samedi 20 avril 2013

Données linguistiques du recensement 2011 : quelques comparaisons intéressantes...

Qu'ont en commun les villes québécoises de Montréal, Laval, Gatineau, Brossard, Vaudreuil-Dorion et Pontiac, et les municipalités ontariennes de Hawkesbury, Clarence-Rockland, Kapuskasing, Alfred-Plantagenet, Champlain et Nipissing-Ouest? Elles ont toutes une majorité francophone, et dans chacune de ces localités, le recensement de 2011 démontre que la dynamique linguistique favorise l'anglais... À certains endroits, cela s'explique par l'assimilation directe de francophones, ailleurs par la force d'attraction qu'exerce l'anglais auprès des allophones. Peu importe, le résultat final reste le même...

Oui, je sais que c'est plate, analyser des colonnes de statistiques, mais les régions dont je parle ici comprennent certains des coins les plus francophones de l'Ontario, ainsi que trois des quatre plus grandes villes du Québec (Montréal, Laval et Gatineau). Si ces régions s'anglicisent, il n'y aura plus grand espoir pour le reste... Partout, une comparaison des données sur la langue d'usage (la langue la plus souvent parlée à la maison) et sur la langue maternelle (la première langue apprise et encore comprise) indique des gains substantiels de l'anglais, alors que le français oscille entre des reculs inquiétants et des gains très modestes.

Quant aux données sur la connaissance des langues officielles, elles sont également révélatrices car elles permettent de savoir - pour les deux langues officielles seulement - le nombre d'individus qui ne parlent que le français, qui ne parlent que l'anglais, ou qui parlent l'anglais et le français. Ces données font abstraction des langues non officielles. Par exemple, le bilingue arabe-français sera compté comme un unilingue francophone, le bilingue arabe-anglais comme un unilingue anglophone et le plurilingue arabe-français-anglais comme un bilingue français-anglais. Cela a de l'importance pour la grande région montréalaise surtout, où il existe de fortes concentrations d'allophones.

L'Ontario

Prenons les municipalités ontariennes une à une. D'abord celles de l'Est ontarien, situées toutes entre Ottawa et la frontière québécoise au sud de la rivière des Outaouais :

* Clarence-Rockland (pop. totale 22 905). La plus rapprochée des banlieues est d'Ottawa, elle compte 63,9% de francophones selon la langue maternelle, mais seulement 57,4% parlent français le plus souvent à la maison. Les anglophones, près du tiers selon la langue maternelle (31,2%), passent à près de 39% avec la langue d'usage. Connaissance des langues officielles : français seulement (9,3%), anglais seulement (21,6%), bilingues (69%). Cela signifie que dans une ville à 64% francophone, 78% des gens connaissent le français, alors que 90,6% connaissent l'anglais. Tirez vos propres conclusions...

* Champlain (pop. totale 8 515). Région davantage rurale à l'est de Clarence-Rockland. Répartition des francophones : 61,4% selon la langue maternelle, 57,8% selon la langue d'usage. Les anglophones : 34,2% (langue maternelle), 39,5% (langue d'usage). Langues officielles : français seulement (12,6%), anglais seulement (20,3%), bilingue (66,9%). Encore une fois, la minorité anglophone reste largement unilingue anglaise, tandis que la majorité francophone est massivement bilingue et s'anglicise lentement.  Proportion de la population qui connaît le français : 79,5%; qui connaît l'anglais : 87,2%.

* Alfred-Plantagenet (pop. totale 9 025). Région largement rurale entre Champlain et Hawkesbury. Répartition des francophones : 75,3% selon la langue maternelle, 72% selon la langue d'usage. Les anglophones : 20,6% (langue maternelle), 25,5% (langue d'usage). Langues officielles : français seulement (18,2%), anglais seulement (14,3%), bilingue (67,4%). Proportion de la population qui connaît le français : 85,6%; qui connaît l'anglais : 81,7%. Même ici, assez loin de la capitale, avec une très forte majorité francophone, il y a érosion du français et une majorité d'anglophones reste unilingue.

* Hawkesbury (pop. totale 10 350). Seule ville ontarienne de 10 000 personnes ou plus qui reste majoritairement et solidement francophone. Répartition des francophones : 78,6% selon la langue maternelle, 76,8% selon la langue d'usage. Les anglophones : 15,3% (langue maternelle), 18,5% (langue d'usage). Langues officielles : français seulement (23,3%), anglais seulement (9,3%), bilingue (67,3%). Proportion de la population qui connaît le français : 90,6%; qui connaît l'anglais : 76,6%. Même dans ce milieu fortement francophone, l'anglais enregistre de légers gains...

Allons maintenant faire un virage vers le Nord ontarien, pour examiner deux municipalités :

* Nipissing-Ouest (comprend Sturgeon Falls) (pop. totale 13 970). Région entre Sudbury et North Bay. Répartition des francophones : 63,4% selon la langue maternelle, 54,5% selon la langue d'usage. Les anglophones : 33% (langue maternelle), 42,6% (langue d'usage). Langues officielles : français seulement (5%), anglais seulement (26,7%), bilingue (68,3%). Proportion de la population qui connaît le français : 73,3%; qui connaît l'anglais : 95%. Les indications sont alarmantes. Cette région s'anglicise rapidement avec une population francophone presque totalement bilingue et une minorité anglophone à majorité unilingue anglaise.

