En cherchant à faire un peu d'espace dans une armoire du garage, j'ai retrouvé une tablette et demie de vieux magazines de la fin des années 1960 et du début des années 1970, que j'avais conservés… Un trésor! Un véritable trésor! Des milliers de pages de publications aujourd'hui disparues, d'innombrables textes qui font ressurgir dans toute sa vitalité une époque turbulente. Depuis deux jours, je relis avec délice des articles, reportages, analyses et commentaires vieux de 40, 45 ans et plus…
À mesure que j'épluche les pages un peu décolorées de ces précieux documents, je lance des quêtes sur Internet pour voir ce que le Web a retenu des magazines d'un temps où le papier et l'imprimés régnaient en maîtres. Les résultats sont quelque peu décevants, et il y aurait sans doute lieu (à moins que j'aie cherché avec mes yeux d'homme, comme se plaît à me le rappeler mon épouse) de mettre en ligne des références plus complètes sur ces magazines aujourd'hui tombés dans l'oubli.
Je lance ici, pêle-mêle, certaines de mes trouvailles, et invite ceux et celles qui ont conservé quelques archives d'époques antérieures à les redécouvrir, et à en faire état sur Twitter, ou encore sur Facebook qui se prêterait bien à la formation d'un groupe de partage et de discussion là-dessus. Les périodiques qui suivent ne sont pas présentés en ordre d'importance… Tous permettent de fascinantes redécouvertes!
* Dimensions, digeste éclair (3 numéros, de mars à mai 1969)
Bizarre de publication, format 4 1/4 x 11 (une demi-feuille sur la longueur) dirigée par Victor-Lévy Beaulieu. Des textes sur la vie politique et artistique, québécoise et internationale, signés entre autres par Jacques Larue-Langlois, André Major, Jean-Claude Germain, Yves Michaud et même Michel Chartrand. J'y ai notamment retrouvé le poème «Chénier, le héros de Saint-Eustache», composé au 19e siècle par l'auteur et poète Louis Fréchette, et un reportage d'Yves Michaud intitulé Menace sur le Québec qui dénonce le «monopole» médiatique de Power Corporation.
* Le magazine Maclean (10 numéros, janvier à décembre 1968)
À l'autre extrémité, un très grand format (10 1/4 x 13) d'actualités et de reportages, ce magazine mensuel québécois a paru de 1961 à 1971 selon Archives Canada. Dirigé par Paul-Marie Lapointe en 1968, le magazine publie plusieurs bonnes plumes de l'époque y compris Jean-V. Dufresne, Jacques Guay, Louis Wiznitzer, Gaston Miron, Alain Stanké, et bien d'autres. J'ai particulièrement apprécié un reportage historique sur André Laurendeau, coprésident de la Commission B-B, écrit quelques mois avant sa mort. Sans oublier quelques images de L'osstidcho avec «la gang à frisé» (Robert Charlebois).
* QL, Le Quartier Latin (magazine des étudiants de l'Université de Montréal)
Probablement le seul magazine étudiant de l'époque (mes numéros, de sept. 1969 à oct. 1970) à être vendu en kiosque partout au Québec et même à Ottawa, grand format comme le magazine Maclean, c'est un organe de pensée et de contestation. «Le Quartier Latin n'est pas un médium d'information contrôlé par la mafia de l'information (Power Corp.», annonce la revue en gros caractères… On y trouve de tout, des droits de la femme à l'indépendance du Québec, en passant par la culture et la scène mondiale. En décembre 1969, l'équipe a installé un bureau de douanes sur le pont Interprovincial, entre Ottawa et Hull, en plein jour, pour croquer sa photo de couverture… Rien à leur épreuve…
J'ai quelques numéros en double s'il y a des collectionneurs.
* Presqu'Amérique, «révéler l'Amérique québécoise»
Une autre revue grand format (style magazine Maclean), publiée de 1971 à 1973 (j'en ai 8 numéros de nov. 1971 à fév. 1973). Style à gauche, indépendantiste. D'excellentes plumes là aussi y compris Patrick Staram, Judith Jasmin, Denys Arcand, Claude Morin, Jean-Marc Piotte, Gaston Miron et d'autres. Un texte percutant en 1972 dans lequel on propose de lancer un «Bloc québécois» dans l'arène fédérale. C'est avant la victoire du PQ de 1976 et bien avant la formation d'un vrai Bloc en 1990…
* Maintenant, revue des Dominicains (une cinquantaine de numéros de 1968 à 1974)
Une de mes préférées à l'époque, d'inspiration chrétienne, nationaliste et à gauche. La revue a publié de 1962 à 1974. De haute qualité, et accueillant plusieurs grands noms de l'époque qui y trouvaient un débouché crédible et influent. On y lit Hélène Pelletier-Baillargeon, Vincent Harvey, Guy Bourassa, Rosaire Morin, Thérèse Casgrain, Jacques Grand'Maison, Claude Péloquin, Jules Tessier, Fernand Dumont, Renée Rowan, Lysiane Gagnon, Victor-Lévy Beaulieu, Jacques Parizeau et plusieurs autres… Sa couverture du premier numéro après la crise d'octobre est restée célèbre…
* Point de mire (45 numéros entre 1970 et 1972)
Un magazine solidement indépendantiste, presque (mais pas tout à fait) un porte-parole pour le Parti québécois. La revue fondée par Jean Côté était d'abord hebdomadaire, puis mensuelle. Auteur prolifique, Jean Côté y a signé de nombreux textes, ainsi qu'une quantité de rédacteurs souverainistes de l'époque y compris Pierre Bourgault, Marcel Chaput, André d'Allemagne, Bernard Landry, Nick Auf Der Mar, Pierre Vallières, Joseph Costisella, etc., etc., etc. Peut-être y a-t-il eu tant de magazines favorables à l'indépendance et à gauche, fin années 60 et années 70, parce que la grande presse quotidienne était si unanimement opposée à ces causes… Et ça n'a pas beaucoup changé…
* Canadian Dimension (une vingtaine de numéros, 1967-1976)
Magazine de la gauche anglo-canadienne, publié depuis 1963. Existe toujours en 2015. À une époque où les grands médias de langue anglaise étaient trop souvent hystériques face au Québec (comme aujourd'hui, quoi…), il était intéressant de lire des points de vue sympathiques aux causes de la gauche québécoise, tant ouvrière que politique. Particulièrement pendant la crise d'octobre, rares étaient les adversaires des mesures de guerre hors-Québec…
* The Last Post (27 numéros entre 1969 et 1978)
Revue de la nouvelle gauche anglo-québécoise et anglo-canadienne, beaucoup plus agressive et impertinente que Canadien Dimension. Un bijou de magazine, que j'ai commencé à relire avec grand plaisir. Il est disparu, je crois, à la fin des années 1970…
J'en ai d'autres dans ma vieille réserve, que je décortique peu à peu. Ma première intention était de remplir mon bac de recyclage mais après avoir feuilleté ces magazines, je crois que je ferai tout pour les conserver ou leur trouver une nouvelle maison d'accueil.
J'aimerais bien entendre parler de gens qui collectionnent eux aussi des documents des années 1960 et 1970, particulièrement par rapport aux relations entre le Québec et le Canada.
samedi 31 janvier 2015
vendredi 30 janvier 2015
Québec et Franco-Yukonnais: à n'y rien comprendre!
Je continue de lire avec incrédulité les opinions émises après l'intervention du Québec en Cour suprême contre une interprétation élargie de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, interprétation qui aurait favorisé une clientèle accrue pour les écoles des francophones du Yukon. Selon les rapports médiatiques, Québec craindrait que les Anglo-Québécois utilisent un jugement favorable aux Franco-Yukonnais pour invalider la Loi 101 et ouvrir plus grandes les portes aux écoles anglaises.
Tout en n'étant pas juriste, je crois que les craintes du Québec n'ont AUCUN fondement. Le gouvernement québécois ne risque absolument rien en se portant au secours des Franco-Yukonnais, parce que la Cour suprême a déjà jeté les bases d'un argumentaire - et ce depuis les années 1980 - qui l'oblige désormais à défendre la primauté du français au Québec. Elle n'accordera pas aux Anglo-Québécois les droits que demandent les Franco-Yukonnais et si jamais elle le faisait - à peu près autant de chance que de gagner la 6/49 - Québec pourrait se prévaloir de la clause «nonobstant» (art. 33 de la Charte) pour annuler les effets d'une telle décision.
Pourquoi en suis-je si sûr et pourquoi suis-je tellement surpris des entourloupettes juridiques qu'évoquent certains analystes pour mettre en question ou soutenir l'intervention québécoise? Parce que les juges de la Cour suprême, comme tous les juges des instances inférieures, vivent dans le vrai monde. Dans des causes semblables, ils ne s'en tiennent jamais à la lettre de la loi. Ils incluent aussi dans leur toile de fond le contexte sociopolitique et historique ainsi que certains principes constitutionnels directeurs, dont le principe du fédéralisme et celui de la protection des minorités.
Il faudrait peut-être rappeler plus souvent que les droits scolaires des minorités francophones, abolis partout au pays il y plus de 100 ans, ont été restitués graduellement à compter de la deuxième moitié des années 1960. Pourquoi? Parce que depuis le début de cette décennie, Québec était en «révolution pas toujours tranquille» et que le premier ministre de l'époque, Daniel Johnson, brandissait très officiellement le slogan «Égalité ou indépendance»!
Cette «égalité» visait, de toute évidence, l'inégalité flagrante du traitement accordé aux francophones par les gouvernements des autres provinces, en comparaison avec les droits et privilèges blindés d'une minorité anglo-québécoise qui se comportait plus souvent qu'autrement en extension de la majorité anglo-canadienne et en «Rhodésiens». Le premier ministre ontarien, John Robarts, l'a bien compris. Et alors que Queen's Park et les autres capitales avaient éconduit les requêtes des francophones depuis des décennies, voilà que l'accueil devenait un peu moins frisquet.
Dans le sillage des turbulences des années 60, de l'élection du Parti québécois en 1976 et du référendum de 1980, le gouvernement fédéral a adopté des lois (y compris la Loi sur les langues officielles (quasi constitutionnelle) et le Charte des droits et libertés (qui fait partie de la Constitution). Et cette dernière confie aux tribunaux un rôle élargi dans l'interprétation des textes constitutionnels. Les juges, comme les politiciens qui ont rédigé les lois, doivent tenir compte de la réalité sociale, économique et politique autant que des virgules et points-virgules dans les articles des lois qu'ils sont tenues d'interpréter.
