mardi 20 novembre 2012

À quand un modeste petit Plan Ouest ?

Alors qu'on nous promet toujours pour la fin de l'automne 2012 l'ouverture du dernier tronçon de 18 km de l' « autoroute » 50 (je l'écris entre guillemets parce qu'elle n'a le plus souvent que deux voies, ce qui en ferait normalement une « route » et non une autoroute), je ne peux m'empêcher de réfléchir tout haut sur le triste état du réseau routier de l'Outaouais.

Il est vrai que les gens d'ici ont généralement accepté leur sort - quand j'étais petit on disait souvent avec résignation que Hull était le trou-de-cul du Québec - et que, sauf exception, nos députés n'ont pas péché par excès de vision, mais Québec doit assumer sa part de responsabilité. L'Outaouais a été abandonné à son sort d'excroissance québécoise d'une capitale en sol ontarien. Le sud du Témiscamingue aussi.

J'ai retrouvé il y a quelques semaines des vieilles cartes routières du Québec de la fin des années 1960 et du début des années 1970, une époque où, jeune journaliste, j'avais décidé de visiter le Québec et l'Acadie sur le pouce. On y voit déjà un réseau autoroutier développé autour du Saint-Laurent, reliant Montréal à Québec, à l'Estrie, à l'Ontario et aux États-Unis. En Outaouais, zéro autoroute et beaucoup de chemins de gravelle...

J'ai couvert la toute première annonce concernant l'autoroute 50 en avril 1970. C'était une promesse électorale du gouvernement de l'Union nationale sous Jean-Jacques Bertrand. Ça fait 42 ans de bouts de  route et de viaducs qui n'aboutissent nulle part alors que tout devait être terminé à la fin des années 1970... Ces bouts de route servent de promesses électorales depuis plus de quatre décennies! Et les ministres péquistes, autant que les autres, prenaient la 417 de l'Ontario pour se rendre à Ottawa et Hull-Gatineau...

Mais au-delà des vieilles récriminations autoroutières, ce qui frustre le plus, c'est que les routes de l'Outaouais, et en particulier le réseau urbain de Gatineau (4e ville du Québec, soit dit en passant), aboutit invariablement à un pont vers l'Ontario. Quand on regarde la carte, en 1970 comme en 2012, les routes donnent l'impression d'être des tentacules d'Ottawa - la vraie « capitale » de l'Outaouais.

La région de la capitale canadienne compte une population de plus de 1 200 000 habitants, dont environ 275 000 dans Gatineau et ses banlieues. L'axe démographique et économique est nettement nord-sud et depuis la fin des années 1960, le gouvernement fédéral a établi une lourde présence anglicisante au centre-ville de Gatineau. Sur le plan identitaire, l'isolement routier ici risque d'avoir des conséquences plus appréciables qu'ailleurs.

L'Abitibi et le Témiscamingue ont des problèmes routiers similaires mais (sauf dans la région de la municipalité de Témiscaming) cela a peu de conséquences culturelles. À Témiscaming, où la minorité anglophone assimile la majorité francophone, la route qui descend de l'Abitibi traverse la rivière des Outaouais et mène vers la région urbaine de North Bay, en Ontario. En Outaouais, la route 148 qui monte vers le nord-ouest finit sur l'Île-aux-Allumettes et débouche sur Pembroke, Ontario, siège d'un diocèse catholique anglicisant qui a toujours sous sa coupe les francophones du Pontiac québécois (Témiscaming est aussi rattachée à un diocèse ontarien).

«Une route principale entre Montréal et l'Abitibi qui passerait par le coeur de l'Outaouais recèle un potentiel démographique, économique et culturel énorme»

Le seul axe routier qui relie le nord-ouest québécois à Montréal, c'est donc la 117 qui part de l'Abitibi et passe dans l'extrême-nord de l'Outaouais (Grand-Remous) et les Laurentides pour aboutir à l'autoroute 15 à Ste-Agathe. Il existe pourtant un autre axe logique le long de rive québécoise de la rivière des Outaouais, partant de l'Abitibi, passant par le Témiscamingue, le reliant au Pontiac puis à Gatineau et l'autoroute 50 vers Lachute, Mirabel et la métropole. Il n'y a que 150 ou 160 km de route à construire entre Témiscaming et l'Île-aux-Alumettes. Ce ne serait pas le projet du siècle.

Mais l'existence d'une route principale entre Montréal et l'Abitibi qui passerait par le coeur de l'Outaouais recèle un potentiel démographique, économique et culturel énorme. Dans le sud du Témiscamingue et la région du Pontiac, on se sentirait pour la première fois intégré au Québec, plutôt que propulsé vers l'Ontario. Et il ne faut surtout pas sous-estimer l'effet à Gatineau.

Pendant qu'on voit grand avec un Plan Nord dans de vastes régions où tout est à faire, ne pourrait-on pas avoir notre modeste petit Plan Ouest pour mieux rattacher à l'ensemble du Québec des secteurs existants qui ont été trop souvent laissés pour compte...




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