jeudi 15 septembre 2011

2012, l’année des grands choix?

par Pierre Allard

Même si la fin du monde ne se produit pas en 2012, l’année prochaine pourrait bien signaler la fin d’un monde ou d’une époque au Canada. En effet, dans le sillage de l’élection du 2 mai, tous les astres sont alignés pour une conjonction, voire une collision d’influences discordantes qui risquent d’ébranler les fondations du pays.

L’élection d’un gouvernement majoritaire sans l’appui des Québécois a permis aux conservateurs de Stephen Harper d’entreprendre la mise en place d’une vision du Canada dans laquelle les francophones et le Québec apparaissent largement marginalisés.

Le retour de l’appellation « royale » pour la marine et l’aviation et l’affichage en masse des photos de Mme Windsor dans les ambassades et consulats canadiens en témoignent avec éloquence. Le Canada français n’a ni affection ni attachement pour la monarchie.

À Ottawa, on devait sans doute compter sur la bienveillance du Canada anglais et sur une absence d’hostilité ouverte envers la couronne britannique au Canada français. Les réactions plutôt timides au Québec semblent lui donner raison… pour le moment.

Mais l’affaire ne fait que commencer. En 2012, M. Harper et compagnie, s’ils sont logiques, voudront dérouler le tapis rouge pour le 60e anniversaire du jubilé de diamant de la reine Élisabeth et le 200e anniversaire de la guerre de 1812. À ceux et celles qui pensent qu’on a déjà trop de « royal » dans l’air… vous n’avez rien vu. La symbolique britannique sera omniprésente.

Entre-temps, la francophonie québécoise et pancanadienne se cherche. Pendant que l’interrogation identitaire des francophones se cristallise dans les provinces à majorité anglaise, le mouvement d’affirmation nationale a pris des tournures inattendues au Québec. La dynamique du débat entre fédéralistes et indépendantistes entre dans une nouvelle phase.

La très relative unité dans les rangs souverainistes a volé en éclats. Le Québec a manifesté sa « différence » en expédiant à Ottawa 59 députés « orange » aux allégeances floues. Ce qui reste du Bloc se cherche un chef sans trop de succès pendant que sur la scène provinciale, l’électorat semble parfois disposé à trouver refuge dans une coalition tout aussi floue sous la direction de François Legault.

Le Parti québécois, après avoir rebondi au dernier scrutin, a du mal à colmater des brèches qui semblent s’élargir de jour en jour et le leadership de Pauline Marois pourrait avoir du mal à survivre à la crise actuelle. La fragmentation de l’opinion souverainiste se poursuit sur le terrain malgré les multiples appels à l’unité et la tenue possible d’« états généraux » sur la souveraineté ne comporte aucune garantie.

M. Charest a probablement été tenté de précipiter des élections dans un contexte qui lui semble si favorable, mais le scénario comporte également des risques et à moins de prendre le pari de jouer le tout pour le tout, le Québec ira vraisemblablement aux urnes en 2012. Cette élection durant l’année la plus « royale » des conservateurs de Stephen Harper sera décisive.

La marginalisation des francophones et du Québec à Ottawa, déjà perceptible, convaincra l’immense majorité des souverainistes de se désintéresser du Parlement fédéral et du Bloc pour tourner toute leur attention vers l’Assemblée nationale. L’émergence de nouveaux groupes – Cap sur l’indépendance, le Nouveau Mouvement pour le Québec – n’est pas sans signification. Le climat rappelle un peu la volatilité de la fin des années 1960.

L’an prochain, à Ottawa, sous la façade royale, on charcutera encore dans la Fonction publique, et le pays poursuivra le parachèvement de sa nouvelle image militariste et anti-écologiste. Le Bureau fédéral de la traduction, en voie d’être amputé, aura toute la misère du monde à donner un visage français crédible à cette opération. Et les grandes questions identitaires deviendront un terrain de mines pour le NPD « binational » sans Jack Layton.

Stephen Harper a-t-il fait un mauvais calcul? A-t-il choisi un chemin que même un Québec dirigé par Jean Charest ne pourra pas suivre? Et surtout, a-t-il sous-estimé l’effet de sa vision du pays sur le bouillonnement qui marquera le Québec en 2012? L’heure des grands choix aura-t-elle sonné?

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