Dans le Renvoi sur la sécession de 1998. les juges de la plus haute cour du pays rappellent que la Constitution ne se limite pas aux textes constitutionnels, qu'elle inclut «des règles non écrites» dont fait partie «le contexte historique» ainsi que le principe du fédéralisme, compris comme étant «la réponse juridique aux réalités politiques et culturelles qui existaient à l'époque de la Confédération et qui existent toujours»… et qui permettent «de concilier unité et diversité».
C'est ainsi que la Cour suprême a accordé aux minorités francophones hors-Québec le contrôle et la gestion de leurs réseaux scolaires et qu'elle a aussi reconnu la validité de l'objectif de promotion et de préservation d'un visage linguistique français au Québec. Pourquoi? Parce qu'en Alberta, en Ontario et au Québec, une même réalité s'impose. Seul le français est menacé. La protection/promotion du français émane des principes constitutionnels du fédéralisme et de la protection des minorités. C'est le même principe qu'on invoque à la fois pour réparer les injustices hors-Québec et pour affirmer le caractère français du seul État à majorité francophone du Canada et de l'Amérique du Nord.
Québec n'a pas besoin de plaider «l'exception» dans l'application de l'article 23. Le besoin de protéger la langue et la culture française, dans un vaste milieu minoritaire qui est le même pour le Québec et les Franco-Yukonnais, doit au contraire assurer une solidarité entre la majorité québécoise et les minorités des autres provinces. La différence entre le Québec et la diaspora, ce sont les moyens à leur disposition. Québec a tous les outils pour s'imposer en la matière, moyens qui incluent la sécession de la fédération. Cela fait partie du contexte politique dont les tribunaux tiennent compte…
La décision, cette semaine, du juge Salvatore Mascia contre les marchands anglophones qui voulaient augmenter la part de l'anglais dans l'affichage commercial illustre bien ce que je viens d'argumenter. Le juge de la Cour du Québec s'est largement fondé sur une analyse de la réalité pour affirmer une fois de plus que même au Québec, «la langue française est encore trop fragile pour se développer sans l'aide du gouvernement québécois». Les commerçants anglophones vont se buter à un mur juridique jusqu'à la Cour suprême.
Dans l'affaire des Franco-Yukonais, Québec a tous les atouts en main et fait pourtant le frileux. Pourquoi la principale puissance francophone du pays agit-elle en mauviette alors qu'elle devrait arriver tambour battant avec des arguments massue pour dire à la Cour suprême que si elle est sérieuse dans son désir de protection des minorités et du fédéralisme, deux grands principes constitutionnels, elle n'a qu'une chose à faire: donner le plus possible carte blanche aux Franco-Yukonnais. Si ce n'est que pour réparer, en partie, les injustices historiques dont toutes les minorités hors-Québec ont été victimes.
Quant aux Anglo-Québécois, ils n'ont rien à craindre. La majorité francophone ne leur fera jamais ce qu'on a fait aux nôtres ailleurs au pays...
Tout en n'étant pas juriste, je crois que les craintes du Québec n'ont AUCUN fondement. Le gouvernement québécois ne risque absolument rien en se portant au secours des Franco-Yukonnais, parce que la Cour suprême a déjà jeté les bases d'un argumentaire - et ce depuis les années 1980 - qui l'oblige désormais à défendre la primauté du français au Québec. Elle n'accordera pas aux Anglo-Québécois les droits que demandent les Franco-Yukonnais et si jamais elle le faisait - à peu près autant de chance que de gagner la 6/49 - Québec pourrait se prévaloir de la clause «nonobstant» (art. 33 de la Charte) pour annuler les effets d'une telle décision.
Pourquoi en suis-je si sûr et pourquoi suis-je tellement surpris des entourloupettes juridiques qu'évoquent certains analystes pour mettre en question ou soutenir l'intervention québécoise? Parce que les juges de la Cour suprême, comme tous les juges des instances inférieures, vivent dans le vrai monde. Dans des causes semblables, ils ne s'en tiennent jamais à la lettre de la loi. Ils incluent aussi dans leur toile de fond le contexte sociopolitique et historique ainsi que certains principes constitutionnels directeurs, dont le principe du fédéralisme et celui de la protection des minorités.
Il faudrait peut-être rappeler plus souvent que les droits scolaires des minorités francophones, abolis partout au pays il y plus de 100 ans, ont été restitués graduellement à compter de la deuxième moitié des années 1960. Pourquoi? Parce que depuis le début de cette décennie, Québec était en «révolution pas toujours tranquille» et que le premier ministre de l'époque, Daniel Johnson, brandissait très officiellement le slogan «Égalité ou indépendance»!
Cette «égalité» visait, de toute évidence, l'inégalité flagrante du traitement accordé aux francophones par les gouvernements des autres provinces, en comparaison avec les droits et privilèges blindés d'une minorité anglo-québécoise qui se comportait plus souvent qu'autrement en extension de la majorité anglo-canadienne et en «Rhodésiens». Le premier ministre ontarien, John Robarts, l'a bien compris. Et alors que Queen's Park et les autres capitales avaient éconduit les requêtes des francophones depuis des décennies, voilà que l'accueil devenait un peu moins frisquet.
Dans le sillage des turbulences des années 60, de l'élection du Parti québécois en 1976 et du référendum de 1980, le gouvernement fédéral a adopté des lois (y compris la Loi sur les langues officielles (quasi constitutionnelle) et le Charte des droits et libertés (qui fait partie de la Constitution). Et cette dernière confie aux tribunaux un rôle élargi dans l'interprétation des textes constitutionnels. Les juges, comme les politiciens qui ont rédigé les lois, doivent tenir compte de la réalité sociale, économique et politique autant que des virgules et points-virgules dans les articles des lois qu'ils sont tenues d'interpréter.
Dans le Renvoi sur la sécession de 1998. les juges de la plus haute cour du pays rappellent que la Constitution ne se limite pas aux textes constitutionnels, qu'elle inclut «des règles non écrites» dont fait partie «le contexte historique» ainsi que le principe du fédéralisme, compris comme étant «la réponse juridique aux réalités politiques et culturelles qui existaient à l'époque de la Confédération et qui existent toujours»… et qui permettent «de concilier unité et diversité».
C'est ainsi que la Cour suprême a accordé aux minorités francophones hors-Québec le contrôle et la gestion de leurs réseaux scolaires et qu'elle a aussi reconnu la validité de l'objectif de promotion et de préservation d'un visage linguistique français au Québec. Pourquoi? Parce qu'en Alberta, en Ontario et au Québec, une même réalité s'impose. Seul le français est menacé. La protection/promotion du français émane des principes constitutionnels du fédéralisme et de la protection des minorités. C'est le même principe qu'on invoque à la fois pour réparer les injustices hors-Québec et pour affirmer le caractère français du seul État à majorité francophone du Canada et de l'Amérique du Nord.
Québec n'a pas besoin de plaider «l'exception» dans l'application de l'article 23. Le besoin de protéger la langue et la culture française, dans un vaste milieu minoritaire qui est le même pour le Québec et les Franco-Yukonnais, doit au contraire assurer une solidarité entre la majorité québécoise et les minorités des autres provinces. La différence entre le Québec et la diaspora, ce sont les moyens à leur disposition. Québec a tous les outils pour s'imposer en la matière, moyens qui incluent la sécession de la fédération. Cela fait partie du contexte politique dont les tribunaux tiennent compte…
La décision, cette semaine, du juge Salvatore Mascia contre les marchands anglophones qui voulaient augmenter la part de l'anglais dans l'affichage commercial illustre bien ce que je viens d'argumenter. Le juge de la Cour du Québec s'est largement fondé sur une analyse de la réalité pour affirmer une fois de plus que même au Québec, «la langue française est encore trop fragile pour se développer sans l'aide du gouvernement québécois». Les commerçants anglophones vont se buter à un mur juridique jusqu'à la Cour suprême.
Dans l'affaire des Franco-Yukonais, Québec a tous les atouts en main et fait pourtant le frileux. Pourquoi la principale puissance francophone du pays agit-elle en mauviette alors qu'elle devrait arriver tambour battant avec des arguments massue pour dire à la Cour suprême que si elle est sérieuse dans son désir de protection des minorités et du fédéralisme, deux grands principes constitutionnels, elle n'a qu'une chose à faire: donner le plus possible carte blanche aux Franco-Yukonnais. Si ce n'est que pour réparer, en partie, les injustices historiques dont toutes les minorités hors-Québec ont été victimes.
Quant aux Anglo-Québécois, ils n'ont rien à craindre. La majorité francophone ne leur fera jamais ce qu'on a fait aux nôtres ailleurs au pays...
mercredi 28 janvier 2015
Le 12 janvier, «une journée bien spéciale» pour les quotidiens régionaux de Gesca
«Information fouillée, pertinente, branchée sur les préoccupations des lecteurs», écrit l'éditeur Jacques Pronovost, le 12 janvier 2015, en parlant de son quotidien, Le Droit, de Gatineau-Ottawa.
«Information fouillée, rigoureuse, pertinente, branchée sur les préoccupations des lecteurs», écrit l'éditeur Alain Turcotte le même jour, au sujet de son quotidien, Le Nouvelliste, de Trois-Rivières.
«Information fouillée, rigoureuse, pertinente, branchée sur les préoccupations des lecteurs», écrit - elle aussi le 12 janvier - Louise Boisvert, éditrice du quotidien La Voix de l'Est, dans un mot sur son journal.
«Information fouillée, rigoureuse, pertinente, branchée sur les préoccupations des lecteurs», écrit de nouveau Louise Boisvert, toujours le 12, cette fois à titre d'éditrice de La Tribune, de Sherbrooke.
«Information fouillée, rigoureuse, pertinente, branchée sur les préoccupations des lecteurs», précise à son tour Michel Simard, éditeur du Quotidien du Saguenay, dans l'édition du 12 janvier.
«Information fouillée, pertinente, branchée sur les préoccupations des lecteurs», insiste enfin Claude Gagnon, éditeur du Soleil de Québec et vice-président exécutif des Journaux régionaux de Gesca.
En ce lundi 12 janvier de l'année 2015, les lecteurs et lectrices de tous les quotidiens régionaux de l'empire Gesca-Power ont été informés dans des textes qui reproduisent ça et là, avec quelques variantes, une série de formules et de phrases identiques, que le format de leur journal avait changé et que la mise en page était désormais «contemporaine, aérée, dynamique» (elle ne l'était pas avant?).