* Kapuskasing (pop. totale 8 045). Petite ville située sur la route 11 entre Cochrane et Hearst. Répartition des francophones : 67,9% selon la langue maternelle, 59,1% selon la langue d'usage. Les anglophones : 27,1% (langue maternelle), 37% (langue d'usage). Langues officielles : français seulement (8,1%), anglais seulement (19,8%), bilingue (72%). Proportion de la population qui connaît le français : 80,1%; qui connaît l'anglais : 91,8%. À peine moins alarmant qu'à Nipissing-Ouest, et tendance identique...

Le Québec

* Montréal (pop. totale 1 627 945). Répartition des francophones : 50,3% selon la langue maternelle, 54,4% selon la langue d'usage. Les anglophones : 12,7% (langue maternelle), 19,7% (langue d'usage). Langues officielles : français seulement (31,1%), anglais seulement (10,3%), bilingue (55,8%). Proportion de la population qui connaît le français : 86,9%; qui connaît l'anglais : 66,1%. Le français fait des gains auprès des allophones, mais beaucoup moins que l'anglais... La force d'attraction de l'anglais reste supérieure.

* Laval (pop. totale 397 570). Répartition des francophones : 60,8% selon la langue maternelle, 65,2% selon la langue d'usage. Les anglophones : 7% (langue maternelle), 12,9% (langue d'usage). Langues officielles : français seulement (36,6%), anglais seulement (5%), bilingue (56,5%). Proportion de la population qui connaît le français : 93,1%; qui connaît l'anglais : 61,5%. Même dans une ville où les anglophones sont une toute petite minorité, l'anglais conserve une force d'attraction supérieure au français chez les allophones.

* Brossard (pop. totale 78 830). Répartition des francophones : 47,4% selon la langue maternelle, 50,5% selon la langue d'usage. Les anglophones : 12% (langue maternelle), 17,2% (langue d'usage). Langues officielles : français seulement (23,2%), anglais seulement (11,2%), bilingue (61,6%). Proportion de la population qui connaît le français : 84,8%; qui connaît l'anglais : 72,8%. Même constatation qu'à Montréal et Laval.

* Vaudreuil-Dorion (pop. totale 33 105). Répartition des francophones : 64,2% selon la langue maternelle, 63,7% selon la langue d'usage. Les anglophones : 19,6% (langue maternelle), 25,3% (langue d'usage). Langues officielles : français seulement (27,3%), anglais seulement (9%), bilingue (63%). Proportion de la population qui connaît le français : 90,3%; qui connaît l'anglais : 72%. Ici, au chapitre de la langue d'usage, seul l'anglais enregistre des gains. Légère régression du français.

* Gatineau (pop. totale 263 255). Répartition des francophones : 77,2% selon la langue maternelle, 78,1% selon la langue d'usage. Les anglophones : 11% (langue maternelle), 13,4% (langue d'usage). Langues officielles : français seulement (28,9%), anglais seulement (6,5%), bilingue (64%). Proportion de la population qui connaît le français : 93,9%; qui connaît l'anglais : 70,5%. La ville la plus bilingue du Québec... Croissance plus rapide de l'anglais langue d'usage. Malgré tout, avec la proximité d'Ottawa, ce pourrait être pire...

* Pontiac (pop. totale 5 625). Petite localité à l'ouest de Gatineau, à l'entrée de la grande région du Pontiac. Répartition des francophones : 55,7% selon la langue maternelle, 51,7% selon la langue d'usage. Les anglophones : 39,1% (langue maternelle), 44,9% (langue d'usage). Langues officielles : français seulement (13%), anglais seulement (23,7%), bilingue (63,2%). Proportion de la population qui connaît le français : 76,2%; qui connaît l'anglais : 86,9%. Ici, la dynamique linguistique ressemble davantage à celle de l'Ontario...


Quelques conclusions qui me paraissent évidentes.

* La « bilinguisation » massive des francophones entraîne des transferts linguistiques vers l'anglais, en Ontario comme au Québec.
* Partout, une proportion plus qu'appréciable des anglophones demeure unilingue. Ils ont partout la possibilité de vivre en anglais, même très minoritaires, en Ontario comme au Québec.
* La force d'attraction de l'anglais reste supérieure à celle du français, même au Québec, auprès des allophones.












1 commentaire:

  1. Pour changer cette réalité, IL faut changer l'ordre linguistique mondiale. Ma langue maternelle est le français mais je m'addresse à ma femme en chinois. Elle désir améliorer son anglais car elle en a déjà étudier auparavant, mais pas le français.

    C'est normal. Une solution serait de promouvoir une langue internationale plus façile à apprendre comme l'espéranto. Ça ne veut pas dire que tout le monde apprendrait le français, mais que les francophones n'auraient plus besoins d'apprendre une langue aussi difficile que l'anglais et pourraient donc se concentrer sur le développement du français.

    Une autre solution est de souhaiter que le français remplacer l'anglais comme la langue internationale dominante. Bonne chance!

    La troixième option est de prohibir l'exogamie et toute autre échange internationale. Encore, bonne chance avec ça.

    La France s'était opposer férocement contre l'espéranto au sein de la ligue des Nations dans son temp. On peut se demander si la situation fragile du français dans le monde aujourd'hui est bien mérité.

    RépondreSupprimer