jeudi 16 octobre 2014

Le français, une perte de temps?

Quand on vit dans la région de la capitale fédérale (et sans doute ailleurs, y compris au Québec), on s'aperçoit très vite que demander d'être servi en français, ou vouloir vivre ou fonctionner en français, peut souvent occasionner des pertes de temps considérables.

Je viens de passer près d'une heure en attente (en 3 tranches de 15 à 20 minutes) avant de réussir à parler à un préposé francophone de SiriusXM Canada (radio satellite) au sujet d'un réabonnement. Entre le deuxième et le troisième essais, j'ai composé le «1» pour le service en anglais et obtenu une réponse immédiate! Cela vous arrive-t-il souvent?. À moi, oui.

Et pas seulement au téléphone. À chacune de mes visites au magasin Apple d'Ottawa (il n'y en a pas à Gatineau), j'exige de parler à un employé capable de me servir en français. Et là je reste planté dans un coin, à attendre qu'on trouve une expertise francophone, pendant que d'autres clients - dont plusieurs de langue française - passent devant moi pour être servis sans délai… en anglais.

Mais ce problème, car c'en est un, est répandu. À peu près tous ceux et celles qui appuient sur le «2» pour le service en français, ou qui demandent un interlocuteur francophone aux endroits où ils sont censés être disponibles, ont perdu des minutes, parfois des heures. En les raboutant, nous avons collectivement perdu des années!

Le plus récent à s'en apercevoir? Le Commissaire aux langues officielles, Graham Fraser, dans le rapport annuel 2013-2014 qu'il a rendu public la semaine dernière. Mécontent de se buter à des répondeurs en appuyant sur le «2» (pendant que le «1» apportait une réponse humaine immédiate) au Centre de services aux employeurs de Service Canada, un citoyen a décidé de porter plainte au Commissariat aux langues officielles (CLO), qui a décidé d'enquêter. Le problème serait réglé… pour l'instant.

Ce n'est là qu'une des 476 plaintes jugées recevables au cours de la dernière année par le CLO. Et même si toutes ne portaient pas sur les délais d'attente au téléphone ou en personne, toutes ont sûrement fait perdre du temps à ceux et celles qui se sont sentis lésés au point de porter plainte - une procédure qui exige temps, effort, et patience.

Mentionnons en passant une statistique qui ne fait pas partie du rapport annuel du Commissaire aux langues officielles et qui, à ma connaissance, n'a été rapportée que dans l'Ottawa Citizen. Des 476 plaintes recevables, 400 (84%) provenaient de citoyens de langue française. Dans un pays où les francophones forment moins de 25% de la population, cela en dit long sur la situation qui prévaut!

Les Anglo-Canadiens - la majorité qui décide toujours - ne perdent pas de temps, eux, à s'inquiéter des répercussions de leurs décisions pour les francophones du pays.

Le rapport annuel du CLO évoque la fermeture de la «Ferme de recherches Hervé J. Michaud», au Nouveau-Brunswick, ordonnée par Agriculture et Agroalimentaire Canada dans le cadre des coupes budgétaires. Les agriculteurs acadiens devront maintenant trouver ailleurs l'expertise francophone qui leur était offerte. Où la trouveront-ils, et quels délais devront-ils subir?

Et que penser de cette autre plainte d'un citoyen qui reçoit des communications du Musée canadien de l'histoire en anglais seulement parce que l'institution fédérale utilise des listes d'abonnés de magazines et que ce type (Jacques Thibault) achète la revue Maclean's? Combien de temps faut-il pour s'informer, et pour ensuite suivre la procédure de plainte?