Omettant de préciser que le nouveau format était plus petit que le précédent (du moins pour Le Droit), on ajoute cependant que la nouvelle présentation correspond «à la norme standard pour les quotidiens de type compact». Une chose est sûre, c'est hors du commun parce que cinq des six textes commencent par la même phrase. «C'est une journée bien spéciale aujourd'hui»…
Je n'ai rien contre un message commun des éditeurs d'une chaîne, mais je ne comprends pas que la direction (Claude Gagnon?) propose (impose?) un texte que tous/toutes reprennent plus que moins, avec des modifications de structure et de style, en y apposant leur propre signature comme s'ils en étaient le seul auteur…
Pourquoi ne pas avoir diffusé un texte unique signé par le «boss» des journaux régionaux (ou par les six s'ils en sont collectivement auteurs), en demandant à chaque éditeur/éditrice d'y ajouter un message personnel aux lecteurs de sa région? Pensaient-ils que personne ne comparerait les propos des éditeurs?
Si six textes de nouvelles, ou six chroniques ou éditoriaux avec tant de passages identiques avaient été publiés dans les pages de nouvelles de six quotidiens différents, avec des signatures différentes, le même jour, on aurait vite fait d'accuser les auteurs de plagiat…
Cela vaut aussi la peine d'être mentionné, enfin, que chaque texte donne l'assurance, avec les mêmes mots, que les six quotidiens conserveront «leur personnalité propre»...
On est en droit de s'attendre à mieux, surtout d'éditeurs de quotidiens qui adhèrent à des codes d'éthique et professent une grande rigueur dans leurs salles de rédaction. Cette fois, le mauvais exemple vient de haut…
Pour vous en convaincre, lisez-les… Au moins quatre d'entre eux sont affichés dans le groupe Facebook LeDroit2013+… Les deux autres sont difficiles à trouver sur le Web…
«Information fouillée, rigoureuse, pertinente, branchée sur les préoccupations des lecteurs», écrit l'éditeur Alain Turcotte le même jour, au sujet de son quotidien, Le Nouvelliste, de Trois-Rivières.
«Information fouillée, rigoureuse, pertinente, branchée sur les préoccupations des lecteurs», écrit - elle aussi le 12 janvier - Louise Boisvert, éditrice du quotidien La Voix de l'Est, dans un mot sur son journal.
«Information fouillée, rigoureuse, pertinente, branchée sur les préoccupations des lecteurs», écrit de nouveau Louise Boisvert, toujours le 12, cette fois à titre d'éditrice de La Tribune, de Sherbrooke.
«Information fouillée, rigoureuse, pertinente, branchée sur les préoccupations des lecteurs», précise à son tour Michel Simard, éditeur du Quotidien du Saguenay, dans l'édition du 12 janvier.
«Information fouillée, pertinente, branchée sur les préoccupations des lecteurs», insiste enfin Claude Gagnon, éditeur du Soleil de Québec et vice-président exécutif des Journaux régionaux de Gesca.
En ce lundi 12 janvier de l'année 2015, les lecteurs et lectrices de tous les quotidiens régionaux de l'empire Gesca-Power ont été informés dans des textes qui reproduisent ça et là, avec quelques variantes, une série de formules et de phrases identiques, que le format de leur journal avait changé et que la mise en page était désormais «contemporaine, aérée, dynamique» (elle ne l'était pas avant?).
Omettant de préciser que le nouveau format était plus petit que le précédent (du moins pour Le Droit), on ajoute cependant que la nouvelle présentation correspond «à la norme standard pour les quotidiens de type compact». Une chose est sûre, c'est hors du commun parce que cinq des six textes commencent par la même phrase. «C'est une journée bien spéciale aujourd'hui»…
Je n'ai rien contre un message commun des éditeurs d'une chaîne, mais je ne comprends pas que la direction (Claude Gagnon?) propose (impose?) un texte que tous/toutes reprennent plus que moins, avec des modifications de structure et de style, en y apposant leur propre signature comme s'ils en étaient le seul auteur…
Pourquoi ne pas avoir diffusé un texte unique signé par le «boss» des journaux régionaux (ou par les six s'ils en sont collectivement auteurs), en demandant à chaque éditeur/éditrice d'y ajouter un message personnel aux lecteurs de sa région? Pensaient-ils que personne ne comparerait les propos des éditeurs?
Si six textes de nouvelles, ou six chroniques ou éditoriaux avec tant de passages identiques avaient été publiés dans les pages de nouvelles de six quotidiens différents, avec des signatures différentes, le même jour, on aurait vite fait d'accuser les auteurs de plagiat…
Cela vaut aussi la peine d'être mentionné, enfin, que chaque texte donne l'assurance, avec les mêmes mots, que les six quotidiens conserveront «leur personnalité propre»...
On est en droit de s'attendre à mieux, surtout d'éditeurs de quotidiens qui adhèrent à des codes d'éthique et professent une grande rigueur dans leurs salles de rédaction. Cette fois, le mauvais exemple vient de haut…
Pour vous en convaincre, lisez-les… Au moins quatre d'entre eux sont affichés dans le groupe Facebook LeDroit2013+… Les deux autres sont difficiles à trouver sur le Web…
lundi 26 janvier 2015
Permettez-nous d'être insultés...
Lettre à Graham Fraser,
Commissaire aux langues officielles du Canada
Cher Monsieur le Commissaire,
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt la lettre (http://bit.ly/1DauOQw) que vous avez adressée à mon ex-collègue Pierre Jury du quotidien Le Droit, en réponse à son éditorial intitulé «Insultant» (http://bit.ly/1sVvqJl), dans lequel ce dernier commentait - avec beaucoup de modération, dois-je préciser - votre suggestion de créer au Québec un bureau des affaires anglophones ayant pour mandat de s'intéresser aux préoccupations des collectivités anglo-québécoises et d'assurer un lien officiel avec elles.
Je ne vous blâme pas de vous défendre, et j'ai comme vous la certitude que vos propos n'avaient pas pour objectif «d'insulter qui que ce soit». J'ai eu l'occasion de commenter vos rapports annuels durant les années où ma plume était toujours accueillie dans la page éditoriale du Droit, et j'ai toujours eu beaucoup de respect, malgré mes critiques, pour vos efforts en faveur de la dualité linguistique canadienne.
Mais sachez que pour plusieurs d'entre nous qui avons milité pour les droits des francophones hors-Québec et qui cherchons à assurer l'avenir du français au Québec même, le verre est plein depuis bien trop longtemps et que la moindre goutte, si bien intentionnée soit-elle, si intègre soit celui ou celle qui la verse, le fait nécessairement déborder!
Monsieur le Commissaire, vous êtes né à quelques rues de chez moi, dans l'ouest de la ville d'Ottawa, aux portes d'une communauté franco-ontarienne de quelques milliers d'âmes, aujourd'hui disparue ou réduite à un statut très minoritaire, comme les autres collectivités urbaines de l'Ontario français. Le drame de notre déclin est celui de toutes les minorités hors-Québec depuis 1867.
Plongez dans vos livres d'histoire, dans vos propres souvenirs. Cette Confédération est née en blindant les privilèges de la minorité anglo-québécoise et en laissant sans défense les francophones des autres provinces. Les majorités de langue anglaise ont persécuté leur minorité acadienne ou canadienne-française sans exception! Les Anglo-Québécois ont pendant ce temps été dorlotés à l'excès!
Le résultat est écrit noir sur blanc dans nos recensements fédéraux. De Maillardville (C.-B.) à Chéticamp (N.-É.), en passant par Bonnyille (Alb.), Gravelbourg (Sask.), St-Boniface (Man.), Cornwall (Ont.), Moncton (N.-B.) et bien d'autres localités, les luttes incessantes ont usé peu à peu la résistance, et les chiffres de l'assimilation sont comme des cicatrices indélébiles sur la conscience bi-nationale historique de ce pays.
Et que dire du Québec où des communautés francophones, notamment en Outaouais, dans le Pontiac et la vallée de la Gatineau, ont trop longtemps subi le sort des Franco-Ontariens - maltraitées par des autorités locales et religieuses anglophones dans l'indifférence la plus totale… Et que dire de toutes ces institutions québécoises de langue anglaise, y compris trois universités, qui font l'envie de toute la francophonie hors-Québec.
Ce qui est insultant, Monsieur le Commissaire, ce n'est pas de suggérer la création d'un bureau des affaires anglophones. De toute façon, il existe déjà et s'appelle le gouvernement Couillard. Nos dirigeants ont déjà indiqué qu'ils voulaient que toutes les futures générations de francophones au Québec connaissent l'anglais. D'ici quelques générations, ils auront réglé le problème et ce dont nous aurons besoin, même au Québec, sera d'un bureau aux affaires francophones…
Non, Monsieur le Commissaire, ce qui est insultant, et je crois que vous devriez être en mesure de le comprendre, c'est que sous votre suggestion, il y a une autre - plus profonde - qui semble proposer, en dépit de l'asymétrie des services offerts d'une province à l'autre, une certaine égalité ou symétrie dans la nature même de la situation vécue par les Anglo-Québécois et les francophones hors-Québec. C'est comme laisser entendre que le quêteux au coin de la rue et le financier milliardaire sont des citoyens égaux…
Cher monsieur Fraser, même l'anglophone qui vit à Sherbrooke, Québec, Gaspé ou Saguenay peut se faire servir dans sa langue à peu près partout. Quant à Aylmer… il y a probablement plus de francophones que d'anglophones qui ne réussissent pas à se faire servir dans leur langue dans ce quartier très bilingue de Gatineau. Mais les francophones de l'ouest de la ville d'Ottawa, et à plus fort titre les rares de Kitchener, Brandon, Saskatoon, Red Deer ou Kamloops, n'auront pas le même succès. Ils n'oseraient même pas - dans la plupart des cas - s'adresser dans leur langue aux autorités…
Monsieur Fraser, dans mes anciens quartiers d'Ottawa, le francophone typique ne songera pas à parler français en entrant dans son dépanneur… Mais dans mon quartier actuel de Gatineau (environ 5 à 10% d'anglophones), le parlant-anglais typique entre partout, y compris dans mon dépanneur du coin, en s'adressant en anglais sans hésitation, sur un ton qui n'invite pas la réplique, et s'attend à ce qu'on le serve dans sa langue… Voilà la différence…
Alors quand on entend parler d'un bureau aux affaires anglophones au Québec, on sourit, puis on se demande un peu pourquoi les Anglos - qui se comportent déjà en majorité chez nous - voudraient d'un tel bureau… on comprend l'utilité de bureaux des affaires francophones ailleurs, où les collectivités luttent pour leur survie culturelle et linguistique dans plusieurs régions, mais au Québec où l'anglais est pétant de santé? Même ici, dans le foyer de la nation, des francophones se font assimiler…
Monsieur le Commissaire, le moment est peut-être venu pour vous de reconnaître très, très clairement la très profonde inégalité des situations vécues par les collectivités francophones hors-Québec d'une part, et par les collectivités anglo-québécoises (peu importe la région) d'autre part… Si vous n'en êtes pas convaincu, envoyez vos agents-espions enquêter comme simples citoyens un peu partout…
Vous l'avez fait dans les aéroports. Envoyez une foule de vos «bilingues» à travers le pays. Faites-les jouer au francophone unilingue à Regina ou à l'anglophone unilingue à Rimouski… Vous nous en donnerez des nouvelles…
Entre-temps, permettez-nous d'être insultés… Un dernier sursaut de dignité, peut-être...
