vendredi 19 septembre 2014

Le temps ne joue pas contre les Écossais


Contrairement à nous, au Québec, le temps ne joue pas contre les Écossais. Ils pourront se ressayer dans 20 ans, 40 ans, 100 ans ou plus. Ils seront toujours là, au même endroit, avec les mêmes accents, avec la même identité. Plusieurs ont insisté sur les similitudes entre la situation référendaire écossaise et celles que nous avons vécues, notamment celle de 1995. Et il y en a, des similitudes. Mais on n'a pas souligné suffisamment trois (il y en a sans doute davantage) différences fondamentales qui excluent chez nous la patience. Faute de nous affirmer rapidement, nous sommes menacés de disparition.

1. L'histoire

Le peuple écossais évolue sur le même territoire depuis des milliers d'années. L'Écosse a connu l'indépendance pendant des siècles avant d'être subordonnée à Londres. De plus, ce territoire est la partie la plus éloignée, la plus nordique des îles Britanniques. Un isolement insulaire historique. Nous sommes à un carrefour continental stratégique, à quelques centaines de kilomètres du coeur économique nord-américain. Et nous ne sommes ici que depuis 400 ans. Nous n'avons jamais connu l'indépendance, ayant été assujettis d'abord à la couronne française, puis à la Grande-Bretagne, puis relégué à l'état de province dans une fédération que nous ne contrôlons pas. Et les pouvoirs du Québec dans cette fédération ont été réduits avec le rapatriement de 1982.

2.  L'identité

L'identité écossaise est fondée sur l'histoire, l'ethnie (90% de la population est d'origine ethnique écossaise), la culture et la géographie. Mais la langue n'est plus un facteur, même si les dialectes traditionnels conservent un caractère officiel. Les Écossais parlent anglais, comme les autres collectivités des îles Britanniques. Si, jadis, on a pu nous identifier comme un peuple originaire de France, de race blanche, de religion (très) catholique et, bien sûr, de langue française, ce n'est plus le cas. Le Québec s'est laïcisé, et un métissage aussi intense que fécond, commencé avec les Autochtones et poursuivi avec les autres vagues d'immigrants depuis le 19e siècle, a fini par assoir notre identité collective sur un seul socle: une langue et une culture différentes des peuples qui nous cernent. Nous sommes un «petit village francophone encerclé» dans un immense bassin nord-américain unilingue anglais. Et l'érosion s'accélère, d'un recensement à l'autre.

3. Gouvernements hostiles

Les conséquences identitaires d'un «non» référendaire sont minimes en Écosse. Comme le disait un partisan déçu du «oui», «je suis un peu bouleversé mais mon existence ne va pas changer». Et il a un peu raison. L'identité collective n'étant pas en péril, la situation actuelle ne peut qu'aboutir à un accroissement de l'autonomie et du caractère distinct de l'Écosse. Londres semble d'ailleurs prête à tenir ses promesses référendaires. On avance même un échéancier pour la dévolution de nouveaux pouvoirs. Ici, à Ottawa et à Québec, nous avons en place des gouvernements qui, parfois volontairement, parfois inconsciemment, menacent par leurs actions (et inactions) le caractère français du Québec. On l'a vu en 1982 avec le coup d'État de Pierre Elliott Trudeau (refus de reconnaître la société distincte) et on le voit avec la volonté du gouvernement Couillard de bilinguiser l'ensemble des francophones. À moins d'agir très bientôt ici, «notre existence (collective) va changer»…

Dans toutes les comparaisons qu'on nous lance présentement entre Québécois et Écossais, il me semble important de ne pas oublier quelques traits fondamentaux qui nous distinguent… Contrairement à l'Écosse, le temps joue contre nous.









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