues officielles» comme si elles étaient égales et évoluaient un peu en parallèle. Or, comme l'avouait le commissaire Keith Spicer au milieu des années 1970, «98% de mon travail consiste à défendre les droits des Canadiens français, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du Québec»... Si on ne parlait pas en code «bilingue», on nommerait cette fonction «Commissaire à la défense et à la promotion du français»…
Ainsi, durant la conférence d'hier sur les vieux rêves pan-canadiens d'Henri Bourassa, fondateur du Devoir, personne dans la salle n'a cru pour un moment qu'en défendant un Canada bilingue, il craignait pour la survie de la langue anglaise, même au Québec… De fait, un autre conférencier, évoquant la même époque, ramenait à la vie un ancien jésuite-chroniqueur, Joseph Papin Archambault, qui menait sa «petite guerre» contre le visage trop souvent unilingue anglais de Montréal…
Quand Robert Talbot, secrétaire de langue anglaise de la Société historique du Canada, parlait hier matin de l'avènement des timbres bilingues au Canada en 1927 et de la monnaie bilingue en 1936, tout le monde savait parfaitement bien que pour les rendre «bilingues», le gouvernement fédéral ne venait pas enfin d'ajouter une version anglaise à des timbres et billets de banque unilingues français…
Dans une autre présentation, le chercheur Rémi Léger, de l'université Simon Fraser, en Colombie-Brirtannique, est revenu sur la fin des années 60 et les années 70, alors que le fédéral investissait des dizaines de millions de dollars en animation identitaire. Il a intitulé sa conférence Le bilinguisme canadien: entre principes et pratiques du développement des communautés. Encore des mots de code, puisque les «communautés» dont il est question, ce sont exclusivement celles de langue française, hors-Québec, menacées par des taux d'assimilation épeurants.
Enfin, quand d'autres chercheurs et professeurs discourent savamment - et pertinemment - sur les oeuvres d'historiens comme Michel Brunet ou Donald Creighton, ou des écrits de l'indépendantiste d'André d'Allemagne, qui avait épousé les thèses d'Albert Memmi sur le colonialisme, ils décortiquent toujours le sort passé, présent et futur de la langue française dans notre petit village encerclé d'Amérique et ses avant-postes pan-canadiens… Mais on appelle ça «bilinguisme»…
Ce dont on n'a presque pas parlé, à cette conférence, c'est du bilinguisme social, de ces millions de francophones qui ont appris l'anglais, le plus souvent par obligation, tant au Québec qu'ailleurs au pays, et des effets linguistiques et identitaires de ce bilinguisme collectif. Une étude tant soit peu approfondie des données des recensements fédéraux démontre clairement que le bilinguisme collectif, le vrai, constitue toujours - dans notre contexte nord-américain - une étape vers l'assimilation.
Plus une collectivité francophone, que ce soit un village, une ville ou une région, devient bilingue (pas ce bilinguisme ou plurilinguisme volontaire, louable et enrichissant, mais notre bilinguisme imposé…), plus il y a effritement identitaire, plus il y a transferts linguistiques vers l'anglais. Ce n'est pas une opinion, c'est un fait prouvé. Mais ça, ce sera sans doute pour un autre colloque.
Entre-temps, je poursuis celui-ci, qui entame sa troisième et dernière journée aujourd'hui, samedi 5 mars, fort heureux de pouvoir apprendre des tas de choses de gens intéressants, d'entendre des conférenciers compétents et consciencieux, de rencontrer des chercheurs qui consacrent leur vie à bonifier nos réserves de savoir. Vive le CRCCF!
Entendons-nous. «bilinguisme» et «bilingue» qui, dans leur définition même, impliquent la présence de deux langues (toujours le français et l'anglais dans le contexte québécois et canadien), sont devenus ici, en réalité, des mots de code. La langue française étant la seule menacée, tous ces chercheurs spécialisés en «bilinguisme» étudient essentiellement les malheurs de la francophonie québécoise et canadienne…
Envelopper nos petites et grandes misères dans une problématique plus générale donne aux sujets abordés un ton plus objectif, universitaire, moins militant ou engagé. On peut aborder à peu près tous les thèmes, même les plus révoltants, dans les styles littéraires et oratoires du haut-savoir. Il n'y a pas de mauvaise volonté là-dedans, et les conférences sont le fruit d'études sérieuses, elles sont instructives.