Entre la négligence et les gros sabots...
Avant l'adolescence, je ne connaissais pas beaucoup Hull, Gatineau, Aylmer et les vallées environnantes. J'étais alors franco-ontarien, vivant dans un petit quartier (francophone) de l'ouest d'Ottawa, entre le pont Champlain et le pont des Chaudières. Le Québec était à distance de marche, mais on n'y allait pas souvent, sauf pour de petites randonnées en vélo...
C'est au secondaire, puis à l'Université d'Ottawa que j'ai été véritablement initié à l'Outaouais québécois. Et je me souviens d'une expression plutôt vulgaire qu'on entendait au début des années 1960... et qui traduisait un peu crûment le sentiment d'éloignement mais aussi un certain ressentiment devant le peu d'estime que témoignaient aux gens d'ici les grands centres de décision provinciaux dans la Vieille Capitale et la Métropole. La ville de Hull, disait-on, c'était le «trou de cul» du Québec...
En 1975, je suis devenu résident de Hull, puis de Gatineau en 1980. C'était bien avant que l'ensemble du territoire urbain soit fusionné de force et prenne le nom de Gatineau. Je n'ai guère mis de temps à comprendre la frustration outaouaise. Mi-perception, mi-réalité dépendant des situations, elle couve sans relâche... sans pour autant (ou très rarement) menacer de bousculer l'ordre établi.
Sauf pour les élections dans Hull et Papineau (Chapleau) en 1976, la fidélité (soumission) au Parti libéral du Québec depuis une cinquantaine d'années a créé un électorat quasi captif et impuissant. Le Parti québécois n'a plus rien à gagner en accumulant les promesses à l'Outaouais, et les libéraux peuvent négliger la région à volonté, impunément. C'est ainsi qu'on peut mettre ici un demi-siècle à construire une demi-autoroute (la 50) sans la moindre révolte locale...
Quasi coupée du reste du Québec, vue trop souvent comme une bled éloigné parmi d'autres, absente dans les grands médias, en situation de dépendance économique par rapport à Ottawa, à la fois sa grande soeur/big sister et la capitale du Canada, la ville de Gatineau est devenue la métropole d'une région en errance dont le sort indiffère le reste du Québec.
Mi-réalité, mi-perception? Sans doute. Mais regardez la carte routière du Québec et voyez ce qu'on a fait de l'Outaouais... un accès de plus vers l'Ontario au lieu d'un carrefour névralgique entre le nord-ouest québécois et la métropole. On a des milliards pour un plan Nord, mais aucune vision pour le potentiel du sud-ouest et de l'ouest… relégués au statut de parias politiques, économiques et culturels du Québec.
Ce que je vois d'ici, à Gatineau, dans l'ombre de la tour du Parlement fédéral, c'est un État québécois qui alterne entre la négligence (plus fréquente) et les gros sabots face à l'Outaouais. Les rappels à répétition d'un sous-financement chronique en santé et en éducation n'émeuvent guère les tours bureaucratiques et politiques à Québec et à Montréal, mais un déficit de 5,6 millions de dollars au CSSS de Gatineau entraîne une tutelle immédiate et l'arrivée des blindés du Dr Barrette... Allez comprendre!
Depuis plus d'un siècle, les gouvernements successifs à Québec ont assisté dans l'indifférence à l'assimilation des francophones de la rive outaouaise dans la Fonction publique fédérale et à l'érosion de la francophonie au Québec même dans les régions du Pontiac et de la vallée de la Gatineau. Mais dès que la Loi 101 menace les privilèges des municipalités «bilingues à l'anglaise» et dès qu'un sursaut de ferveur souverainiste se manifeste, la députation libérale provinciale et locale monte au front pour défendre les anglophones déjà dominants et/ou relancer les campagnes - usées mais efficaces - de peur collective...
Les grands médias ont leur part de responsabilité, en faisant le plus souvent comme si le Québec cessait d'exister à l'ouest de Montréal... Il est grand temps que les gens sachent que Gatineau est la quatrième ville du Québec après Montréal, Québec et Laval... Que le Centre de santé et de services sociaux de Gatineau (CSSSG), désormais en tutelle, est le deuxième plus gros CSSS au Québec, avec plus de 5000 employés et plus de 500 médecins... Que Gatineau compte près de 300 000 personnes mais qu'elle constitue également la couronne nord d'une région bi-nationale d'un million et quart d'habitants.
Le mise en tutelle du deuxième plus gros CSSS du Québec dans la quatrième ville de la province aurait dû compter parmi les manchettes médiatiques un peu partout. Ce ne fut pas le cas. Ce n'est jamais le cas. Avoir fouillé le moindrement, on aurait peut-être découvert, entre autres, que l'Outaouais se classe au dernier rang pour les dépenses de santé publique dans les régions intermédiaires du Québec. On se serait peut-être rendu compte qu'il aurait été plus économique de renflouer un faible déficit dans une région sous-financée que de sortir l'artillerie lourde et coûteuse d'une tutelle bureaucratique et politique.
S'imagine-t-on le temps et l'argent qu'on dépensera à faire l'inventaire des inventaires déjà complétés pour trouver des coupes additionnelles? Le ministre Barrette prétend qu'il existe ici une culture du déficit et que les autorités locales n'ont pas fait d'effort suffisant. Même si elle appuie la tutelle (elle est bien obligée...), la ministre Stéphanie Vallée affirme qu'il n'existait pas de manque de volonté et que les administrateurs ont passé des «nuits blanches» pour tenter d'atteindre l'équilibre budgétaire...
Jamais l'impuissance et l'isolement politiques de l'Outaouais n'auront été plus en évidence... Mais le triumvirat médical du gouvernement actuel n'a rien à craindre. Si le passé est garant de l'avenir, la majorité silencieuse d'ici restera très silencieuse... qu'on nous néglige ou qu'on s'amène avec de gros sabots pour nous «apprendre» à devenir plus compétents et moins dépensiers. MM. les docteurs Couillard, Barrette et Bolduc pourront se citer en exemples...
«S'cusez-la», comme on dit à la fin d'une chanson à répondre, mais parfois il faut laisser le verre déborder… Si j'ai erré ci-dessus et qu'on me rappelle à l'ordre avec raison, je m'excuserai sans hésitation...
C'est au secondaire, puis à l'Université d'Ottawa que j'ai été véritablement initié à l'Outaouais québécois. Et je me souviens d'une expression plutôt vulgaire qu'on entendait au début des années 1960... et qui traduisait un peu crûment le sentiment d'éloignement mais aussi un certain ressentiment devant le peu d'estime que témoignaient aux gens d'ici les grands centres de décision provinciaux dans la Vieille Capitale et la Métropole. La ville de Hull, disait-on, c'était le «trou de cul» du Québec...
En 1975, je suis devenu résident de Hull, puis de Gatineau en 1980. C'était bien avant que l'ensemble du territoire urbain soit fusionné de force et prenne le nom de Gatineau. Je n'ai guère mis de temps à comprendre la frustration outaouaise. Mi-perception, mi-réalité dépendant des situations, elle couve sans relâche... sans pour autant (ou très rarement) menacer de bousculer l'ordre établi.
Sauf pour les élections dans Hull et Papineau (Chapleau) en 1976, la fidélité (soumission) au Parti libéral du Québec depuis une cinquantaine d'années a créé un électorat quasi captif et impuissant. Le Parti québécois n'a plus rien à gagner en accumulant les promesses à l'Outaouais, et les libéraux peuvent négliger la région à volonté, impunément. C'est ainsi qu'on peut mettre ici un demi-siècle à construire une demi-autoroute (la 50) sans la moindre révolte locale...
Quasi coupée du reste du Québec, vue trop souvent comme une bled éloigné parmi d'autres, absente dans les grands médias, en situation de dépendance économique par rapport à Ottawa, à la fois sa grande soeur/big sister et la capitale du Canada, la ville de Gatineau est devenue la métropole d'une région en errance dont le sort indiffère le reste du Québec.
Mi-réalité, mi-perception? Sans doute. Mais regardez la carte routière du Québec et voyez ce qu'on a fait de l'Outaouais... un accès de plus vers l'Ontario au lieu d'un carrefour névralgique entre le nord-ouest québécois et la métropole. On a des milliards pour un plan Nord, mais aucune vision pour le potentiel du sud-ouest et de l'ouest… relégués au statut de parias politiques, économiques et culturels du Québec.
Ce que je vois d'ici, à Gatineau, dans l'ombre de la tour du Parlement fédéral, c'est un État québécois qui alterne entre la négligence (plus fréquente) et les gros sabots face à l'Outaouais. Les rappels à répétition d'un sous-financement chronique en santé et en éducation n'émeuvent guère les tours bureaucratiques et politiques à Québec et à Montréal, mais un déficit de 5,6 millions de dollars au CSSS de Gatineau entraîne une tutelle immédiate et l'arrivée des blindés du Dr Barrette... Allez comprendre!
Depuis plus d'un siècle, les gouvernements successifs à Québec ont assisté dans l'indifférence à l'assimilation des francophones de la rive outaouaise dans la Fonction publique fédérale et à l'érosion de la francophonie au Québec même dans les régions du Pontiac et de la vallée de la Gatineau. Mais dès que la Loi 101 menace les privilèges des municipalités «bilingues à l'anglaise» et dès qu'un sursaut de ferveur souverainiste se manifeste, la députation libérale provinciale et locale monte au front pour défendre les anglophones déjà dominants et/ou relancer les campagnes - usées mais efficaces - de peur collective...
Les grands médias ont leur part de responsabilité, en faisant le plus souvent comme si le Québec cessait d'exister à l'ouest de Montréal... Il est grand temps que les gens sachent que Gatineau est la quatrième ville du Québec après Montréal, Québec et Laval... Que le Centre de santé et de services sociaux de Gatineau (CSSSG), désormais en tutelle, est le deuxième plus gros CSSS au Québec, avec plus de 5000 employés et plus de 500 médecins... Que Gatineau compte près de 300 000 personnes mais qu'elle constitue également la couronne nord d'une région bi-nationale d'un million et quart d'habitants.
