vendredi 14 août 2015

L'esprit de rébellion des patriotes...


J'achève ces jours-ci la lecture de la «Brève histoire des patriotes» de l'historien Gilles Laporte, publiée il y a quelques mois, en avril 2015. Et je suis frappé, une fois de plus, par la ténacité et le courage de notre petit peuple du bassin du Saint-Laurent qui, avec les moyens du bord, s'était levé contre le plus puissant empire du monde pour obtenir un gouvernement démocratique et un pays à son image.

En dépit d'une répression militaire féroce des autorités britanniques, de l'abolition du parlement bas-canadien, de la suspension des libertés, des emprisonnements, exils et pendaisons, sans oublier l'intervention d'un haut clergé anglo-servile qui menaçait les patriotes jusque dans l'outre-tombe, l'esprit de rébellion des nôtres a survécu pendant des décennies aux défaites de 1837-1838 et ses braises ont persisté, fumantes, jusqu'au réveil des années 1960.

Ce n'est pas un hasard si la rébellion patriote a influencé, depuis le début, l'ensemble du mouvement indépendantiste moderne au Québec. Celui-ci puise abondamment dans l'héritage de Louis-Joseph Papineau et des siens. Mais la noble aventure des patriotes a mal fini, et cet échec continue de nous miner, collectivement. Conquis en 1759, défaits en 1837-38, nous restons en quête d'une victoire ultime qui nous échappe depuis plus de 175 ans.

Aujourd'hui comme en 1837, il y a déséquilibre des forces en présence. Le projet d'un pays à notre image est mené contre les armes politiques et constitutionnelles de l'État fédéral (et de l'État québécois quand les libéraux sont au gouvernement), contre le pouvoir omniprésent de l'argent et contre un très puissant arsenal médiatique. Malgré tout, au référendum de 1995, plus de 60% des francophones du Québec ont appuyé le Oui. Ce n'était pas suffisant.

Depuis 20 ans, les coups de massue s'intensifient pour abattre ce qui reste de l'esprit de rébellion du dernier tiers du 20e siècle. S'y ajoutant le découragement d'après-défaites et la division en factions de l'opinion souverainiste, le Parti québécois a accumulé les échecs et le Bloc québécois a été presque anéanti en 2011. Anti-souverainistes se réjouissent et anciens souverainistes se résignent. À lire les éditoriaux et chroniques, le projet d'indépendance a fait son temps…

Et pourtant… Je scrutais trois sondages*, publiés aujourd'hui, sur les intentions de vote en vue du scrutin fédéral... et en dépit des railleries qui accablent tant le PQ que le Bloc depuis des années, près du quart des francophones du Québec affirment soutenir les candidats et candidates du Bloc québécois. Et l'appui à un éventuel Oui à un éventuel référendum continue - devant une opposition médiatique quasi-unanime - à rallier plus de 40% des francophones…

Le vieil esprit de rébellion… Bien des gens se découragent en voyant le Bloc sombrer à 20% ou moins dans les intentions de vote. Ils devraient plutôt s'émerveiller. Avec les moyens énormes dont il dispose, l'appareil politique et économique anti-souverainiste n'a toujours pas réussi à rayer du radar l'option qu'incarne le Bloc à Ottawa. Elle reste là, tenace, prête à brouiller les cartes dans un nombre appréciable de circonscriptions.

Les autres partis le savent. Quand Stephen Harper vient chanter les mérites du nationalisme québécois, quand les libéraux de Justin Trudeau s'affichent différemment de ceux du reste du pays, quand le NPD ressort sa Déclaration de Sherbrooke, les partis fédéralistes accréditent eux aussi le caractère «distinct» de la société québécoise et tentent même d'en tirer des bénéfices électoraux…

Comment tout cela finira-t-il? Je sais qu'à la fin de mon livre sur les patriotes, ces derniers auront été vaincus, même si leur esprit a survécu. Que liront mes descendants dans 175 ans quand ils auront en mains un livre sur l'épopée actuelle du mouvement indépendantiste? Une chose est sûre: les derniers chapitres ne sont pas encore écrits...

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* Liens aux trois sondages de vendredi:

Ekos - http://bit.ly/1KmV3W9
Mainstreet Research - http://bit.ly/1KmV5Nu
Forum Research - http://bit.ly/1fbGRXd
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**Lien au sondage Léger du lendemain (samedi 15 août):
Léger - http://bit.ly/1UK2QEG


2 commentaires:

  1. Rattacher Louis-Joseph Papineau à l'esprit indépendantiste québécois est une farce. Papineau a fuit aux USA à la première décharge de fusil et n'est revenu qu'en 48 pour refaire de la politique. À ce moment-là il prônait l'annexion du Québec aux USA et n'a jamais changé d'idée. Les Québécois ont cru à son époque qu'il était pour la défense de son peuple et peut-être l'était-il; mais certainement pas pour un Québec indépendant. On peut même se poser la question s'il était vraiment pour l'union de deux républiques, l'une francophone et l'autre anglophone dans un pays indépendant de l'Angleterre. Sa vie démontre qu'il n'a cherché qu'à être reconnu comme le seigneur de sa portion du Québec (seigneurie) par les Anglais. .

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    1. Les écrits et les actions de Louis-Joseph Papineau et des autres patriotes ont inspiré toutes les tendances nationalistes au Québec, fédéralistes, autonomistes et indépendantistes. Et je n'ai jamais prétendu qu'il militait pour un Québec indépendant, seulement pour un pays plus démocratique à l'image de la population bas-canadienne telle qu'elle était à l'époque. Et je ne suis pas prêt à juger sa fuite, ni celle des autres exilés. S'il était resté, il aurait sans doute été tué ou pendu, et nous aurions été privés de sa mémoire précieuse. J'admire les Chénier, mais je respecte aussi les Papineau. Qu'aurions-nous fait à leur place?

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