mardi 10 décembre 2013

Un « vent libéral », ou un smog persistant ?

Loin d'être un « vent libéral », ou même une légère brise libérale, les résultats d'hier dans Viau et Outremont ne sont que la plus récente illustration d'un smog qui stagne sur le vote non francophone et/ou anti-francophone depuis un demi-siècle au Québec. Cet électorat quasi statique reste toujours un boulet que traîne une majorité francophone rigoureusement démocratique, et qu'elle continuera sans doute à traîner pour des générations à moins de manquer de souffle...

Selon le sondage Léger d'octobre 2013, l'électorat non francophone vote à 75% pour le Parti libéral de Philippe Couillard. C'est un électorat largement captif, et généralement hostile à tout ce qui ferait bouger le Québec dans une direction qu'elle perçoit comme non bilingue et non fédéraliste. On y trouve des Anglos de souche (nos anciens Rhodésiens), mais surtout des allophones assimilés ou en voie d'assimilation à l'anglais, ainsi qu'un groupe croissant de francophones assimilés ou en voie d'assimilation à l'anglais. Ces groupes forment la moitié de l'électorat dans Viau et Outremont.

Cela signifie qu'à toutes fins utiles, le PLQ peut compter - sauf circonstances exceptionnelles - sur près de 40% du vote dans ces deux circonscriptions sans faire campagne, peu importe le candidat ou la candidate que le parti présente. En démocratie, cependant, le vote du « smog » compte autant que celui des citoyens dans la brise, qui participent activement aux débats du jour et restent suffisamment ouverts pour être influencés par le vent des programmes, des candidats et par l'information médiatique.

Dans les cinq élections dans Viau depuis 2003, la PLQ a obtenu 65 % des suffrages exprimés en 2003, 59% en 2008 et 60% hier. Ses moins bons scores étaient lors de la pointe de l'ADQ en 2007 (52%) et 47% en 2012 quand le gouvernement Charest donnait des signes d'usure et de corruption. Même phénomène dans Outremont avec des performances de 54% en 2003, 54% en 2008 et 55% en décembre 2013. Les creux de 2007 (47%) et de 2012 (42%) n'ont jamais empêché le candidat libéral d'obtenir une solide majorité aux élections.

Pour bien saisir le sens des résultats d'hier, il faut analyser de plus près le 60% de l'électorat qui vit à l'extérieur du « smog ». La faible participation (26% dans Outremont et 17% dans Viau) doit être prise en compte, mais rien ne dit qu'avec 50% de participation, les résultats auraient été différents. Ce que ça démontre, c'est que Philippe Couillard a fait aussi bien, dans Viau et Outremont, que l'équipe de Jean Charest en 2003 et 2008. Pas plus, pas moins. Il a ajouté à son « smog » (40% de l'électorat) environ le quart ou un peu plus du reste des électeurs. Bien assez pour mettre ses adversaires en déroute.

S'il est une circonstance spéciale dont il faut tenir compte, c'est l'absence de candidats péquiste et caquiste dans Outremont, où Philippe Couillard avait la bénédiction de Pauline Marois et de François Legault. Or, il n'a pas fait mieux que Raymond Bachand (2008) et Yves Séguin (2003). Il n'y a pas là matière à grande réjouissance. Du côté de l'opposition, la rafle de 32% de Québec Solidaire s'explique par l'absence du PQ. Ensemble, ces deux partis avaient obtenu 41 % des suffrages exprimés en 2012, et 37% en 2008. Le gain d'Option nationale (de 1,7 en 2012 à 6,7% hier) est lié au même phénomène.

Dans Viau, cependant, certains changements sont dignes de mention. La prestation du Parti québécois (15%) est plutôt décourageante si on la compare aux élections de 2012 (24%), 2008 (26%), 2007 (22%) et 2003 (23%). Viau ne sera jamais un paradis pour le PQ mais 15%... Québec Solidaire, par contre, peut se consoler d'avoir enregistré de léger gains depuis l'an dernier, et une progression encore plus appréciable depuis 2007 : 13,3% hier, 11,5% en 2012, et 5% en 2008 et 2007. Option nationale reste marginale comme formation, mais elle aussi note une légère amélioration, passant de 3% en 2012 à 4,6% en décembre 2013. Le PQ ne souhaitait certainement pas perdre du terrain face aux deux autres partis indépendantistes...

Philipe Couillard peut se pavaner. Il a ses deux victoires. Le smog tient bon. Mais en privé, à sa place, je ne me réjouirais pas trop... Beaucoup d'eau coulera sous la super poutre du pont Champlain avant la prochaine élection générale...

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