Le mise en tutelle du deuxième plus gros CSSS du Québec dans la quatrième ville de la province aurait dû compter parmi les manchettes médiatiques un peu partout. Ce ne fut pas le cas. Ce n'est jamais le cas. Avoir fouillé le moindrement, on aurait peut-être découvert, entre autres, que l'Outaouais se classe au dernier rang pour les dépenses de santé publique dans les régions intermédiaires du Québec. On se serait peut-être rendu compte qu'il aurait été plus économique de renflouer un faible déficit dans une région sous-financée que de sortir l'artillerie lourde et coûteuse d'une tutelle bureaucratique et politique.
S'imagine-t-on le temps et l'argent qu'on dépensera à faire l'inventaire des inventaires déjà complétés pour trouver des coupes additionnelles? Le ministre Barrette prétend qu'il existe ici une culture du déficit et que les autorités locales n'ont pas fait d'effort suffisant. Même si elle appuie la tutelle (elle est bien obligée...), la ministre Stéphanie Vallée affirme qu'il n'existait pas de manque de volonté et que les administrateurs ont passé des «nuits blanches» pour tenter d'atteindre l'équilibre budgétaire...
Jamais l'impuissance et l'isolement politiques de l'Outaouais n'auront été plus en évidence... Mais le triumvirat médical du gouvernement actuel n'a rien à craindre. Si le passé est garant de l'avenir, la majorité silencieuse d'ici restera très silencieuse... qu'on nous néglige ou qu'on s'amène avec de gros sabots pour nous «apprendre» à devenir plus compétents et moins dépensiers. MM. les docteurs Couillard, Barrette et Bolduc pourront se citer en exemples...
«S'cusez-la», comme on dit à la fin d'une chanson à répondre, mais parfois il faut laisser le verre déborder… Si j'ai erré ci-dessus et qu'on me rappelle à l'ordre avec raison, je m'excuserai sans hésitation...
jeudi 22 janvier 2015
Québec se tire dans le pied...
À force de fixer l'arbre, on risque toujours de perdre de vue la forêt. Je n'ai en main que l'article (http://bit.ly/1yQDQV3) de l'excellent Philippe Orfali, du Devoir, n'ayant pas encore lu le mémoire du Québec à la Cour suprême, mais j'ai l'impression que le gouvernement québécois vient de perdre de vue la forêt linguistique en appuyant les gouvernements - et notamment celui du Yukon - qui veulent restreindre le droit de gestion scolaire de leur minorité francophone.
Dans sa crainte de voir la minorité anglo-québécoise utiliser l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés pour aller chercher une clientèle que lui refuse la Loi 101, Québec semble avoir oublié le fond de la question. À l'exception des langues autochtones, seule la langue et la culture françaises sont menacées au Québec et dans l'ensemble du Canada. Et les tribunaux, y compris la Cour suprême du Canada, ont reconnu ce fait historique et actuel dans leurs décisions.
On aura beau critiquer la Cour suprême (qui devient d'ailleurs de plus en plus hostile aux droits des francophones depuis l'avènement du gouvernement Harper), elle a, par le passé, accepté de traiter de façon différente les minorités francophones hors-Québec historiquement persécutées et la minorité anglophone dorlotée du Québec. Elle a su reconnaître que les francophones sont minoritaires dans neuf provinces mais que la majorité francophone du Québec est aussi minoritaire au Canada et en Amérique.
La Cour suprême a, jusqu'à récemment, défendu les droits linguistiques des francophones hors-Québec avec beaucoup plus de vigueur que ceux des Anglo-Québécois. Ce sont les juges de la plus haute instance fédérale qui ont écrit dans l'arrêt Ford en 1988: «exiger que la langue française prédomine, même nettement, dans l'affichage serait proportionnel à l'objectif de promotion et de préservation d'un "visage linguistique" français au Québec.»
En 2006, le ministre Benoît Pelletier notait lui-même, au nom du gouvernement libéral de Jean Charest, une évolution de la Cour suprême: «Les 15 dernières années ont été marquées par une évolution de l'interprétation de l'égalité en matière de droits linguistiques (…) favorable à une prise en considération de la situation particulière du Québec par rapport aux autres provinces et territoires canadiens. De plus en plus sensible à une approche asymétrique en matière de droits linguistiques, les tribunaux ont régulièrement considéré dans leur analyse le contexte sociolinguistique et historique propre aux francophones du Québec et des autres provinces et territoires du Canada.»
La «forêt» que le gouvernement Couillard ne semble plus voir, c'est cette menace globale qui pèse sur la langue et la culture françaises au Québec, au Canada et en Amérique du Nord, une menace qu'ont perçue les tribunaux et dont ils ont tenu compte dans leurs décisions. La symétrie de la menace a engendré une asymétrie des décisions judiciaires, selon qu'elles sont rendues pour la francophonie québécoise ou la francophonie hors-Québec.
On pourra au moins se consoler du fait que l'équipe Couillard semble enfin s'être rendu compte qu'il existe un danger au Québec même (son de cloche fort différent de l'approche anglophile et anglicisante habituelle), mais les autorités québécoises actuelles sont mal équipées pour comprendre la situation de la francophonie acadienne et canadienne-française hors-Québec. Et ça paraît.
Québec, dans cette affaire de droits scolaires des Franco-Yukonnais, aurait dû foncer avec le plus de vigueur possible pour que les tribunaux accordent le plus de latitude possible à cette petite minorité francophone. Si ce n'est que pour réparer les injustices historiques et sauver les meubles qui peuvent être sauvés. La ministre Stéphanie Vallée aurait pu ajouter que le Québec francophone, quoique mieux équipé juridiquement, fait face aux mêmes défis culturels et linguistiques à long terme, et que la majorité francophone du Québec doit elle aussi utiliser toutes ses ressources pour assurer - notamment dans le système scolaire - le dynamisme et la pérennité du français.
Si les tribunaux ne comprennent pas ça, nous savons ce que nous avons à faire! Et au Québec, nous en avons les moyens! En s'opposant aux revendications des francophones du Yukon, Québec se tire dans le pied...
Dans sa crainte de voir la minorité anglo-québécoise utiliser l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés pour aller chercher une clientèle que lui refuse la Loi 101, Québec semble avoir oublié le fond de la question. À l'exception des langues autochtones, seule la langue et la culture françaises sont menacées au Québec et dans l'ensemble du Canada. Et les tribunaux, y compris la Cour suprême du Canada, ont reconnu ce fait historique et actuel dans leurs décisions.
On aura beau critiquer la Cour suprême (qui devient d'ailleurs de plus en plus hostile aux droits des francophones depuis l'avènement du gouvernement Harper), elle a, par le passé, accepté de traiter de façon différente les minorités francophones hors-Québec historiquement persécutées et la minorité anglophone dorlotée du Québec. Elle a su reconnaître que les francophones sont minoritaires dans neuf provinces mais que la majorité francophone du Québec est aussi minoritaire au Canada et en Amérique.
La Cour suprême a, jusqu'à récemment, défendu les droits linguistiques des francophones hors-Québec avec beaucoup plus de vigueur que ceux des Anglo-Québécois. Ce sont les juges de la plus haute instance fédérale qui ont écrit dans l'arrêt Ford en 1988: «exiger que la langue française prédomine, même nettement, dans l'affichage serait proportionnel à l'objectif de promotion et de préservation d'un "visage linguistique" français au Québec.»
En 2006, le ministre Benoît Pelletier notait lui-même, au nom du gouvernement libéral de Jean Charest, une évolution de la Cour suprême: «Les 15 dernières années ont été marquées par une évolution de l'interprétation de l'égalité en matière de droits linguistiques (…) favorable à une prise en considération de la situation particulière du Québec par rapport aux autres provinces et territoires canadiens. De plus en plus sensible à une approche asymétrique en matière de droits linguistiques, les tribunaux ont régulièrement considéré dans leur analyse le contexte sociolinguistique et historique propre aux francophones du Québec et des autres provinces et territoires du Canada.»
La «forêt» que le gouvernement Couillard ne semble plus voir, c'est cette menace globale qui pèse sur la langue et la culture françaises au Québec, au Canada et en Amérique du Nord, une menace qu'ont perçue les tribunaux et dont ils ont tenu compte dans leurs décisions. La symétrie de la menace a engendré une asymétrie des décisions judiciaires, selon qu'elles sont rendues pour la francophonie québécoise ou la francophonie hors-Québec.
On pourra au moins se consoler du fait que l'équipe Couillard semble enfin s'être rendu compte qu'il existe un danger au Québec même (son de cloche fort différent de l'approche anglophile et anglicisante habituelle), mais les autorités québécoises actuelles sont mal équipées pour comprendre la situation de la francophonie acadienne et canadienne-française hors-Québec. Et ça paraît.
Québec, dans cette affaire de droits scolaires des Franco-Yukonnais, aurait dû foncer avec le plus de vigueur possible pour que les tribunaux accordent le plus de latitude possible à cette petite minorité francophone. Si ce n'est que pour réparer les injustices historiques et sauver les meubles qui peuvent être sauvés. La ministre Stéphanie Vallée aurait pu ajouter que le Québec francophone, quoique mieux équipé juridiquement, fait face aux mêmes défis culturels et linguistiques à long terme, et que la majorité francophone du Québec doit elle aussi utiliser toutes ses ressources pour assurer - notamment dans le système scolaire - le dynamisme et la pérennité du français.
Si les tribunaux ne comprennent pas ça, nous savons ce que nous avons à faire! Et au Québec, nous en avons les moyens! En s'opposant aux revendications des francophones du Yukon, Québec se tire dans le pied...
mercredi 21 janvier 2015
Quotidiens de Gesca: vivement des SOS...
L'empire médiatique de Gesca est devenu le royaume de la censure, du moins quand les actualités risquent de porter ombrage ou de faire la lumière sur ses desseins d'en finir avec la civilisation du journal imprimé et de mettre la hache dans ses quotidiens régionaux, dont l'ex-mien, Le Droit.
Les rares nouvelles ou analyses susceptibles de nous renseigner à ce sujet paraissent dans Le Devoir, à Radio-Canada, dans les pages de Québecor et, par bribes, dans les médias alternatifs et les chaînes de radios et de télé privées. Dans les quotidiens du groupe Power/Gesca (La Presse de Montréal, Le Soleil de Québec, Le Droit en Outaouais, La Tribune de Sherbrooke, Le Nouvelliste de Trois-Rivières, Le Quotidien du Saguenay et la Voix de l'Est de Granby), c'est presque invariablement motus et bouche cousue…
Compte tenu des enjeux primordiaux - survie des quotidiens régionaux, droit du public à l'information, numérique vs papier, liberté d'expression, etc. - la population desservie par ces médias devrait être scrupuleusement tenue au courant de l'évolution de l'ensemble du dossier. Pour une forte proportion du public, le journal quotidien version papier demeure la première source d'information et si ce dernier tait une nouvelle, ses lecteurs et lectrices n'en sont pas informés.
