lundi 8 juin 2015

«Nous voulions une intervention en faveur de la minorité (sic) anglophone du Pontiac.»

Chassez le naturel, il revient au galop…

Dans son différend avec l'Office québécois de la langue française (OQLF), le Pontiac Journal du Pontiac s'érige depuis quelques mois en défenseur du bilinguisme, en promoteur de l'harmonie franco-anglo, et bien sûr en victime de gangsters plus ou moins fascisants et séparatistes de Montréal…

Les Anglo-Pontissois utilisent volontiers l'argumentaire du bilinguisme et de «la bonne entente» pour défendre leur domination historique sur les francophones du Haut-Outaouais. Mais parfois le jupon dépasse. Ainsi dans les pages du journal de la semaine dernière, l'éditeur Fred Ryan et la co-éditrice Lily Ryan s'en prennent au député - pourtant libéral et bien bilingue - André Fortin, qui semble avoir eu le réflexe salutaire de vouloir mieux s'informer de la situation avant d'émettre un commentaire de fond.

Hésiter de défendre les yeux fermés des adversaires de l'OQLF dans le Pontiac, c'est toujours risqué. Aussi Mme Ryan lui lance-t-elle sans nuances (original en anglais, mais la traduction est du Pontiac Journal du Pontiac): «Ceci n'est pas ce que nous attendions de notre député. Nous voulions une intervention du gouvernement libéral en faveur de la minorité anglophone du Pontiac.» Voilà donc pour qui ce journal lutte dans ses habits bilingues. Il ne demande surtout pas au député de protéger la minorité francophone du Pontiac (de fait ce sont les anglophones qui forment ici la majorité!).

Encore une fois, le débat soulevé par le conflit entre l'OQLF et le bimensuel du Pontiac n'est pas très clair, le tout tournant autour de l'interprétation des articles 58 et 59 de la Loi 101 sur le placement de publicités dans des journaux publiés en tout ou en partie dans une langue autre que le français. Mais peut-on reprocher à l'Office de vouloir protéger la langue française dans une région qui en a bien besoin et où le bilinguisme a toujours été synonyme d'assimilation des francophones?

Le Pontiac Journal du Pontiac n'a pas publié la lettre de son député à l'Assemblée nationale, mais il semble, si on se fie au texte de l'éditeur Fred Ryan, que M. Fortin ait voulu «faire retomber la faute sur les annonceurs (du journal) et particulièrement ceux d'Ontario (il y en a plusieurs) qui préfèrent les annonces en anglais seulement». L'argent étant le nerf de la guerre dans un journal régional, j'imagine facilement la réaction des propriétaires…

La réponse de Mme Ryan n'a pas tardé: «Cela revient à dire à nos annonceurs (unilingues anglais) que nous n'allons plus publier leurs annonces. C'est une suggestion inconcevable et nous disons à notre député que nous voyons ici l'abdication à son désir de nous venir en aide.»

Et pour bien marquer l'ordre d'importance des deux langues pour ce journal, l'éditorial indique: «La solution la plus simple serait de supprimer le français pour satisfaire l'agence gouvernementale. Elle (Mme Ryan) a ajouté que le Journal s'opposerait à cette suggestion car il a la vocation de servir toute la communauté dans sa spécificité bilingue».

Alors comprenons bien. Si une langue doit disparaître du journal, ce sera la moins importante pour le journal: le français. Mais la direction du bimensuel s'oppose à la suppression du contenu français à cause de la «spécificité bilingue» du Pontiac. Qu'ils sont gentils… Mais parlons-en de cette spécificité bilingue de la région: plus de 40% des Pontissois sont unilingues anglais (c.-à.-d. près de 75% des anglophones de la région…) et comptant les francophones bilingues (80% et plus), près de 95% de la population du Pontiac comprend l'anglais… On voit vite laquelle des deux langues est la plus utile…

Quant aux mérites d'un journal bilingue, tel qu'on le voit dans le Pontiac, le débat reste ouvert. Une chose m'apparaît sûre, cependant. Si les francophones du Pontiac n'avaient pas été si systématiquement persécutés et assimilés de force pendant le premier siècle de la Confédération, les Franco-Pontissois seraient bien plus nombreux (la majorité?), et auraient une vitalité suffisante pour supporter un journal régional de langue française bien à eux.

Alors quand des héritiers de nos anciens Rhodésiens (l'expression de René Lévesque) viennent nous dire qu'ils nous aiment et qu'ils veulent vivre en harmonie à condition que l'anglais domine, je me méfie. Mes expériences de jeunesse comme militant franco-ontarien m'ont au moins appris ça…

Et enfin une note à l'intention de l'OQLF. Je sais que des inspecteurs de l'Office ont été chassés de Shawville, dans le Pontiac, il y a une quinzaine d'années, mais il serait peut-être temps que nos défenseurs officiels de la Loi 101 s'achètent des costumes blindés, empruntent quelques chars d'assaut pour se protéger et se rendent à nouveau en territoire pontissois (et vraiment dans tous les coins du Pontiac) pour constater sur place la situation alarmante des francophones…

En plus de se renseigner, peut-être les éclaireurs de l'OQLF réussiraient-ils à trouver des solutions novatrices au litige qui les oppose au journal local...


(NB - pour ceux et celles qui ne le sauraient toujours pas, le Pontiac, c'est au Québec.)



1 commentaire:

  1. Bonjour monsieur Pierre Allard,

    Et pendant tout ce temps-là, les PARENTS FRANCOPHONES de l'est de l'Ontario veulent que leurs enfants apprennent l'anglais dès la première année.

    Plus suicidaire que ça, tu meurs. C'est comme rien, ils doivent sûrement être TOUS exogames. Plus ça va, plus je suis découragé en rapport avec l'assimilation galopante et LE PIRE..............., c'est que ce n'est pas la faute aux anglos. En plein festival franco-ontarien.

    Bonne chance.

    Gilles sauvageau

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