samedi 20 octobre 2012

Les Acadiens de l'Île Madame, en Nouvelle-Écosse

Pendant que les Acadiens de la Nouvelle-Écosse sont réunis en assemblée générale annuelle, j'ai retrouvé dans mes lectures ce petit article perdu dans l'édition d'octobre 1950 d'une ancienne revue appelée Vie française, consacrée essentiellement à la francophonie d'Amérique. Il est signé par l'abbé A.P. Poirier, et vise à promouvoir les sites acadiens de l'Île Madame, au Cap Breton. L'article a plus de 60 ans et j'ignore à quel point la situation des Acadiens de l'endroit a évolué depuis le milieu du 20e siècle.

Je reproduis l'article ici pour signaler son existence sans doute oubliée et aussi pour indiquer aux francophones de la Nouvelle-Écosse que d'autres, ailleurs, s'intéressent à l'Acadie et en sont solidaires.

Pierre Allard


ARICHAT

Il est un petit coin de l'Acadie assez ignoré, il nous semble - souvent mal compris - probablement fort peu apprécié et quelquefois même méprisé. Ce petit coin, qui enchante ceux qui le connaissent, se trouve au Cap Breton (l'Île Royale d'autrefois) dans le comté de Richmond: c'est l'Île Madame. L'Île Madame a une superficie de 70 milles et l'on y trouve quatre paroisses acadiennes situées aux quatre coins pour ainsi dire de l'île: D'Escousse au nord, Petit de Grat à l'est, Arichat au sud et Arichat Ouest. Les quatre paroisses comptent environ quatre mille âmes.

Les Acadiens de cette région font un peu la culture de la terre, un peu la pêche, un peu de tout pour vivre. Ils ne sont pas pauvres mais ils sont loin d'être riches; loin, pour la plupart, de jouir des conforts de la vie moderne. Ils ont conservé leur foi catholique et leur langue française non sans effort et malgré les obstacles quelquefois fâcheux qu'on a voulu leur susciter.

Au point de vue historique, nous croyons pouvoir dire sans réserve que la paroisse d'Arichat avec ses 225 familles de petits pêcheurs, de petits cultivateurs, d'ouvriers et de commerçants, est la plus importante de toutes les paroisses de l'Île Madame. Peuplée par les Acadiens vers 1750, Arichat fut pendant des années, après la chute de Louisbourg, en 1758, le centre d'affaire le plus important de tout le Cap Breton. Grâce à une flotte de goélettes sans égale dirigée par de braves matelots acadiens, Arichat devint le grand centre d'échange entre l'Acadie, la Nouvelle-Angleterre, les Antilles et l'Europe. En 1844, Arichat fut choisi site du premier siège épiscopal de l'est de la Nouvelle-Écosse et Mgr William Fraser en fut le premier évêque. Il eut comme successeurs Mgr C.F. MacKinnon et Mgr Cameron. Ce dernier transféra le siège d'Arichat à Antigonish en 1880.



L'église d'Arichat en 1953


En 1853, le collège d'Arichat ouvre ses portes aux jeunes gens qui se destinent à la prêtrise. Ce collège est aujourd'hui l'université Saint François Xavier d'Antigonish. En 1857, les Soeurs de la Congrégation de Notre-Dame fondent un couvent pour la formation spirituelle et intellectuelle des jeunes filles. Les Frères des Écoles Chrétiennes viennent faire la classe à nos jeunes gens en 1861 pour n'y demeurer que cinq ans.

L'invention de bateaux à vapeur, la construction de chemins de fer frappèrent d'un coup presque mortel le chef-lieu du comté de Richmond; son importance comme centre d'affaire diminua rapidement et il fut supplanté par d'autres centres comme Sydney et Antigonish. Aujourd'hui (en 1950), il nous reste une cathédrale, un palais épiscopal sans évêque, un couvent occupé par la Congrégation des Filles de Jésus qui se donnent à l'éducation des nôtres, les bureaux de comté, le palais de justice et la prison, deux petits hôtels et plusieurs magasins d'affaires. Tout dernièrement, l'ex-palais épiscopal est devenu un hôpital confié aux soins de deux médecins, un dentiste et six garde-malades. Notre église paroissiale, quoique ancienne, est belle, imposante, et possède une peinture de l'Assomption de Marie, notre patronne nationale, qui est certainement un chef-d'oeuvre; on dit que cette peinture est venue de France ou d'Italie. L'orgue à tuyaux de notre église paroissiale est aussi très ancien.

Voilà, cher lecteur, en grandes lignes, l'histoire de la paroisse d'Arichat, l'histoire de ce centre acadien par excellence d'autrefois. Nous avons voulu écrire ce bref récit historique d'un petit coin de l'Acadie que nous aimons afin de le faire mieux connaître, mieux apprécier. Puissent ces quelques notes historiques faire naître chez nos frères acadiens le désir de venir visiter ce petit coin charmant du Cap Breton, non seulement Arichat mais toutes les paroisses acadiennes de l'Île Madame.

A.P. Poirier, prêtre, curé.

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