Près de huit mois après avoir été «congédié» pour la publication d'un texte de blogue intitulé «Le silence assourdissant des salles de rédaction» (http://bit.ly/S9UxqL), je rencontre encore des gens dans la région qui se demandent pourquoi je n'ai pas récemment signé d'éditoriaux. Comme Le Droit a censuré toutes les nouvelles concernant mon départ précipité, ainsi que les réactions de la FPJQ et de lecteurs, et que le journal évite de parler de son déclin vers le numérique (autre que pour vendre des fables de renouvellement), le public n'en sait pas grand-chose…
Or, demain, 22 janvier, une rencontre importante aura lieu à Trois-Rivières! Par la plume d'un excellent journaliste du Devoir, Stéphane Baillargeon, on a appris ces jours derniers que tous les syndicats des quotidiens de Gesca présenteront à Guy Crevier, le grand patron de Gesca, leurs demandes en vue du renouvellement des conventions collectives échues le 31 décembre dernier. Selon le texte du Devoir, cette rencontre servira aussi «à baliser l'intégration des quotidiens à la plateforme pour tablettes numériques La Presse+».
Voilà une bien mauvaise nouvelle quand on apprend, plus loin dans le texte, que les journaux régionaux, y compris Le Droit, deviendront des «boutons de commande sur la grande plateforme montréalaise» et que la moitié des emplois dans ces quotidiens s'envoleront en fumée… Ainsi, quand André Desmarais, co-grand patron de Power Corporation, annonçait en mai dernier la disparition à court ou moyen terme des quotidiens régionaux de sa chaîne, il ne blaguait pas. «Le plus vite qu'il (Guy Crevier) va s'en débarrasser (des journaux papier), le mieux», dit le texte du Devoir.
Je voudrais bien voir une citation directe de M. Crevier à ce sujet, mais la direction de Gesca a refusé la demande d'entrevue du Devoir. Guy Crevier a-t-il reçu des demandes d'interview de journalistes de ses propres quotidiens? Vu la situation actuelle, j'en doute, et s'il en a reçu, on ne le saura sans doute jamais. Il y a longtemps que la FPJQ aurait dû partir en guerre contre le mur du silence et le climat de répression à l'intérieur de l'empire Gesca, mais c'est presque le calme plat. Et les syndicats de rédactions, surtout celui de La Presse, bénéficiaire actuel des transformations, n'apparaissent guère combatifs, du moins pour le moment.
Il fut une époque où le personnel des rédactions se serait levé devant tant d'arrogance et tant de mépris pour la liberté d'expression et le droit du public à l'information. Mais nous apprenons par le texte du Devoir, en espérant que ce soit faux, que les syndicats n'ont pas même pas l'intention de demander une discussion publique sur l'opportunité de délaisser les versions papier. Il y a d'excellents arguments en faveur de l'imprimé, mais c'est comme si la question était résolue. Hé, l'Internet n'existe que depuis une vingtaine d'années, les tablettes depuis une dizaine, et on va mettre un -30- sur 500 ans de civilisation?
Si au moins les syndicats apparaissaient prêts à lever les boucliers pour protéger l'intégrité des quotidiens régionaux, pour affirmer le droit du public à être informé - vraiment informé - de l'avenir de leur quotidien, pour alerter la population au point de lancer des «SOS Le Droit», «SOS Le Soleil», des SOS partout, on pourrait entretenir quelque espoir. Mais à moins que quelqu'un, quelque part, ne cache très bien son jeu, on ne voit guère d'étincelle de rébellion contre le rouleau compresseur de l'empire.
Quand l'éditeur du Droit, Jacques Pronovost, parle de fierté et de renouvellement en annonçant un format réduit du journal, quelqu'un doit mettre les pendules à l'heure! Quand il écrit que «nous voulons que (Le Droit), cette force régionale d'information, unique et distincte au Québec et dans l'Est ontarien, devienne bien visible pour tous», non seulement insulte-t-il les artisans qui l'ont précédé mais il évite d'évoquer une éventualité bien plus sombre que dévoile le texte du Devoir: un avenir sans papier, sous forme d'un onglet sur La Presse+, avec la moitié du personnel…
Quand on compare les déclarations attribuées aux grands patrons de Power Corp, de Gesca et des quotidiens en cause, quelqu'un désinforme. Qui?
Il est un peu tard pour lancer des SOS mais il y en a un qui presse! Vivement, que le public lecteur, que tous ceux et celles qui ont à coeur l'information régionale se mettent à poser des questions à l'empire et à ses représentants, à demander l'heure juste, à exprimer des opinions, à entretenir un débat essentiel pour le droit à l'information, la liberté de presse et la liberté d'expression. Faut-il rappeler qu'il s'agit là de droits fondamentaux et constitutionnels et que les Power Corp de ce monde doivent en tenir compte!
Quant au silence assourdissant des salles de rédaction…
Les rares nouvelles ou analyses susceptibles de nous renseigner à ce sujet paraissent dans Le Devoir, à Radio-Canada, dans les pages de Québecor et, par bribes, dans les médias alternatifs et les chaînes de radios et de télé privées. Dans les quotidiens du groupe Power/Gesca (La Presse de Montréal, Le Soleil de Québec, Le Droit en Outaouais, La Tribune de Sherbrooke, Le Nouvelliste de Trois-Rivières, Le Quotidien du Saguenay et la Voix de l'Est de Granby), c'est presque invariablement motus et bouche cousue…
Compte tenu des enjeux primordiaux - survie des quotidiens régionaux, droit du public à l'information, numérique vs papier, liberté d'expression, etc. - la population desservie par ces médias devrait être scrupuleusement tenue au courant de l'évolution de l'ensemble du dossier. Pour une forte proportion du public, le journal quotidien version papier demeure la première source d'information et si ce dernier tait une nouvelle, ses lecteurs et lectrices n'en sont pas informés.
Près de huit mois après avoir été «congédié» pour la publication d'un texte de blogue intitulé «Le silence assourdissant des salles de rédaction» (http://bit.ly/S9UxqL), je rencontre encore des gens dans la région qui se demandent pourquoi je n'ai pas récemment signé d'éditoriaux. Comme Le Droit a censuré toutes les nouvelles concernant mon départ précipité, ainsi que les réactions de la FPJQ et de lecteurs, et que le journal évite de parler de son déclin vers le numérique (autre que pour vendre des fables de renouvellement), le public n'en sait pas grand-chose…
Or, demain, 22 janvier, une rencontre importante aura lieu à Trois-Rivières! Par la plume d'un excellent journaliste du Devoir, Stéphane Baillargeon, on a appris ces jours derniers que tous les syndicats des quotidiens de Gesca présenteront à Guy Crevier, le grand patron de Gesca, leurs demandes en vue du renouvellement des conventions collectives échues le 31 décembre dernier. Selon le texte du Devoir, cette rencontre servira aussi «à baliser l'intégration des quotidiens à la plateforme pour tablettes numériques La Presse+».
Voilà une bien mauvaise nouvelle quand on apprend, plus loin dans le texte, que les journaux régionaux, y compris Le Droit, deviendront des «boutons de commande sur la grande plateforme montréalaise» et que la moitié des emplois dans ces quotidiens s'envoleront en fumée… Ainsi, quand André Desmarais, co-grand patron de Power Corporation, annonçait en mai dernier la disparition à court ou moyen terme des quotidiens régionaux de sa chaîne, il ne blaguait pas. «Le plus vite qu'il (Guy Crevier) va s'en débarrasser (des journaux papier), le mieux», dit le texte du Devoir.
Je voudrais bien voir une citation directe de M. Crevier à ce sujet, mais la direction de Gesca a refusé la demande d'entrevue du Devoir. Guy Crevier a-t-il reçu des demandes d'interview de journalistes de ses propres quotidiens? Vu la situation actuelle, j'en doute, et s'il en a reçu, on ne le saura sans doute jamais. Il y a longtemps que la FPJQ aurait dû partir en guerre contre le mur du silence et le climat de répression à l'intérieur de l'empire Gesca, mais c'est presque le calme plat. Et les syndicats de rédactions, surtout celui de La Presse, bénéficiaire actuel des transformations, n'apparaissent guère combatifs, du moins pour le moment.
Il fut une époque où le personnel des rédactions se serait levé devant tant d'arrogance et tant de mépris pour la liberté d'expression et le droit du public à l'information. Mais nous apprenons par le texte du Devoir, en espérant que ce soit faux, que les syndicats n'ont pas même pas l'intention de demander une discussion publique sur l'opportunité de délaisser les versions papier. Il y a d'excellents arguments en faveur de l'imprimé, mais c'est comme si la question était résolue. Hé, l'Internet n'existe que depuis une vingtaine d'années, les tablettes depuis une dizaine, et on va mettre un -30- sur 500 ans de civilisation?
Si au moins les syndicats apparaissaient prêts à lever les boucliers pour protéger l'intégrité des quotidiens régionaux, pour affirmer le droit du public à être informé - vraiment informé - de l'avenir de leur quotidien, pour alerter la population au point de lancer des «SOS Le Droit», «SOS Le Soleil», des SOS partout, on pourrait entretenir quelque espoir. Mais à moins que quelqu'un, quelque part, ne cache très bien son jeu, on ne voit guère d'étincelle de rébellion contre le rouleau compresseur de l'empire.
Quand l'éditeur du Droit, Jacques Pronovost, parle de fierté et de renouvellement en annonçant un format réduit du journal, quelqu'un doit mettre les pendules à l'heure! Quand il écrit que «nous voulons que (Le Droit), cette force régionale d'information, unique et distincte au Québec et dans l'Est ontarien, devienne bien visible pour tous», non seulement insulte-t-il les artisans qui l'ont précédé mais il évite d'évoquer une éventualité bien plus sombre que dévoile le texte du Devoir: un avenir sans papier, sous forme d'un onglet sur La Presse+, avec la moitié du personnel…
Quand on compare les déclarations attribuées aux grands patrons de Power Corp, de Gesca et des quotidiens en cause, quelqu'un désinforme. Qui?
Il est un peu tard pour lancer des SOS mais il y en a un qui presse! Vivement, que le public lecteur, que tous ceux et celles qui ont à coeur l'information régionale se mettent à poser des questions à l'empire et à ses représentants, à demander l'heure juste, à exprimer des opinions, à entretenir un débat essentiel pour le droit à l'information, la liberté de presse et la liberté d'expression. Faut-il rappeler qu'il s'agit là de droits fondamentaux et constitutionnels et que les Power Corp de ce monde doivent en tenir compte!