Mais c'est comme les rapports du Commissaire fédéral aux langues officielles, qui évoquent toujours les «langues officielles» comme si elles étaient égales et évoluaient un peu en parallèle. Or, comme l'avouait le commissaire Keith Spicer au milieu des années 1970, «98% de mon travail consiste à défendre les droits des Canadiens français, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du Québec»... Si on ne parlait pas en code «bilingue», on nommerait cette fonction «Commissaire à la défense et à la promotion du français»…
Ainsi, durant la conférence d'hier sur les vieux rêves pan-canadiens d'Henri Bourassa, fondateur du Devoir, personne dans la salle n'a cru pour un moment qu'en défendant un Canada bilingue, il craignait pour la survie de la langue anglaise, même au Québec… De fait, un autre conférencier, évoquant la même époque, ramenait à la vie un ancien jésuite-chroniqueur, Joseph Papin Archambault, qui menait sa «petite guerre» contre le visage trop souvent unilingue anglais de Montréal…
Quand Robert Talbot, secrétaire de langue anglaise de la Société historique du Canada, parlait hier matin de l'avènement des timbres bilingues au Canada en 1927 et de la monnaie bilingue en 1936, tout le monde savait parfaitement bien que pour les rendre «bilingues», le gouvernement fédéral ne venait pas enfin d'ajouter une version anglaise à des timbres et billets de banque unilingues français…
Dans une autre présentation, le chercheur Rémi Léger, de l'université Simon Fraser, en Colombie-Brirtannique, est revenu sur la fin des années 60 et les années 70, alors que le fédéral investissait des dizaines de millions de dollars en animation identitaire. Il a intitulé sa conférence Le bilinguisme canadien: entre principes et pratiques du développement des communautés. Encore des mots de code, puisque les «communautés» dont il est question, ce sont exclusivement celles de langue française, hors-Québec, menacées par des taux d'assimilation épeurants.
Enfin, quand d'autres chercheurs et professeurs discourent savamment - et pertinemment - sur les oeuvres d'historiens comme Michel Brunet ou Donald Creighton, ou des écrits de l'indépendantiste d'André d'Allemagne, qui avait épousé les thèses d'Albert Memmi sur le colonialisme, ils décortiquent toujours le sort passé, présent et futur de la langue française dans notre petit village encerclé d'Amérique et ses avant-postes pan-canadiens… Mais on appelle ça «bilinguisme»…
Ce dont on n'a presque pas parlé, à cette conférence, c'est du bilinguisme social, de ces millions de francophones qui ont appris l'anglais, le plus souvent par obligation, tant au Québec qu'ailleurs au pays, et des effets linguistiques et identitaires de ce bilinguisme collectif. Une étude tant soit peu approfondie des données des recensements fédéraux démontre clairement que le bilinguisme collectif, le vrai, constitue toujours - dans notre contexte nord-américain - une étape vers l'assimilation.
Plus une collectivité francophone, que ce soit un village, une ville ou une région, devient bilingue (pas ce bilinguisme ou plurilinguisme volontaire, louable et enrichissant, mais notre bilinguisme imposé…), plus il y a effritement identitaire, plus il y a transferts linguistiques vers l'anglais. Ce n'est pas une opinion, c'est un fait prouvé. Mais ça, ce sera sans doute pour un autre colloque.
Entre-temps, je poursuis celui-ci, qui entame sa troisième et dernière journée aujourd'hui, samedi 5 mars, fort heureux de pouvoir apprendre des tas de choses de gens intéressants, d'entendre des conférenciers compétents et consciencieux, de rencontrer des chercheurs qui consacrent leur vie à bonifier nos réserves de savoir. Vive le CRCCF!
jeudi 3 mars 2016
De Starbucks à Justin Trudeau...
Un colloque de trois jours, c'est rare pour moi. Mais celui-là tombe dans mes cordes. Intitulé Le bilinguisme canadien comme projet: l'histoire d'une utopie et de sa réalisation, il s'agit du colloque annuel du Centre de recherche en civilisation canadienne-française (CRCCF) de l'Université d'Ottawa, l'organisme phare de cette université bilingue en matière de francophonie. Le CRCCF, dois-je ajouter, mérite tout le respect qu'on lui accorde, et plus!
Quoiqu'il en soit, me voilà en fin d'après-midi en pleine heure de pointe au centre-ville d'Ottawa, sur le campus universitaire, en ce jeudi 3 mars 2016. Après avoir déniché un stationnement intérieur, c'est la longue marche (longue pour moi, entend-on…) contre un vent frisquet et mordant du nord-ouest vers le pavillon Desmarais (nommé pour Paul Desmarais, grand Franco-Ontarien dont l'avis de décès n'a même pas été publié dans Le Droit d'Ottawa et dont le fils André, coprésident de Power Corp., voulait faire disparaître ses journaux régionaux y compris Le Droit).