Le Commissaire raconte aussi le cas d'un poste fédéral dans une zone bilingue où la direction d'Environnement Canada exige des compétences inférieures en français… Encore une fois, un fonctionnaire a dû s'astreindre à s'informer, puis à entreprendre une longue contestation…

Tantôt, c'est un employé fédéral (sûrement pas le seul) qui reçoit des documents unilingues anglais de son assureur. Combien de temps a-t-il dû endurer cette situation, pour finalement porter plainte au Commissaire? «J'ai vécu 10 années de frustration et de stress», dit-il…

Et ça, c'est sans compter les situations où il est impossible de composer le «2» parce que les services en français sont inexistants (dans le secteur privé surtout) ou parce que personne ne parle français…

Le rapport du Commissaire est toujours rédigé dans un langage élégant, de façon à donner l'impression d'une certaine égalité entre les collectivités anglophone et francophone du Canada… alors qu'une seule des deux langues est constamment malmenée: le français!

L'impression laissée après une lecture attentive du rapport annuel, c'est que le français est effectivement une perte de temps pour un grand nombre d'Anglo-Canadiens, et pas les moindres. Et le résultat, pour les francophones qui ont encore la volonté de protéger leur langue et leur culture, ce sont de nouvelles pertes de temps à quémander des droits qu'on aurait dû considérer acquis.

Le pire dans tout ça, c'est que la situation continue de se détériorer… For service in French, press 2… (attente) Your call is important to us, please hold… please hold… please hold...



11 commentaires:

  1. Y'a trois choses importantes en histoire: Le nombre, le nombre et le nombre --- http://www.dailymotion.com/video/x5hoo3_le-declin-de-l-empire-americain_fun

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    1. Il y a certes le nombre. Il y a aussi l'hypocrysie de nous faire croire que le canada est un pays bilingue. Qu'ils arrêtent de répendre ces mensonges et qu'ils le disent s'ils ne veulent plus nous servir dans notre langue et les plaintes cesseront. En attendant, ils n'ont qu';a assumer les anglo-canadians.

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    2. Would you prefer that we end the hypocrisy and repeal the Official Languages Act and make the language of majority in Canada be the one and only official language?

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    3. Troy, tu as raison! On fait comme en Belgique. Le Quebec Francais et le reste du Canada en anglais et la region de la capitale Ottawa bilingue. Qu'en penses-tu ?

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    4. De cette maniere, on parle en anglais en Ontario et toi tu parles en Francais au Quebec ?

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  2. "Lorsque Jean-Talon arrive en Nouvelle-France pour finalement investir sur la colonisation, à peine 60 ans après la fondation de Québec, il est déjà trop tard : il y a 40,000 colons anglais et hollandais en Nouvelle-Angleterre et à New York. Il n’y a que 6,500 âmes en Nouvelle-France. En Acadie, siège de la première colonie française (Port-Royal 1605, trois ans avant Québec,) porte d’entrée vers le St-Laurent et le reste de la Nouvelle-France, ils ne sont que 400. La France est la cigale, l’Angleterre, la fourmi." --- https://philippekeb.wordpress.com/2014/01/14/le-quebecois-et-le-syndrome-de-cendrillon/

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    1. Il faut tenir compte des contextes géopolitiques. C'est pas mal plus facile et attrayant au sud de notre beau coin de pays qui n'est pas un pays.

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    2. Hey, if you want to assign blame, blame it to Louis XIV, the King of France. He was the one prevented total colonization of New France by the Frenchmen.

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  3. «Il y a une langue officielle au Québec : le français et l’anglais.
    Il y a deux langues officielles au Canada : l’anglais. »
    — Caroline MORENO

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  4. Et pendant ce temps-là, à Montréal, on entre dans les magasins (y compris le « Apple Store ») et on nous accueille avec un « Bonjour/Hi » quand ce n'est pas avec un simple « Hi ». Vive le bilingual Canada!

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  5. Let me put this issue in a context. I do not see that much complain from the English community in Gatineau compared to the French community in Ottawa. Yet, Gatineau is much more unilingual than Ottawa. And in fact, francophones in Gatineau make complaints regularly about any shred of English in Ottawa.

    Deux poids deux mesures, peut-être?

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