Quant au silence assourdissant des salles de rédaction…
mardi 20 janvier 2015
Escapade au Mexique...
«Ah que l'hiver tarde à passer…»
Gilles Vigneault avait raison. Mon pays, c'est bel et bien l'hiver, et celui ou celle qui - comme moi - n'aime pas les climats froids passe tous les ans de longs mois à espérer un printemps trop souvent tardif… à moins de pouvoir s'organiser une escapade vers le sud… plus loin qu'une Floride aux chaleurs incertaines… disons jusqu'au Mexique. Une dizaine de journées tropicales dans la péninsule du Yucatan dans un tout-inclus, près d'une plage, a de quoi dépayser et casser les reins de l'hiver en plein coeur de janvier… une petite vengeance contre Jacques Cartier qui aurait pu voguer vers les Carolines au lieu de s'engouffrer dans les eaux glaciales d'un golfe nordique…
Le 8 janvier, mon épouse et moi, avec une de mes filles, son conjoint et leurs deux enfants (une de 2 ans, l'autre de 4 mois), avons donc filé sur les ailes d'Air Transat vers le centre de villégiature «Azul Fives» à Playa del Carmen pour une semaine et demie de répit des -20, des grattes et de tout ce qui peut nous embêter, individuellement et collectivement, dans notre coin de pays. Et s'il est vrai, pour moi du moins, que la seule vue des palmiers met un baume sur notre interminable froidure, le journaliste que je suis reste constamment aux aguets, et à l'ère Internet la planète entière (y compris nos amis et nos proches) «grouille, grenouille et scribouille» dans l'iPod que je traîne même sur la plage «wi-fi-ée»…
Notre plage
J'aurais pu, si je n'avais pas juré avant mon départ de laisser ma plume à la maison (et si je n'avais pas craint la colère justifiée de ma douce moitié), pondre un texte de blogue à tous les jours. J'ai quand même gardé en mémoire quelques expériences vécues durant ces vacances qui mériteraient d'être bloguées quand l'occasion s'y prêtera. Je les lance ici, pêle-mêle, pour ne pas les oublier, mais aussi parce qu'elles pourraient évoquer des souvenirs ou des réflexions chez ceux et celles qui sont déjà passés par les mêmes destinations.
Le français à Air Transat
Le voyage a mal commencé à l'aéroport d'Ottawa, où, en plus d'afficher un retard, le vol d'Air Transat semblait être le seul qu'on n'annonçait qu'en anglais… Même traitement unilingue anglais au moment de vérifier nos billets et étiqueter nos bagages… Et même chose au retour, à l'aéroport de Cancun, au Mexique, où le personnel d'Air Transat faisait ses annonces de départs pour Montréal (Montréal prononcé à la française par surcroit) et Ottawa en anglais seulement (même pas en espagnol) alors qu'une forte proportion des passagers étaient francophones… C'est bizarre pour une entreprise qui, à bord de ses avions, du moins ceux que j'ai pris, respecte rigoureusement l'égalité des deux langues… et qui offrait au complexe hôtelier un excellent service en français.
Le français à l'hôtel Azul Fives (Playa del Carmen)
Cancun étant la destination hivernale préférée des Américains, je ne m'attendais pas à parler français très souvent à Playa del Carmen. J'ai été surpris. D'abord, il semble que près du quart des clients de ce centre de villégiature étaient Québécois ou Canadiens français, ou francophones d'Europe. Sur la plage, dans les restos et bars, sur les sentiers, on entendait partout les accents d'ici. Il y avait même du personnel québécois grâce à la présence de stagiaires de l'Institut d'hôtellerie à Montréal. Quelques Mexicains faisaient aussi un effort pour s'adresser à nous dans notre langue. Un serveur mexicain a même exigé qu'on ne lui parle que français. Dans le restaurant «La Brasserie», de l'hôtel, notre choix pour les petits déjeuners, les affichages sur les murs étaient largement en français, et nous déjeunions en écoutant de vieilles chansons d'Adamo, de Christophe, d'Aznavour, de Richard Anthony et bien d'autres.
Notre resto du matin. La Brasserie Le Bistro.
Une suggestion, transmise à l'hôtel par un des stagiaires québécois. Sur les 40 chaînes de télé offertes, on pourrait en inclure une ou deux en français… Les chaînes offertes sont presque toutes espagnoles et anglaises (sauf une en italien…).
Le bilinguisme à la mexicaine
En jasant avec un barman sur la plage, ce dernier m'a demandé si, par chez nous, nous étions nombreux à parler deux langues, en l'occurrence le français et l'anglais. Lui ayant expliqué un peu la situation de notre coin d'Amérique du Nord, il m'a informé que je me trouvais dans une zone bilingue du Mexique, dans le Yucatan, et que sa langue maternelle n'était pas l'espagnol, mais la langue des Mayas. Et que la grande majorité des autochtones du territoire jadis occupé par la civilisation Maya avaient conservé leur langue traditionnelle. Alors, quand j'arrivais le matin pour commander ma boisson sucrée aux bananes (sans alcool), je pouvais lui dire «Malo' Kin», au lieu de Hola, Buenos Dias ou Buen Dia. Ce que je n'ai pas manqué de faire…
Le personnel mexicain
Je suis allé au Mexique à trois reprises, et jamais (ou presque jamais) je n'ai rencontré un Mexicain antipathique. Ils, elles sont invariablement polis, souriants et agréables, contrairement à nombre de touristes qu'ils ont l'obligation de côtoyer ou de servir. J'ai appris, par un agent de tourisme à l'hôtel même, que le personnel de chambre était payé 56 pesos par jour… Environ 5$ par jour, c'est la moitié du salaire horaire minimum ici… et le coût de la vie est aussi élevé au Mexique qu'ici si je me fie aux prix des articles divers offerts aux magasins ou dans les publicités télévisées…
Un groupe de mariachis… toujours populaire.
Nous nous efforçons toujours d'être polis avec eux, de ne pas ménager les «por favor» et les «gracias», en plus de laisser un pourboire à chaque service. Avec le salaire qu'ils reçoivent, ils en ont besoin… J'ai vu trop de clients les traiter avec indifférence, sans pourboire, y compris quelques Elvis Gratton de par chez nous…
Les familles
Les hôtels Azul sont spécialisés dans l'accueil des familles et à voir le nombre de groupes familiaux sur place, y compris plusieurs de trois générations (grands-parents, parents et enfants) dont le nôtre, je me demande s'il y a pas là une tendance en tourisme. Il était fascinant d'arriver devant le principal restaurant buffet à l'heure du petit-déjeuner et de voir la file de poussettes à l'entrée… sans compter les cris de dizaines d'enfants à l'intérieur.
Dans une aire réservée aux tout-petits, on trouve même des chaises longues adaptées à la taille de jeunes enfants…
L'Internet
Le centre de villégiature que nous avons choisi n'incluait pas l'accès à l'Internet dans son tout-inclus… ce qui me semble un peu regrettable en 2015… Alors il a fallu débourser 90$ US de plus (avec rabais de 15% parce que clients d'Air Transat) pour brancher nos iPad et mon iPod…
Avec l'Internet, avec Twitter, avec Facebook, la dynamique des vacances tropicales change. Quelques centaines d'«amis» Facebook bien gelés (dans le sens de froid…) ont l'occasion de suivre notre périple grâce à une photo quotidienne et quelques commentaires. La méga-manif de Charlie Hebdo à Paris et les autres rassemblements, ainsi que la sortie du premier numéro du magazine après les assassinats, me passionnent bien plus que le sable et la mer. Et en plein milieu de notre séjour, voilà que mon épouse apprend la mise en tutelle du CSSS de Gatineau, où elle travaille. Il y a 20 ans, avant la prolifération de l'Internet et du wi-fi, le rattrapage de l'actualité se serait fait au retour…
Mais voilà. Nous sommes de retour. Je m'étais convaincu que j'avais hâte de revenir chez nous, et de la nécessité d'apprendre à apprécier davantage la saison froide… Aujourd'hui, il fait -15 en plein jour et le vent est mordant… Je retournerais volontiers au +28 degrés des plages du Yucatan…
jeudi 8 janvier 2015
Deuil et espoir
Depuis le printemps dernier, j'ai l'impression d'avoir - plus souvent qu'à mon tour, et trop souvent dans un climat d'indifférence - défendu le droit à l'information, la liberté d'expression et la liberté de presse. Ma plume, je l'ai voulue libre, prompte et acérée. Et pourtant, devant l'horreur des assassinats à Charlie Hebdo, je suis presque tenté de garder ce silence que j'ai reproché à d'autres.
Sans doute parce que mes péripéties de 2014 sont bien banales comparées aux rafales de mitraillettes qui ont décimé le personnel de la salle de rédaction du magasin satirique parisien. Ma sécurité n'est pas en jeu. Je n'ai pas besoin de protection policière. Pour avoir cru à la liberté d'expression dans mon empire médiatique québécois, Power/Gesca, j'ai seulement été privé du droit d'écrire dans les pages de mon quotidien, Le Droit, et soumis à la censure. Rien de plus.
C'est bien peu quand on pense à la gravité des menaces qu'affronte avec bravoure l'équipe de Charlie Hebdo depuis des années, et aux conséquences de l'attaque meurtrière de ce 7 janvier 2015. Je suis fier de leur courage, et je suis fier aussi d'appartenir à une profession, à un métier qui nous place en première ligne des luttes pour la liberté et la démocratie. L'an dernier, 118 des nôtres ont péri en devoir, un peu partout, sur la planète.
J'aimerais bien croire que dans la situation des rédacteurs, caricaturistes et autres collaborateurs de Charlie Hebdo, j'aurais fait comme eux. Que j'aurais accepté, moi aussi, des affectations qui peuvent exposer un reporter ou un photographe au danger, à la violence, voire au sacrifice ultime. Mais ça, je n'en aurai jamais la certitude. À 68 ans, il est bien trop tard pour moi. Ce que je sais, cependant, c'est que les Charb, Wolinski, Cabu, Tignous, Maris et bien d'autres ont eu ce cran qui, je l'espère, servira d'exemple et d'inspiration à nos salles de rédaction. À tous. À toutes.
Dans le deuil, il doit y avoir de l'espoir !