Avant de monter au 12e étage pour le colloque, arrêt au Starbucks du pavillon Desmarais pour un breuvage qui me réchauffera. «Un chocolat chaud, s'il vous plaît», dis-je à la dame derrière le comptoir. Regard vide. «I'm sorry I don't speak French.» «Je suis bien à l'Université d'Ottawa, université bilingue?». Elle ne répond pas davantage, s'éclipse et m'indique de passer à la serveuse à la caisse voisine. Après quelques minutes d'attente: «Un chocolat chaud, s'il vous plaît.» «I'm sorry, I only speak French oune petit pou…» Bon, voilà, merci et au revoir…
Alors que je quitte la file pour sortir du Starbucks sans chocolat chaud, une troisième caissière arrive et offre enfin de me parler français… Je pensais vraiment que l'Université d'Ottawa avait éliminé ce genre de situation inacceptable mais il faut croire que non. Et ce que j'en retiens, c'est que peu d'étudiants et de professeurs francophones ne s'en plaignent, parce que les employées semblaient surprises d'avoir affaire à un client qui insistait beaucoup pour être servi en français… J'allais après tout à un colloque sur le bilinguisme…
L'incident au Starbucks n'était finalement qu'une entrée en matière, parce qu'après avoir lu et entendu l'introduction de l'animateur du colloque, François-Olivier Dorais, doctorant en histoire à l'Université de Montréal, il me semblait que les participant(e)s n'étaient pas réunis pour parler de la «réalisation» de l'utopie du bilinguisme canadien mais bien pour faire un peu le deuil de la «dislocation du Canada bilingue». En tout cas, tout au moins son «essoufflement»… Comme au café Starbucks, au rez-de-chaussée…
«Le bilinguisme est-il un reliquat d'une autre époque», commente M. Dorais en passant la parole à trois professeurs qui devaient répondre à une question les amenant hors - très loin même - de leurs habituels champs d'expertise et de recherche: «Quel avenir pour le bilinguisme sous un gouvernement Trudeau?» Les professeurs de science politique et de sociologie ne travaillent pas avec des boules de cristal et même avec un dossier étoffé de la campagne électorale et des premiers mois du régime Justin, toute prédiction reste pour le moins hasardeuse…
Tout au plus peut-on, prudemment, affirmer que les nouveaux patrons de la fédération canadienne voudront se démarquer de la grande noirceur Harper… Le sociologue E.-Martin Meunier, craignant à juste titre qu'on lui remettre sur le nez des prévisions malavisées, propose une série de graphiques montrant la dégringolade de la langue française hors Québec entre 1991 et 2011. Les conséquences? «Je doute, dit-il, que le politique puisse longtemps endiguer le poids du déclin démographique» des parlant français… De sombres nuages à l'horizon…
Après que la politicologue Linda Cardinal eut fait le tour des promesses électorales des libéraux en matière de dualité linguistique et brossé un tableau de mesures plus ou moins modestes qui pourraient en découler, c'était au tour de son collègue François Charbonneau. À l'entendre, on en est presque à l'extrême onction pour le projet d'un Canada bilingue à la Pierre Elliott Trudeau. De fait, opine-t-il, «les seuls qui tiennent toujours au bilinguisme sont les Canadiens français et les Acadiens hors Québec.»
M. Charbonneau ne semble pas attendre grand chose de Trudeau le jeune sur le plan linguistique. Réaliser véritablement l'idéal d'un Canada bilingue, dit-il, c'est très difficile. Il faut travailler fort, retrousser ses manches. Il est bien plus facile de se contenter de faire l'éloge du multiculturalisme: «Tu ne fais rien, et ça marche… Célébrer la diversité, ça ne demande rien… Non, le thème du bilinguisme, ça ne résonne pas avec le gouvernement Trudeau.»
La soirée s'est terminée avec le lancement de deux livres, un dossier de la revue Mens sur la Commission B-B, 50 ans plus tard, et le livre du professeur Matthew Hayday sur la promotion et l'opposition au bilinguisme au Canada anglais. Deux documents à lire et conserver, sans doute. Les deux derniers jours du colloque (vendredi et samedi) s'annoncent animés…
Quoiqu'il en soit, me voilà en fin d'après-midi en pleine heure de pointe au centre-ville d'Ottawa, sur le campus universitaire, en ce jeudi 3 mars 2016. Après avoir déniché un stationnement intérieur, c'est la longue marche (longue pour moi, entend-on…) contre un vent frisquet et mordant du nord-ouest vers le pavillon Desmarais (nommé pour Paul Desmarais, grand Franco-Ontarien dont l'avis de décès n'a même pas été publié dans Le Droit d'Ottawa et dont le fils André, coprésident de Power Corp., voulait faire disparaître ses journaux régionaux y compris Le Droit).
