mercredi 28 octobre 2015

Canada 1867-2017. Et le Canada français 1867-2017?


Saviez-vous qu'il y a, à l'Université de Guelph, dans le sud de l'Ontario, un professeur qui «étudie la façon dont les Canadiens soulignent leur histoire et leur culture»? Son nom est Matthew Hayday. Un(e) journaliste de la Presse Canadienne (ou de Canadian Press si le texte est traduit de l'anglais) a demandé cette semaine au professeur Hayday de commenter les projets mis de l'avant au ministère du Patrimoine canadien en vue des célébrations du 150e anniversaire de la Confédération en 2017.

La Presse Canadienne avait eu recours à la Loi sur l'accès à l'information pour obtenir la liste des «événements et personnages» qui, selon les fonctionnaires de Patrimoine canadien, pourraient être commémorés en 2017. Mais une simple liste donne une lecture plutôt sèche, pour ne pas dire plate… Alors le(la) journaliste a fait ce que font des tas d'autres scribes - ratisser les universités pour dénicher un(e) expert(e) qui connaît la matière et qui n'a pas la langue dans sa poche…

Finalement, Matthew Hayday constitue un choix intéressant, du point de vue anglophone. Ayant étudié aux universités de Toronto et d'Ottawa, puis à Concordia, ce professeur d'histoire a signé de nombreux textes et quelques livres sur le Québec contemporain, sur le bilinguisme, ainsi que sur le nationalisme, l'identité, les langues officielles et le fédéralisme. Son oeuvre la plus récente, publiée en 2015, s'intitule So They Want Us to Learn French: Promoting and Opposing Bilingualism in English-Speaking Canada. Un livre que je me promets de lire et commenter...



Quoiqu'il en soit, le professeur Hayday a jeté un coup d'oeil à la liste de projets de Patrimoine canadien pour le 150e anniversaire de la Confédération et est arrivé à la conclusion que le ministère fédéral avait fait bien peu de cas de la nation québécoise et de l'ensemble du Canada français (voir l'article de la Presse Canadienne à http://bit.ly/1KEU5Uw). On accordait, en comparaison, plus de visibilité aux femmes, aux Autochtones, aux Noirs et même aux Japonais pour leur internement pendant la Seconde Guerre mondiale.

Bien sûr, Patrimoine canadien avait l'intention d'insister sur l'adoption de la Loi sur les langues officielles mais comme le souligne M. Hayday, cette loi ne constitue pas une contribution du Canada français comme tel. Clairement, les fonctionnaires avaient évité les «épisodes litigieux» entre francophones et anglophones, entre Anglo-Canadiens et Franco-Québécois. «Il est intéressant de constater, dit-il, qu'on a voulu évoquer volontiers l'histoire parfois tendue avec les Premières Nations, mais beaucoup moins celle avec le Canada français ou le Québec».

Le professeur de l'Université de Guelph se demande s'il faut voir dans ces choix un reflet des priorités chères aux conservateurs et si, avec le nouveau gouvernement Trudeau, l'orientation va changer à Patrimoine canadien. Sans doute, mais les fonctionnaires fédéraux vont se trouver devant le même dilemme que sous Harper, celui de trouver au Canada français et au Québec des «événements et personnages», litigieux ou pas, qui s'accordent avec l'ambiance de célébration qu'Ottawa souhaite pour 2017…



Passez en revue les 148 années de la Confédération, de 1867 à 2015, et dites-moi ce qu'on finira par retenir comme événement «francophone» dans un pays où la plupart des grandes décisions sont prises par la majorité anglo-canadienne (majorité = droit de décider) et subies par la (les) minorité(s) de langue française… Même les deux premiers ministres franco-québécois les plus célèbres, Wilfrid Laurier et Pierre Trudeau, restent controversés au pays et contestés chez les francophones.

Ce Laurier qui qualifia en 1867 la Confédération de seconde étape de Durham pour notre anglicisation, et qui en 1885 déclara que s'il avait été aux côtés de Louis Riel en Saskatchewan, il aurait pris les armes contre le gouvernement canadien, ce même Laurier devait sonner le glas des droits franco-manitobains en 1896. Et que dire de Pierre Trudeau qui, un an après la Loi sur les langues officielles, fit jeter des centaines d'innocents en prison à l'automne 1970 et élimina toute reconnaissance de la spécificité québécoise dans la Constitution en 1982 après la nuit des longs couteaux…

Quand on y pense, Patrimoine canadien - et le professeur Hayday - auraient bien de la difficulté à trouver un seul événement émanant du Canada français ou du Québec qui serait de nature à inciter à célébrer le 150e anniversaire de la Confédération (peut-être les deux défaites du Oui en 1980 et en 1995?). De l'abolition des droits scolaires aux conscriptions et aux mesures de guerre, en passant par toute la gamme des injustices commises à notre endroit, on pourrait trouver nombre de situations, de combats, de victoires à commémorer… mais à peu près toutes porteraient plus à réflexion qu'à célébration…

Bien sûr, on pourrait délaisser les thèmes directement reliés à l'histoire de la fédération canadienne et aligner de nombreuses réalisations de francophones de ce pays - par exemple la création de toutes pièces et l'expansion des caisses Desjardins, l'une des plus importantes coopératives financières du monde, les grands succès de Radio-Canada, les oeuvres primées ici et partout de plusieurs de nos grands chansonniers, musiciens, cinéastes, auteurs, etc. et bien plus. Mais on finirait - en grattant au-delà du vernis - par comprendre que la majorité de ces réussites ont une portée plus québécoise que canadienne.



En 2017, on risque de finir par célébrer les yeux fermés et les oreilles bouchées le programme «national» d'assurance-maladie, les missions de paix aux Nations Unies, le prix Nobel à Lester Pearson, le bras spatial canadien et «nos» astronautes, le centenaire du droit de vote aux femmes (mais pas au Québec où ça ne fait que 75 ans), la Charte des droits et libertés, la participation aux deux grandes guerres, etc. Les Anglo-Canadiens, qui se disent simplement Canadian et non English Canadian, comme s'ils occupaient la totalité de l'identité, y verront leur oeuvre, leur héritage, leur patrimoine.

Quant à «nous», Québécois, Acadiens, Canadiens français, l'année 2017 servira à… (tiens je laisse à chacun, chacune, le soin de compléter la conclusion)…



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