Petite brochure du RIN (section de Hull) du début des années 1960
J'ai entrepris ces jours-ci de lire Une histoire du RIN, une brique de 500 pages de Claude Cardinal qui vient de paraître aux Éditions VLB. Mais ce n'est pas le RIN (Rassemblement pour l'indépendance nationale) que je veux aborder ici. Il y aurait sans doute là un excellent sujet de blogue, mais j'attendrai d'avoir complété la lecture de ce livre, qui s'annonce passionnant après une centaine de pages…
Non, ce qui m'a frappé, c'est que la toute première longue citation de l'oeuvre de M. Cardinal - tirée de l'ancienne revue indépendantiste Laurentie de Raymond Barbeau, en 1961 - soit de Séraphin Marion, un patriarche franco-ontarien qui a vécu toute sa vie à Ottawa. L'auteur d'Une histoire du RIN ne mentionne pas l'identité franco-ontarienne de M. Marion mais c'est sans doute le même.
Selon le père oblat Paul Gay, biographe de M. Marion, celui-ci avait découvert avec enthousiasme la nouvelle génération d'indépendantistes québécois. Le père Gay mentionne notamment qu'en décembre 1961, Séraphin Marion «appuie hautement» le livre Pourquoi je suis séparatiste de Marcel Chaput (co-fondateur du RIN).
Dans son deuxième chapitre, Claude Cardinal ajoute qu'au lancement officiel du RIN, lors d'une réunion d'une vingtaine de personnes à Morin Heights, dans les Laurentides, en septembre 1960, les participants provenaient de Montréal, Hull… et Ottawa. Et que lors de la première manifestation publique du RIN, un rallye automobile dans les rues de la métropole, il y avait des voitures «ornées de banderoles aux inscriptions percutantes» venant de Montréal, Hull… mais aussi d'Ottawa!
Des Franco-Ontariens étaient donc présents lors de la fondation de ce grand mouvement indépendantiste des années 1960. Ce n'est sans doute pas un hasard si l'une des quatre premières commissions chargées de développer la vision politique du RIN portait sur «le problème des minorités francophones au Canada»… Il ne faut pas oublier que Marcel Chaput lui-même, quoique originaire de Hull, travaillait à Ottawa dans la fonction publique fédérale.
Une des toutes premières publicités dans L'indépendance (le journal du RIN) servit à annoncer la publication du livre Le scandale des écoles séparées en Ontario, de Joseph Costisella, néo-Franco-Ontarien d'Ottawa et aussi membre du RIN...
(ajout au texte, le 30 avril. À la page 164 de Une histoire du RIN, Claude Cardinal évoque l'entrée en scène en 1964, à Montréal, d'un autre Franco-Ontarien, de Timmins cette fois: Réginald Reggie Chartrand, fondateur des Chevaliers de l'indépendance, décédé en mars 2014).
J'ai l'impression - presque la certitude - qu'une fouille plus poussée révélerait une présence franco-ontarienne appréciable à toutes les étapes de l'évolution du mouvement indépendantiste québécois au cours du dernier demi-siècle. Il y avait même un Franco-Ontarien de Cornwall, Omer Latour, dans une des premières vagues du Front de libération du Québec, en 1964. Il est peu connu mais a légué des écrits qui ne laisseront personne indifférents…
J'ai étudié à l'Université d'Ottawa de 1963 à 1969 et milité dans des organismes de l'Ontario français jusqu'en 1971. En 1967, un groupe de jeunes Franco-Ontariens aux États généraux du Canada français (dont j'étais) avait ouvertement appuyé la résolution favorable au droit du Québec à l'autodétermination. Même si peu s'affichaient ouvertement, plusieurs dirigeants et militants d'organismes franco-ontariens s'étaient rapprochés de la cause indépendantiste.
Lors de la fondation du Parti québécois en 1968, il y avait suffisamment d'adhérents francophones des autres provinces - y compris de l'Ontario - pour créer au sein du PQ une catégorie spéciale de membres «hors-Québec»...
Un ancien président de l'Association canadienne-française de l'Ontario (de 1980 à 1982), Yves Saint-Denis, avait pris publiquement position en faveur de la souveraineté et appuyé le Parti québécois. Et n'oublions pas Jean-Paul Marchand, un Franco-Ontarien de Penetanguishene, lieu de hautes luttes scolaires, devenu éventuellement député du Bloc québécois de 1993 à 2000 dans la circonscription de Québec-Est.
Faudrait-il mentionner en passant que Bernard Drainville, député du PQ, a fait ses premières armes en politiques publiques dans les années 1980 à titre de président de la Fédération des étudiants de l'Université d'Ottawa et de président de la Fédération des étudiants de l'Ontario. Il avait notamment approfondi la question des droits scolaires des Franco-Ontariens et des minorités francophones canadiennes.
Tout ça pour dire que la filière franco-ontarienne au sein des organisations indépendantistes depuis le début des années 1960 ferait sans doute un bon sujet d'enquête… Si jamais un jour j'ai le temps et les ressources… Entre-temps, je poursuis ma lecture d'Une histoire du RIN…