Sans doute parce que mes péripéties de 2014 sont bien banales comparées aux rafales de mitraillettes qui ont décimé le personnel de la salle de rédaction du magasin satirique parisien. Ma sécurité n'est pas en jeu. Je n'ai pas besoin de protection policière. Pour avoir cru à la liberté d'expression dans mon empire médiatique québécois, Power/Gesca, j'ai seulement été privé du droit d'écrire dans les pages de mon quotidien, Le Droit, et soumis à la censure. Rien de plus.
C'est bien peu quand on pense à la gravité des menaces qu'affronte avec bravoure l'équipe de Charlie Hebdo depuis des années, et aux conséquences de l'attaque meurtrière de ce 7 janvier 2015. Je suis fier de leur courage, et je suis fier aussi d'appartenir à une profession, à un métier qui nous place en première ligne des luttes pour la liberté et la démocratie. L'an dernier, 118 des nôtres ont péri en devoir, un peu partout, sur la planète.
J'aimerais bien croire que dans la situation des rédacteurs, caricaturistes et autres collaborateurs de Charlie Hebdo, j'aurais fait comme eux. Que j'aurais accepté, moi aussi, des affectations qui peuvent exposer un reporter ou un photographe au danger, à la violence, voire au sacrifice ultime. Mais ça, je n'en aurai jamais la certitude. À 68 ans, il est bien trop tard pour moi. Ce que je sais, cependant, c'est que les Charb, Wolinski, Cabu, Tignous, Maris et bien d'autres ont eu ce cran qui, je l'espère, servira d'exemple et d'inspiration à nos salles de rédaction. À tous. À toutes.
Dans le deuil, il doit y avoir de l'espoir !
vendredi 2 janvier 2015
Liberté de la presse. Retour à 1807, au Bas-Canada...
Le combat pour une presse libre n'est jamais terminé.
En ce début de 2015, alors que le débat sur la liberté de presse et d'expression couve toujours et s'enflamme à l'occasion, ici et ailleurs, cela vaut la peine de jeter quelques regards sur une époque dont on parle peu au Québec, celle de la fin du 18e et du début du 19e siècle, alors que l'Angleterre combattait jusque dans ses colonies - et notamment celle d'Amérique du Nord où la majorité parlait français - les idées de la Révolution française et, par la suite, les armes de Napoléon et de ses alliés.
Entre la répression militaire, la propagande anti-française et les mandements d'un haut-clergé pro-britannique, la population francophone de la vallée du Saint-Laurent était soumise à un bombardement quotidien destiné à la rendre docile à l'endroit des autorités coloniales et hostile aux idées de liberté et de laïcité émanant de la France révolutionnaire. Malgré tout, un fond de rébellion résistait et réussissait à se faire entendre, soit par la présence des premiers patriotes à l'assemblée législative, soit par une presse indépendante naissante qui, tout en étant réprimée par la censure, luttait pour s'affranchir des tutelles d'en haut.
Voici quelques extraits de correspondances au journal Le Canadien en 1807, durant les toutes premières années de lutte pour une presse de langue française libre au Bas-Canada (le Québec d'aujourd'hui). Ces textes sont tirés du livre Les journalistes-démocrates au Bas-Canada (1791-1840), publié aux Éditions de Lagrave en 1975. Ces écrits restent tout à fait pertinents en 2015 et doivent servir à nous rappeler que la résistance d'aujourd'hui aux empires médiatiques et aux élans répressifs des gouvernements puisent dans des racines issues de semences vieilles de plus de deux siècles.
Voir comment les journaux sont soutenus et quels sont les intérêts de leurs propriétaires...
Un correspondant écrit le 13 décembre 1807 : «Le seul moyen de communication pour ceux qui voudraient défendre les intérêts du peuple est la presse. Mais il faut que ce soit une presse libre de l'influence de tous ceux qui pourraient avoir des intérêts opposés à ceux du peuple. Si elle était en aucune manière dépendante d'eux, soit pour une existence ou par l'intérêt des propriétaires, on ne pourrait jamais s'y fier ni la regarder comme une presse propre à défendre les intérêts du peuple.
«Si comme je crois l'avoir fait voir, une presse libre est essentielle à la sûreté du peuple de ce pays s'il veut conserver sa liberté, il n'a qu'à examiner toutes les presses du (Bas-)Canada les unes après les autres et voir comment elles sont soutenues et quels sont les intérêts de leurs propriétaires. Et il pourra décider quelle est celle qui mérite ce titre. Quand il l'aura trouvée, dût-elle ne donner qu'une feuille de papier blanc, il doit la soutenir pour assurer son existence.»
Méconnaître les riches et les grands, protéger les pauvres et les petits...
Un second correspondant écrit qu'une presse libre «doit méconnaître les riches et les grands s'ils sont vicieux, et protéger les pauvres et les petits s'ils sont vertueux… Elle doit même s'entretenir hardiment et généralement de tout ce qui peut être contraire à la société et nuisible au peuple.
«Voilà, monsieur le rédacteur, mes réflexions sur ce que je conçois de la liberté de la presse. Autrement c'est une chimère que d'y croire… Les éditeurs d'un papier libre ne doivent pas craindre de se faire d'ennemis s'ils n'impriment que des vérités et des faits. Ils ne doivent pas non plus se permettre la suppression d'aucun écrit parce qu'ils supposent qu'il pourrait blesser telle ou telle personne. Tant pis pour ceux qui sont en faute!
«Quel avantage je vous le demande, doit-on se promettre d'un papier tel que le vôtre qui craint d'exposer au grand jour les injustices et les abus - je le répète encore - qui s'introduisent et se commettent journellement? À quoi sert un tel papier s'il n'est permis (d'y avoir accès) à ceux qui, dépouillés de l'esprit d'adulation et de courtoisie, se sont fait un devoir d'exprimer librement et modérément ce qu'ils pensent véritablement et ce qu'ils croient être pour le plus grand bien?»
Avoir comme sentinelle la liberté absolue de la presse...
Et enfin, cette citation de Sylvain Maréchal reproduite par l'auteur Jean-Paul de Lagrave, remontant aux environs de 1790 et tirée du journal Révolutions de Paris, que je trouve inspirante… «Dans quelque état que se trouve la chose publique, n'en désespérez pas tant qu'elle aura pour sentinelle la liberté absolue de la presse. Mais n'attendez rien du salut de la patrie, si vous vous laissez dessaisir de cette arme…»
En ce début de 2015, alors que le débat sur la liberté de presse et d'expression couve toujours et s'enflamme à l'occasion, ici et ailleurs, cela vaut la peine de jeter quelques regards sur une époque dont on parle peu au Québec, celle de la fin du 18e et du début du 19e siècle, alors que l'Angleterre combattait jusque dans ses colonies - et notamment celle d'Amérique du Nord où la majorité parlait français - les idées de la Révolution française et, par la suite, les armes de Napoléon et de ses alliés.
Entre la répression militaire, la propagande anti-française et les mandements d'un haut-clergé pro-britannique, la population francophone de la vallée du Saint-Laurent était soumise à un bombardement quotidien destiné à la rendre docile à l'endroit des autorités coloniales et hostile aux idées de liberté et de laïcité émanant de la France révolutionnaire. Malgré tout, un fond de rébellion résistait et réussissait à se faire entendre, soit par la présence des premiers patriotes à l'assemblée législative, soit par une presse indépendante naissante qui, tout en étant réprimée par la censure, luttait pour s'affranchir des tutelles d'en haut.
Voici quelques extraits de correspondances au journal Le Canadien en 1807, durant les toutes premières années de lutte pour une presse de langue française libre au Bas-Canada (le Québec d'aujourd'hui). Ces textes sont tirés du livre Les journalistes-démocrates au Bas-Canada (1791-1840), publié aux Éditions de Lagrave en 1975. Ces écrits restent tout à fait pertinents en 2015 et doivent servir à nous rappeler que la résistance d'aujourd'hui aux empires médiatiques et aux élans répressifs des gouvernements puisent dans des racines issues de semences vieilles de plus de deux siècles.
Voir comment les journaux sont soutenus et quels sont les intérêts de leurs propriétaires...
Un correspondant écrit le 13 décembre 1807 : «Le seul moyen de communication pour ceux qui voudraient défendre les intérêts du peuple est la presse. Mais il faut que ce soit une presse libre de l'influence de tous ceux qui pourraient avoir des intérêts opposés à ceux du peuple. Si elle était en aucune manière dépendante d'eux, soit pour une existence ou par l'intérêt des propriétaires, on ne pourrait jamais s'y fier ni la regarder comme une presse propre à défendre les intérêts du peuple.
«Si comme je crois l'avoir fait voir, une presse libre est essentielle à la sûreté du peuple de ce pays s'il veut conserver sa liberté, il n'a qu'à examiner toutes les presses du (Bas-)Canada les unes après les autres et voir comment elles sont soutenues et quels sont les intérêts de leurs propriétaires. Et il pourra décider quelle est celle qui mérite ce titre. Quand il l'aura trouvée, dût-elle ne donner qu'une feuille de papier blanc, il doit la soutenir pour assurer son existence.»
Un second correspondant écrit qu'une presse libre «doit méconnaître les riches et les grands s'ils sont vicieux, et protéger les pauvres et les petits s'ils sont vertueux… Elle doit même s'entretenir hardiment et généralement de tout ce qui peut être contraire à la société et nuisible au peuple.
«Voilà, monsieur le rédacteur, mes réflexions sur ce que je conçois de la liberté de la presse. Autrement c'est une chimère que d'y croire… Les éditeurs d'un papier libre ne doivent pas craindre de se faire d'ennemis s'ils n'impriment que des vérités et des faits. Ils ne doivent pas non plus se permettre la suppression d'aucun écrit parce qu'ils supposent qu'il pourrait blesser telle ou telle personne. Tant pis pour ceux qui sont en faute!
«Quel avantage je vous le demande, doit-on se promettre d'un papier tel que le vôtre qui craint d'exposer au grand jour les injustices et les abus - je le répète encore - qui s'introduisent et se commettent journellement? À quoi sert un tel papier s'il n'est permis (d'y avoir accès) à ceux qui, dépouillés de l'esprit d'adulation et de courtoisie, se sont fait un devoir d'exprimer librement et modérément ce qu'ils pensent véritablement et ce qu'ils croient être pour le plus grand bien?»
Avoir comme sentinelle la liberté absolue de la presse...
Et enfin, cette citation de Sylvain Maréchal reproduite par l'auteur Jean-Paul de Lagrave, remontant aux environs de 1790 et tirée du journal Révolutions de Paris, que je trouve inspirante… «Dans quelque état que se trouve la chose publique, n'en désespérez pas tant qu'elle aura pour sentinelle la liberté absolue de la presse. Mais n'attendez rien du salut de la patrie, si vous vous laissez dessaisir de cette arme…»
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