Avant de monter au 12e étage pour le colloque, arrêt au Starbucks du pavillon Desmarais pour un breuvage qui me réchauffera. «Un chocolat chaud, s'il vous plaît», dis-je à la dame derrière le comptoir. Regard vide. «I'm sorry I don't speak French.» «Je suis bien à l'Université d'Ottawa, université bilingue?». Elle ne répond pas davantage, s'éclipse et m'indique de passer à la serveuse à la caisse voisine. Après quelques minutes d'attente: «Un chocolat chaud, s'il vous plaît.» «I'm sorry, I only speak French oune petit pou…» Bon, voilà, merci et au revoir…
Alors que je quitte la file pour sortir du Starbucks sans chocolat chaud, une troisième caissière arrive et offre enfin de me parler français… Je pensais vraiment que l'Université d'Ottawa avait éliminé ce genre de situation inacceptable mais il faut croire que non. Et ce que j'en retiens, c'est que peu d'étudiants et de professeurs francophones ne s'en plaignent, parce que les employées semblaient surprises d'avoir affaire à un client qui insistait beaucoup pour être servi en français… J'allais après tout à un colloque sur le bilinguisme…
L'incident au Starbucks n'était finalement qu'une entrée en matière, parce qu'après avoir lu et entendu l'introduction de l'animateur du colloque, François-Olivier Dorais, doctorant en histoire à l'Université de Montréal, il me semblait que les participant(e)s n'étaient pas réunis pour parler de la «réalisation» de l'utopie du bilinguisme canadien mais bien pour faire un peu le deuil de la «dislocation du Canada bilingue». En tout cas, tout au moins son «essoufflement»… Comme au café Starbucks, au rez-de-chaussée…
«Le bilinguisme est-il un reliquat d'une autre époque», commente M. Dorais en passant la parole à trois professeurs qui devaient répondre à une question les amenant hors - très loin même - de leurs habituels champs d'expertise et de recherche: «Quel avenir pour le bilinguisme sous un gouvernement Trudeau?» Les professeurs de science politique et de sociologie ne travaillent pas avec des boules de cristal et même avec un dossier étoffé de la campagne électorale et des premiers mois du régime Justin, toute prédiction reste pour le moins hasardeuse…
Tout au plus peut-on, prudemment, affirmer que les nouveaux patrons de la fédération canadienne voudront se démarquer de la grande noirceur Harper… Le sociologue E.-Martin Meunier, craignant à juste titre qu'on lui remettre sur le nez des prévisions malavisées, propose une série de graphiques montrant la dégringolade de la langue française hors Québec entre 1991 et 2011. Les conséquences? «Je doute, dit-il, que le politique puisse longtemps endiguer le poids du déclin démographique» des parlant français… De sombres nuages à l'horizon…
Après que la politicologue Linda Cardinal eut fait le tour des promesses électorales des libéraux en matière de dualité linguistique et brossé un tableau de mesures plus ou moins modestes qui pourraient en découler, c'était au tour de son collègue François Charbonneau. À l'entendre, on en est presque à l'extrême onction pour le projet d'un Canada bilingue à la Pierre Elliott Trudeau. De fait, opine-t-il, «les seuls qui tiennent toujours au bilinguisme sont les Canadiens français et les Acadiens hors Québec.»
M. Charbonneau ne semble pas attendre grand chose de Trudeau le jeune sur le plan linguistique. Réaliser véritablement l'idéal d'un Canada bilingue, dit-il, c'est très difficile. Il faut travailler fort, retrousser ses manches. Il est bien plus facile de se contenter de faire l'éloge du multiculturalisme: «Tu ne fais rien, et ça marche… Célébrer la diversité, ça ne demande rien… Non, le thème du bilinguisme, ça ne résonne pas avec le gouvernement Trudeau.»
La soirée s'est terminée avec le lancement de deux livres, un dossier de la revue Mens sur la Commission B-B, 50 ans plus tard, et le livre du professeur Matthew Hayday sur la promotion et l'opposition au bilinguisme au Canada anglais. Deux documents à lire et conserver, sans doute. Les deux derniers jours du colloque (vendredi et samedi) s'annoncent animés…
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